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CHAPITRE II : INCORPORATION D’AMINO-ACIDES α-TRIFLUOROMETHYLES DANS UNE

I) Rappels bibliographiques sur la synthèse d’aminoacides trifluorométhylés et leur incorporation dans

1) Synthèse d’aminoacides α-trifluorométhylés

1.2. α-trifluorométhylaminoacides dérivés de trifluoropyruvate

Les imines dérivées des 3,3,3-trifluoropyruvates d’alkyle sont des produits de départ fluorés privilégiés pour la préparation d’aminoacides α-trifluorométhylés, et ont initialement été décrits par les groupes de Kukhar72 et Kolomiets73 en 1986. Les trifluoropyruvates d’alkyles étant des composés hautement électrophiles, la préparation des imines correspondantes a longtemps représenté un challenge (Schéma 15).

Schéma 1571

Par exemple, Soloshonok décrit leur synthèse par condensation directe d’amines ou amides (Schéma 15, méthode A).74 Cette réaction produit un composé gem-amino-alcool qui a tendance à subir une réaction de type haloforme produisant des trifluoroacétamides. Cependant, l’obtention des imines désirées nécessite alors la déshydratation du composé intermédiaire dans des conditions drastiques. C’est pourquoi, en général, le contrôle de la régiosélectivité de ces réactions entre des carbonyles fluorés hautement électrophiles et des amines nucléophiles demeure un problème. Cette régiosélectivité peut être améliorée par réaction de Staudinger (Schéma 15, méthode B), mettant

71 Aceña, J. L.; Sorochinsky, A. E.; Soloshonok, V. A. Synthesis 2012, 44, 1591-1602. 72 Soloshonok, V. A.; Gerus, I. I.; Yagupolskii, Y. L. Zh. Org. Khim. 1986, 22, 1335-1337.

73 Osipov, S. N.; Chkanikov, N. D.; Kolomiets, A. F.; Fokin, A. V. Izv. Akad. Nauk SSSR, Ser. Khim. 1986, 1384-1387. 74 Ohkura, H.; Berbasov, D. O.; Soloshonok, V. A. Tetrahedron 2003, 59, 1647-1656.

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en jeu des phophazènes N-substitués. Or, leur préparation à partir des azides et triphénylphosphines correspondants reste difficile et la purification des imines désirées est généralement laborieuse.72

Enfin, le groupe de Uneyama a développé une autre voie de synthèse efficace d’iminoesters par alkoxycarbonylation d’iodo imidoyl fluoroalkylés (Schéma 15, méthode C).75

1.2.1. En

série racémique

L’addition de chaînes saturées alkyles sur des imines N-protégées dérivées de trifluoropyruvates de benzyle ou de tert-butyle obtenues dans les conditions d’Uneyama, a permis la préparation de divers aminoacides aliphatiques comme l’α-Tfm-Alanine, l’α-Tfm-Norleucine ou l’α-Tfm-Glycine (Schéma 16).76

Schéma 16

La même approche utilisant comme synthon de départ une imine N-protégée de trifluoropyruvate de méthyle, a prouvé être une méthode efficace pour l’introduction de chaînes alkyles plus complexes et fonctionnalisées. Ainsi, Burger et al. utilisent cette stratégie pour la préparation de deux aminoacides fonctionnalisés : l’acide α-Tfm-Aspartique77 ou l’α-Tfm-Arginine78 (Schéma 17). En partant d’une imine dérivée de trifluoropyruvate de méthyle N-protégée par un groupement N-tert-butyloxycarbonyle (Boc) ou N-benzyloxycarbonyle (Cbz), nous remarquons que cette méthode permet l’obtention des aminoacides α-trifluorométhylés directement sous forme N-protégée, prêts pour leur incorporation dans une chaîne peptidique.

75 Uneyama, K. J. Fluorine Chem. 1999, 97, 11-25.

76 Watanabe, H.; Hashizume, Y.; Uneyama, K. Tetrahedron Lett. 1992, 33, 4333-4336. 77 Burger, K.; Gaa, K. Chem.–Ztg. 1990, 114, 101-104.

78 Moroni, M.; Koksch, B.; Osipov, S. N.; Crucianelli, M.; Frigerio, M.; Bravo P.; Burger, K. J. Org. Chem. 2001, 66, 130-133.

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Schéma 17

Osipov et al. utilisent également dès 1997, une imine dérivée du trifluoropyruvate de méthyle protégée par un groupement Boc comme produit de départ fluoré de départ pour la synthèse de l’α-Tfm-Ornithine racémique (Schéma 18).79

Schéma 18

Pour cela, ils additionnent sur cette imine un nucléophile organolithié. Par hydrogénation de la triple liaison de l’intermédiaire à l’aide de dihydrogène en présence de palladium sur charbon, celui-ci est cyclisé en dérivé 2-pipéridone. Enfin, ce composé subit une ouverture de cycle accompagnée de la déprotection du groupement Boc en conditions acide pour donner, sous forme de mélange racémique, l’α-Tfm-Ornithine avec un très bon rendement.

1.2.2. Synthèse asymétrique

Les aminoacides racémiques, fluorés ou non, sont, malgré la diversité des structures que l’on peut obtenir par additions sur des imines de trifluoropyruvates, d’un intérêt limité pour l’industrie pharmaceutique. En effet, considérant les différences de propriétés biologiques des deux énantiomères disponibles d’un même aminoacide, il est important de pouvoir préparer ces aminoacides sous leur forme énantiomériquement pure. Afin d’y parvenir, les auteurs décrivent l’addition nucléophile asymétrique des chaînes latérales en utilisant des auxiliaires chiraux variés, ce qui conduit à des mélanges diastéréoisomériques. Malgré la faible diastéréosélectivité de ces

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additions, cela permet néanmoins l’accès à chaque énantiomère des aminoacides α-trifluométhylés synthétisés.

1.2.2.1. A partir de sulfoxydes lithiés

L’équipe de Bravo a été la première à présenter la synthèse des deux énantiomères de l’α-Tfm-Alanine.80 Cette synthèse met en jeu une imine fluorée dérivée du trifluoropyruvate de méthyle et procède par addition d’un sulfoxyde lithié chiral sur cette imine (Schéma 19). L’addition n’étant pas stéréosélective, les deux diastéréoisomères obtenus peuvent être séparés. Les (R)-α-Tfm-Alanine et (S)-α-Tfm-Alanine peuvent ainsi être obtenues après clivage de l’auxiliaire chiral et déprotection.

Schéma 19

Cette méthode a également permis l’obtention des deux énantiomères de l’α-Tfm-Thréonine81 ou de l’α-Tfm-Sérine.82 Cependant, cette stratégie se trouve limitée et n’est pas efficace pour la synthèse d’aminoacides plus complexes ou fonctionnalisés.

1.2.2.2. A partir de sulfinimines chirales

L’équipe de Bravo et Zanda utilise une méthode plus sophistiquée pour la préparation d’aminoacides α-trifluorométhylés énantiopures.83 Pour cela, ils utilisent des sulfinimines hautement électrophiles préparées par réaction de Wittig à partir d’un réactif de Staudinger avec le trifluoropyruvate d’éthyle (Schéma 20). Ces sulfinylimines présentent l’avantage d’être stables.

80 Bravo, P.; Capelli, S.; Meille, S. V.; Viani, F.; Zanda, M. Tetrahedron: Asymmetry 1994, 5, 2009-2018. 81 Crucianelli, M.; Bravo, P.; Arnone, A.; Corradi, E.; Meille, S. V.; Zanda, M. J. Org. Chem. 2000, 65, 2965-2971. 82 Bravo, P.; Soloshonok, V. A.; Viani, F.; Zanda, M. Gazz. Chim. Ital. 1995, 125, 149-150.

71 De plus, l’auxiliaire chiral peut être facilement déprotégé et récupéré sous forme de sulfinate de menthyle. Cette méthode est donc économique et permet la synthèse à l’échelle de plusieurs grammes d’aminoacides α-trifluorométhylés sous forme énantiomériquement pure. Les sulfinimes peuvent réagir avec une grande variété de réactifs de Grignard pour fournir une librairie d’aminoacides α-trifluorométhylés énantiopurs. La diastéréosélectivité de l’addition dépend de la nature du magnésien utilisé, les nucléophiles les plus encombrés engendrant les meilleurs excès diastéréoisomériques supérieurs à 76%.

Schéma 20

Les esters éthyliques des (S)-α-Tfm-vinylglycine et de l’acide (S)-α-Tfm-aminobutyrique ont aussi été préparés à partir de ces sulfinimines. Ils sont quant à eux obtenus par addition d’un éthynylmagnésien avec une bonne diastéréosélectivité (de 84 %) puis réduction de la triple liaison (Schéma 21).

Schéma 21

1.2.2.3. Oxazolidinone chirale

Le groupe de Zanda a également exploité les potentialités d’une oxazolidinone chirale, pour la synthèse énantiosélective de dérivés de l’acide α-Tfm-Aspartique à partir d’une imine

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achirale dérivée du trifluoropyruvate d’éthyle (Schéma 22).84 En présence de TiCl4, seuls deux des quatre stéréoisomères possibles se forment : les dérivés de type « Evans » anti et « non Evans » avec un ratio 91:9. Après clivage de la copule chirale du diastéréoisomère majoritaire, les auteurs obtiennent ainsi l’acide D-erythro-α-Tfm-β-hydroxy-aspartique.

Schéma 22

La synthèse de l’α-Tfm-Proline a également été rapportée par notre laboratoire. Celle-ci met en jeu comme synthon fluoré de départ le trifluoropyruvate d’éthyle qui, par condensation avec le (R)-phénylglycinol forme une oxazolidine chirale (Schéma 23).8 Celle-ci est alors allylée à l’aide d’allylTMS puis le dérivé allylé intermédiaire obtenu subit une cyclisation pour fournir un mélange de morpholinones diastéréoisomères. Un nouveau cycle pyrrolidine accolé au noyau morpholinone existant vient alors se former par hydroboration de la double liaison puis fermeture de cycle successive. Ces diastéréoisomères bicycliques peuvent être séparés par chromatographie pour donner respectivement les (R) et (S)-α-Tfm-Proline après clivage de l’auxiliaire chiral.

F3C N CO2Et Ph OTBS HN O Ph EtO2C F3C AllylTMS Lewis acid RO Ph N H CO2Et CF3 R = H; PTSA 97% R = TBS; TBAF 88% HN O CF3 Ph O 50% de 1) 9-BBN 2) H2O2, NaOAc 3) MsCl, Et3N 4) Séparation 1) Séparation 2) H2, Pd(OH)2 3) 1N, HCl 4) Dowex 57% 40% N O O Ph CF3 N H CO2H CF3 1) H2, PdOH 2) 3N HCl 3) Dowex 70% (S)-TfmPro H2N CO2H CF3 (S)-TfmNva 1) Séparation 2) LiOH 3) Pb(OAc)4 4) 3N HCl 5) Dowex H2N CO2H CF3 35% (S)-Tfm--allylglycine R = H; 86-92%, 26-50% de R = TBS; 38-72%, 54-70% de Schéma 23