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CHAPITRE 1 : Le Taiping jing chao ′l眠毘 (CTT 1101, juan n° 1 à 10)

1.1. Présentation

Dans le Canon taoïste, le TPJ proprement dit est précédé d’un texte que les éditeurs du Canon n’ont jamais distingué de celui-ci, pas plus que trois des catalogues modernes des titres des ouvrages du Canon — ceux du P. Léon WIEGER {388}, du Harward-Yenching Institute {621} et

de l’E.F.E.-O. {329} — qui leur attribuent le même numéro 91

. Seuls le Daozang tiyao 洋沮投酷

(n° 1090) et le Daozang fenlei jieti 洋沮』犧鑓渺 (n° 178) traitent ce texte séparément 92

.

1.2. Titre

La toute première ligne de ce texte est la suivante :

91. Ainsi la réédition la plus récente du Canon (Shanghai, Tianjin : Wenwu chubanshe ◇軌†貴掬 : 1988), en 36 volumes, reporte dans la marge le titre “Taiping jing ′l眠” pour l’ensemble de ces deux textes consécutifs.

′l眠毘し挑蝦\

Transcription du Livre de la Grande paix, section jia, juan n° 1 93

.

Cet intitulé montre clairement que nous n’avons pas affaire au texte maître : le caractère

chao 毘 se rapporte en fait à une sorte de version abrégée ou résumée d’un texte, ou encore à une

sélection d’extraits d’un texte. Les trois variantes attestées (chao 胃, quan 憂 et quan 凖) sont ici quasiment synonymes (cf. infra : § 1.3).

1.3. Mentions et variantes

titre mentionné source

′l毘 廿抬賓 (CTT 774) {028}, 4 : 18a ′l胃 Υ弐 ♀げ出ぎ珍眠 (CTT 397) {042}, 2 : 7b 憂′l眠 き銀掎 (CTT 781) {053}, 5 : 7b (′l眠) 憂 廿抬賓 (CTT 774) {028}, 4 : 19a ′l眠 奸 (…) 憂 瘡窄七 {070}, 19 : 206 凖′l眠 瘡∵賓 (CTT 295) {036}, C : 5a 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 113B : 29b 凖′l眠胡 奸 ♀S`■Y易 {067}, 9 : 379 (′l匡叮七) 凖 個嶮隣易 {098}, 5 : 12b 1.4. Historique

Le TPJC ne fait état d’aucune paternité et ne se rattache à nulle lignée de transmission qui lui soit propre.

1.5. Plan littéraire

Ce texte de 213 pages est divisé en dix juan 蝦 numérotés de 1 à 10. Chaque juan étant supposé correspondre à une section (bu 挑) du texte maître, les dix juan admettent une numérotation parallèle de jia し (I) à gui 倖 (X). Ces juan sont subdivisés en paragraphes.

L’ensemble ne comporte que trois titres de chapitres, situés à la première page de chacun des

juan n° 1, 4 et 7. Wang Ming a reproduit ces titres dans le TPJHJ, bien que le premier ne figure pas

en retrait par rapport au corps du texte comme c’est généralement le cas dans le Canon ([1.3-4], [193.2] et [469.3]).

La confrontation du TPJC et du MS de Dunhuang S. 4226 {002} 94

montre deux choses : (1) Dans le TPJC, de nombreux titres issus du TPJ ont été mêlés au corps du texte, amputés de leur numérotation, souvent en tête de paragraphe — mais ce procédé n’est pas systématique et de nombreux paragraphes s’ouvrent sur une simple formule interrogative qui en détermine le thème. (2) Le découpage en dix juan numérotés de jia (I) à gui (X) reproduit la structure du texte

maître avant son démembrement 95

.

En plus du contenu textuel, le TPJC comporte une unique illustration accompagnée d’une

légende et représentant des “hommes divins revêtus de plumes” (shenren yufu 出 Ι監),

immortels s’élevant au Ciel à bord d’un char impérial attelé de neuf dragons (jiulong nian 抬峙) et

surmonté d’un dais, environné de nuées et survolé par un couple de grues, symboles d’immortalité (CTT 1101 {033}, 6 : 18a-b).

Un seul passage, qui débute par les mots shi cewen 施芭◇, semble suivre une métrique régulière. Il s’agit de treize phrases (ou vers) de sept caractères totalisant 91 caractères (cf. CTT 1101 {033}, 3 : 22a).

94. Sur ce document du corpus des textes de la Grande paix, cf. infra : Chapitre 5.

1.6. Sources mentionnées

source mentionnée localisation

個簿眠 6 : 11a.10, 12b.2 個簿\眠 6 : 11b.9, 7 : 22b.8, 8 : 3b.6 願己 (= 願隣己七) 3 : 27a.9, 6 : 11b.2 窶七培◇ 1 : 7a.4, 7b.4 洋◇ 6 : 20a.5 洋η七 6 : 10b.7, 7 : 2b.3 出七 6 : 19a.4, 22b.4, 7 : 11b.6, 16a.1 ′l眠 9 : 9b.10, 10b.2 ′l\眠 1 : 4b.5 桓 7 : 30b.1 1.7. Sources citées

Le TPJC ne cite explicitement aucune source.

1.8. Recoupements

Le tableau qui suit reprend les recoupements mentionnés par Wang Ming dans le TPJHJ, en complétant les références qui manquent d’exactitude.

TPJC sources recoupées

1 : 2a.7-b.1 藻掲命洋мょ構 (CTT 442) {049} : 1b

1 : 2b.4-5 Υ弐 ♀げ出ぎ珍眠 (CTT 397) {042}, 2 : 7b

TPJC sources recoupées (suite) 1 : 5b.10 (a) 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 6 : 19b (b) 洋糎娘圜 (CTT 1129) {035}, 2 : 12a 1 : 7a.4-b.3 公♀ 藻亨湮係м窶七培◇ 眠 (CTT 639) {050} : 1a-b 1 : 7a.7-8 ′l拙癡 {094}, 677 : 8a 1 : 7b.6-8a.5 個修睇 (CTT 1139) {043}, 3 : 5b-6a 2 : 5a.4-6 洋酷窶弘出心銀眠 (CTT 1201) {010} : 1b 2 : 5a.9-b.4 ′l眠命м准ポ (CTT 1102) {034} : 1b-2a 2 : 7b.10-8a.6 掲亢七 {071}, 30 B : 1081 *2 : 13b.2-4 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 4 : 3a 3 : 1a.3-2b.2 TPJ, 35 : 1a-13a 3 : 2b.2-3a.6 TPJ, 37 : 1a-7b 3 : 3a.6-5b.4 TPJ, 40 : 1a-7b 3 : 6a.6-b.5 TPJ, 41 : 1a-2a 3 : 6b.7-8a.2 TPJ, 42 : 1a-9b 3 : 8a.10-10a.10 TPJ, 44 : 1b-5b 3 : 10b.1-12b.4 TPJ, 45 : 1a-8b 3 : 12a.8-12b.4 個修睇 (CTT 1139) {043}, 1 : 21b-22a 3 : 12b.5-13b.1 TPJ, 46 : 1a-4a 3 : 13b.7-14b.9 TPJ, 47 : 2b-13b 3 : 14a.8-b.5 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 2 : 8a-b 3 : 15a.1-b.7 TPJ, 48 : 2a-4a 3 : 15b.7-18a.2 TPJ, 50 : 2a-19b 3 : 18a.2-b.8 TPJ, 51 : 1a-3a 3 : 18b.10-21b.2 TPJ, 36 : 1a-10b 3 : 22a.1-6 恍⇒充∵稍洋貯硅 (CTT 296) {054}, 20 : 2a-b 3 : 22a.7-26a.7 TPJ, 39 : 1a-5b

TPJC sources recoupées (suite) 3 : 26a.8-28a.2 TPJ, 43 : 1a-3b 3 : 27b.5-8 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 4 : 3a-b 4 : 2a.3-3b.2 TPJ, 53 : 1a-3a 4 : 3b.2-4b.1 TPJ, 54 : 2a-b 4 : 4b.1-5b.3 TPJ, 55 : 1a-4a 4 : 8a.5-9a.5 酷載抗呷維慧毘 (CTT 463) {056}, 14 : 1a-b 4 : 12a.8-10 掲亢七 {071}, 30 B : 1084 4 : 15a.10-b.6 い 基◇′ Y 呷 (CTT 1243) {024} : 4a 4 : 16a.6-17a.2 TPJ, 65 : 1b-6a 4 : 16b.9-17a.1 (a) 個出滝蕉 (CTT 79) {013} : 9a (b) 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 7 : 9a-b 4 : 17a.2-b.1 TPJ, 66 : 1a-2a 4 : 17b.1-18a.2 TPJ, 67 : 1a-3a 4 : 18a.2-9 TPJ, 68 : 1a-b 5 : 1a.2-3b.4 TPJ, 69 : 1b-7a 5 : 3b.4-4b.3 TPJ, 70 : 1a-2b 5 : 4b.3-5b.6 TPJ, 71 : 1a-3b 5 : 5a.1-b.6 ′l眠命м祝ポ (CTT 1102) {034} : 2b-3b 5 : 5b.6-9 TPJ, 72 : 1b-2a *5 : 10b.6-8 ′l拙癡 {094}, 668 : 1a *5 : 11b.2-4 ′l拙癡 {094}, 668 : 1a 6 : 1a.2-2b.10 TPJ, 86 : 3a-15b 6 : 3a.9-b.5 TPJ, 88 : 5a-b 6 : 3b.6-4b.8 TPJ, 90 : 1b-5a 6 : 4b.10-7a.3 TPJ, 92 : 1a-15a 6 : 11b.1-16a.2 TPJ, 91 : 1a-14a

TPJC sources recoupées (suite) 6 : 16a.3-17a.10 TPJ, 93 : 4a-19b 6 : 19a.1-b.7 TPJ, 101 : 7a-8a *6 : 20b.3-7 酷載抗呷維慧毘 (CTT 463) {056}, 12 : 13b 6 : 20b.3-24a.5 TPJ, 96 : 1a-24b 6 : 24a.5-10 TPJ, 97 : 6b 6 : 24a.10-29a.3 TPJ, 98 : 1a-15a 6 : 29a.4-b.2 TPJ, 100 : 3b-4a 6 : 29b.2-30b.9 TPJ, 102 : 1a-5b 7 : 1a.2-2b.3 TPJ, 103 : 1a-3a 7 : 2b.3-5a.3 TPJ, 108 : 1a-4b 7 : 3b.9-4a.6 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 4 : 1b 7 : 5a.3-9b.2 TPJ, 109 : 1a-4b 7 : 9b.4-16b.8 TPJ, 110 : 1a-20b 7 : 16b.9-20b.1 TPJ, 111 : 1a-17b 7 : 20b.4-25a.5 TPJ, 112 : 1a-23a 7 : 22b.6-7 洋酷窶弘出心銀眠 (CTT 1201) {010} : 1b 7 : 25a.5-27a.9 TPJ, 113 : 1a-4b 7 : 27a.9-b.2 掲亢七 {071}, 30 B : 1084 7 : 33a.8-38a.8 TPJ, 116 : 1a-16b 7 : 38a.8-40b.3 TPJ, 117 : 1a-13b 7 : 40b.3-42a.7 TPJ, 118 : 1a-4a 7 : 42a.7-43a.7 TPJ, 119 : 2b-7a 8 : 19b.8-10 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 4 : 8b 10 : 1a.2 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 6 : 15a 10 : 2a.1-3 洋科寶 (CTT 1130) {009}, 4 : 1a-b 10 : 2b.5-8 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 6 : 15a-b

TPJC sources recoupées (suite)

10 : 6b.6-8 ′l拙癡 {094}, 659 : 7b

10 : 9b.6-7 ′l拙癡 {094}, 668 : 1a

10 : 10a.9-b.5 ′l眠命м准ポ (CTT 1102) {034} : 1a

Les quatre recoupements précédés du signe [*] ont été omis par Wang Ming.

1.9. Analyse

1.9.1. La nature du TPJC

La réalisation par Wang Ming d’une édition critique (le TPJHJ) du TPJ incluant les éléments provenant du TPJC a prouvé que le TPJC est un recueil d’extraits du TPJ et que son contenu, du moins pour les juan n° 3 (= section bing ¬ [III]) à 7 (= section geng 郭 [VII]), recoupe en de multiples endroits celui du texte maître, en dépit de nombreuses variantes.

Cependant, la mise en parallèle des deux sources montre que l’auteur du TPJC ne s’est pas contenté de copier (ou de “retranscrire”, chao 毘) une sélection d’éléments du TPJ mais que son choix s’est le plus souvent accompagné d’une réécriture et d’une standardisation, voire d’une simplification du texte maître : de nombreux chapitres, parfois des juan entiers, ont été omis et, dans bien des cas, l’auteur s’est visiblement contenté de piocher ici ou là quelques lignes, généralement situées en début de juan ou de chapitre, qu’il a ensuite recopiées bout à bout, sans même prendre la peine de les séparer systématiquement par des alinéas pour refléter les changements de juan ou de chapitres de la version originale 96

.

96. Un exemple : le TPJC ne recoupe aucun des douze chapitres (n° 192 à 203) du juan n° 114 [591.2-627.7]. Ceux-ci étaient-ils absent du modèle d’après lequel il a composé sa version résumée, ou bien a-t-il choisi délibérément de ne pas en tenir compte dans son résumé parce qu’il n’en comprenait pas le sens ou doutait de leur authenticité ? On verra dans la suite de ce travail que ce juan se rattache à une “strate” minoritaire du texte posant des problèmes de datation et de contenu par rapport à la “strate” majoritaire (cf. infra : Chapitre 2, § 2.10.4) bien que la table des matières du MS de Dunhuang recoupe onze des douze titres de chapitres de ce juan, témoignant de sa présence dans l’édition du TPJ qui circulait au début des Tang.

Au nombre des autres catégories de modifications d’importance variable perpétrées par le compilateur du TPJC, on compte notamment l’expression tianshi ♀施, pourtant récurrente dans le texte original où elle désigne l’orateur instruisant les disciples, qui a disparu dans la quasi-totalité

des cas dans la transposition du TPJC — mais, étrangement, pas de manière systématique 97

. Faute

d’inattention de l’auteur, ou tolérance occasionnelle 98

?

1.9.2. Le cas du juan n° 1

Dans un article publié en 1948, Wang Ming a montré que le juan n° 1 du TPJC, qui contient théoriquement le résumé de la section jia し, constitue un cas à part : absolument étranger au TPJ, son contenu provient en réalité pour une bonne part du corpus scripturaire du courant taoïste du

Shangqing 藻 99

.

En publiant une première transcription du MS de Dunhuang et en comparant les titres de chapitres absorbés dans le corps du TPJC avec ceux révélés par la table des matières du MS, YOSHIOKA Yoshitoyo を廓娘浣 {601} a montré que dans le TPJC, le résumé de la première section du TPJ figure en fait à la place du résumé de la dixième section (gui 倖, juan n° 10) et que c’est ce dernier qui fait défaut. En conséquence, nous ne connaissons de la section gui (X) que les titres des chapitres originels, grâce à la table des matières du MS 100

.

Plus récemment, Li Gang 姻鷺 a émis l’hypothèse que la fabrication du juan n° 1 est étrangère à l’auteur supposé du TPJC et bien antérieure à l’époque de celui-ci et aurait été le fait de

97. Selon Ôfuchi, cette modification serait due à l’emploi du terme tianshi comme titre dans la hiérarchie religieuse humaine et non plus céleste à partir de l’époque contemporaine de Kou Qianzhi 成楔\ (363-448), mais l’hypothèse ne repose pas sur une argumentation réellement convaincante (cf. ÔFUCHI {584} : 106-107). En tout cas, ce serait là un argument en faveur de l’ancienneté du TPJ proprement dit, qui serait nécessairement antérieur à la période contemporaine de Kou Qianzhi.

98. Les cas où cette suppression peut être aisément constatée sont nombreux ; par exemple, CTT 1101 {033}, 6 : 6a [375.10]. Mais l’expression subsiste par endroits : CTT 1101 {033}, 3 : 10b [113.10], 5 : 8a [303.7].

99. Cf. WANG Ming {509}. Wang Ming, qui ignorait tout du MS de Dunhuang avant la transcription de Yoshioka, pensait alors que le résumé correspondant à la section jia était perdu (p. 375). Pour une analyse du contenu du juan n° 1 du TPJC à la lumière des textes du courant Shangqing, cf. infra : IIe partie, Chapitre 8.

taoïstes du courant Shangqing, au cours des Six dynasties, entre la fin de la dynastie des Jin

Orientaux 緩式 (317-420) et la période contemporaine de Tao Hongjing 鳥o藤 (456-536) 101

.

1.10. Authenticité

Bizarrement, la longueur et le découpage du TPJC varient d’une source à l’autre — tantôt vingt, tantôt trente chapitres — alors que la version transmise compte 10 juan. Ainsi, le Youlong

zhuan 廿抬賓 {028} de Jia Shanxiang 誘賠陪 (fl. 1086), qui dresse un inventaire des textes Taiping,

mentionne à la fois “une Transcription (du Livre) de la Grande paix, en 10 juan, dont l’identité de

l’auteur n’est pas connue” (Taiping chao shi juan, bu zhu zhuanren mingshi ′l毘 蝦ー肇嚶

エ〓) et “une explication du Livre de la Grande paix, en 30 pian” (Taiping jing yin quan wei sanshi

pian ′l眠ギ憂胡 奸) 102

.

Il est tentant d’expliquer ces variations par la coexistence de plusieurs versions résumées distinctes, ou par des fautes de copie (l’hypothèse est bien pratique pour expliquer aussi les variations de longueur relevées), voire par l’usage particulier propre à un lieu ou à une époque (les caractères chao 毘, quan 凖 et quan 憂 étant des proches synonymes). Peut-être aussi — et c’est là l’hypothèse que j’estime la plus plausible — le titre du TPJC n’a-t-il été fixé que tardivement, par exemple au moment de son intégration en tête de l’édition canonique du TPJ, à la place des deux sections manquantes.

1.10.1. Paternité

Les diverses mentions relevées dans un des tableaux présentés ici (cf. supra : § 1.3) désignent un certain Lüqiu Fangyuan 嶝∃■勳 (?-902) comme l’auteur du TPJC et l’on avance généralement, à l’appui de cette hypothèse, que le Canon taoïste contient un autre ouvrage “du type

101. Cf. LI Gang {446} : 299. Sur la question de la paternité du TPJC, cf. infra : § 1.10.1. 102. Youlong zhuan (CTT 774) {028}, 4 : 18a-19a.

chao 毘” dont la paternité est clairement attribuée à ce personnage, le Taishang dongxuan Lingbao dagang chao ′ 個き窶獸.儉毘 (CTT 393) 103

. Deux points :

(1) Le TPJC est nécessairement postérieur au développement d’un TPJ en 10 sections, puisque son découpage en dix juan numérotés selon les Troncs célestes, à l’image des dix sections, s’inspire de cette structure.

(2) Il est nécessairement antérieur aux diverses mentions relevées par Wang Ming.

Il peut donc très bien avoir été composé par un taoïste mort au début du Xe siècle — c’est le cas de Lüqiu Fangyuan — puisque ces mentions couvrent une période s’étendant de la dynastie des Tang du Sud 斤窄 (937-975) à celle des Qing 藻 (1644-1911).

1.10.2. Éléments de datation

En ce qui concerne la datation du TPJC, l’analyse philologique n’apporte aucun élément réellement déterminant. Trois cas ont retenu mon attention :

(1) L’occurrence de l’expression fanren qui répond, dans le TPJ, à fanmin う, sans

altération de sens : à l’avènement de l’empereur Taizong (r. 626-649) des Tang 窄, dont le nom personnel (yuming 拙エ) était Shimin ⇒う, le caractère min fut frappé d’interdit par un décret impérial 104

, comme Wang Ming l’a remarqué dans une note marginale 105

.

(2) L’occurrence du caractère li 唾 substitué à zhi 既 : à l’avènement de Gaozong (r. 649- 683) des Tang, dont le nom personnel était Zhi 既, le caractère zhi fut, de la même façon que min sous le règne précédent, frappé d’interdit par décret, avec pour consigne de le remplacer par li 唾 ou

zhi 禾 106

.

103. On trouve des biographies de ce Lüqiu Fangyuan, un ermite taoïste qui serait mort au tout début du Xe siècle, dans le Xuxian zhuan 瘡∵賓 (CTT 295) {036}, 3 : 4a-6a, le Lishi zhenxian tidao tongjian 恍⇒充∵稍洋貯硅 (CTT 296) {054}, 40 : 13b-15a, le Xuanpin lu き銀掎 (CTT 781) {053}, 5 : 7b-8a, le Yunji qiqian 票⑮ 祗 (CTT 1032) {052}, 113 B : 29a-30b et le Tiantai shan fangwai zhi ♀S`■Y易 {067}, 9 : 379-380.

104. Cf. LUFEI Chi 銚磐哺, Lidai diwang miaoshi nianhui pu 恍∽係∨喨 ハ扎煌 {101} : 10a.

105. Cf. TPJHJ {516} : 89 (n. 11).

(3) L’occurrence de la graphie luo 己 de préférence à la graphie luo 參, quand le TPJ paraît admettre indifféremment l’une ou l’autre selon les chapitres : on sait que luo 己 fut frappé d’interdit

sous les deux dynasties Han 107

.

Dans les deux premiers cas, la substitution n’étant pas systématique et le texte admettant tour à tour les expressions fanren et fanmin d’une part, li et zhi d’autre part, on ne peut fonder aucune certitude. Tout au plus pourrait-on émettre l’hypothèse que le TPJC est postérieur à ces deux règnes mais a été composé, au moins pour partie, d’après un manuscrit original d’époque Tang. Cette suggestion ne contredit pas l’attribution traditionnelle à Lüqiu Fangyuan, sans pour autant la confirmer.

Quant au troisième cas, il se révèle n’apporter aucune information remarquable puisque le TPJC étant nécessairement postérieur au TPJ, il est a fortiori postérieur aux deux dynasties Han. En revanche, la présence des deux graphies de luo dans le texte maître (TPJ) pourrait révéler une “strate” textuelle — ou des fragments — d’époque Han.

1.10.3. Le problème des caractères manquants

Le TPJC compte trois occurrences du couple kou kou    (cf. CTT 1101 {033}, 1 : 7b, 2 : 7b et 7 : 5b). Dans deux cas, Wang Ming estime qu’il s’agit de fang kong ■喫 ou caractères laissés en blanc par suite d’omissions volontaires ou de lacunes, et leur a substitué une paire de carrés dans

le TPJHJ : ÛÛ [18.7] et [517.9], mais dans le troisième cas, il a maintenu la leçon kou kou [8.3] 108

. Dans sa récente édition critique, le YU Liming {542} propose les couples qi yao 寡酷, ke xiao D耳

et ru wei 紛, respectivement p. 568, 29 et 385.

107. La vertu de l’agent Feu étant dominante (huode wang ∋嗤∨) sous le règne de Gaozu 娠熟 (206-195 av. J.-C.), le fondateur des Han antérieurs, le nom de la ville de Luoyang 己桧 ne pouvait tolérer un élément graphique évoquant l’eau. On écrivit alors “參桧”. Quand il prit le pouvoir, Wang Mang ∨綻 (r. 9-23) rétablit la graphie habituelle, mais après la restauration, Guangwu di み岸係 (25-57 ap. J.-C.), le fondateur des Han postérieurs, décida de rétablir l’interdit (cf. ZHANG Weixiang 積戦 , Lidai huizi pu 恍∽扎ッ煌 {105} : 46b). Il n’est pas question de la ville de Luoyang dans le TPJC mais du document ésotérique Luoshu 己七, l’Écrit de la (rivière) Luo.

108. VISSIÈRE {382} : 367 cite un texte dans lequel un couple de carrés a été substitué au nom de l’héritier désigné comme successeur par un empereur mourant. Malgré la similarité frappante des deux occurrences, il ne s’agit certainement pas d’un nom propre dans le cas de CTT 1101.

D’autre part, deux caractères laissés en blanc dans le résumé de la section xin 薗 (CTT 1101 {033}, 8 : 15a) correspondent à l’évidence au couple kaipi 膝皓 [695.11], l’expression tiandi kaipi

yilai ♀ゲ膝皓_恩 étant récurrente dans le texte maître. Ce blanc survenant en fin de ligne, on peut

imaginer que le document utilisé par les compilateurs du Canon taoïste des Ming était détérioré. La confrontation du TPJC et du TPJ (qui comporte aussi, comme on va le voir, le couple

kou kou) montre que dans la plupart des cas, l’auteur du TPJC semble soigneusement éviter les

passages contenant ce couple, voire condenser le texte original afin que l’occurrence disparaisse d’elle-même ; dans les autres cas, le membre de phrase est purement et simplement omis (cinq cas) ;

un caractère alternatif n’est proposé que dans un seul cas 109

. On ignore absolument la cause de ces substitution et les binômes proposés par Yu Liming, s’ils comblent utilement une lacune textuelle, ne permettent pas pour autant d’en éclaircir l’origine.