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Annexe n° 9 : l’organisation du ministère des armées en matière de numérique

Le ministère des armées se caractérise par une organisation très fragmentée de la responsabilité de ses SI. Cette organisation est à double entrée, organique et fonctionnelle.

Elle adopte tout d’abord une approche organique : les SI sont traités par les trois grands subordonnés du ministre : l’État-major des armées (EMA), la Direction générale de l’armement (DGA) et le Secrétariat général pour l’administration (SGA), qui disposent chacun de leurs propres ressources SI budgétaires et humaines.

L’organisation des SI du ministère suit également une catégorisation fonctionnelle : les SI sont scindés en trois grandes catégories traitées par chacun des trois grands subordonnés, selon une classification inchangée depuis 1998 :

- les systèmes d’information opérationnels et de communication (Sioc) sont placés sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (Cema) qui préside la commission associée (CSIOC),

- les systèmes d’information d’administration et de gestion (Siag) sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration (SGA), qui préside la commission des Siag (CSIAG),

- les systèmes relatifs à l’informatique scientifique et technique (SIST) sous la responsabilité du délégué général pour l’armement, qui préside également la commission de l’IST (CIST).

En sus de cette double organisation, des services du ministère œuvrent dans le champ des SI, dont le plus notable est la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (Dirisi), rattachée au CEMA et qui apporte son soutien essentiellement dans le domaine des réseaux ainsi que pour les questions ayant trait à l’usage d’internet et de la mobilité. Initialement centrée sur les armées, la Dirisi a vu ses compétences s’élargir au soutien du SGA.

Cette organisation, a pour effet une grande complexité dans la gouvernance des très nombreux SI du ministère des armées (plus de 2000 applications).

Comme le relevait la Cour dans son rapport de 2018 : « Cet éclatement des fonctions de pilotage stratégique en trois types de SI, l’absence d’une vision financière unifiée et l’intervention, pour les activités transverses, d’un ou plusieurs opérateurs ministériels, conduisent à un paysage complexe, dans lequel les lignes de commandement organique (par grand subordonné) ne sont pas nécessairement les mêmes que les lignes d’arbitrage budgétaire ».

L’organisation décentralisée des SI au ministère des armées a eu pour conséquence des lacunes dans la maîtrise des risques de projets SI et une difficile coordination entre les responsables, les utilisateurs et les financeurs des projets. L’absence de pilotage stratégique unifié des grands projets SI a pu ainsi amener les équipes portant les projets à effectuer des choix sur des critères essentiellement techniques, sans avoir de vision « de bout en bout », ni de volonté de mise en cohérence d’un écosystème global.

Deux illustrations peuvent être données de ces difficultés.

Le cas des SI logistiques (Sil) est instructif. Ils sont classés par défaut dans la catégorie des Sioc du ministère, dont ils représentent près de 40% du périmètre. Les Sil sont donc de la responsabilité du Cema, en tant que Sioc, mais sont pourtant utilisés dans des processus à caractère d’administration ou de gestion et concernent donc le SGA. Si des instances sont prévues pour harmoniser les besoins des utilisateurs (le CSIOC sous présidence de l’Ema) et associer plus étroitement l’Ema et le SGA (comité de gestion des Sil, Cogesil), les Sil illustrent les difficultés de dialogue et de gestion dans une organisation mêlant de façon matricielle des catégories (Sioc, SAIG, SIST) et des décisionnaires (Ema, DGA, SGA).

Le projet Scalp, mené par l’Ema est un deuxième exemple des difficultés induites par l’organisation du ministère sur un projet. Ce projet avait pour but de remplacer 23 applications hétérogènes utilisées par le service des essences des armées (SEA) par un seul SI intégré. Le projet Scalp a été lancé en 2011. Le marché de développement a été notifié en 2017 et l’application a été mise en service en janvier 2020. Classé comme un SIOC du fait de son appartenance à la sphère Ema, il a échappé à l’application d’un avis conforme de la DINSIC (les Sioc et les SIST sont du domaine réservé du ministère). De très nombreux acteurs sont intervenus sur le projet : le SEA comme utilisateur, les instances de l’EMA pour l’instruction du projet et la vérification de la cohérence d’ensemble, la Dirisi comme acheteur public du segment Sioc et un prestataire privé ainsi que des assistances à maîtrise d’ouvrage. De nombreux facteurs se sont combinés : la complexité du projet a été sous-évaluée ainsi que le volet des ressources humaines nécessaires, l’analyse des scenarii de réalisation et des risques ont été trop sommaires. Au final, le projet Scalp a connu des écarts tant de coûts (une augmentation des coûts de fonctionnement annuels : estimés à 0,4 M€ en 2015, ils sont chiffrés en 2019 à 1,5 M€ et des investissements : estimés à 1,78 M€ en 2012, ils sont chiffrés en 2019 à 8,8 M€236) que de délais (mise en service prévue initialement en janvier 2014 mais effective seulement en janvier 2020).

Depuis 2018, de nombreux changements ont été opérés au sein de l’organisation du domaine des SI du ministère des armées. Le ministère a ainsi élaboré un schéma directeur de la transformation numérique (SDNUM) signé en avril 2018 par la ministre des armées. Ce schéma prévoit l’élaboration par les trois grands subordonnés de leurs feuilles de route dans le domaine.

Mais le changement le plus notable concerne la création de la direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM), nouvel intitulé d’une direction générale (ex DGSIC), rattachée directement à la ministre des armées, créée par décret en 2006.

Aux termes du décret n°2018-532 du 28 juin 2018 fixant l’organisation du système d’information et de communication de la défense, le DGNUM assiste la ministre des armées, propose la politique ministérielle et assure la cohérence d’ensemble du SI de la défense en concertation avec les trois grands subordonnés, qui ont la responsabilité de la mise en œuvre de cette politique. La DGNUM doit donc piloter et organiser la transformation numérique du ministère, renforcer la gouvernance de ses SI.

Les trois grands subordonnés se sont progressivement organisés au cours de l’année 2018 pour se donner les moyens de mettre en œuvre la transition numérique.

236 Hors T2 et assistance à la maîtrise d’ouvrage. Avec ces deux postes, le coût total de l’investissement s’élève à 17,2 M€.

Le SGA a mis au point un « schéma directeur de la transformation numérique » qui concerne les services du secrétariat général (document en date de janvier 2019) et présente la démarche globale de transformation digitale pour les métiers administratifs du ministère avec trois objectifs : offrir une meilleure qualité de service à la communauté de défense et à ses usagers ; gagner en efficience ; simplifier le travail des agents. Les bénéficiaires de ce schéma directeur couvrent à la fois non seulement les diverses entités du SGA mais aussi des bénéficiaires de l’Ema et de la DGA.

L’état-major des armées s’est également organisé pour mener la transition des armées, directions et services (ADS) qui lui sont rattachés. Une division en charge du numérique et de la cohérence des programmes interarmées (NCPI) est en charge de ces missions sous l’autorité du major général des armées. Un officier général numérique (OGNum) assure la gouvernance de l’ensemble des SIC qui relèvent de l’autorité du Cema. Le réseau de transformation digitale de l’EMA a été placé sous l’autorité de l’officier général transformation digitale des armées (OGTDA) qui s’appuie notamment sur les directeurs de la transformation digitale (DTD) désignés au sein des ADS. Enfin, un officier général innovation (OGInnov) travaille en étroite collaboration avec l’OGTDA.

La DGA, quant à elle, a créé en son sein une Agence de l’Innovation et de la Défense (AID) le 1er novembre 2018. L’AID doit fédérer l’ensemble des projets d’innovation du ministère, par le biais de partenariats en ouverture avec le monde civil et l’Europe. Pour favoriser l’ouverture sur le monde civil, l’agence s’est dotée d’un lieu hors du site de Balard

« l’innovation defense lab » qui abrite une « fabrique numérique » pilotée par la DGNUM et la Dirisi.

Si la montée en puissance de la transformation numérique est patente au sein du ministère des armées, il faut relever que la DGNUM n’a pas d’ascendant sur les trois grands subordonnés.

Si elle a une vision globale sur l’écosystème des SI du ministère des armées, elle n’a pas de pouvoir de décision. Des avancées ont toutefois été réalisées. La DGNUM a désormais un visa conforme, semblable à la procédure de l’article 5 de la Dinum, pour tous les projets SI répondant à des caractéristiques de coût prévisionnel (seuil de 5 M€ - coûts de maintien en condition opérationnelle inclus) ou présentant un fort enjeu ministériel. Cependant, l’article 5 du décret n° 2018-532 prévoit qu’en cas d’avis non conforme, l’autorité responsable peut demander un nouvel examen du projet et en cas de second avis non conforme peut le porter à la décision de la ministre, affaiblissant ainsi la notion d’avis conforme.

De même, la DGNUM vise les plans d’investissement à 3 ans élaborés par les trois grands subordonnés avant validation par la ministre. Mais s’agissant des projets à fort enjeu ministériel, la DGNUM n’est pas encore en mesure d’identifier suffisamment tôt les projets répondant à ces caractéristiques, tel le projet Scalp, pour pouvoir les suivre. On constate donc que si l’État a bien organisé une convergence du pilotage stratégique autour de la Dinum, le ministère des armées n’a pas complètement opéré le même mouvement avec la création de sa DGNUM, en privilégiant toujours une organisation très décentralisée. Si la nouvelle organisation donne un plus grand poids à la nouvelle DGNUM, une grande partie de la réalité de son pouvoir repose sur sa capacité à agir en concertation avec les trois grands subordonnés et sur le soutien que peut lui apporter le cabinet de la ministre.

Annexe n° 10 : la fonction numérique ministérielle

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