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MATÉRIEL ET MÉTHODOLOGIE

6. Analyse comparative

Les résultats de la présente étude ont été comparés à ceux de l’étude faite en 2007 dans laquelle les centres d’hébergement québécois ont été recensés et sondés sur leur offre de soins buccodentaires. Puisque l’étude de 2007 est un recensement, ses résultats n’ont aucune incertitude et peuvent donc être utilisés tels quels. C’est pourquoi, lors des comparaisons, les résultats de l’étude de 2007 ont été comparés à ceux de la présente étude en utilisant les intervalles de confiance générés à partir des analyses de cette étude. Des résultats à l’extérieur des intervalles de confiance signifient une différence significative entre les résultats, alors qu’une donnée se situant à l’intérieur de l’intervalle de confiance ne permet pas de conclure à une différence significative entre le Québec et les autres provinces canadiennes.

6.1 Clinique dentaire fixe

Aucune différence significative n’est notable entre le nombre de centres d’hébergement québécois et ceux des autres provinces canadiennes quant à la présence d’une clinique dentaire dans l’établissement (QC = 10,60 %; CAN = 11,71 %, I.C. 95 % [2,24-21,18]). Les centres d’hébergement possédant une clinique dentaire sont rares, ce qui laisse donc supposer que la majorité des traitements dentaires en centre d’hébergement se font à l’aide d’équipement mobile ou qu’ils sont inexistants sans transfert vers une clinique dentaire privée.

6.2 Soins portatifs

Les centres d’hébergement publics québécois sont significativement moins nombreux à offrir des soins buccodentaires portatifs à leurs résidents que les centres d’hébergement des autres provinces canadiennes (QC = 44,85 %; CAN = 61,41 %, I.C. 95 % [50,61-72,22]). Sachant que très peu de centres d’hébergement possèdent une clinique dentaire dans leur établissement, les soins portatifs deviennent la seule solution disponible pour traiter les patients en perte d’autonomie pour qui le transport peut être très difficile et fatigant. De plus, pour un dentiste, les soins portatifs demandent plus de planification et augmentent le temps de préparation avant les

traitements, sans compter que le dentiste doit débourser une somme d’argent importante afin de se procurer l’équipement dentaire mobile. Le centre d’hébergement doit aussi offrir une salle suffisamment grande permettant au dentiste et son équipe d’installer leur équipement de façon efficace et confortable. Par ailleurs, ce type de pratique n’est peu ou pas enseigné aux étudiants des programmes de médecine dentaire au Québec, ce qui peut décourager les dentistes à se lancer dans une pratique inconnue, peu attrayante et plus compliquée. Il n’y a pas d’évidence que ce type de pratique est enseigné davantage dans les autres facultés dentaires canadiennes. Bien que les données de cette étude laissent penser que les dentistes québécois offrent moins de soins buccodentaires portatifs que ceux du reste du Canada (Tableau X), il faut être prudent sur l’interprétation de ces résultats. En effet, certaines provinces importantes en population comme l’Ontario et la Colombie-Britannique semblent être très actives dans le domaine des soins buccodentaires portatifs, ce qui donne l’impression que le Québec est à la remorque du reste du Canada. Une analyse par province avec un échantillon plus grand pourrait donc modifier ces résultats et démontrer des écarts différents et moins importants que ceux présentés dans cette étude.

L’étude de MacEntee et coll. effectuée en 1992 a questionné les dentistes de Vancouver à propos des soins buccodentaires en centre d’hébergement [19]. MacEntee a identifié plusieurs raisons qui expliquent pourquoi les dentistes ne sont pas attirés par la pratique en centre d’hébergement (manque d’équipement, méthode de paiement, manque de temps dû à la pratique en clinique privée) qui pourraient être rapportées par les dentistes québécois également. Davantage d’études se penchant sur les motivations et les barrières qui empêchent les dentistes de se lancer dans la pratique mobile sont nécessaires afin d’approfondir et de mieux comprendre ce sujet. Encore une fois, il faut garder à l’esprit que le Canada est un grand pays dont la santé est de responsabilité provinciale et qui présente une grande diversité sociale et culturelle à travers les provinces. Il importe donc d’être prudent dans les conclusions et considérer ces disparités dans l’analyse des données de cette étude.

6.3 Offre de soins

L’analyse des résultats démontre qu’il n’existe pas de différence significative dans l’offre de soins buccodentaires entre le Québec (35,00 %) et l’ensemble des autres provinces canadiennes

(38,26 %, I.C. 95 % [30,02-46,49]). Il est donc impossible de confirmer la deuxième hypothèse de recherche de cette étude qui stipule que : Il existe une différence significative dans l’offre et l’utilisation de soins buccodentaires pour les aînés résidant dans les centres d’hébergement publics au Québec et ceux résidant dans les autres provinces canadiennes. Seuls les centres d’hébergement publics des provinces du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador offrent significativement moins de soins buccodentaires à leurs résidents que le Québec. (NB = 18,10 %, I.C. 95 % [2,24-33,96]; TNL = 7,00 %, I.C. 95 % [0,00-20,36 %]). L’Ontario est la seule province à offrir significativement plus de soins buccodentaires à ses résidents en centre d’hébergement public que le Québec (ONT = 63,61 %, I.C. 95 % [45,91-81,31]). Il est important de noter qu’il est difficile de comparer les données québécoises avec les données canadiennes mises en commun en raison de la disparité tant économique que sociale et climatique entre les régions. Les responsables constitutionnels des soins de santé sont les provinces et les programmes et priorités peuvent varier d’une province à l’autre. Il n’y a pas d’unicité d’action, mais une multitude d’actions selon les régions du pays.

Par ailleurs, bien que les centres d’hébergement québécois transfèrent significativement moins leurs résidents en clinique dentaire privée (QC = 60,80 %, CAN = 70,94 %, I.C. 95 % [62,64- 79,24]), ils le font plus en milieu hospitalier que leurs confrères canadiens (QC = 17,94 %, CAN = 6,57 %, I.C. 95 % [2,40-10,75]). Il est possible que l’organisation des soins buccodentaires hospitaliers soit différente au Québec que dans les autres provinces canadiennes, ce qui pourrait expliquer cette différence.

Les dentistes québécois visitent les centres d’hébergement sur une base moins régulière que leurs confrères des autres provinces canadiennes. En effet, au Québec, parmi les centres d’hébergement recevant les services d’un dentiste, seulement 16,28 % d’entre eux bénéficient des services du dentiste sur une base régulière, contre 50,06 % dans les centres d’hébergement des autres provinces canadiennes, cette différence étant significative (I.C. 95 % [30,11-70,01]). Il ne faut toutefois pas oublier, comme mentionné précédemment, que des différences existent entre chacune des provinces et qu’une analyse comparative entre chacune des provinces pourrait amoindrir considérablement l’écart existant entre le Québec et les autres provinces canadiennes. Ainsi, au Québec, le dentiste vient pratiquer en centre d’hébergement majoritairement sur demande et réfère plus souvent ses patients en perte d’autonomie en milieu hospitalier que ses

confrères des autres provinces canadiennes. Ces résultats peuvent traduire, au Québec, un manque de confiance pour traiter les patients souvent médicalement compromis, à mobilité réduite ou offrant peu de coopération lors des traitements dentaires. Il est aussi possible de supposer que la structure et l’organisation des soins buccodentaires au Québec et la culture favorisent la référence en milieu hospitalier ce qui sécurise le dentiste en mettant dans les mains des dentistes de pratique hospitalière le sort des patients en perte d’autonomie dans un milieu ou la complexité médicale des patients peut plus facilement être prise en charge. Il est aussi possible que cette référence soit le reflet de la complexité des cas, étant donné que les dentistes québécois font moins de suivi sur une base régulière et se déplacent beaucoup en urgence. Il se peut aussi que les patients référés le soient à un degré plus avancé de démence et avec une situation dento- médicale plus complexe à résoudre, ce qui rend le dentiste plus confortable à référer son patient dans un milieu où la prise en charge lui semble plus appropriée. Il est possible que les patients continuent plus longtemps de consulter leur dentiste de pratique privée et que celui-ci, compte tenu de sa pratique, hésite à les traiter en raison de leur état médical, qu’il est inquiet de leur offrir des soins dans sa clinique et les réfère plus souvent. Ces résultats signifient également qu’au Québec, autant que dans les autres provinces canadiennes, les dentistes sont probablement appelés plus souvent à traiter des urgences dentaires comme des douleurs ou des infections/enflures qu’à faire des visites de prévention ou de dépistage, ce qui laisse planer un doute sur la gestion des besoins de ces patients : combien de temps attendent-ils avant de recevoir la visite d’un dentiste? Reçoivent-ils des médicaments supplémentaires afin de tenter de soulager la douleur en attendant la visite du dentiste ? Ces résultats démontrent l’importance du développement nécessaire des soins buccodentaires en centre d’hébergement à travers une armée de dentistes généralistes formés suffisamment afin d’être à l’aise à traiter de façon optimale ces patients. En effet, tant que le modèle de soins buccodentaires actuel ne sera pas modifié afin d’offrir à la majorité des résidents en centre d’hébergement des soins buccodentaires à domicile, les dentistes généralistes travaillant en clinique dentaire privée seront appelés à couvrir les demandes urgentes et de suivi des soins nécessaires pour ces patients. À cet effet, la formation universitaire des dentistes généralistes devrait également s’adapter afin de mieux former les futurs dentistes à traiter de plus en plus de patients médicalement compromis, offrant peu de coopération et ayant des besoins buccodentaires particuliers, en plus de se déplacer à leur domicile avec l’équipement approprié.

Ainsi, selon la définition de la présente étude, moins de la moitié des centres d’hébergement québécois et canadiens offre des soins buccodentaires à ses résidents. De plus, les résultats démontrent que l’offre de soins buccodentaires ne diffère pas significativement entre le Québec et les autres provinces canadiennes, mais que les besoins ne semblent pas être comblés également et de la même façon partout à travers le pays. En effet, au Québec, les professionnels de la santé buccodentaire visiteraient majoritairement les centres d’hébergement sur demande tandis que dans les autres provinces canadiennes, les visites se feraient en moyenne, surtout sur une base régulière. De plus, les centres d’hébergement des autres provinces canadiennes offriraient significativement plus de soins buccodentaires portatifs à leurs résidents que ceux du Québec et ils seraient également significativement plus nombreux à transférer leurs résidents en clinique dentaire privée. Les centres d’hébergement québécois seraient, quant à eux, plus nombreux à transférer leurs résidents en milieu hospitalier pour y recevoir des soins buccodentaires adaptés à leurs besoins. Certaines provinces étant plus actives que d’autres, l’écart entre le Québec et le reste du Canada serait possiblement moins grand si la comparaison était faite sans ces provinces qui se trouvent dans une catégorie à part. Tant au Québec que dans les autres provinces canadiennes, les résidents des centres d’hébergement sont trop souvent soumis à un transport hors du centre d’hébergement qui est inévitable et qui peut diminuer considérablement leur coopération lors des traitements dentaires. Le modèle de soins actuels est constitué pour répondre aux besoins de personnes ambulantes qui ne présentent pas ou peu de problèmes de santé. Les résultats démontrent une offre de soins buccodentaires en centre d’hébergement qui est encore insatisfaisante, mais en évolution, et si une amélioration est souhaitée, elle doit s’opérer non seulement par les dentistes, mais à travers tous les acteurs du système de santé en centre d’hébergement. En effet, les gouvernements, les dirigeants du milieu, les professionnels de la santé générale et buccodentaire et les soignants doivent s’unir afin d’établir un système de soins buccodentaires adapté aux besoins et aux capacités des aînés en perte d’autonomie afin d’améliorer leur qualité de vie ainsi que leur santé générale.

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