L’enjeu de chercher des solutions pour am´eliorer les propri´et´es du syst`eme
FePt ne s’est pas seulement limit´e au moyen d’augmenter la coercivit´e. Comme
cela a ´et´e ´evoqu´e pr´ec´edemment, le FePt est consid´er´e comme l’un des candidats
les plus prometteurs pour la r´ealisation de supports d’enregistrement magn´etique,
car la grande valeur de densit´e d’´energie d’anisotropie qui peut ˆetre obtenue avec
ce syst`eme permet de r´eduire consid´erablement la taille des grains56 (2.8nm[40])
sans qu’une instabilit´e thermique ne se produise [224]. Cependant, comme pour les
autres syst`emes poss´edant une phase L10 (FePd, CoPt), il existe une limitation `a
leur application directe au niveau de ces supports. Il est n´ecessaire, pour former
cette phase, d’avoir recours `a des traitements thermiques `a des temp´eratures
´ele-v´ees. Un tel traitement thermique peut ˆetre la source d’une augmentation de la
taille des grains, avec pour cons´equence une augmentation du couplage
intergranu-laire, lui mˆeme source de bruit au niveau de la lecture et de l’´ecriture magn´etique.
Ainsi en plus de chercher un moyen d’am´eliorer la coercivit´e du syst`eme FePt, il y
a eu aussi celui de trouver un moyen de r´eduire la temp´erature de mise en ordre,
qui est de 400°C (dans le meilleur des cas) voire 500°C. Parmi ces ´etudes, on peut
citer les travaux de Lai et al. [225] qui, sous irradiation avec des ions-He, arrivent
`
a former la phase L10 `a une temp´erature57 de 230°C avec une coercivit´e de 0.57T
et parviennent `a augmenter consid´erablement cette derni`ere (µ0HC ≃ 1.25T) en
faisant varier la densit´e de courant ou la dose d’ions par unit´e de surface. D’autres
m´ethodes plus simples consistent simplement `a doper le syst`eme FePt par un
troi-si`eme ´el´ement, `a l’exemple du Zirconium propos´e par Lee et al. [226] qui permet
une r´eduction consid´erable de la taille des grains (de 30nm`a 10nmpour 3%atde
Zr) avec comme contre-partie une diminution de la coercivit´e. Au vu de ces deux
exemples d’autres auteurs ont cherch´e un moyen plus efficace pour `a la fois
dimi-nuer la temp´erature d’ordre et augmenter la coercivit´e. C’est ainsi que Maeda et
al. [227]58vont proposer le dopage par du Cu, en montrant qu’en ajoutant 15%at
de Cu dans l’alliage Fe46.5Pt53.5, un recuit de 300°C pendant 1hpermet de former
la phase ordonn´ee avec une coercivit´e de 0.5T. La figure I.22(a) met clairement
en ´evidence cette diminution de la temp´erature d’ordre ainsi que la nette
augmen-tation de la coercivit´e dans le cas de l’ajout du Cu. Un autre r´esultat majeur sur
l’´etude de l’ sur le syst`eme FePt a ´et´e obtenu par Li et al. [229] qui ont montr´e
que l’effet du Cu d´epend du rapport stœchiom´etriquer =x/y du syst`eme FexPty.
Si ce ratio est sup´erieur `a 1.1 alors l’ajout du Cu ne permet pas d’abaisser la
temp´erature d’ordre et n’am´eliore pas non plus la coercivit´e, comme on peut s’en
rendre compte sur la figure I.22(b) o`u l’on observe, dans le cas d’une
concentra-tion de 52%atde Fe, une diminution de la coercivit´e avec l’augmentation du taux
56. Car pour atteindre des densit´eADde 1T b/in2il est n´ecessaire d’avoir des grains de
taille D
pde l’ordre dunmcarAD∞1/D
2p
[40].
57. Obtenue avec une densit´e de courant de 1.25µA/cm2sous 2.4×1016ions/cm2
58. Takahashi et al. [228] pubient au mˆeme moment des r´esultats similaires.
de Cu. En revanche si r ≤ 1, il est avantageux de doper le syst`eme FePt par du
Cu d’abord en quantit´e faible (cas 50[at%]F e), puis en quantit´e plus importante
`
a mesure que ce ratio diminue. Ces mesures, en accord avec celles obtenues par
Wierman et al. [230], illustrent un autre r´esultat qui est similaire avec celui obtenu
par Barmak et al. [79] (voir page 18), `a savoir que pour 0[at%] de Cu il est plus
avantageux d’avoir une couche plus riche en Fe.
0 200 400 600 800 0 2 4 6 8 10 12 14 FePt FePtCu H C [ k O e ] Annealing temperature [°C]
(a) Coercivit´e vs temp´erature de recuit
46 48 50 52 54 56 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 Cu 0 Cu 4at% Cu 12at% H C / 1 0 6 A . m -1 X(Fe) at%
(b) Coercivit´e vs composition en Fe
Figure I.22 – (a) ´Evolutions de la coercivit´e en fonction de la temp´erature de recuit
pour des couches de 50nm de FePt et de (FePt)85Cu15d’apr`es les r´esultats de Maeda et al.
[227]. (b) Variations de la coercivit´e en fonction de la compositionxde Fe pour diff´erentes
concentrationsy de Cu, pour des films de 50nm (FexPt100−x)1−yCuy (y = 0, 4 et 12%)
apr`es un recuit `a 350°C pendant 20min d’apr`es les r´esultats de Li et al. [229].
Cependant la compr´ehension de l’origine des effets de l’ajout du Cu sur le
syst`eme FePt n’est pas encore clairement ´etablie. L’important engouement qu’a
suscit´e son ´etude n’a pas seulement abouti `a diverses interpr´etations de cette
ori-gine mais aussi `a des controverses sur ces effets en eux-mˆemes. D’un cˆot´e certains
auteurs associent intimement la diminution de la temp´erature d’ordre ainsi que
l’augmentation de la coercivit´e `a l’introduction du Cu dans l’alliage. C’est le cas
de Maeda et al. [231] qui proposent un mod`ele thermodynamique o`u ils calculent la
diff´erence des variations de l’´energie libre des ´etats d´esordonn´es et ordonn´es entre
les syst`emes ternaires FeCuPt et binaires FePt et o`u ils montrent que l’ajout du
Cu permet d’augmenter la ‘force motrice’ de transformation d´esordre-ordre. De
mˆeme, Barmak et al. [232] observent une diminution de l’´energie d’activation avec
l’ajout du Cu `a concentration identique de Fe ou de Pt59.
59. Q[F e
50P t
50]= 1.8eV,Q[F e
53P t
47]= 1.7eV et Q[F e
50Cu
3P t
47]= 1.6eV. Cependant les
r´esultats de Berry et al. [233] contredisent l’hypoth`ese de ‘force motrice’ car ils n’observent
pas de diff´erence marqu´ee de la variation d’enthalpie entre les syst`emes FeCuPt et FePt.
D’un autre cˆot´e, d’autres auteurs pensent que l’augmentation de coercivit´e
ob-serv´ee dans les alliages contenant du Cu est en r´ealit´e un ph´enom`ene extrins`eque.
C’est le cas de Chen et al. [234] qui montrent, par imagerie ´electronique en
trans-mission et par des trac´es de Henkel [235], que le Cu diffuse au niveau des joints
de grains, diminue fortement le couplage inter-granulaire et augmente la densit´e
des sites de pi´egeage qui affectent le d´eplacement des parois de domaines lors du
renversement de l’aimantation. Notons d’ailleurs que tous les auteurs n’observent
pas syst´ematiquement une augmentation de la coercivit´e avec l’ajout du Cu. Par
exemple Yan et al. [236] observent une d´ecroissance de la coercivit´e avec l’ajout
du Cu sur un alliage pourtant l´eg`erement plus riche en Pt (Fe49Pt51). Il attribuent
cet effet `a la diminution du MAE avec l’augmentation du Cu comme cela a ´et´e
pr´edit th´eoriquement par Willoughby [237]. N´eanmoins on peut constater que la
grande majorit´e des auteurs qui observent une d´ecroissance de la coercivit´e ou qui
identifient le Cu au niveau des joints de grains, ont effectu´e cette ´etude en utilisant
des multicouches FePt/Cu. Ils n’est pas surprenant de remarquer que dans ce cas,
le Cu puisse diffuser et perturber une stœchiom´etrie d´ej`a ´etablie. C’est une
diff´e-rence notable par rapport `a d’autres ´etudes (dont la nˆotre), o`u la stœchiom´etrie
FexPtyCuz est directement obtenue pendant l’´elaboration, et o`u le Cu est pr´esent
dans la phase L10 et contribue `a la formation de celle-ci.
Du fait de l’immiscibilit´e entre Cu et Fe, les sites favorables au Cu sont ceux
o`u ses interactions avec les atomes de Fe sont minimis´ees. Un examen rapide de la
structure FePt permet de r´ealiser que ces sites sont ceux du Fe, comme on peut le
voir sur les illustrations de la la figure I.23.
[001] [100]
a c
(a) Structure FePt
Fe Pt Cu
(b) Structure Fe(Cu)Pt (c) Structure FePt(Cu)
Figure I.23 – Structures cristallines : (a) ´Etat ordonn´e `a l’absence de Cu, (b)&(c) Cu
occupant les sites du Fe (resp.Pt) o`u il a 8 atomes Pt (resp.Fe) en premiers voisins situ´es
`a a
2
p
1 + (c
a)2 et 4 atomes de Fe(resp.Pt) en seconds voisins situ´es `a a
2
√
2.
Le diagramme de phase ternaire FePtCu propos´e par Shahmiri et al. [238] montre
une stabilit´e de la phase ordonn´ee jusqu’`a ∼30%at de Cu sur une plage de 38−
58%atde Pt dans le cas d’une d´etermination `a 1000°C (Fig.I.24(a)) et une stabilit´e
de cette phase jusqu’`a ∼20%atde Cu sur une plage de 34−63%atPt dans le cas
d’une d´etermination `a 600°C (Fig.I.24(b)).
(a) Section isotherme `a 1000°C
(b) Section isotherme `a 600°C
Figure I.24 – Relations de phase du syst`eme Fe-Pt-Cu d´etermin´ees `a : (a) 1000°C,
(b) 600°Cd’apr`es Shahmiri et al. [238]. Sur ces diagrammes :γD
′′(resp. O) d´esigne la phase
fcc D´esordonn´ee (resp. Ordonn´ee L12) riche en Pt, βO d´esigne la phase L10 Ordonn´ee,
γD
′(resp. O)d´esigne la phasefccD´esordonn´ee (resp. Ordonn´ee L12) riche en Cu,γD(resp. O)
et αD d´esignent la phasefcc D´esordonn´ee (resp. Ordonn´ee L12) riche en Fe. T d´esigne
le compos´e tulameenite qui contient 50[at%]Pt, 25[at%]Fe et 25[at%]Cu. La zone grise
repr´esente notre plage d’´etude.
Dans le document
Matériaux magnétiques en couches. Etudes des systèmes FePt et FeRh
(Page 57-61)