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Activité phosphatasique alcaline (totale et spécifique)

4.7.2 Zone de transition redox de la colonne d’eau

5.3   Activité phosphatasique alcaline (totale et spécifique)

5.3.1   APA en tant qu’indicateur de la limitation en P

D’après nos résultats, les valeurs d’APAtot divisent le lac Pavin en deux zones. Pour les deux missions, un maximum d’activité a été mesuré dans les premiers 55 mètres de la colonne d’eau, puis les valeurs diminuent jusqu’à la zone du minimum redox (~62 m) à partir de laquelle l’APAtot est minimale. Cette distribution est inverse à celle des concentrations de DIP (Figure C.41).

Le seuil de concentration de DIP en dessous duquel l’APAtot augmente a été d’environ 1 µM pour la mission Mx-48. Nos résultats nous permettent donc de suggérer qu’il existe une corrélation négative entre l’APAtot et le DIP. Cependant, pour pouvoir le confirmer, il faudrait définir plus précisément les seuils de concentration de DIP susceptibles d’avoir un effet quelconque sur l’expression de la phosphatase alcaline à l’aide d’un suivi annuel. Jamet et al. (1997) l’ont réalisé pour les premiers 40 mètres de la colonne d’eau mais n’ont pas trouvé de corrélation. Par contre, ils ont mis en évidence une corrélation entre l’APAtot et la concentration des protéines, ce qui suggère d’après les auteurs que l’expression de cette enzyme a un caractère constitutif, bien qu’il ne puisse pas être exclu que des enzymes PA constitutives et répressibles coexistent en même temps dans la colonne d’eau. Par ailleurs, d’autres études ont expliqué l’absence de corrélation par la présence d’enzymes PA constitutives (Suida, 1984 ; Boavida et Heath, 1984 ; García-Ruiz et al., 2000).

Il est important de préciser qu’aux profondeurs analysées par Jamet et al. (1997) les concentrations de DIP varient au maximum de 0,3 µM et elles sont dans tous les cas inférieures à 1 µM. En principe, la synthèse de la phosphatase alcaline n’est plus réprimée lorsque les concentrations en DIP sont faibles, ce qui suppose l’augmentation de son activité (Hoppe, 2003). Néanmoins, pour certains auteurs les concentrations seuil doivent être de l’ordre du nanomolaire (Jansson et at., 1988), tandis que pour d’autres comme Hsieh et

Wanner (2010) elles doivent être d’environ 4 µM (étude réalisée in vitro avec des bactéries

E. coli).

Bien que l’absence de corrélation entre l’APAtot et le DIP soit partagée par d’autres études (Kuo et Blumenthal 1961 ; Rengefors et al., 2003 ; Ruttenberg et Dyhrman, 2005), un débat existe encore concernant l’effet de la concentration en ions orthophosphate sur la répression de l’expression de la phosphatase alcaline et, de ce fait, sur le rôle de la PA en tant qu’indicateur des conditions limitantes en phosphore. Il a été reporté dans la bibliographie que l’absence de corrélation peut également être liée au manque de méthode spécifique pour mesurer la concentration du DIP, ce qui provoque sa surestimation (Tanaka et al., 2006 ; Turner et al., 2006), ou encore au contrôle de l’APAtot par d’autres nutriments comme le carbone ou l’azote présents dans le milieu (Chrost et Overbeck, 1987 ; Hernández et al., 1996 ; Caron et Berninger, 2000 ; Sebastián et al., 2004).

A contrario, de nombreuses publications ont montré un effet significatif des concentrations en DIP du milieu extracellulaire dans des environnements naturels (Jansson et al., 1988 ; Pettersson, 1980 ; Chrost et al., 1984 ; Ammerman, 1991 ; Nausch, 1998 ; Dyhran et Palenik, 1999 ; Beardall et al., 2001 ; Dyhrman et al., 2002 ; Bogé et al., 2012, 2013) ainsi que dans des cultures (Riegman et al., 2000). En outre, l’impact des concentrations de DIP du cytoplasme sur l’APAtot a été mis en relief (Myklestad et Sakshaug, 1983 ; Gage et Gorham, 1985 ; Hernández et al., 1993). Enfin, d’après Bogé et al. (2012, 2013) l’APAtot pourrait être reliée autant à la concentration en DIP qu’à celle en DOP dans certains environnements. Vraisemblablement, de plus amples recherches sont requises afin de comprendre l’effet de la concentration du phosphore dissous (intra ou extracellulaire) sur la régulation de l’expression de l’enzyme PA au sein de la colonne d’eau du lac Pavin mais nos résultats ont montré une rélation négative entre l’APA et les concentrations en DIP du milieu extracellulaire.

5.3.2   Méthode d’analyse de l’APA

D’après nos résultats, l’APAtot mesurée à la profondeur du pic de turbidité I et à 40 m présente des valeurs pour la mission Mx-48 (mai 2015) environ deux fois supérieures à celles mesurées pour Mx-46 (septembre 2014). Pour le reste des profondeurs échantillonnées, entre les deux missions l’APAtot n’a été différente de plus de 1,5 unités d’activité qu’au pic de turbidité II où l’activité pour Mx-46 a doublé par rapport à celle de Mx-48. Ces différences

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peuvent être liées à la variabilité saisonnière, du fait de l’augmentation de l’APAtot pendant les périodes de production primaire maximale au printemps ou en été en fonction des espèces (Wetzel, 1991).

En effet, le suivi annuel de l’APAtot réalisé par Jamet et al. (1997) a montré des valeurs comprises entre 2,6 et 45,8 µmol PO43-/L/h pour la fraction microbienne analysée (0,22 - 100 µm) entre 5 et 40 m de profondeur. Il existe des différences méthodologiques entre nos deux études : i) la taille de la fraction des microorganismes analysés (entre 0,22 et 30 µm pour notre étude) et ii) tandis que nous avons incubé le lysat des cellules (contenant toutes les enzymes PA) avec le substrat pNPP, Jamet et al. (1997) n’ont pas lysé les cellules et n’ont analysé de ce fait que les PA concentrées dans le périplasme et les ectoenzymes insérées dans la membrane cellulaire (Jansson et al., 1988 ; Martinez et Azam, 1993 ; Sebastián et al., 2004). Néanmoins, le fait d’avoir utilisé la même méthode de mesure (suivi enzymatique sous concentrations saturantes en pNPP) nous permet de comparer nos résultats et nous constatons que le delta de nos valeurs d’APAtot se situe dans le même intervalle de variabilité.

Il convient de remarquer que notre méthode permet de mesurer les activités phosphatasiques monoestérases (PME) d’une grande diversité d’enzymes PA (Jansson et al., 1988) mais elle ne nous permet pas d’attribuer l’APA aux cellules présentes dans les échantillons de façon spécifique comme c’est le cas avec la détection par fluorescence (méthode ELF) (Wanner, 1996 ; Dyhrman et Ruttenberg, 2006). Cette méthode serait intéressante afin de caractériser la contribution des différents groupes microbiens sur l’APAtot

plutôt que de faire seulement le tri classique par taille lors de la filtration. En outre, nos résultats représentent des taux d’hydrolyse C-O-P maximaux, obtenus sous conditions saturantes de substrat. Dans la colonne d’eau, l’APAtot est liée entre autres facteurs à des variations de concentration de substrat, de température et de pH, et par conséquence nos résultats montrent des valeurs maximales (Karl, 2014). Il serait intéressant de calculer dans un deuxième temps les cinétiques Michaellienes (Km et Vmax) des PA avec le même substrat (pNPP) ou avec du MUF-P, largement utilisé (Hoppe, 2003 ; Bañeras et al., 2010). Ceci nous permettrait de caractériser par profondeur et par taille les affinités des PA microbiennes pour le DOP.

5.3.3   Contribution des microorganismes à l’APA en fonction de leur taille

Malgré l’importance de l’APAtot provenant de la fraction dissoute dans certains environnements aquatiques lacustres (46 % du total d’après Currie et al. (1986) et entre 14 et 61 % d’après Wetzel (1991)) ainsi que marins (entre 50 et 100 % dans la mer de Chine et l’océan Pacifique du Nord d’après Ou et al. (2006) et Koch et al. (2009) respectivement), aucune activité n’a été détectée dans le milieu extracellulaire du lac Pavin.

L’APAtot est donc vraisemblablement associée aux cellules. Selon Agusti et al. (1998), l’APA dissoute provient fondamentalement des cellules lysées du phytoplancton, restant potentiellement active un mois après la lyse cellulaire (Jansson et al., 1988 ; Lin et al., 1998). Nous avons analysé l’APAtot extracellulaire lors des deux premières missions sur le terrain (Mx-43 (novembre 2013) et Mx-45 (mai 2014)) mais nous n’avons pas trouvé d’activité. Antérieurement, Jamet et al. (1997) ont obtenu le même résultat.

Nous n’avons pas analysé la contribution des différentes tailles de microorganismes à l’APA dans le lac Pavin. Cette analyse a été effectuée auparavant par Jamet et al. (1997). Ils ont trouvé que la fraction microbienne entre 8 et 100 µm représentait en moyenne plus de 50 % de l’APAtot entre 5 et 10 m et que son importance diminuait avec la profondeur et en fonction des saisons (20 % à 40 m entre août et octobre). Au sein du lac Pavin, cette fraction de taille est principalement constituée par le phytoplancton, et secondairement par les membres du règne Protozoa qui correspondent à une petite partie de cette fraction de taille (6,6 % en moyenne) dans le mixolimnion (Amblard et al., 1992). Bien qu’il s’agisse de résultats qualitatifs, les analyses MEB réalisées (fraction de taille analysée entre 0,22 et 30 µm) confirment l’abondance du phytoplancton par rapport au total des microorganismes visualisés (principalement des diatomées) ainsi que l’abondance relative de biofilms bactériens à partir de 40 m de profondeur (à cause de la diminution de la pénétration de la lumière dans la colonne d’eau). Les caractéristiques des analyses MEB ne nous permettent pas de différencier les cellules avec ou sans pigments photosynthétiques mais les résultats de la sonde de chlorophylle confirment l’abondance des diatomées et cyanobactéries dans les premiers mètres de la colonne d’eau et leur diminution à de plus grandes profondeurs.

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5.3.4   APA spécifique

Afin de connaître les activités enzymatiques phosphatasiques les plus efficaces, nous avons normalisé l’APAtot par la concentration de protéines.

La plus importante concentration de protéines pour les missions Mx-46 et Mx-48 a été mesurée soit dans le monimolimnion à -80 m (228,8 µg/L) soit dans le mixolimnion, à la profondeur du pic de turbidité I (193,3 µg/L). Pour les deux missions, les profils de concentration présentent des valeurs minimales dans l’hypolimnion puis une augmentation des deux côtés du profil.

Dans le cadre de leur suivi annuel, Jamet et al. (1997) ont mesuré des concentrations de 36,7 à 298,2 µg/L entre 5 et 40 m de profondeur. Ils ont utilisé une méthode colorimétrique de dosage basée sur le même principe que la nôtre, ce qui nous permet de comparer nos résultats. Leurs valeurs maximales ont été mesurées au printemps et à -15 m, ce qui correspond vraisemblablement au bloom de phytoplancton du pic de turbidité I, en accord avec nos résultats. De plus, nous avons mis en évidence que les concentrations diminuent de 193,3 à 57,1 µg/L entre 8,7 et 40 m. Ceci coïncide avec la moyenne de leurs concentrations annuelles qui diminue également avec la profondeur de 175,5 à 99,9 µg/L.

Nos résultats d’activité phosphatasique alcaline spécifique (APAspe) montrent que les valeurs maximales se trouvent à -40 m pour la mission Mx-46 (0,139 µmol PO43-/h/µg) et dans le pic de turbidité I pour la mission Mx-48 (0,329 µmol PO43-/h/µg) ce qui correspond aux profondeurs avec les concentrations minimales en DIP. Jamet et al. (1997) ont trouvé les plus fortes valeurs d’APAspe à -15 m pour le picoplancton (0,22 et 1,2 µm) au mois d’août. Leurs résultats montrent donc que les plus importantes APAspe sont associées aux bactéries et qu’elles se produisent à la fin de l’été. Ceci pourrait être lié à la diminution des concentrations de DIP pendant cette période due à la consommation plus élevée par les blooms des cyanobactéries (Benitez-Nelson et al., 2000). En effet, en hiver, la réduction du nombre d’heures de rayonnement solaire et la chute des températures ont comme conséquence une production plus faible de biomasse (Olive et Boulègue, 2004) et donc l’augmentation des concentrations de DIP. Nous n’avons pas les premières mesures de DIP et d’APAspe

effectuées à la fin de l’automne lors de la mission Mx-43 (novembre 2013). Elles ne sont pas exploitables car la méthode et le traitement des échantillons ont été mis au point plus tardivement.