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Section 2 : revue de littérature scientifique

4 Activités des formés engagés au sein des dispositifs hybrides de formation

4.1 Stratégie visant la multiplicité des activités proposées aux formés

4.1.3 Activités réflexives individuelles et collectives

Plusieurs études montrent que dans certains DHF le recours à une réflexivité de type argumentation permet d’alimenter un climat favorable aux apprentissages professionnels chez les formés (Daele, 2006 ; Dillenbourg, Poirier & Carles, 2003 ; Lave & Wenger, 1991). La réflexivité est aussi source de construction de savoirs dits « d’expérience » (Tochon, 1999) et à ce titre, le développement de la réflexivité apparaît comme un enjeu important au sein des dispositifs de formation professionnelle. C’est le cas notamment des formations des enseignants pour lesquelles l’image du « praticien réflexif » est très souvent associée à leur identité (Beckers, 2009). La conception de DHF adressée aux enseignants n’échappe pas à cette référence à la réflexivité comme source d’apprentissages professionnels (Derobertmasure, Dehon & Demeuse, 2010 ; Michaud 2012). La nature de l’hybridation retenue dépend alors de la place accordée aux savoirs et aux modalités engagées pour susciter la réflexivité des formés au sein des situations de formation.

Outre le fait de développer la réflexion de chacun des formés engagés dans le DHF, il est aussi nécessaire d’engager chacun de ceux-ci dans la construction d’une réflexion collective. Les DHF sont donc régulièrement conçus pour offrir des espaces singuliers d’échanges et de constructions collectifs. À ce propos, la littérature du domaine propose indifféremment les concepts de « coopératif » et de « collaboratif » pour désigner l’agrégation des réflexions et des productions des formés (Heutte, 2011 ; Lemaire & Glikman, 2016). L’accompagnement de la formation s’effectue alors essentiellement par le dispositif et les possibilités de communication offertes aux formés. En outre, l’engagement de ces derniers dans ce type d’activités collectives contribuerait à favoriser leur persévérance et susciterait chez eux un sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001 ; Jacquinot, 1993).

Certains travaux tentent d’aller plus loin dans l’accompagnement du développement professionnel des enseignants au sein des DHF (Creuzé, 2010). Dans le dispositif pédagogique proposé par l’auteur, l’accompagnement des formés s’effectue par l’intermédiaire d’une plateforme de formation (Dokeos). Les activités de formation y sont menées accordent une place centrale à la réflexion engagée collectivement par l’intermédiaire d’un réseau d’échanges. Pour ce faire, des formateurs expérimentés sont engagés dans des activités de

tutorat auprès des formés visant à assurer le suivi des tâches, participer et relancer la réflexion, ou bien encore à témoigner de leurs propres expériences pour relancer les débats.

La notion de communauté collaborative est aussi actuellement très répandue au sein des environnements d’apprentissage ou des groupes de travail collectif en réseau (Bruillard, 2008 ; Frayssinhes, 2011 ; Marchand, 2001 ; Saujat, 2008). Dans cette perspective, certains DHF sont construits à partir des postulats empruntés au modèle des « communautés de pratique » (Burton, Borruat & Charlier 2011 ; Charlier, Dechryver & Peraya, 2006 ; Peraya et al., 2012) ou des « communautés virtuelles d’apprentissage » (Chanier & Cartier, 2006 ; Daele & Charlier, 2006). Ces environnements visent à faciliter le développement professionnel des formés inscrits dans des formations par alternance. Au sein de ces DHF, le partage d’expériences, l’organisation de débats, la confrontation d’idées ou les échanges d’arguments sont tout particulièrement formateurs (Jézégou, 2010 ; Karsenti, Garry & Bensiane, 2012 ; Messaoudi & Talbi, 2012). Selon Jézégou (2010), une communauté d’apprentissage constitue « un groupe de personnes, membres volontaires aux expertises diverses et d’égale valeur, qui

sont constamment en train d’apprendre ensemble afin de solutionner des problèmes » (p.3).

L’organisation d’une communauté de pratique est dite « virtuelle » lorsqu’elle est ordonnée au sein d’un système de communication numérique (Audran & Daele, 2009 ; Chanier & Cartier, 2006 ; Daele, 2009 ; Jézégou, 2010). Pour Charlier et Peraya (2003), « une

communauté d’apprentissage est fondée sur une démarche d’apprentissage par l’action, finalisée en fonction de projets, souvent transdisciplinaire incluant la résolution des problèmes et basée sur la coopération/collaboration entre les apprenants » (p.3).

Certains travaux du domaine (par exemple : Butler et al., 2004) ont montré que le développement professionnel des enseignants est un processus continu qui se construit conjointement entre des temps de formation formelle vécus lors des stages de formation professionnelle et des temps plus informels vécus au cours des interactions entre pairs sur le lieu de travail. Il existerait donc une composante sociale importante au sein des DHF qui serait source de développement professionnel (Baek & Barab, 2005). Grâce à une organisation singulière des activités de formation, les formés pourraient construire et agir sur et avec leurs connaissances, interagir avec l’environnement numérique proposé et engager des échanges entre pairs. Les principaux avantages de ces modèles d’apprentissage collaboratifs à distance consistent à développer les capacités dites « d’auto-direction » des acteurs. Collaborer pour apprendre permettrait aux formés de s’engager dans un effort de clarification de leurs propos, d’ordonnancement de leurs idées et in fine de structuration de leurs connaissances.

Les travaux menés par Chanier et Cartier (2006) au sein du DIFOR de Besançon concernent la formation professionnelle des enseignants du secondaire. L’objet de leurs recherches est l’étude de la nature de la pratique réflexive de ces derniers lorsqu’ils sont inscrits dans un DHF ayant pour objet la conception des situations d’apprentissage visant à certifier le C2i2e59 chez les enseignants. Ce travail est inspiré des résultats de recherche scientifique de Makinster et al. (2006) relatifs à la pratique réflexive dans le contexte d’une communauté de pratique professionnelle. Les auteurs montrent l’importance de la qualité de la pratique réflexive collective. Ils montrent notamment l’existence d’une corrélation entre des récits d’expériences engagés dans un espace public et le niveau de réflexion engagé par les enseignants en formation. Les travaux menés par Bruillard (2008) confirment cette idée. Les activités réalisées individuellement ou collectivement par les formés dans un DHF sont d’autant plus efficaces qu’elles sont rendues accessibles à tous les formés engagés dans la communauté.

Plus récemment, le travail mené par Lemaire et Glikman (2016) présente un DHF pensé et conçu autour de temps de regroupements virtuels à distance (32h) et de temps d’apprentissages collectifs en présentiel (64h). En fin de formation une enquête a été menée pour apprécier la qualité de l’engagement des formés au sein des activités réflexives collectives proposées par le dispositif. Les résultats corroborent l’idée selon laquelle ces activités réflexives collectives auraient davantage d’impact sur le développement professionnel des formés que les activités menées individuellement.

Pour certains auteurs, les modèles réflexifs et collectifs de formation ne sont pas sans engendrer certaines difficultés. Selon Condamines (2011), une difficulté existe par exemple, quant à l’accès aux échanges informels et/ou souvent peu conçus pour accompagner la formation et la structuration des communautés de pratiques. A titre d’exemple, certaines plateformes visent les échanges sociaux au détriment de la production de connaissances professionnelles comme « Tapped In » (Schlager & Fusco, 2004, cité par Condamines, 2011) ou « CoPe-it ! » (Karacapidilis & Tzagarakis, 2007, cité par Comdamines, 2011). D’autres plateformes cherchent au contraire à capitaliser des ressources au détriment de la sociabilité de la communauté comme « doceNet » (Brito et al., 2008, cité par Condamines, 2011). On pourra noter cependant qu’en contrepartie certaines plateformes collaboratives de formation

59 Le Certificat informatique et internet de niveau 2 « enseignant » atteste depuis 2004 des compétences

professionnelles communes et nécessaires à tous les enseignants pour l’exercice de leur métier. https://c2i.enseignementsup-recherche.gouv.fr/enseignant/le-c2i-niveau-2-enseignant

proposent des approches plus systémiques comme Cloudworks (Conole et al., 2008, cité par Comdamines, 2011) ou TE-Cap (Lavoue & George, 2010, cité par Comdamines, 2011). Le développement professionnel est ici principalement assuré par le partage de connaissances mobilisées par les formés pour réfléchir collectivement à leur pratique. Construire sa propre pratique demeure toutefois considéré comme un parcours long et fastidieux (Condamines, 2011).

Plus généralement, on peut ici relever que les formés engagés dans les DHF mettant en jeu les activités réflexives collectives rencontrent certaines difficultés récurrentes, notamment lors des temps de formation menés à distance. De nombreuses études soulignent, par exemple, leur faible investissement (Bernatchez, 2003 ; Carr, 2000 ; Decamps, Depover & De lièvre, 2009 ; Elliot, Friedman & Briller, 2005 ; Frayssinhes, 2011 ; Karsenti et al., 2012 ; Réné, 2012 ; Savarieau & Daguet, 2013). Les explications qui y sont associées sont multiples. Deux principales dimensions peuvent être néanmoins mises en avant. Tout d’abord, le taux significatif d’abandon peut être associé à l'isolement dans lequel se trouvent les formés au sein des DHF, isolement souvent dû à l'ergonomie de l’environnement d’apprentissage qui leur est offert (Frayssinhes, 2011). S’engager dans une formation à distance ou s’auto-former dans le respect des contraintes temporelles de la plateforme est jugé particulièrement complexe (Jézégou, 2018). La seconde explication tient à l’immédiateté et à la pression temporelle souvent perçues comme contraignantes par les formés. C’est dans l’aménagement d’activités plus interactives et plus proches de l’activité réelle de travail que les solutions semblent se situer (Durand & Yvon, 2012). Pour surmonter ces difficultés, certains auteurs avancent quelques propositions. C’est le cas par exemple de Meyer (2010) qui avance l’idée selon laquelle la conception d’un DHF nécessite une articulation fine entre trois dimensions : la dynamique interactive engagée entre le formateur et les formés, les processus de raisonnement sollicités chez les formés, et l’articulation des dimensions cognitives, affectives et psychomotrices des formés.