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Une étape cruciale : le premier poste

2. Les parcours des IPEF et les responsabilités qu’ils exercent

2.3. Les parcours des IPEF

2.3.1. Une étape cruciale : le premier poste

Le premier poste a toujours été considéré comme une étape essentielle dans la carrière des IPEF, tant en termes d’attractivité du corps que de préparation à un déroulement de carrière de haut niveau.

Dans le récit idéal de la carrière d'un IPEF, celui-ci commençait directement sa vie active par un poste de haut niveau, qui lui donnait des responsabilités plus élevées qu’un jeune ingénieur dans le privé. C’était un « vrai » poste d'ingénieur,

« opérationnel ». Ce poste était en principe un poste de chef de service de maîtrise d’ouvrage, d’étude ou de maîtrise d’œuvre en DDE ou DDAF sur lequel l'ingénieur apprenait son métier d’aménageur ou de constructeur : pris entre un directeur attentif à son apprentissage du métier et des collaborateurs compétents et coopératifs, il y apprenait la conduite de projet, voire de chantier, le management d’équipes, la relation aux entreprises et aux élus, les contraintes budgétaires. On lui offrait ainsi les moyens d’une carrière ascendante qui allait le conduire à de hautes responsabilités.

Pour mesurer ce que sont aujourd’hui les affectations en premier poste, la mission a étudié la répartition des affectations des promotions entre 2010 et 2014, et les a comparées, lorsque c’était possible, avec celles des IPEF de la génération 2002-2004 étudiée en détail par ailleurs. Ont par ailleurs été prises en compte sur un plan qualitatif les remarques recueillies lors entretiens tenus par la mission, figurant dans les rapports cités dans en première partie, ou issues des retours internes aux administrations.

A. Une répartition des postes entre employeur indépendante du nombre d’années de carrière

Les répartitions entre les employeurs sont les mêmes quelle que soit le nombre d’années de carrière (Tableau 6). Les affectations en collectivités ou dans le privé (pour les recrutements internes) étaient et restent tout à fait marginales en premier poste. De fait, il ne faut pas surestimer les effets de cette répartition sur la suite de la carrière : après seulement 10 ans (voir ci-après étude pour la génération 2002-2004), les IPEF se sont redistribués selon une nouvelle répartition, qui couvre l'ensemble du corps, sensiblement différente, où les ministères de rattachement passent à 35 à 40 % des postes tenus, les collectivités à 6 à 7 %, les autres ministères autour de 6 %, le privé autour de 18 %, etc.

2002-2004 2010-2014 Ministères de rattachement 82,2% 84,4%

Autres ministères 13,4% 13,2%

Collectivités locales 0,6% 1,4%

Privé 3,8% 1,1%

Tableau 6: Premiers postes des IPEF. Dernières promotions et promotions 2002-2004.

Par types de services chez les employeurs du périmètre de l’État, on constate quelques évolutions récentes qui confortent le diagnostic des années les plus récentes présenté, pour tous les grades, dans le paragraphe 2.1.4 :

• augmentation du nombre d'IPEF affectés en centrale par rapport à ceux affectés en services déconcentrés, y compris dans la période récente entre 2010 et 2014,

• une augmentation du nombre d'IPEF dans le domaine enseignement supérieur-recherche, liée à l'augmentation du nombre de thésard

• une diminution significative des affectations en établissements publics,

2002-2004 2010-2014

Administration centrale 25,2% 32,3%

Services déconcentrés 31,2% 27,4%

RST 2,5% 5,2%

EP État 16,2% 7,7%

Enseignement supérieur - recherche 19,4% 23,8%

Autres 5,4% 3,6%

Tableau 7: Premiers postes des IPEF au sein du périmètre État. Promotions récentes et 2002-2004.

B. Des choix différents pour les IPEF recrutés via l’école polytechnique

Les affectations des promotions 2010-2014 ont été étudiées selon les origines (Tableau 8). La part des polytechniciens dans ces promotions reste assez constante dans le temps, représentant environ 1/3 des effectifs, mais on y constate des écarts entre eux et les ingénieurs recrutés par d’autres voies :

• ils sont un peu moins nombreux à se diriger vers les ministères de rattachement, et pour ces ministères, ils vont très peu se tourner vers le ministère de l’agriculture ;

• ils sont au contraire plus nombreux à se diriger vers des postes aux ministères des Finances et du Budget ;

• ils vont davantage prendre un poste en administration centrale, et assez peu en services déconcentrés ;

• ils sont plus nombreux à s’orienter vers la réalisation d'une thèse.

Recruté à l'X Autres origines

Développement durable 73,20% 58,10%

Agriculture 6,80% 31,90%

Bercy 11,70% 4,40%

Autres ministères 5,90% 3,10%

centrale 36,60% 26,90%

services déconcentrés 16,60% 41,30%

Enseignement supérieur - recherche 32,70% 12,50%

Dont thèses 30,70% 10,60%

Tableau 8: Affectations ds promotions 2010-2014. Comparaison des X et des autres origines.

Cette situation montre que les débuts de carrière peuvent être variés en fonction des types de recrutement et des attentes des ingénieurs concernés, et qu’il convient de préserver une certaine variété de postes en sortie d’école.

C. Quel modèle pour la professionnalisation des jeunes ingénieurs ?

La mission n’a pas de données qui permettraient de mesurer la représentativité du modèle idéal de premier poste opérationnel dans le passé ancien. Mais l'étude des premiers postes depuis 2010 montre que les postes « opérationnels » (certains chefs de service en services déconcentrés, chefs de projets, etc.) ne représentent qu’au mieux 15% des premiers postes. Sans avoir pu faire le travail d'analyse poste par poste, en croisant plusieurs données, il semble que ces postes ne devaient pas être tellement plus nombreux pour la génération 2002-2004 (autour de 18 %). Ce modèle

« idéal » est donc assez faiblement représenté dans les premiers postes depuis au moins une douzaine d’année.

Sur ces mêmes échantillons, 40% des IPEF commencent leur parcours en situation de management (chefs de bureau ou plus en centrale, tous les chefs de service ou adjoints en service déconcentré, et, pour moitié, les chefs d’une structure différente et les adjoints à chef de bureau) : cette proportion est restée constante depuis les générations 2002-2004.

En termes d’apprentissage du rôle de cadre supérieur dans un service, la professionnalisation sur les premiers postes paraît moins assurée qu’autrefois, par la diminution du temps consacré par les cadres plus confirmés à la transmission de leurs compétences au travers du conseil, du tutorat ou du compagnonnage, par les difficultés de management dans un contexte d'incertitude, de pression, et d’éclatement et de complexification des missions, ainsi que par la multiplication des statuts des agents gérés.

La question des premiers postes paraît donc mériter une attention particulière de différents points de vue34.

La plupart des témoins consultés considèrent que :

• le modèle traditionnel reste tout à fait pertinent et que commencer par un poste opérationnel reste le mode de professionnalisation normal d’un ingénieur, pour mettre en œuvre les connaissances scientifiques acquises dans sa formation ;

• le maintien d’un faible nombre d’ingénieurs entrant dans la carrière par cette voie serait un risque pour le maintien de la compétence technique du corps, pour le maintien de sa spécificité au regard des autres corps d’encadrement supérieur, et pour l’employabilité de ses membres, particulièrement en dehors du périmètre des services de l’État ;

• il conviendrait de trouver des modalités de maintien de ce début de parcours professionnalisant.

Il semble donc important d’orienter prioritairement les IPEF vers un début de carrière en poste opérationnel, ces postes se trouvant au sein des opérateurs et en collectivités, notamment dans des secteurs où l’État assure des missions régaliennes mais n’assure plus de missions de production.

Plusieurs pistes ont été proposées, que ce soit sous forme de détachement dans des collectivités, établissements ou services en dehors du périmètre de l’État ou par une forme de césure pour permettre le passage dans le secteur privé entre l’école et un premier poste dans les services (en modifiant le statut du corps pour de déroger à la règle de recrutement exclusif sur des postes de l’État), ou encore par mise à disposition, remboursée totalement ou partiellement (solution qui semble mise en place sur une durée de 2 ans par la DGA du ministère de la Défense pour ses ingénieurs).

À l’intérieur des services de l’État, il pourrait également être utile, à défaut de disposer de beaucoup de postes opérationnels, de compléter cette approche par d’autres critères qui pourraient servir à la sélection ou à la valorisation des postes proposés aux nouveaux IPEF, par exemple : le degré d'autonomie du poste ; le niveau des interlocuteurs ; les qualités de l’appui de la hiérarchie dans la progression en compétences ; les opportunités de travailler dans un périmètre large, notamment en mode projet ; la richesse des missions confiées à l’ingénieur ; le panel de compétences requises dans le poste, etc.

34 Même si, là aussi, il ne faut pas surestimer les effets du premier poste sur la capacité à prendre des postes opérationnels ultérieurement dans la carrière. Après une dizaine d’années en poste, les 2/3 des IPEF (hors administration centrale) indiquent occuper un poste essentiellement soit technique, soit opérationnel (enquête sur la génération 2002-2004).