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Or, les artistes n’ont pas attendu l’énoncé juridique pour considérer l’exposition comme une « œuvre de l’esprit ». Le principe d’organisation de leurs œuvres dans l’espace ou la considération de l’espace comme une composante axiomatique de leurs œuvres a contribué dès les années 1960 à faire de l’exposition un médium à part entière. Les artistes minimalistes ont ouvert la voie, comme l’énonce Robert Morris en 1966 :

La forme, les proportions, les dimensions et les surfaces spécifiques d’un objet donné continuent d’avoir une influence cruciale sur les qualités particulières de l’œuvre. Mais on ne peut plus à présent séparer ces décisions qui relèvent de l’objet, en tant que tel, de celles qui sont extérieures à sa présence physique. Ainsi, pour beaucoup d’œuvres nouvelles dont les formes sont unitaires, la mise en place a acquis une importance qu’elle n’avait jamais eue auparavant dans la détermination des qualités particulières de l’œuvre146.

Brian O’Doherty résume l’apport du minimalisme : « [l]a boîte qui la contenait – le cube blanc – fut tenue de révéler en partie son programme secret et cette démythification partielle eut des conséquences considérables sur la notion d’installation147 ». Cette conséquence est l’œuvre in situ motivant les artistes à transformer l’espace d’exposition en un lieu d’expérimentation. Ils y ont en effet déployé une « dramaturgie de la perception » concevant l’exposition comme un laboratoire et proposant des relations et des expériences nouvelles aux publics. L’exposition devient dès ce moment l’une des

146 Robert Morris, Continous Project Altered Daily : The Writings of Robert Morris, Cambridge, MIT Press / New

York, Solomon R. Guggenheim Museum, 1993, p. 90. Traduction tirée de Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre

a lieu, op.cit., p. 78.

147 Brian O’Doherty, White Cube. L’espace de la galerie et son idéologie, Zurich, JRP/Ringier, 2008 [1976],

108 composantes intrinsèques de la nouvelle logique de production des artistes. Ainsi, à la question « qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? », Boris Groys constate, on l’a vu, qu’« une œuvre d’art est un objet exposé ». Or, il ajoute : « The installations, however, are nothing other than exhibitions curated by artists, in which objects by others may be – and are – represented just as well as objects by the artist148 ». Bien qu’il nous faille reconnaître qu’il y a chevauchement entre la pratique des artistes et celle des commissaires d’exposition depuis l’avènement de l’installation, il ne faut tout de même pas confondre les deux. Le constat de Groys pose en ce sens plusieurs problèmes. D’abord, la définition qu’il sous- entend d’une œuvre d’art semble se restreindre à la production (ou à la sélection) d’« objets » sans égard à la production intellectuelle dont elle relève pleinement – et qui constitue à notre avis le point au cœur du litige entre artistes et commissaires d’exposition. Ensuite, il semble soutenir que la finalité de l’œuvre d’art est son exposition. La pratique de l’installation ou autres formes de pratiques contextuelles le suggère, évidemment, mais la nature de la production discursive d’une exposition conçue par un artiste et celle organisée par un commissaire d’exposition diffèrent entièrement. Comme le précise Claire Bishop dans son article What Is a Curator ? : « curatorial selection is always an ethical negotiation of pre-existing authorships, rather than the artistic creation of meaning

sui generis149 ». La pratique d’un artiste – que sa finalité soit un objet ou une exposition –, relève d’une production (ou d’une sélection) matérielle et discursive alors que la pratique d’un commissaire d’exposition consiste à procéder à un découpage (esthétique, critique, thématique, formel, historique, géographique, générationnel, etc.) à partir d’arguments théoriques et, surtout, à partir de la production des artistes (ou autres producteurs

148 Op.cit., p. 93.

149 Claire Bishop, « What is a Curator ? », Idea, n° 26, 2007. URL :

109 culturels). Cette différence fondamentale dans la pratique de l’un comme de l’autre explique sans doute le fait que le reproche le plus fréquent que les artistes adressent aux commissaires d’exposition est de transformer leur projet d’intentionnalité pour mieux le faire cadrer dans leur argumentaire théorique. Pas étonnant alors que les artistes tentent d’élargir leur souveraineté à l’exposition. C’est ce que suggère Daniel Buren dans une définition récente qu’il donne de l’œuvre in situ :

Employée pour accompagner mon travail depuis une quinzaine d’années, cette locution ne veut pas dire seulement que le travail est situé ou en situation, mais que son rapport au lieu est aussi contraignant que ce qu’il implique lui-même au lieu dans lequel il se trouve. Le mot travail étant extrêmement douteux, il est néanmoins à comprendre dans un sens actif : “un certain travail est effectué ici” et non dans le sens d’un résultat : “regardez le travail fait”. En effet, dans cette dernière interprétation il serait bien délicat de parler de ce travail et pour commencer de le distinguer de son lieu. La locution “travail in situ” prise au plus près de ce que j’entends par là pourrait se traduire par : “transformation du lieu d’accueil ”. Transformation du lieu d’accueil fait grâce à différentes opérations, dont l’usage de mon outil visuel. […] “in situ” veut dire enfin dans mon esprit qu’il y a un lien volontairement accepté entre le lieu d’accueil et le “travail” qui s’y fait, s’y présente, s’y expose150.

Buren ne s’intéresse pas aux seules propriétés spatiales et physiques d’un lieu – contrairement aux minimalistes – mais à l’espace de « travail » qu’est devenue l’exposition dans la nouvelle logique de production post-studio. Un espace de travail qu’il modifie d’ailleurs avec ses « outils » visuels. Ce n’est sans doute pas un hasard s’il utilise des métaphores référant au labeur puisque, à titre de « travailleur », il revendique l’exposition comme lieu privilégié de son travail artistique. On peut saisir, entre les lignes, la continuation du combat qu’il a publiquement engagé pour préserver son autorité artistique sur l’exposition. Or, que ce soit pour des questions plastiques, conceptuelles ou

150 Il s’agit d’une définition de 1985 bien qu’il ait employé l’expression déjà en 1974, dans un entretien avec

Liza Bear. Daniel Buren, Les Écrits (1965-1990), Vol. 3, Bordeau, CAPC Musée d’art contemporain, 1991, p. 100.

110 politiques, il nous faut reconnaître que l’artiste se voit assimiler une nouvelle fonction à partir des années 1960 : il devient « producteur » d’expositions.

Son travail ne se limite plus à la création en atelier, car, comme l’explique Foucault, « la fonction-auteur est [aussi] caractéristique du mode d’existence, de circulation et de fonctionnement de certains discours à l’intérieur d’une société151 ». Marcel Broodthaers a saisi mieux que quiconque l’importance de ce « cadre » élargi de l’art. Revendiquant l’héritage de Duchamp, il écrit :

Whether a urinal signed "R. Mutt" (1917) or an objet trouvé, any object can be elevated to the status of art. The artist defines the object in such a way that its future can lie only in the museum. Since Duchamp, the artist is author of a definition. Two facts will be brought into focus here: that in the beginning Duchamp’s initiative was aimed at destabilizing the power of juries and schools, and that today—having become a mere shadow of itself—it dominates an entire area of contemporary art, supported by collectors and dealers152.

Il inaugure dans son appartement de Bruxelles, en 1968, un musée fictif – le Musée d’Art

moderne (Section XIXe siècle) Département des aigles – avec le projet de comprendre

l’impact du discours sur la qualification d’une œuvre d’art. Bien que le carton d’invitation suggère une exposition d’art classique (David, Ingres, Wiertz, Courbet), seuls les accessoires contribuant à sa « représentation » y figuraient : caisses de transport, projecteurs d’éclairage, échelles, reproductions des œuvres, discussion publique, etc. Son vernissage a eu lieu en présence de quelques personnalités du monde de l’art et le discours inaugural est prononcé par Johannes Cladders alors directeur du Museum Abteiberg en Allemagne. Présenté dans plusieurs contextes, le Musée d’art moderne se

151 Op.cit., p. 826.

152 Marcel Broodthaers, « Methode », Der Adler vom Oligozdn bis heute, Düsseldorf, Stadtische Kunsthalle,

111 développe en différentes sections (XIXe siècle, XVIIe siècle, cinéma, documentaire, des figures, financière, littéraire, publicité, etc.) et emprunte le mode de fonctionnement d’une institution véritable.

Figure 28 : Marcel Broodthaers, vernissage du Musée d’Art Moderne, Département Des Aigles, Section XIXe

siècle, 30 rue de la Pépinière, Bruxelles, 27 septembre 1968.

Dans la section des Figures présentée à la Städtische Kunsthalle de Düsseldorf en 1972, sans doute la plus accomplie, Broodthaers réalise une œuvre qui prend la forme d’une exposition muséale, intitulée L’Aigle de l’Oligocène à nos jours : il emprunte 266 objets à une quarantaine de musées et de collections privées arborant chacun la figure de l’aigle153. Chaque objet est accompagné d’une plaque portant l’inscription « Ceci n’est pas un objet d’art », une formule obtenue par la contraction d’un concept de Duchamp

153 Certains des objets étaient des œuvres d’art reconnues alors que d’autres étaient de simples objets

112 et d’un concept « antithétique » de Magritte, chacun mettant respectivement en question le pouvoir de l’institution et le pouvoir de l’image154 :

Non seulement Broodthaers a compris que le geste de Duchamp avec le readymade avait été de réduire l’œuvre d’art à la phrase qui le consacre, et que cette phrase, ce n’est pas l’artiste qui possède l’autorité de la prononcer, mais bien le présentateur institutionnel, il a en outre compris que le geste de Magritte avec

La trahison des images était d’avoir réduit la représentation à la présentation155.

Figure 29 : Marcel Broodthaers, Musée d’Art Moderne, Département Des Aigles, Section des Figures (détail), Städtische Kunsthalle de Düsseldorf, du 16 mai au 9 juillet 1972.

154 Broodthaers précise dans le catalogue de l’exposition que ces énoncés, systématiquement reproduits en

allemand, anglais et français, « illustrent une idée de Marcel Duchamp et de René Magritte ». Leurs œuvres emblématiques – l’urinoir et La trahison des images – y figurent également. Op. cit.

155 Thierry de Duve, « Petite théorie du musée (après Duchamp, d’après Broodthaers), L’art contemporain et

113 Dans le cadre de la documenta 5, dans la section Musées d’artistes organisée par Harald Szeemann156, Broodthaers présente la Section Publicité du Musée d’Art Moderne,

département des Aigles où l’on pouvait notamment observer une série d’images, incluant

deux projections diapositives, renvoyant à l’exposition présentée au même moment à Düsseldorf157. La démultiplication de la figure de l’aigle ne visait pas tant l’investigation historique, thématique ou même symbolique que de rendre apparente une méthodologie, comme le suggère Broodthaers dans le catalogue de son exposition158. La figure de l’aigle avait pour finalité de poser la question de l’appropriation du sens par l’institution culturelle et de démontrer la relation qui associe une œuvre d’art à un discours au sein d’une exposition. Le fait que cette figure soit culturellement surinvestie de sens – comportant une évidente connotation transculturelle au pouvoir –, suffisait à la démonstration de Broodthaers. De plus, il participait à une seconde section de la documenta 5, la section Mythologies personnelles organisée par Johannes Cladders, qui consistait en une salle vide précédée d’indications signalétiques peintes au mur : vestiaire, caisse, secrétariat. À l’entrée de la salle vide, il avait peint au sol l’inscription « propriété privée » en trois différentes langues, encadrée d’un dispositif utilisé dans les musées pour maintenir le public à distance de certains objets précieux. Au cours de l’exposition, il

156 Pour une étude approfondie des « musées d’artistes » dans le contexte de la documenta 5, incluant une

analyse de la contribution de Marcel Broodthaers, nous référons à l’ouvrage d’Anne Bénichou, Un imaginaire institutionnel: Musées, collections et archives d'artistes, op.cit., pp. 33 à 88.

157 La section publicité a été présentée à Cassel, du 30 juin au 8 octobre 1972. On la confond généralement

avec l’exposition de Düsseldorf parce que l’une agit comme adresse publicitaire de l’autre. Broodthaers fit construire une petite salle peinte en noir et y disposa différents documents dans des vitrines ou au mur. Une caisse de bois vide était placée le long du mur tandis que deux projecteurs diffusaient une série de

diapositives : à droite des images historiques de l’aigle dans l’histoire de l’art; à gauche, des images de l’aigle dans la publicité. Il plaça sur les parois extérieures des photographies, cadres vides, catalogues et autres documents imprimés.

158 En fait, il expose sa « méthode » dans l’un des deux cahiers du catalogue de l’exposition, selon une forme

rhétorique qu’on lui connaît bien. Marcel Broodthaers. Der Adler vom Oligozän bis heute. Zeigt eine

experimentelle Ausstellung seines Musée d’Art Moderne, Département des Aigles, Section des Figures.

114 changea la dénomination de l’exposition par Musée d’Art Ancien, Galerie du XXe siècle

et remplaça l’inscription au sol par onze verbes : Écrire Peindre Copier Figurer Parler Former Rêver Échanger Faire Informer Pouvoir. Il explique son geste dans la revue Heute Kunst :

Propriété privée – si par la présentation de cette inscription l’on pourrait comprendre une satire sur l’identification Art et Propriété privée. On pourrait aussi y voir l’expression de mon pouvoir artistique destiné à remplacer celui de l’organisateur – Szeemann de documenta 5 – (section mythologie personnelle). Le deuxième but, finalement m’a paru ne pas être atteint, et au contraire, l’inscription renforçait la structure mise en place.

D’où le changement, – car l’un des rôles de l’artiste est d’essayer pour le moins d’apporter une subversion sur le plan d’organisation d’une exposition.

Est-ce plus heureux cette fois159?

Cette nouvelle inscription n’exprime pas tant un rapport conflictuel entre un artiste et un commissaire d’exposition; elle rend simplement manifeste la tension qui existe entre les différents discours qui coexistent dans le contexte d’une exposition. Elle pose la question : « Who constructs meaning, and on whose behalf? ». Peu importe qui parle, poursuit Claire Bishop paraphrasant Foucault, que ce soit l’artiste ou le commissaire d’exposition, puisque ce qui est davantage important dans la logique de Broodthaers, c’est de comprendre les différents discours à l’intérieur desquels chaque joueur fonctionne160. Il pose ainsi un regard lucide sur le chevauchement des différentes productions discursives à l’intérieur d’un même contexte institutionnel.

159 Traduction tirée de la publication dirigée par Catherine David, Marcel Broodthaers, Paris, Galerie

nationale du jeu de paume, 1991, p. 231.

115

Figure 30 : Marcel Broodthaers, Musée d’art moderne, Département des Aigles, Section d’Art Moderne, du 30 juin au 15 août 1972. Figure 31 : Musée d’art moderne, Département des Aigles, Galerie du XXe siècle, du

15 août au 8 octobre 1972. documenta 5, section Mythologies personnelles.

Marcel Broodthaers réalise des expositions en tant qu’œuvre d’art. Ce geste, tout aussi important que celui que posait Duchamp en 1917, met cette fois en question la fonction de l’exposition, voire son autorité, dans le principe d’« économie de la prolifération du sens »161. Nous voudrions dans les pages qui suivent démontrer l’importance de cet énoncé de Foucault en relation au geste de Broodthaers pour le développement de notre réflexion162. Après avoir « ôter au sujet (ou à son substitut) son rôle de fondement originaire, et de l’analyser comme une fonction variable et complexe du discours »163, Foucault reconnaît que ce serait pur « romantisme » que de croire que le sens pourrait circuler librement sans que l’auteur ou l’artiste y joue une fonction régulatrice. Si Barthes a déployé beaucoup d’effort à dissoudre l’autorité de l’auteur, Foucault quant à lui en vient à la comparer à une « figure idéologique », sorte de sujet autoritaire jouant un rôle fondamental dans la prolifération du sens. La différence entre la position des deux

161 Michel Foucault, op.cit, p. 839.

162 Cet énoncé annonce d’ailleurs un programme de recherches qu’il ne réalisera pourtant jamais. Il a été

publié dans une version modifiée de son essai paru en 1979 aux États-Unis.

116 philosophes réside, à notre avis, dans le sens qu’ils attribuent à l’œuvre : Barthes la considère en soi, pour sa réalité intrinsèque, alors que Foucault lui reconnaît des modalités d’existence changeantes. En guise de conclusion de son texte, ce dernier s’interroge : « Quels sont les modes d’existence de ce discours ? D’où a-t-il été tenu, comment peut-il circuler, et qui peut se l’approprier ? Quels sont les emplacements qui y sont ménagés pour des sujets possibles ? ». Ces questions seront l’amorce d’une réflexion nous permettant de démontrer que l’exposition est ce mode à travers lequel l’œuvre se (re)produit sans cesse, rarement de manière autonome puisque soumise à l’autorité contraignante de l’artiste. Broodthaers en fait à nouveau une démonstration éclairante164.

En 1970, il réalise un second projet d’importance, bien que très peu connu avant que le Musée national d’art moderne de Paris réactive l’exposition intégrale en 1986165. Intitulé

L’exposition à la galerie MTL, 13 mars-10 avril 1970, ce projet expositionnel consiste en un

ensemble de soixante-sept œuvres graphiques incluant des poèmes manuscrits et tapuscrits, des dessins et des notes – s’apparentant à des documents personnels –, ainsi qu’une chemise brune fermée, mais visible pour toute la durée de l’exposition. En 1970, Broodthaers y présentait également des inscriptions peintes sur la vitrine de la galerie, lisibles de l’intérieur comme de l’extérieur, lesquelles reproduisaient le texte du carton d’invitation en indiquant le titre, les dates et l’adresse de l’exposition et qui deviendront

164 Il est d’ailleurs intéressant de mentionner que Broodthaers était en contact avec Foucault et qu’il a

également assisté à une série de conférences données par Roland Barthes à Paris en 1969.

165 Cette exposition a été commentée par Anne Rorimer, « The exhibition at the MTL Gallery in Brussels,

117 la matière d’un film166. Enfin, le catalogue, qui jouait un rôle actif dans l’exposition,

reproduisait une liste de ses composantes et indiquait leur organisation en quatre différentes sections : A, B, C et D. Des cinquante et une pages exposées (si on exclut les seize documents inaccessibles), près d’une trentaine sont des poèmes extraits de son bestiaire, parus dans La Bête noire (1961) et Pense-Bête (1963-1964) alors qu’un des feuillets est un hommage à Mallarmé. La majorité des pages exposées ressemblent à des épreuves de travail où sont visibles des corrections, des modifications, des ratures, des erreurs – autant de marques qui rendent manifeste le processus de prises de décision. Quant aux dessins, ils s’apparentent bien davantage à l’esquisse, au brouillon ou à l’amorce d’une idée.

Figure 32 : Marcel Broodthaers, L’exposition à la galerie MTL, du 13 mars au 10 avril 1970 et un détail d’un document de la partie A, reproduite dans le catalogue.

166 La description du contenu de l’œuvre est reprise de l’article de Juliette Singer dans le catalogue

Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la

118 Broodthaers expose l’ensemble de ses documents comme s’il s’agissait d’œuvres d’art abouties, geste qui rappelle une fois de plus celui posé par Duchamp. Car comme le souligne Anne Rorimer, « [w]hitout the sanction of the art exhibition, whether commercial gallery or museum, the MTL pages would not be read as elements of a work of art, but simply as autographs and documents167 ». De fait, Broodthaers saisit mieux que personne la fonction de l’exposition dans le processus de légitimation d’une œuvre d’art. Or ce que néglige toutefois Rorimer dans son analyse, au demeurant pénétrante, est qu’une telle prise en charge par l’œuvre de son propre contexte d’exposition permet à l’artiste d’étendre subtilement son autorité sur ses réexpositions futures. Ce fait se confirme dans une note que Broodthaers ajoute dans l’addendum 3 du catalogue, à l’intention du galeriste :

Dear Sir,

I’m glad to learn that you have sold the piece 4 parts (A,B,C, and D) described in the exhibition catalogue. I would have you know that I guessed as much, moreover, with the aim of promoting your entreprise, I made a personal transaction with your client. The object of this transaction was a box that you know well, the