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SECTION I – DÉLIMITATION DU SUJET DE RECHERCHE

C- État de la question dans la doctrine juridique

14. Cette comparaison a été menée sous un angle général, aucune étude globale n’ayant été menée sur cette question. Cependant, dans un souci de rigueur juridique, il est plus opportun de traiter un exemple précis soulevant les mêmes types de questions au Canada et dans l’Union européenne, en y apposant une grille de lecture globale. L'objectif de cette démarche est de prendre en compte l'ensemble des éléments qui ont un impact sur la répartition des compétences dans ce domaine précis.

15. Ce sujet se situe dans un domaine vers lequel peu de chercheurs se sont dirigés. Certaines questions ont fait l’objet d’analyses scientifiques de façon dissociée, mais très peu de ces analyses ont permis de rassembler les parties constitutives de l’évolution du partage des compétences en matière d’eaux douces.

Une comparaison du fédéralisme canadien et de l’intégration européenne de manière à créer une théorie proposant une ligne d’évolution commune est peu développée dans une perspective normative.

Beaucoup d’études procèdent à une analyse comparative ponctuelle parmi plusieurs ensembles juridiques, dont l’Union européenne et le Canada font partie. D. Kelemen et I.

Weibust notamment procèdent à ces études comparatives ponctuelles,91 de même que P.

Thieffry qui prend comme base comparative l’Union européenne.92

Également, beaucoup d’études comparées relevant des équivalences juridiques ont été menées entre le Canada et les autres pays issus du Commonwealth, et entre l’Union européenne et les États-Unis, pour mettre en perspective les éléments du fédéralisme.93

Notamment, K. Lenaerts et K. Gutman ont établi qu’une unification du droit avait lieu dans certains domaines du droit privé dans l’Union européenne et aux États-Unis selon un processus équivalent.94

Au sujet du Canada, R. Stack fait ressortir un processus de centralisation parallèle qui a lieu en Australie et au Canada, en émettant des nuances quant au cas du Canada.95 Un processus

équivalent de centralisation des compétences au Canada et dans l’Union européenne au sujet d’un exemple précis reste donc à établir.

Enfin, en ce qui concerne le lien entre le droit de l’environnement et le droit constitutif, il apparaît que de nombreux ouvrages sont consacrés à la question des compétences en matière d’environnement. D’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, la doctrine juridique relève les chevauchements de compétences dans ce domaine et les questions qu’ils soulèvent.96 D. Kelemen relève une extension de la compétence du palier fédéral canadien

91 D. KELEMEN, The rules of federalism : institutions and regulatory politics in the EU and beyond,

Cambridge, Harvard University Press, 2004, 244 pages ; I. WEIBUST, Green Leviathan : the case for a

federal rôle in environmental policy, Farnham, Surrey, England, 2009, 232 pages.

92 P. THIEFFRY, Droit de l'environnement de l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2ème Édition, 2011,

1317 pages.

93 Dans le cas européen, voy. notamment E. STEIN, Thoughts from a Bridge. A Retrospective of Writing on

New Europe and American Federalism, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2000, 497 pages. Au sujet

du droit canadien, voy. A.G. GAGNON, Le fédéralisme canadien contemporain: fondements, traditions,

institutions, Les Presses de l’Université de Montréal, 2006, 559 pages.

94 K. LENAERTS, K. GUTMAN, « 'Federal Common law' in the European Union : A Comparative

Perspective from the United States », American Journal of Comparative Law, vol. 54, 2006, pp 1-122.

95 R. STACK, « The Legal Geography of Expansion : Continental Space, Public Spheres, and Federalism in

Australia and Canada », Alberta Law Review, 39, 2001, pp 488-510.

96 Au sujet de l’Union européenne, voy. notamment V. MICHEL, Recherches sur les Compétences de la

Communauté, Paris, L'Harmattan, 2003, 704 pages ; P. THIEFFRY, Droit de l'environnement de l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2ème Édition, 2011, ; au sujet du Canada, voy. notamment P. BRUN, « La

pollution du partage des compétences par le droit de l’environnement », Revue Générale de Droit, 24-2, 1993, pp 191-225 ; A.-H. MESNARD, « Les fondements constitutionnels canadiens et la question du droit des sols, de l’environnement et de la protection des ressources naturelles », in Revue du droit public et de la science

politique en France et à l’étranger, 4, Juillet-Août 1998, p.1177-1203 ; M. TREMBLAY (dir.), Les Politiques publiques canadiennes, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1998, 314 pages.

en matière d’environnement ainsi que le développement d’un tissu normatif environnemental en parallèle des institutions classiques, par le biais des négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces.97 Plus récemment, I. Weibust défend plutôt l’idée

que le fédéralisme canadien n’est pas assez centralisé pour fournir une protection efficace de l’environnement. L’auteur développe le fait que le gouvernement fédéral dispose d’outils juridiques en ce sens, mais qu’il hésite à les utiliser pour des raisons politiques. En ce qui concerne l’Union européenne, l’auteur soulève le problème de l’utilisation du principe de subsidiarité dans ce domaine. Mis de côté, ce principe ne permet pas selon lui de poser des limites suffisantes à l’intégration communautaire, ce qui crée une tendance à la centralisation dans l’Union en matière de droit de l’environnement.98 Cette tendance est

également relevée par P. Thieffry au sujet du droit communautaire de l’environnement.99

Un rapport de la Commission royale sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada a fait ressortir les incertitudes constitutionnelles liées aux questions plus spécifiques de la protection de la qualité de l’eau,100 au même titre que P.

Brun.101

16. En dehors de ces écrits, très peu d’analyses se sont concentrées sur le partage des compétences dans l’exemple précis de la protection de la qualité des eaux douces. Ce domaine a fait majoritairement l’objet d’études juridiques exclusivement descriptives.102

17. Alors que chaque ordre juridique tente d’innover en permanence pour répondre

97 D. KELEMEN, The rules of federalism : institutions and regulatory politics in the EU and beyond,

Cambridge, Harvard University Press, 2004, 244 pages.

98 I. WEIBUST, Green Leviathan : the case for a federal rôle in environmental policy, Farnham, Surrey,

England, 2009, 232 pages.

99 P. THIEFFRY, op. cit.

100 M. KRASNICK (dir.), Le partage des pouvoirs : études de cas, Commission royale sur l'Union

économique et les perspectives de développement du Canada, Ottawa, Centre d'édition du gouvernement du Canada, 1986, 305 pages.

101 P. BRUN, « La pollution du partage des compétences par le droit de l’environnement », Revue Générale

de Droit, 24-2, 1993, pp 191-225.

102 Au sujet de l’Union européenne, voy. notamment J. HOLDER, M. LEE, Environmental Protection, Law

and Policy – text and materials, Cambridge University Press, 2007, 772 pages ; J.H. JANS, H.H.B.

VEDDER, European Environmental Law, Groningen, Europa Law Publishing, 2008, 496 pages. Au sujet du Canada voy. notamment Bureau d'Audiences Publiques sur l'Environnement, L'eau, ressource à protéger, à

partager et à mettre en valeur, Rapport de la Commission sur la Gestion de l'Eau au Québec, 142,

Bibliothèque nationale du Québec, Québec/Montréal, 2000, 740 pages ; A.R. LUCAS, R. COTTON, J.A. ABOUCHAR, C.L. CLAIRMAN, T. CROSSMAN, M. DOELLE, J. DONIHEE, P.R. GRANDA, E.L. HUGHES, R. MANSELL (Contributors), Halsbury's Laws of Canada – Environment, LexisNexis Quicklaw, 2006.

aux défis posés par la protection de l’eau douce dans un contexte multiniveaux, une analyse des mécanismes qui gouvernent leur fonctionnement apparaît nécessaire. Pour cela, il s’agit de présenter préalablement le cadre méthodologique dans lequel s’insère cette recherche.

SECTION II – CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE DE