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3. Sémiologie d’une morphosyntaxe déficitaire et d’une morphosyntaxe simplifiée

3.4. Caractérisation morphosyntaxique des structures sources de complexité

3.4.2. La subordination et les relatives en particulier

3.4.2.4. Subordonnées relatives : un éventail de complexité

3.4.2.4.3. Acquisition typique et atypique des subordonnées relatives

Dans les travaux portant sur l'acquisition des relatives par les enfants francophones, un débat concerne la présence d’un mouvement wh dans les productions précoces (Labelle, 1990, 1996 ; Guasti et Shlonsky, 1995 ; Guasti, 2002 ; Guasti et Cardinaletti, 2003 ; Pérez-Leroux 1995).

127 Rappelons que ces deux facteurs de complexité (mouvement et distance) rendent également compte de la

Labelle (1990, 1996) soutient que l’enfant forme des relatives sans mouvement128, alors même qu’il est capable d’utiliser un mouvement wh dans la formation des questions ; elle se fonde pour cela sur deux arguments : le pied-pipping est absent et les pronoms résomptifs sont fréquemment produits. Ainsi, sur les 1348 relatives produites par 108 enfants francophones (québécois) âgés de 3 à 6 ans129, aucune ne présentait de pied-pipping (qui est un mouvement wh visible). Le pied-pipping ne serait donc pas une option naturelle pour l’enfant, même s’il en produit précocement dans les questions dès l’âge de deux ans (ex : sur

quoi on pèse ?). Les relatives obliques « précoces » observées dans le corpus de Labelle

étaient toutes introduites par le complémenteur que (53) (‘gap strategy’ = avec une position vide130) ou par un opérateur où incorrect (54). Dans ce dernier cas, il y a bien un mot wh (où) en position initiale, mais ce mot n’est pas coréférentiel avec l’antécédent : “Rather, the whole

clause denotes a location, and this location is predicated of the antecedent, as : [La petite

fille]i [oùk le garçon luii dit bonjour tk]i” (Labelle,1990 : 109).

(53) Sur la petite fille que (=à qui) le monsieur i(l) montre un dessin. (3;6 ans) Sur le petit garçon que (=dont) le chien i(l) est assis. (5;1 ans)

(54) La petite fille où (=à qui) le garçon lui dit bonjour. (5;7 ans) Sur la maison où (=dont) la madame rêve (4;8 ans)

En ce qui concerne la production de relatives résomptives, Labelle rapporte que les enfants produisent de nombreuses relatives avec un pronom résomptif (55), de même qu’avec un DP résomptif131 (56).

(55) Sur la balle qu’il l’attrape (3;8 ans)

128 “(…) the relative clauses produced by French-speaking children manifest various strategies of relativization,

none involving overt WH-movement of a pronoun coreferential with an antecedent.” (Labelle, 1990 : 96).

129 Ces relatives avaient été produites grâce une tâche d’élicitation contenant un support imagé. L’examinateur

montrait à l’enfant un morceau de carton sur lequel deux dessins étaient placés (de chaque côté). Sur chaque dessin, l’objet ou le personnage correspondant à la cible de la relative étaient impliqués dans différentes activités. L’expérimentateur présentait alors un sticker à l’enfant et lui demandait : « sur quel [X] est-ce que tu vas mettre ton collant ? ». Les six types de réponses cibles (contenant des relatives sujets, objets et obliques, avec et sans pied-piping) étaient : 1) sur la fille qui court, 2) sur la balle que le garçon lance, 3) sur la fille à qui la madame fait un sourire, 4) sur la boîte dans laquelle la fille est cachée, 5) sur la boîte où la fille est cachée, et 6) sur le garçon dont le chien dort.

130 C’est-à-dire que la relative est introduite par le complémenteur que et qu’il n’y a pas d’élément (prononcé)

dans la relative qui soit coréférentiel avec l’antécédent. Cette ‘gap strategy’ est grammaticale dans les relatives objets mais pas dans les relatives obliques pour lesquelles le mouvement d’un mot wh est obligatoire.

Celle-là que le papa lui montre un dessin (5;0 ans) Celle qu’a (=elle) rentre dans la boîte (5;8 ans)

(56) Sur la balle qu’il lance la balle (5;0 ans)

Sur la boîte que la petite fille est debout sur la boîte (4;4 ans)

Cependant, toutes les relatives sujets ne comportaient pas un pronom résomptif : 73% d’entre elles incluaient en effet la séquence phonologique correcte [ki]. Pour un sujet masculin, on pouvait imaginer que l’enfant produise qu’i(l) (avec un pronom résomptif donc) au lieu du complémenteur qui, qui nécessite un mouvement de par l’accord SPEC-tête entraînant l’opération que = qui. Nous avions d’ailleurs évoqué cette éventualité (Tuller et al., 2006) pour les relatives sujets avec un antécédent masculin (57).

(57) Trois mousquetaires [ki] sont très bons = que + i(ls) / que + -i (qui) ? Un métier [ki] qui soit bien = que + i(l) / que + -i (qui) ?

Cependant, Labelle n’avait introduit, pour les relatives sujets, que des antécédents féminins. Elle a alors proposé le même type d’analyse que ci-dessus, en ajoutant une explication en termes de neutralisation du genre: “it is not unreasonable to think that a number of children

use exclusively the resumptive strategy for this position and that they have a rule neutralizing the gender of the subject pronoun in relative clauses. These children would use qu’i(l) with both masculine and feminine clauses” (Labelle, 1990 : 105).

Finalement, Labelle propose une analyse sans mouvement qui s’appliquerait à l’ensemble des relatives produites par les jeunes enfants : à la fois les relatives résomptives, les relatives produites sans pied-piping et les relatives sujets et objets grammaticales. Elle considère alors qu’un opérateur nul est généré in situ (« base-generated ») et qu’il est lié avec le pronom résomptif, qu’il soit produit ou nul (pro). Le liage entre ces deux éléments est interprété en LF et n’implique donc pas de déplacement de l’opérateur, ce qu’illustre la figure 3.16.

Figure 3.16. Représentation structurale d’une relative sans pied-piping selon l’analyse

proposée par Labelle.

Cette théorie (sans mouvement) a été critiquée par Guasti & Shlonsky (1995), Pérez- Leroux (1995), Guasti (2002) ou bien encore par Guasti & Cardinaletti (2003), tous ces auteurs défendant l’hypothèse inverse, à savoir la production précoce de relatives dérivées par mouvement. Guasti & Cardinaletti (op. cit.) évoquent tout d’abord un problème d’acquisition (learnability issue) : en effet, si l’on adopte l'analyse de Labelle, autrement dit si les enfants passent d’une grammaire (enfantine) des relatives sans mouvement wh à une grammaire adulte avec mouvement wh, la question se pose quant à la façon dont ils apprennent que ce mouvement doit s’appliquer aux relatives sujets, objets et obliques avec position vide (gap). Et tandis que l’on a des preuves qui objectivent le mouvement wh dans le cas des pied-piping, il n’est pas évident de prouver pourquoi et comment l'enfant abandonne son ancienne stratégie (sans mouvement) pour une autre stratégie : “In other words, there is no positive evidence to

switch from an empty resumptive to a non-resumptive strategy for subject, direct object and locative relatives” (p. 79). De plus, selon Guasti & Shlonsky (1995) et Guasti (2002), le fait

que le jeune enfant produise très précocement un mouvement wh dans les questions pose un autre problème d’acquisition : pourquoi l’enfant utiliserait-t-il une stratégie dans une construction donnée et pas dans une autre alors que cette option est disponible dans sa grammaire ?

Guasti (2002 ) précise ensuite que les enfants francophones produisent des relatives sujets avec le complémenteur qui, ce dernier étant—comme nous l’avons déjà dit—la marque

visible d’une opération d’accord entre l’opérateur wh déplacé et la tête de CP, signe que la relative a bien été dérivée par mouvement. La présence de ce complémenteur dans la grammaire des enfants indiquerait donc, selon l’auteur, que le mouvement se produit dans les relatives sujets et qu'un espace (gap) est laissé dans la position sujet. Si les relatives sujets étaient toutes dérivées sans mouvement, Guasti (op. cit) précise qu’on s’attendrait à observer au moins quelques occurrences de relatives produites avec un complémenteur que et un opérateur nul in situ lié à un pronom résomptif nul (58), comme le propose Labelle pour l’interprétation des relatives contenant une position vide. Or, ce type de production n’a jamais été retrouvé dans les données de la littérature (incluant donc les données fournies par Labelle).

(58) *[NP Celle [ CP OPi que [IP proi rentre dans la boîte]]]

Guasti & Cardinaletti (2003) développent des arguments supplémentaires pour contredire la théorie “sans mouvement” de Labelle. Suite à l’utilisation de deux tâches élicitant des subordonnées relatives en français et en italien chez des enfants tout-venant âgés de 4;5 à 10 ans, ils ont observé que ces enfants produisaient des relatives résomptives jusqu'à l’âge de 10 ans et évitaient la production de pronoms relatifs. Contrairement à Labelle (op. cit.), les auteurs considèrent que l'absence de relatives avec pied-piping n’implique pas forcément que les enfants échouent dans la formation de relatives avec mouvement wh. Dans les langues romanes, ils précisent que les relatives avec pied-piping sont les seules relatives qui contiennent des pronoms relatifs et que, justement, ces relatives sont typiques d’une variété formelle de la langue. De là, ils considèrent que les enfants apprennent à utiliser les pronoms relatifs, et de là les relatives avec pied-piping, à l’école par le biais d’un apprentissage explicite :

“(…) the most parsimonious hypothesis is that children form relatives that are attested

in their input and use whatever mechanisms are employed in adult grammar: movement of a wh-operator in subject, direct object and locative relatives with gaps and base generation of an empty operator that binds a resumptive pronoun in resumptive relatives. Children do not use relative pronouns (and thus pied-piping) because these are learned late, likely through explicit teaching and are generally avoided in the spoken colloquial language, which is the input that children are exposed to during the early years of language acquisition” (Guasti & Cardinaletti, 2003 : 86).

Avant d’utiliser les pronoms relatifs, les enfants produiraient alors, par manque de connaissances lexicales, des formes par défaut qu’ils surgénéraliseraient : que + opérateur nul ou bien un opérateur générique où (Guasti, 2002), comme dans les exemples (59), recueillis par Guasti et al. (1996).

(59) Le garçon que (=à qui) la dame a montré le trésor. (6;3 ans) Tu veux toucher le couteau où (=avec lequel) le monsieur est en train de couper

l’arbre. (4;4 ans)

L’auteur conclut donc que les jeunes enfants, comme les adultes, utilisent des relatives dérivées par mouvement ainsi que des résomptives, qui sont—on l’a dit—fréquentes en français parlé. La seule différence entre les grammaires de l’enfant et de l’adulte est que la première utilise des formes par défaut jusqu’à un apprentissage formel des pronoms relatifs.

En ce qui concerne l’ordre d'acquisition des relatives en français, Clark (1985) décrit un décalage entre les relatives sujets, produites précocement, et les relatives ne respectant pas l’ordre canonique des constituants phrastiques, à savoir les relatives objets et obliques (décalage confirmé par De Cat, 2002 ; Labelle, 1990, 1996 ; Satoer, 2006 ; Delage et al., 2008). Cette dissociation (entre relatives sujets et objets) se retrouve également sur le versant réceptif (Friedmann & Novrogrodsky, 2004) en hébreu chez des enfants âgés de 4 à 6 ans.

Rondal (1979, cité par Labelle, 1990) a décrit l’ordre d’acquisition suivant : les pseudo- relatives seraient produites dès 2;6 ans, les relatives sans complémenteur dès 3;6 ans et enfin les relatives avec complémenteur dès 4;2 ans. De Cat (2002) et Labelle (1990) rapportent également la production précoce des relatives avec pronoms ou DP résomptifs ainsi que celle des pseudo-relatives : les clivées et présentationnelles c’est. Labelle (1989, cité dans Labelle, 1990) avait d’ailleurs testé la compréhension de ces relatives présentationnelles : “the result

of this test confirmed that presentational constructions are mastered earlier than relative clauses” (Labelle, 1990 : 113). De Cat (op. cit.), qui a analysé les corpus de langage spontané

de 4 enfants francophones âgés de 12 à 36 mois, note également que les premières relatives apparaissent précocement mais qu’elles se révèlent être essentiellement des constructions sans complémenteur (60), des résomptives (61) ou bien encore des clivées (62).

(60) C’est le papa # va manger. (2;1 ans)

(62) C’est lui qui fait dodo sur lui. (2;4 ans).

Les vraies relatives (non clivées, non présentationnelles), les relatives objets et les relatives avec pied-piping sont quant à elles maîtrisées plus tardivement (Labelle, 1990 ; Guasti et Cardinaletti, 2003 ; Delage et al., 2008).

Mais qu’en est-il de l’acquisition des relatives chez des sujets présentant un contexte de développement atypique ? Comme pour les autres variables morphosyntaxiques sensibles à un développement atypique du langage, le pattern de production des subordonnées relatives observé chez des sujets présentant des troubles langagiers (consécutifs à un TSL, une surdité ou bien encore à une épilepsie) se rapproche de celui des enfants tout-venant plus jeunes.

C’est ainsi que les relatives objets sont beaucoup moins fréquemment produites que les relatives sujets et que les pseudo-relatives, dont la représentation structurale est moins complexe, sont privilégiées au dépens des relatives dont la structure implique davantage de complexité syntaxique (Tuller et al., 2006 ; Damourette, 2007, Hamann et al., 2007, Monjauze, 2007 ; Delage et al., 2008).

Plus précisément, Tuller et al. (2006) ont retrouvé l’asymétrie classique entre relatives sujets et objets : les relatives sujets étaient produites en plus grand nombre que les relatives objets dans toutes les populations étudiées (12 témoins de 6 ans, 12 témoins de 11 ans, 15 épileptiques et 15 SML âgés de 7 à 11 ans). Le taux de relatives objets augmentait chez les témoins : en effet, parmi les enfants de 6 ans, la moitié des sujets n’en produisait aucune, alors que 11 des 12 adolescents âgés de 11 ans en produisaient au moins une. Au contraire, dans les deux groupes cliniques, quel que soit l’âge, la moitié des sujets ne produisait aucune relative objet.

Chez les sujets avec TSL, Hamann et al. (2007) ont également trouvé dans le groupe des 10 enfants (6-10 ans) un taux de relatives objets et de vraies relatives (non clivées, non présentationnelles) inférieur à celui de témoins âgés de 6-8 ans (pour les relatives objets : 11% chez les enfants avec TSL versus 20% chez les témoins de 6-8 ans). En ce qui concernait le taux de vraies relatives, les enfants avec TSL avaient des résultats similaires à ceux des témoins âgés de 6 ans avec une proportion de 20% (de vraies relatives) contre plus de 30% chez les témoins plus âgés (8 et 11 ans). Dans le groupe d’adolescents avec TSL (11-16 ans), le taux de relatives objets restait bien inférieur à celui des témoins : 16% contre 35% pour les témoins de 11 ans. Enfin, Hamann et al. (op. cit) ont remarqué que le taux de production des

relatives de niveau 0 était particulièrement élevé chez les sujets avec TSL : 18% pour les 6-10 ans et 21% pour les 11-16 ans contre 5 à 10% chez les témoins âgés de 6 à 11 ans.

Dans sa population de thèse, à savoir 27 enfants et adolescents âgés de 7;2 à 16;10 ans présentant une épilepsie à pointes centro-temporales, Monjauze (2007) a noté que les sujets épileptiques produisaient moins de relatives que les témoins (âgés de 7;9 à 14;10 ans), notamment moins de relatives objets. Par ailleurs, les épileptiques produisaient, en tant que groupe (et de manière très nette chez les sujets les plus âgés), moins de vraies relatives et plus de présentationnelles que les sujets contrôles.

Enfin, Friedmann et Szterman (2006) ont analysé la sensibilité à la complexité syntaxique, et plus précisément au mouvement syntaxique, chez 14 à 20 enfants132 locuteurs de l’hébreu, sourds moyens, sévères et profonds âgés de 7;7 à 11;3 ans, comparés à 28 enfants contrôles âgés de 7 à 11 ans. Pour ce faire, les auteurs se sont appuyés sur différentes tâches de compréhension et de production de relatives sujets et objets et également de structures SVO, OVS et OSV.

La première tâche de compréhension consistait à désigner parmi deux images (comme la figure 3.17) celle qui correspondait à l’énoncé entendu : soit une structure simple SVO (63), soit une relative sujet (64), soit une relative objet (65).

(63) Montre-moi : la fille photographie la femme. (64) Montre-moi la fille qui photographie la femme. (65) Montre-moi la fille que la femme photographie.

Figure 3.17. Item de compréhension d’une relative objet (Friedman & Szterman, 2006).

La seconde tâche visait à évaluer, selon le même principe de désignation d’images, la compréhension de structures topicalisées OVS et OSV ; ces structures sont possibles en hébreu même si l’ordre canonique de base reste identique à celui observé en français ou en anglais (SVO). Les auteurs précisent que ces constructions phrastiques n’impliquent ni enchâssement, ni morphème supplémentaire par rapport aux constructions SVO ; elles diffèrent seulement de ces dernières dans le mouvement syntaxique de l'objet133. En tant que groupe et comparés aux normo-entendants, les enfants sourds échouaient dans la compréhension des relatives objets et des énoncés topicalisés OVS, toutes structures impliquant au moins un mouvement syntaxique.

Deux autres tâches élicitaient la production de subordonnées relatives sujets et objets. La première consistait en une tâche de préférence comme en (66) et l’autre en une description d’images comme en (67).

(66) Elicitation d’une relative sujet :

Voici deux enfants ; l’un offre un cadeau, et l’autre reçoit un cadeau. Quel enfant préférerais tu être ? Commence ta phrase avec « je préférerais… » ou « l’enfant… » Réponse attendue : je préférerais être l’enfant qui reçoit un cadeau.

Elicitation d’une relative objet :

Voici deux enfants ; le papa peigne un des enfants, le coiffeur peigne l’autre enfant. Quel enfant préfèrerais-tu être ? Commence ta phrase avec « je préférerais… » ou « l’enfant… ».

Réponse attendue : je préférerais être l’enfant que le papa peigne.

(67) Elicitation d’une relative objet :

Voici deux filles ; dans une des images la fille dessine la femme et dans l’autre image la femme dessine la fille. Cette fille (désigner la fille du doigt) c’est quelle fille ? Commence ta phrase avec « c’est la fille … ». Et maintenant, dis moi, c’est quelle fille ?

Réponse attendue : c’est la fille que la femme dessine.

Ces deux tâches objectivaient des résultats similaires : les enfants sourds manifestaient d’importantes difficultés à produire des relatives objets, avec des taux de production correcte

133 Les structures OVS impliquent en plus le mouvement du verbe, soit deux mouvements au total (contre un seul

de 19% et 17% contre 64% et 62% pour le groupe contrôle. Les sourds évitaient donc la production de la grande majorité des relatives objets standards en produisant soit des pronoms résomptifs ou des DP résomptifs (68), donc des structures dérivées sans mouvement, soit des relatives sujets (69) ou d’autres types de subordonnées (complétives), soit des relatives objets agrammaticales (avec notamment des omissions de la tête de la relative (70) ou du complémenteur).

(68) * C’est la fille que la grand-mère coiffe la fille.

Réponse attendue : C’est la fille que la grand-mère coiffe. (69) Je voudrais être la grand-mère qui m’habille.

Réponse attendue : Je veux être la fille que la grand-mère habille. (70) * Je voudrais être Ø que grand-père nourrit.

Réponse attendue : je voudrais être celui que le grand-père nourrit.

Quant à la production des relatives sujets, elle était meilleure que celle des relatives objets mais pas toujours exempte d’erreurs pour autant (13% étaient agrammaticales, contre moins de 2% chez les contrôles). Enfin, la dernière tâche consistait à comparer la compréhension des relatives objets avec ou sans pronom résomptif (donc sans mouvement du NP). Les résultats obtenus indiquaient que la présence d’un pronom résomptif dans les relatives objets (ex :

Montre moi le chien que le chat le lèche) facilitait la compréhension de ces subordonnées

(71% de désignation correcte sans pronoms résomptif versus 98% avec pronom résomptif). Les auteurs concluent que les déficits syntaxiques mis en évidence chez les enfants sourds seraient davantage sous-tendus par le mouvement du NP, résultant en des structures phrastiques ne suivant pas l’ordre canonique des arguments, que par l’enchâssement (présent dans les relatives mais absent dans les topicalisations de type OVS).