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Dans une région très étendue, modérément contrainte par sa to-pographie, bénéficiant d’un climat favorable, ce sujet ne tombe pas sous le sens. En effet, pourquoi densifier si on a la place de s’étaler ? Pourquoi regrouper quand on peut s’isoler ?

Une photo aérienne récente de la plupart des villages de la ré-gion, en tous cas de ceux qui sont en périphérie des grandes villes ou en zones tendues, montre une nappe de pavillons et de zones d’activités et de commerces qui contraste, en superficie comme en qualité, avec un centre historique qui se réduit sou-vent à un micro-cercle. Or, ce micro-cercle a été bâti depuis des centaines d’années, tandis que la nappe, elle, s’est étalée en quelques décennies seulement : projetons simplement ce qui a été consommé par cette nappe en 50 ans pour imaginer la situa-tion de nos paysages dans 100 – 150 ans !

Cet étalement est source de réduction des terres agricoles qui nous font vivre, d’impact sur la biodiversité, de détérioration de nos paysages, et aboutit donc à une perte d’identité de nos ter-roirs. Il est également un surcoût colossal pour les collectivités qui doivent étendre et entretenir des kilomètres de réseaux, comme pour les particuliers qui s’éloignent de leurs lieux de tra-vail et passent du temps et de l’argent en transports.

Avoir son pavillon sur 1000m² de terrain n’est pas la voie de la raison : d’autres formes urbaines, plus denses, assurent à ses

Les deux versants de la région Occitanie sont soumis à une forte croissance démographique, qui s’accompagne d’une pression im-portante sur le foncier : l’ex Languedoc-Roussillon a vu sa popu-lation doubler en 60 ans et l’arc méditerranéen concentre désor-mais 70 % de la population régionale sur 30 % du territoire. L’ex Midi-Pyrénées a gagné près de 600 000 habitants en trente ans et 300 000 nouveaux arrivants se sont installés dans l’aire ur-baine toulousaine au cours des 30 dernières années.

Cette croissance s’est très largement développée au travers d’un étalement urbain débridé et d’une forte artificialisation des terres, malgré un phénomène de densification plus récent. En soixante ans, la superficie urbanisée du Languedoc-Roussillon a triplé, progressant fortement dans les années 1980 marquées par une périurbanisation sous forme d’habitat individuel et le développe-ment des zones touristiques, avant de ralentir légèredéveloppe-ment dans la dernière décennie sous l’effet de la pression foncière, de la prise en compte des risques et des enjeux environnementaux et de la mise en place de documents d’urbanisme plus restrictifs.

Cette évolution est plus récente en Midi-Pyrénées où le territoire reste essentiellement couvert par des terres agricoles, à 55 % en 2014 contre seulement 36 % en Languedoc-Roussillon (source : ministère de l’agriculture, statistique agricole annuelle). Entre 1990 et 2009, la tache urbaine a fortement augmenté, et la densi-té régionale est passée de 56 hab/km² à 63 hab/km², avec de grands écarts selon les territoires. Sur la grande région, le taux de terres agricoles est de 48 % en 2014, en baisse de 5 % depuis 2000 (-3,6 % en MP et -8,1 % en LR), et la progression des terri-toires artificialisés est plus rapide que la moyenne nationale (chiffres 2000-2006).

lement à une densification des espaces déjà urbanisés. Malgré les efforts de densification dans certaines villcentres, les es-paces situés dans les couronnes des aires urbaines et le long des axes de circulation structurants, se remplissent. La ville se construit encore aujourd’hui :

• dans les «entre-deux» du littoral (Nîmes-Montpellier, Mont-pellier-Béziers, Béziers-Narbonne, Plaine du Roussillon et au-de-là vers l’Espagne) ; en dehors de Montpellier, les grandes agglo-mérations continuent de s’étaler ;

• à l'intérieur des aires urbaines de Toulouse et des villes moyennes du système métropolitain toulousain « en étoile » : la dynamique de l’aire urbaine de Toulouse inclut dorénavant dans son développement l’ouest du Tarn, le sud du Tarn-et-Garonne (Montauban), le nord de l’Ariège (Pamiers), l’est du Gers (l’Isle Jourdain) et l’ouest de l’Aude. Ce développement est facilité par l’absence de contraintes géographiques qui pourraient en limiter la progression.

Parallèlement, en raison d'un mitage persistant et quasi générali-sé, et de formes urbaines consommatrices d'espaces, la tache ur-baine continue d'augmenter significativement. Ainsi, à l’extérieur des aires urbaines, dans les espaces plus ruraux, le mitage est visible partout, sauf dans les zones présentant des contraintes géographiques (Pyrénées, Montagne Noire…).

D’un point de vue qualitatif, ces formes d'urbanisation posent question : la maison individuelle, sur un grand terrain ou au sein d’un lotissement, constitue le modèle dominant, particulièrement dans les couronnes des aires urbaines. Entre 2000 et 2014, les maisons individuelles représentent près de 60 % des logements neufs, voire plus des trois-quarts dans les départements plus ru-raux (Ariège, Gers, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lozère). Seuls les grands pôles connaissent une baisse régulière de la superficie

médiane des terrains : au cours de la dernière décennie, la consommation d’espace par habitant supplémentaire est de 600 m² en Languedoc-Roussillon, cette moyenne cachant de fortes disparités (de 400 m² à plus de 3000 m² par habitant sup-plémentaire en fonction du département).

Au fil du temps, si les zones sous pression urbaine (les centres d’agglomération et le littoral) ont accru leur densité et si la part des immeubles collectifs tend à augmenter, le modèle des lotisse-ments de maisons individuelles se substituant à l’habitat groupé des centres-bourgs ou villages reste dominant dans les zones pé-riurbaines et les arrières-pays. La prise de conscience des limites de l’étalement urbain lié au logement est en marche, accompa-gnée par les textes et des formes urbaines innovantes : ville du-rable, écoquartiers voire écocités, appel à manifestations d’inté-rêts centres-bourgs, dispositif AIDER (Accompagnement Intermi-nistériel au Développement et à l’Expertise en milieu Rural), Pro-gramme National de Requalification des Quartiers Anciens Dé-gradés (PNRQAD), Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH), ateliers des territoires…

Cependant la consommation récente d’espaces en faveur des zones d’activités économiques et des zones commerciales dans les périphéries des agglomérations, souvent monofonctionnelles (notamment zones commerciales ou spécialisées dans les activi-tés logistiques), contribue à cette urbanisation consommatrice d’espace et ne semble pas en voie d’être jugulée. Parfois ces nouvelles zones ne font que déplacer des activités pré-exis-tantes, générant alors des friches industrielles ou commerciales, plus ou moins stérilisées et difficiles à reconvertir.

En 2013, l'Agence d’Urbanisme et d’Aménagement Toulouse aire urbaine (AUA/T) a recensé le potentiel de foncier disponible dans les zones d’activités existantes ou en projet de plus de 30

hec-tares sur le territoire du grand bassin toulousain : elle a pu esti-mer une capacité d’accueil suffisante pour les 27 prochaines an-nées dans l’agglomération toulousaine, et pour les 76 prochaines années hors agglomération toulousaine, alors que les collectivités continuent de lancer de nouveaux projets. Partout, la consomma-tion d’espace par les activités se développe à un rythme supé-rieur à celui observé par les logements.

Enfin, ce fort développement de l’urbanisation se situe essentiel-lement sur les meilleurs sols agricoles de la région. L'impact est double :

• une baisse généralisée de la surface agricole utile sur toute la région entre 2006 et 2013. En effet, les nouvelles sur-faces urbanisées se font principalement au détriment de l’espace agricole et dans une moindre mesure, des espaces naturels.

• de fortes tensions apparaissent lorsque les changements d’occupation du sol s’opèrent puisque c'est historiquement à proximité des villes que l’on trouve les sols de très bonne qualité.

L’étalement urbain, le morcellement des terres agricoles, les contraintes liées à la proximité des habitations et la spéculation foncière qui déstabilise les marchés fonciers agricoles, mettent en danger la pérennité de l’activité agricole, déjà fragilisée par ailleurs.

De plus, ce développement démographique et économique af-fecte également des territoires vulnérables soumis aux risques qui doivent faire l'objet d'une action foncière importante en ma-tière de préservation de l'environnement et de prévention des risques naturels et technologiques.

Ainsi, la région bénéficie d'un patrimoine naturel riche, varié et de

nombreux facteurs liés à une progression non maîtrisée de l’urba-nisation pèsent sur ce patrimoine : consommation des espaces naturels et agricoles par l’étalement urbain, augmentation conti-nue de l'émission de gaz à effet de serre, inquiétudes sur les res-sources en eau, sur l'avenir du patrimoine bâti et paysager, sur la préservation de la biodiversité.

La progression de l’urbanisation est enfin un facteur de pression foncière et immobilière qui se propage sur tout le territoire (prix des terrains à bâtir et des logements en hausse) et rend difficile l’accession au logement : sa maîtrise est donc un enjeu majeur pour la protection de son patrimoine exceptionnel tout autant que pour garantir un accueil harmonieux des populations.

Le SRADDET, en tant que document d’aménagement régional, se doit d’alimenter, voire de structurer, les stratégies foncières des documents d’urbanisme infra-territoriaux. Il doit donc par lui-même porter une véritable stratégie foncière régionale. Dans une région à la fois extrêmement attractive et conservant une voca-tion agricole, patrimoniale et naturelle majeure, cette stratégie foncière doit être adossée à un objectif de gestion économe de l’espace (cf. concepts et concrétisation dans le guide « Gestion économe de l’espace : quelles traductions dans les SCoT ? », décembre 2016), afin de :

• protéger le foncier agricole des risques de déstabilisation engendrés notamment par les effets de la métropolisation, en préservant les espaces agricoles en zone urbaine et péri-urbaine, souvent de qualité, pour le développement des circuits de proximité, mais également au bénéfice des continuités écologiques ;

• garantir des prix du foncier supportables pour la

construc-• s’inscrire dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre en encourageant l’intensification urbaine dans les territoires ;

• préserver le cadre et la qualité de vie ;

• « recycler » les sites et friches industriels, tout en tenant compte des éventuelles nécessités de dépollution ;

• réhabiliter le bâti ancien dans les centres-bourgs, l’adapter aux attentes et besoins actuels et si nécessaire le démolir pour aérer et dé-densifier ponctuellement l’espace urbain.

La stratégie foncière pourra utilement s’appuyer sur les outils fon-ciers en cours de déploiement à l’échelle régionale : la (ou les) SAFER pour le foncier agricole, l’établissement public foncier d’État et les EPF locaux pour le foncier à vocation d’habitat ou d’économie.

Une illustration de l’évolution de l’étalement urbain entre 2003 et 2013, par le rapport entre la surface urbanisée sur l’évolution démographique sur la même période.