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Les actions syndicales québécoises pour la santé des travailleurs, concernant le

2. Le lean, la santé des travailleurs et les actions syndicales

2.3. Les actions des acteurs syndicaux pour la santé des travailleurs, dans le cadre

2.3.2. Les actions syndicales québécoises pour la santé des travailleurs, concernant le

2.3.2.1. Rappel historique du syndicalisme québécois

Afin de bien comprendre les actions du syndicalisme québécois pour la santé des travailleurs, dans le cadre du lean, il est important d’expliquer rapidement sa forme et son historique, très différents des pays européens.

L’histoire syndicale québécoise, comme dans les autres pays développés, prend sa source dans de nombreux conflits ouvriers, à partir du milieu du XIXème siècle. Le syndicalisme québécois est fortement influencé par celui des États-Unis, qui date de 1935. En effet, ce sont les initiatives des grands syndicats américains, qui ont encadré l’émergence de syndicats dans les grandes entreprises américaines, installées au Québec. De ce fait, le modèle syndical québécois reprend les mêmes modes d'encadrement juridique des relations du travail: la reconnaissance du droit à la représentation collective unique, le droit à négocier face à des employeurs et l’obligation des employeurs de négocier « de bonne foi ». On retrouve, ainsi, un certain nombre de caractéristiques du syndicalisme américain dans celui québécois : le retrait de la cotisation à la source par l'employeur, la représentation syndicale unique, par le biais d'une association accréditée, et au seul niveau de l'établissement, ainsi que l'absence de pluralisme syndical dans les entreprises.

Il faut attendre 1944, pour que les syndicats soient finalement reconnus au Québec, par l’introduction de la contrainte de reconnaissance par les employeurs. À l’issue de la guerre et jusqu’aux années 1960, la dernière grande évolution du droit en ce domaine date de

1964, ce sont alors quatre centrales syndicales qui se divisaient la presque totalité des personnes syndiquées dans la province: la Fédération provinciale du travail du Québec et la Fédération des unions industrielles du Québec (qui fusionneront le 16 février 1957 pour fonder l’actuelle Fédération des travailleurs du Québec); la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (l’ancêtre de la Confédération des syndicats nationaux) et la Corporation des instituteurs et institutrices de la province de Québec (qui deviendra la Centrale de l’enseignement du Québec puis, en 2001, la Centrale des syndicats du Québec). Sur le plan politique, les syndicats élargiront leurs champs d’intervention, au-delà des conditions de travail, après la révolution tranquille, afin d’obtenir: des modifications aux lois du travail, un meilleur accès aux logements, l’accès universel à l’enseignement ainsi que la création du régime de prévention en matière de santé et de sécurité du travail et celui d’indemnisation sans égard à la faute.

2.3.2.2. Les actions des syndicats québécois concernant l’organisation du travail, depuis les années 1980

Pour recueillir des informations sur les actions des syndicats québécois concernant le lean, nous avons utilisé plusieurs sources : tout d’abord un travail de Michel Grant (2001), qui aborde, plus particulièrement, les actions de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Nous avons également consulté la base de documentation, disponible sur le web, de la confédération des syndicats nationaux. Dans le contexte québécois, les syndicats sont principalement présents dans le second niveau de Kochan et al. (1994), celui institutionnel, alors que la décision d’implanter le lean se joue dans le premier niveau, et les transformations découlant de cette implantation, dans le troisième.

Pourtant, très tôt lors de l’apparition des transformations liées à l’émergence du lean, les syndicats québécois ont commencé à réfléchir à leur positionnement. Dans un premier temps, le positionnement ne concerne pas le lean en tant que tel, mais « l’organisation du travail » en général. On remarque, qu’à son congrès de 1973, la FTQ se pose la question de sa place dans l’entreprise. Au début des années 1980, la FTQ et la CSN créent des fonds de solidarité, leur permettant d’investir dans des entreprises et de prendre part aux grandes décisions stratégiques. À la fin des années 1980 et durant les années 1990, ce sont ensuite

les questions du positionnement syndical, vis-à-vis des dispositifs tels que la participation des salariés, qui se sont posées.

En 1990, c'est le congrès de la CSN qui invite les syndicats à « Prendre les devants pour agir sur l’organisation du travail. ». En 1992, le congrès de la CSN adopte une démarche en organisation du travail et invite à nouveau les syndicats à « Prendre les devants en organisation du travail » (Bédard et Chantal, 2011).

2.3.2.3. Les actions des syndicats québécois face au lean, à la fin des années 2000

La fin des années 2000 voit réapparaitre un certain nombre de questions liées à l’apparition d’un concentré de méthodes organisationnelles, qui voient le jour notamment dans le milieu de la santé, et que les syndicats vont identifier, cette fois-ci, comme étant le lean ou « la méthode Toyota ». À partir de 2008, au sein de la CSN, les questionnements vont fleurir, à travers des articles, dans des documents internes, tels que: « Une gestion saine pour un corps sain ? Le modèle Toyota remis en question » (Cauchy-Charest, 2010) ou « Réussir l’organisation du travail, Apprendre à jongler ensemble » (Jacob, 2011), dans des documents internes. On retrouve, également, des textes sur le même sujet dans des tribunes dans la presse: « Revoir l'organisation du travail? C'est incontournable pour la CSN! » (Lacharité, 2012) ou encore « Le soutien à domicile n’est pas une chaîne de montage ! » (FSSS-CSN/FIQ/FP-CSN, 2012). Bien que ces articles n’abordent pas, à proprement parler, les actions syndicales sur le terrain, ils sont une forme d'action en interne, afin d’informer et de sensibiliser les membres.

En 2008, le gouvernement provincial décide d’agir, en termes d’organisation du travail, dans les services de la santé en y instaurant le lean. Dès le départ, il choisit de se positionner dans une approche de conciliation et il définit le cadre de référence concernant les actions terrain, en matière d’organisation du travail, pour sa stratégie ministérielle sur la main-d’œuvre en soins infirmiers (Ministère de la santé et des services sociaux, 2008). Dans la foulée, et dans une optique de suivi des actions davantage locales, la CSN réalise auprès de ses membres une enquête, suite à la participation des syndicats aux actions terrains inscrites dans le cadre de référence ministériel.

Depuis, les syndicats continuent de se poser des questions sur les actions à entreprendre, et sur ce qui se joue réellement, dans le cadre des projets d’implantation du lean. C’est cet intérêt syndical concernant l’organisation du travail lean et les connaissances que nous en avons, entre autres concernant les mécanismes d’émergence des problèmes de santé, qui ont convergé pour s’interroger dans cette thèse sur les possibilités et les capacités des acteurs syndicaux à agir sur le travail d’organisation du lean.