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CHAPITRE 5 : Le Taiping bu juan di er ′l挑蝦鷹 (MS S 4226)

5.9. Analyse

5.9.3. L’épilogue

L’ “Empereur du Mystère originel et Saint postérieur du Portail d’or de la Pureté suprême” mis en scène dans les citations de l’épilogue n’est autre que le “Seigneur Li, Saint postérieur” (Housheng Lijun 掲命姻м), une divinité taoïste messianique dont le résumé de la section jia

222. Dans un passage de la section bing ¬ (III) — et non de la section yi dont ne subsiste qu’un résumé — du TPJ canonique, le texte dit que les 360 vaisseaux sanguins “répondent” (ying) au nombre de jours d’une année : Γ《 唱却數 捧 Γ《 △ (CTT 1101 {015}, 50 : 13a) [179.5-6]. On retrouve ce principe de correspondance entre le macrocosme et le microcosme physiologique dans le Lingshu 窶圜 (second des quatre traités médicaux connus sous le titre de Huangdi neijing 鰭係〉眠 {492} et dont la tradition remonte jusqu’aux Han, mais qui furent reconstitués sous les dynasties Tang et Song), qui rapproche le nombre de jours de l’année du nombre d’articulations (jie 湊) du corps humain : 捧モ Γ《 ‘△¢ モ Γ《 湊 (Lingshu, 71/2 : 446).

223. Le Lüshi chunqiu л〓倹控 {102} 1 : 4, par exemple, évoque les 360 articulations (jie 湊) du corps humain (passage traduit dans KAMENAROVIC {236} : 33-34) et, dans le Grand appendice (Dazhuan .賓) au Yijing 桓眠 {086}, le total des deux hexagrammes Qian 慎 (qui vaut 216) et Kun 魁 (qui vaut 144), soit 360, “équivaut au nombre de jours de l’année”, dang qi zhi ri 没鐙\△ (Xici 瀘燵, 1 : 42). Pourquoi 366 chapitres, et non 365 ou 360 ? On sait que dans les sources, le nombre de jours de l’année varie selon le contexte. John Major a isolé dans le Huainan zi 捉斤 : trois données différentes : 365,25 jours (l’année du calendrier lunisolaire ou année tropique, basée sur l’intervalle séparant deux retours consécutifs du soleil au solstice d’hiver), 360 jours (l’année lunaire, soit 12 mois de 30 jours ou encore 5 saisons de 72 jours) et 366 jours (l’année basée sur le cycle sexagésimal). Cf. MAJOR {272} : 21-23 et {274} : 55-60. Dans le Shangshu 蛎七 {610}, 2 : 119c, l’année compte 366 jours : “trois cents (jours), plus six décades, plus six jours” (sanbai you liuxun you liuri Γモ《マモ《△).

“fabriqué” par le courant Shangqing contient une biographie 224

.

L’expression de “peuple semence” (zhongmin 們う), qui désigne l’élite morale promise au salut lors de la manifestation du Housheng Lijun, apparaît à quatre reprises dans ce passage final (l. 626, 635, 648, 656). On la retrouve également dans le résumé supposé de la section jia occupant

le juan n° 1 du TPJC, mais pas dans le TPJ proprement dit 225

.

5.10. Authenticité

5.10.1. Paternité

S. 4226 est anonyme — nulle mention d’auteur, de copiste ou de donateur n’y figure — et non daté. La fréquence des fautes témoigne d’un travail de copie bâclé, à moins que le modèle utilisé n’ait été lui-même détérioré ou parsemé d’erreurs et d’omissions. Exemple de négligence : le numérateur di 鷹 disparaît des titres de chapitres à partir du chapitre n° 71/108 (l. 244), soit peu après le premier tiers du MS — en revanche, ce numérateur subsiste dans la numérotation des sections et des juan jusqu’à la dernière ligne de la table des matières.

5.10.2. Éléments de datation

Lionel Giles a, le premier, daté ce MS de la fin du VIe siècle ; cette estimation, bien qu’elle ne soit pas argumentée, est communément admise et n’a jamais été remise en cause. Se basant sur la présence, dans la transcription établie par Yoshioka, du caractère min う, B. J. Mansvelt Beck a

affirmé que le MS était nécessairement antérieur aux Tang, confirmant la datation de Giles 226

.

224. Cf. infra : IIe partie, Chapitre 8, § 8.1.

225. YOSHIOKA {603} a étudié de l’idée de zhongmin dans les sources taoïstes de l’époque des Six dynasties.

226. Cf. GILES {192} : 219 et MANSVELT BECK {275} : 172. Ôfuchi rejoint L. Giles et B. J. Mansvelt Beck, mais en se basant sur le style de la calligraphie et le type de pinceau utilisé, par comparaison avec le MS P. 2965 (“Foshuo shengjing di yi τ剿げ眠鷹 ”) {609} qui porte la date de 576. Il précise même que S. 4226 a dû être composé postérieurement à 590, en Chine du Nord. Cf. ÔFUCHI {589} : 509, 549-550.

De fait, aucun des interdits liés aux noms personnels des empereurs des dynasties Sui 逼 et Tang 窄 ne semble respecté au premier abord et, de surcroît, le MS cite le Laojun shuo yibai bashi

jie Κм剿 Γ 維, un autre texte généralement daté du VIe siècle. Or, si on laisse de côté les

transcriptions pour consulter les reproductions photographiques du document original, on ne manque pas de remarquer deux choses :

(1) Chaque occurrence du caractère min う comporte clairement un point supplémentaire tracé à droite du caractère habituel. Plusieurs exemples parfaitement lisibles figurent aux l. 614, 618, 626 et 635.

(2) Dans le caractère homophone min 頁, ce même élément “う” est amputé de ses deux

derniers traits (l. 628).

Or, il s’agit, dans les deux cas, de “graphies dénaturées” 227

, dont l’usage est attesté par les documents épigraphiques et les sources transmises, adoptées pour contourner l’interdit consécutif à l’avènement de Taizong (r. 626-649) des Tang dont le nom personnel était Shimin ⇒う. L’occurrence, dans le MS, de shi ⇒ dans sa graphie standard concorde avec un décret de Taizong ayant imposé qu’un seul des deux caractères de son nom soit désormais évité, sauf dans les cas où ceux-ci figurent côte à côte 228

. D’autre part, l’occurrence, sous sa forme habituelle, du caractère ye 網 (l. 533) — alors qu’un décret de Gaozong (r. 649-683), successeur de Taizong, ordonna la substitution de l’élément yun | à l’élément shi ⇒ que contient ce caractère par respect pour son

prédécesseur — semble indiquer que le MS est antérieur à 657, date de ce décret 229

.

Si l’on admet la validité de la méthode de datation des documents par recherche et identification des caractères interdits, le MS S. 4226 a, en réalité, été composé au cours du second quart du VIIe siècle, plus précisément entre les années 626 et 657, et non au cours des dernières années du siècle précédent.

227. Sur cette pratique, cf. SOYMIÉ {356} : 384-385. 228. Cf. SOYMIÉ {356} : 388-389.

5.11. Conclusions

À son ouverture, Mogao n° 17 contenait deux sortes de documents : un premier groupe, le plus ancien, constitué de documents religieux divers, et un second, plus récent, consistant en rouleaux de textes et d’étoffes entassés en désordre. L’hypothèse de Stein est que cette chambre latérale, au départ simple dépôt d’archives religieuses, a été convertie en cachette dans l’urgence ; selon Rong Xinjiang, il s’agit plutôt du rangement provisoire du fonds scripturaire de la bibliothèque d’un monastère bouddhiste en attente de restauration ; enfin, pour Huntington, l’espace servit de reliquaire dédié à un prêtre bouddhiste qui vécut, enseigna et mourut sur le site dans la seconde moitié du IXe siècle 230

. Quelle que soit la cause historique du scellage de l’entrée de Mogao n° 17, S. 4226 a pu être accidentellement séparé du “paquet” de rouleaux auquel il se rattachait — l’une des sections d’un exemplaire manuscrit du Canon taoïste ? — lors de son transfert vers cette chambre latérale et avant son murage définitif, à plus forte raison si ce transfert est intervenu dans la hâte, sous la menace d’un danger imminent. Demeurés hors de la cachette, les autres rouleaux du même paquet auraient été perdus ou, plus probablement, détruits.

L’absence du contenu proprement dit des chapitres auxquels se rapporte le MS frustre le chercheur d’une comparaison entre le TPJ canonique et une version antérieure vieille de quatorze siècles. S. 4226 prouve du moins que l’ouvrage fragmentaire transmis dans le Canon taoïste existait — bien entendu, dans une forme plus complète — après la réunification impériale qui mit un terme à la période des Six dynasties. Il prouve aussi que la contamination du corpus scripturaire de la tradition Taiping par l’idéologie du courant Shangqing ne concerne pas le seul matériau canonique mais s’étend à l’ensemble du corpus.

Deuxième Partie

Un résumé analytique intégral

du Taiping jing