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Chapitre 1. Théories, approches et concepts sur les personnes aînées, milieux urbains et

1.2. Les milieux urbains : opportunités et contraintes

1.2.1. Accessibilité spatiale aux ressources urbaines

Le milieu urbain en tant qu’espace donnant accès aux services et équipements publics et privés (ressources urbaines) est au cœur des recherches sur l’accessibilité spatiale. Celles-ci s’intéressent à l’offre de ressources dans un espace donné, en ayant recours aux systèmes d’information géographique (SIG) (Apparicio et Séguin 2006a, 2006b; Kitajima et al. 2001; Grothe, Nijkamp et Scholten 1996). L’accent est ici sur le potentiel d’un territoire mesuré à l’aide de méthodes quantitatives. Ces travaux reposent sur l’hypothèse que les utilisateurs fréquentent les services les plus rapprochés, hypothèse qui n’est pas toujours validée, certains travaux montrant que ce n’est pas toujours le cas pour différents groupes d’âge, dont les aînés (Chapon et al. 2011; Witten, Exeter et Field 2003; Lord, Joerin et Thériault 2009b).

L’accessibilité aux ressources urbaines (lieux de loisirs, commerces d’alimentation, services de santé et autres) peut aujourd’hui être relativement aisément calculée avec l’avènement des SIG et les développements de l’analyse spatiale (Fotheringham et Rogerson 2009). Dans une étude portant sur l’île de Montréal, Cliche, Séguin et Apparicio (2012) qualifient le milieu d’insertion des résidences privées pour personnes âgées sur la base de plusieurs variables caractérisant

l’environnement social (profil socio-démographique et socio-économique de la population)12,

physique (caractéristiques « naturelles » et bâties du milieu)13 et les paysages de services et

d’équipements (accessibilité aux ressources privées ou publiques)14. Leurs résultats montrent que

les résidences s’insèrent dans une grande variété de milieux qui se distinguent sensiblement sur le plan de la qualité. Près de 13 % des résidences pour personnes âgées sur l’île de Montréal sont situées dans des zones de faible qualité qui se caractérisent par une combinaison d’aspects négatifs, par exemple la présence de grandes infrastructures de transport (gares de triage, autoroutes), de sites d’enfouissement ou d’industries, d’importantes distances aux services et équipements et par un environnement social peu favorable.

Une étude de Negron-Poblete, Séguin et Apparicio (2012) se concentre davantage sur l’environnement physique et son potentiel pour les piétons à l’échelle spatiale du quartier. L’étude porte sur un territoire de la banlieue de Montréal (Longueuil) et se concentre sur les caractéristiques morphologiques du territoire et leur influence sur l’accessibilité aux services et équipements. Après une évaluation de l’accessibilité spatiale à l’aide des SIG aux biens et services courants, particulièrement aux services d’alimentation, les auteurs ont procédé à un relevé terrain d’éléments pouvant favoriser ou au contraire entraver les déplacements à pied des aînés afin d’évaluer le potentiel piétonnier. Ils ont notamment relevé la largeur des trottoirs, la végétation en bordure de rue, la largeur des rues commerciales, les stationnements et la présence de lieux de repos. Les résultats de l’étude indiquent une accessibilité très inégale au sein du territoire en termes de distances aux services et équipements, ainsi que des inégalités importantes sur le plan du potentiel piétonnier.

Pour obtenir un portrait détaillé des divers éléments susceptibles d’influencer la faisabilité des déplacements, on utilise communément un audit de « marchabilité »ou du potentiel piétonnier15.

Cet outil mesure la capacité des espaces à encourager les déplacements piétons (Vine, Buys et Aird 2012a). Il s’agit généralement de grilles d’indicateurs prédéfinis où sont recueillies des données qualitatives et quantitatives sur chaque tronçon de rue et aux intersections. Les indicateurs fréquemment utilisés concernent les caractéristiques physiques de l’espace urbain et

12 Variables retenues pour l’environnement social : personnes à faible revenu par rapport à la population totale, criminalité pour 1 000 personnes, personnes faisant partie de minorités visibles par rapport à la population totale, personnes de 65 ans et plus.

13 Variables retenues pour l’environnement physique : autoroute et voie ferrée (proximité et longueur dans la zone de proximité), 16 types d’occupation du sol, indice de végétation NDVI.

14 Catégories et services : équipements culturels, de santé, sportifs et récréatifs, succursales bancaires, transports, autres.

des indicateurs plus abstraits sur la qualité du design urbain (transparence, complexité, échelle humaine…) (Ewing et Handy 2009). La somme de ces informations (qui peuvent être pondérées selon leur importance relative) permet d’obtenir un portrait d’ensemble du potentiel d’un quartier (Paquin et Pelletier 2012; Vever 2012).

Quelques auteurs (Chaudhury et al. 2011; Negron-Poblete et Lord 2014) ont développé des instruments d’audit qui comportent des variables spécifiques aux besoins des personnes âgées, compte tenu, entre autres, de leurs limitations fonctionnelles et une sensibilité accrue à certains obstacles dans le cadre bâti. L’audit peut également être jumelé à d’autres méthodes de collecte de données comme l’ont fait Negron-Poblete et Lord (2014) en réalisant des groupes de discussion avec des aînés pour connaître leurs opinions sur la « marchabilité » dans les environs de leur résidence.

Peu d’études semblent s’intéresser à l’influence des conditions hivernales sur l’accessibilité aux ressources. Or, ces conditions ont un impact considérable sur la population en général et les aînés en particulier, car elles rendent les déplacements périlleux et présentent un risque de chute et de blessures potentiellement graves (Morales, Gamache et Edwards 2014; Sylvestre 2016). La mesure des conditions au sol comme la friction (habituellement évaluée à partir de calculs d’ingénierie) est complexe et l’état des voies piétonnes et routières est influencé par une multitude de facteurs, à savoir les conditions météorologiques, le microclimat (exposition au soleil et au vent), les cycles de gel et de dégel, les techniques de déneigement, la présence d’accumulation de neige, etc.

Ainsi, l’accessibilité varie selon les saisons, la météo et les horaires des travaux publics (activités de déneigement). La mesure des conditions climatiques au sol est au-delà de l’ampleur de notre recherche sur la mobilité des aînés. Toutefois, l’aspect hivernal est difficile à ignorer dans une recherche qui porte sur Montréal où le nombre moyen de jours de précipitations de neige est de 13,0 jours pendant le mois de décembre, 15,3 en janvier, 12,1 en février et de 9,1 jours en mars16.

Une autre possibilité pour prendre en considération les conditions hivernales consiste à les aborder par des méthodes plus qualitatives. Des entrevues pourraient permettre d’évaluer la perception qu’ont les aînés de l’hiver et de son influence sur l’accessibilité aux ressources.

16 Selon les données d’Environnement Canada (Station météorologique de l'Aéroport Montréal-Trudeau, basé sur des moyennes calculées entre 1981 et 2010) publiées sur le site de la Ville :

Les études sur l’accessibilité spatiale sont très utiles pour évaluer le potentiel d’un territoire donné et comparer des territoires entre eux. Comme mentionné, un certain nombre d’études mesurent les caractéristiques du cadre bâti et naturel qui risquent d’influencer l’accessibilité aux ressources (largeur des trottoirs, la végétation en bordure de rue, stationnements, etc.) pour la population en général ou, plus spécifiquement, pour les aînés. Ces études n’intègrent toutefois pas le point de vue des aînés, du moins pas directement, et présentent donc certaines limites lorsqu’il s’agit d’identifier les lacunes des territoires, les besoins des aînés et d’intervenir sur le cadre bâti. Elles ne permettent pas de comprendre les pratiques de déplacement des aînés, leurs perceptions de la qualité des services ou des équipements ou de détecter s’il y a des projets de mobilité que les aînés ne peuvent réaliser à cause de problèmes d’accessibilité et de contraintes présentes dans l’environnement urbain (Föbker et Grotz 2006; Nordbakke 2013; Lord, Joerin et Thériault 2009a).