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1.1.1 Comment tester des molécules hydrophobes avec une méthode de microdilution conventionnelle ?

La méthode de CMI par micro méthode est une des méthodes les plus souvent retrouvées dans la littérature. Bien que parfaitement maitrisée au laboratoire, nous avons tout de même fait varier certains paramètres susceptibles d’apporter un biais au cours de nos expériences.

Ces variations avaient toutes trait à la préparation des drogues à tester. La mise en solution des AHPTs n’a pas pu se faire directement dans le milieu de culture de bactériologie du fait de leur (déjà) faible solubilité dans l’eau. Le choix de l’eau ou du milieu de culture reste une possibilité offerte à l’expérimentateur dans l’ensemble des recommandations du CA-SFM (C.J. Soussy et al., 2012), de l’EUCAST (Kahlmeter et al., 2006) et du CLSI (Matthew A. Wikler et al., 2009), même si la recommandation principale reste une mise en solution directement dans le milieu de culture.

Nous avons donc dissout directement les AHPTs dans de l’eau distillée stérile en présence ou en absence de DMSO (1,25 % maximum au final). Dans ces conditions, la présence de DMSO n’altère pas la croissance des bactéries ni l’activité des triterpènes. Cependant la présence de DMSO facilite l’homogénéisation des solutions et la répétabilité des expériences. Nous avons ainsi préférentiellement travaillé en présence de DMSO malgré les réserves que cela peut susciter de la part de la communauté scientifique. Rappelons tout de même ici que le CLSI dans son supplément sur les essais

antibactériens M100-S20 (p136) permet son utilisation, ainsi que celui d’autre co-solvant, à condition que la concentration finale de celui-ci ne dépasse pas 1%.

La détermination des valeurs de CMI a aussi été réalisée avec et sans l’étape de filtration stérilisante sur filtre 0,22 µm. De fait, la mise en solution des AHPTs dans l’eau (avec et sans DMSO) montrant un léger effet moiré, l’idée était de s’assurer que l’étape de filtration ne retenait pas le principe actif. Nous avons constaté qu’en prenant certaines dispositions (utilisation de tubes stériles pour les pesées, maintien des piluliers de stockage fermés jusqu'à la pesée…) lors de la préparation et de la pesée des AHPTs, cette étape de filtration pouvait être supprimée. Cependant les contaminations surviennent beaucoup plus fréquemment en son absence. Les résultats que nous avons pu obtenir en présence et en absence de cette étape ont été identiques. En conclusion, l’étape de filtration stérilisante ne modifie pas les conditions d’essais. Une telle étape est présente dans les recommandations du CLSI. Ces résultats permettent de répondre à l’absence de biais dû à la filtration, absence qui, pour le CLSI, doit être prouvées par « les méthodes les plus appropriés » (section M07-A8 p.10).

1.1.2 Une réelle activité antibactérienne des AHPTs

Le Tableau XVII et le Tableau XVIII présentent les résultats de CMI obtenus, en micro méthode, pour les molécules d’AHPTs seules. Chaque valeur est la moyenne de trois expériences indépendantes (3 inoculum différents, 3 pesées différentes de triterpènes). Ces résultats sont identiques quelle que soit la variation dans le mode opératoire (présence ou absence de DMSO, étape de filtration ou non). Des souches bactériennes de référence (ATCC) ont été testées ainsi que des souches résistantes aux antibiotiques issues d’isolat cliniques.

Tableau XVII : Valeurs de CMI (µg/mL) obtenues sur des souches de référence. AU AO AB ATB E. coli ATCC 25922 >256 >256 >256 4a S. aureus ATCC 25923 8 64 >256 <1b S. aureus ATCC 29213 8 32 >256 <1b E. faecalis ATCC 29212 4 8 >256 <1c P. aeruginosa ATCC 27853 256 256 256 16d

n=3, AU : acide ursolique, AO : acide oléanolique, AB : acide bétulinique, a : amoxicilline, b : oxacilline, c : vancomycine et d : ticarcilline

Les valeurs de CMI sont énumérées dans le Tableau XVII. Compte-tenu des conditions expérimentales, nous n'avons pas pu démontrer d'activité antibactérienne pour l’AB (CMI ≥ 256 µg/mL). L’AU ainsi que l'AO ont montré un spectre antibactérien semblable, orienté principalement contre les bactéries à Gram positif: 4 µg /mL contre Enterococcus faecalis ATCC 29212 et 8 µg/mL sur les deux souches ATCC de Staphylococcus aureus, pour l’AU; 8 µg/mL contre Enterococcus faecalis ATCC 29212, 32 µg/mL Staphylococcus aureus ATCC 29213 et 64 µg/mL contre Staphylococcus aureus ATCC 25923, pour l’AO. En revanche, les deux composés : AU et AO, semblent dépourvus d'activité contre les bactéries à Gram-négatif (>256 µg/mL, pour Escherichia coli ATCC 25922 et =256 µg/mL pour Pseudomonas aeruginosa ATCC 27853).

Les antibiotiques testés nous ont permis de vérifier que nos souches bactériennes étaient bien des souches sensibles aux antibiotiques.

Ainsi, nous avons démontré que les AU et AO ont tous deux une activité antibactérienne intéressante mais limitée aux bactéries à Gram positif. Ce point permet de souligner que l’existence d’une membrane phospholipidique externe, principale différence entre les bactéries à Gram positif et les bactéries à Gram négatif, semble inhiber l’activité antibactérienne de l’AU et de l’AO. Cela va dans le sens des nombreuses publications auxquelles nous avons pu avoir accès (Chandramu et al., 2003 ; Horiuchi et al., 2007 ; Kurek et al., 2012).

Tableau XVIII : Valeurs de CMI (µg/mL) obtenues sur des souches résistantes.

AB AO AU Atb

E. coli Producteur de pénicillinase >256 >256 >256 >256a

S. aureus mecA >256 >256 >256 256b

E. faecalis vanB >256 >256 >256 64b

E. faecium vanA >256 >256 >256 256c

P. aeruginosa Surexpression de pompe à efflux >256 >256 >256 64d n=3 - AU : acide ursolique, AO : acide oléanolique, AB : acide bétulinique, a : amoxicilline, b : oxacilline, c : vancomycine et d : ticarcilline

Pour les isolats cliniques (Tableau XVIII), les CMI obtenues pour les trois composés sont toutes ≥ 256 µg/mL, quelle que soit la souche bactérienne, ou le mécanisme de résistance considéré.

Les antibiotiques testés nous ont permis de vérifier que nos souches bactériennes étaient bien des souches résistantes aux antibiotiques.

Il est à noter ici que les mécanismes de résistance présents chez les bactéries à Gram positif modifient des constituants du peptidoglycane (vanA, vanB) ou des protéines liant les pénicillines (mecA). Ces mécanismes sont localisés dans la paroi des bactéries (Figure 25).

Cela permet de souligner que la perte de l’activité biologique liée à ces modifications de la paroi des bactéries (peptidoglycane ou environnement proche) peut être reliée soit à une perte de la perméabilité des bactéries aux AHPTs, soit à une modification de la cible des AHPTs.

Figure 25 : Schéma des enveloppes bactériennes (Bosgiraud, 2003)

Chez S. aureus, un autre type de modification entraine l’augmentation de l’épaisseur de la couche de peptidoglycane sans modification chimique de sa structure. Il s’agit des souches « vancomycin intermediate Staphylococcus aureus » ou VISA. Il serait intéressant de tester la résistance de ces souches aux AHPTs afin de vérifier si le phénomène de résistance est lié à la modification des cibles (perte attendue de la résistance chez les VISA) ou s’il est lié à un problème de diffusion des AHPTs vers le cytoplasme (maintien de la résistance chez les VISA).

La modification des PLP liée au système mecA peut aussi s’interpréter comme un phénomène de « leurre ». Cette interprétation pourrait être vérifiée par l’étude des interactions possibles entre un extrait de PLP et les AHPTs.

Ainsi il peut être remis en cause l’habitude prise de donner préférentiellement aux AHPTs une cible d’action interne et surtout de ne plus considérer une interaction avec les acides nucléiques (Kim et al., 2000) comme son unique mode d’action.