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2. Analyses multi-techniques des UCAMMs

2.7. Analyses des UCAMMs en spectroscopie Infra-Rouge (IR)

De nombreuses analyses Infra-Rouge (IR) et Raman de micrométéorites sont menées depuis 2010 dans le cadre de la collaboration IAS-CSNSM. Les analyses par micro-spectroscopie infrarouge (µ-FTIR) présentées ici ont été effectuées au synchrotron SOLEIL (Saint-Aubin, France) sur la ligne SMIS (Spectroscopy and Microscopy in the Infrared using Synchrotron) sous la direction de E. Dartois (IAS, Orsay).

Le spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (spectroscopie FTIR, pour Fourier Transform Infrared spectroscopy) :

67 Les sources IR utilisées sont une source Globar (barreau de carbure de silicium (SiC) chauffé entre 1000 et 1600°C ou une source synchrotron (SOLEIL). Le rayonnement traversant l’échantillon est modulé par un interféromètre de Michelson et analysé par un détecteur MCT (Mercure Cadmium Tellure) afin d’obtenir son spectre de transmission9. L’interféromètre module le signal au moyen d’une lame séparatrice (en KBr) qui divise l’onde incidente et envoie chacun des deux faisceaux vers un miroir; l’un est fixe et l’autre est mobile. Lors de l’acquisition du spectre, ce miroir mobile se déplace régulièrement, conduisant, après superposition de ces deux ondes, à une figure d’interférence qui est enregistrée par le détecteur en fonction de la différence de marche. Le spectre est obtenu par la transformée de Fourier de l’interférogramme. L’avantage majeur de cette technique est que l’ensemble des longueurs d’onde est étudié simultanément, ce qui conduit à un gain de temps important et permet l’acquisition de plusieurs spectres pour augmenter le rapport signal/bruit du spectre final.

L’enregistrement et l’analyse des spectres :

Les spectres sont acquis grâce au logiciel OPUS (Bruker), entre 7500 et 400 cm-1 (lorsqu’un substrat de KBr est utilisé) avec une résolution de 2 cm-1. Les spectres présentent des bandes d’absorption caractéristiques de la structure du matériau. En effet, ces bandes sont caractéristiques des différents modes de vibrations des liaisons entre les atomes présents dans le matériau. Les modes d’élongation des liaisons C-H se situent entre 2800 et 3100 cm-1, et les modes de pliage correspondants sont entre 1300 et 1500 cm-1. La région autour de 1600 cm-1 correspond aux élongations des liaisons C=C, et les modes d’élongation des liaisons du squelette carboné (C-C et (C-C=(C-C) sont entre 1000 et 1500 cm-1. La région des nombres d’onde inférieurs à 1000 cm-1 est celle des pliages hors-plan des liaisons C-H. De plus, on observe parfois de faibles bandes d’absorption autour de 1710 cm-1 et 3400-3500 cm-1, respectivement dues aux élongations des liaisons C=O et O-H.

Les analyses sur les UCAMMs :

Les spectres infrarouges ont été enregistrés sur un microscope NicPlan, couplé à un spectromètre FTIR Magna 860 (Thermo Fisher) opérant en transmission. La source IR était soit la source de lumière synchrotron externe, soit la source interne Globar. La première offrant une meilleure résolution spatiale et une meilleure intensité que la deuxième. Le faisceau IR focalisé sur les échantillons (objectif ×32) est défini par des ouvertures ajustées au-dessous de quelques microns, au mieux un carré de 5 × 5 µm de largeur est utilisé. Ceci offre la plus haute résolution spatiale pour mapper les variations de composition dans les UCAMMs. L’infrarouge moyen (gamme : 6000-650 cm-1) est couverte avec un détecteur MCT refroidi à la température de l’azote liquide. Pour augmenter le rapport signal sur bruit (S/N) dans la région du mode de vibration du groupement nitrile, plusieurs spectres ont été enregistrés avec la source Globar interne avec des ouvertures plus larges (15 × 15 µm).

À l’heure actuelle 8 UCAMMs ont été analysées en IR et le traitement des données est en cours. Nous ne reportons ici que les spectres concernant les particules qui seront étudiées en SIMS au chapitre 5 (particules DC94 et DC65, voir Figure 2-40).

Comme nous l’avons montré sur les analyses EDX précédentes, on vérifie ici que la composante minérale est nettement plus élevée dans la particule DC94 que dans la particule DC65. Cette composante est visible sur la partie entre 1200 et 800 cm-1 (voir Figure 2-41). Dans cette région, le spectre IR est dominé par la signature des silicates (les modes d’élongation des liaisons Si-O), les sulfures n’étant que très difficilement détectables en IR. On notera que le fragment de DC94 analysé en IR n’est pas le même que celui analysé en SIMS, ce qui montre la présence globale de minéraux dans cet échantillon.

9 La transmittance T est une fonction de la longueur d’onde λ (en nm) (ou du nombre d’onde σ = 1/λ (en cm-1)). Elle correspond au rapport des intensités mesurées après traversée de l’échantillon et d’un substrat propre. La profondeur optique τ est définie par T(λ) = exp(‒τ).

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Figure 2-40. Spectres IR mesurés sur les fragments de DC65 et DC94 (Dartois et al. 2013).

L'abondance en matière organique et en minéraux est variable d’une particule à l’autre et au sein d’une même particule. Certains grains présentent une composante minérale clairement visible sur les cartographies EDX alors que pour d’autres la composante minérale est quasiment négligeable. Il n’est pas trivial d’estimer le rapport minéraux/MO. Une première approche consiste à simplement faire le rapport des zones sombres et claires dans l’image MEB en BSE (Duprat et al. 2010). On obtient alors un rapport de la surface de cette matière organique sur la surface occupée par les minéraux. La très forte abondance en C dans la DC65 offre la possibilité de mesurer l’intensité de la structure C=C aromatique et donc de remonter à la teneur en C aromatique (Dartois et al. 2013). La focalisation à l’aide d'un microscope optique permet d’estimer l’épaisseur de l’échantillon à 3 ± 0.5 µm. Cette épaisseur est confirmée par les franges d’interférences des spectres IR obtenues avec la plus petite fenêtre ouverture. À partir de cette épaisseur, il est possible de calculer la profondeur optique de la bande C=C à 1590 cm-1 (Dartois et al. 2013).

Il est possible d’obtenir par micro-spectroscopie IR une estimation du rapport Si/C des UCAMMs. En supposant une force de bande de 1.6×10-16 pour les silicates (Dartois 1998) et en supposant que l’essentiel du carbone est sous forme C=C, on obtient un rapport Si/C de 1-2% pour la particule DC94. Le fait que les bandes associées aux minéraux ne soient quasiment pas discernables sur le spectre de la particule DC65 indique que son rapport Si/C doit être inférieur à 1%.

À partir de la décomposition du spectre IR (voir Figure 6 dans (Dartois et al. 2013)) de la particule DC65, il est aussi possible d’estimer que la limite supérieure du rapport carbonyle sur aromatique (C=O/C=C) dans la MO des UCAMMs est de quelques pourcents (Dartois et al. 2013). C'est une différence majeure avec l'IOM chondritique, où la bande C=O à 1710 cm-1 est clairement visible (voir Figure 2-42).

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Figure 2-41. Spectres en IR moyen corrigés de la ligne de base obtenus sur le fragment DC94 aux positions montrées sur l’image du dessus. Les signatures spectrales autour de 1000 cm-1 (en bleu) mettent en évidence la diversité minérale au sein du fragment DC94. Une comparaison avec des spectres calculés de silicates synthétiques (enstatite et forsterite) est donnée en bas des spectres. Figure extraite de (Dartois et al. 2013).

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Figure 2-42. Spectres en µ-FTIR de l’IOM chondritique pour les régions 2800-2700 cm-1 et 1900-800 cm-1. Quatre groupes (A – D) sont représentés, basés sur des caractéristiques spectrales communes. Figure extraite de (Kebukawa et al. 2011).

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