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Établissement d’une loi de vitesse des dislocations

6.2 Glissement des dislocations par germination et croissance de paires de décrochements

6.2.3 Établissement d’une loi de vitesse des dislocations

Nous calculons dans cette section la vitesse v des dislocations coin 1/2<110>{100} en fonction de la contrainte appliquée et de la température. Nous supposons le glissement des dislocations par germination et croissance de paires de décrochements. Nous prenons en compte 3 éléments dans ce calcul de vitesse. Ceux-ci sont représentés sur la figure 6.12. Tout d’abord nous supposons que la mobilité des dislocations est gouvernée par l’enthalpie de germination d’un décrochement de taille critique. Elle correspond au maximum de l’enthalpie d’un décrochement de largeur w , re- présenté en noir sur la figure 6.12. Ensuite, nous considérons la barrière énergétique de migration d’un décrochement, venant s’ajouter à l’enthalpie de formation de la paire, représentée en rouge sur la figure 6.12. Nous prenons aussi en compte la probabilité qu’un décrochement ayant atteint sa taille critique baisse son énergie (alors maximale) en diminuant plutôt qu’en augmentant sa largeur. Ce phénomène est représenté en vert sur la figure 6.12. Cette probabilité est donnée par le facteur de Zeldovitch que nous décrivons plus loin dans cette section.

La vitesse des dislocations v(T,τ) est donnée en fonction de la température T et de la contrainte appliquéeτ par l’expression suivante :

v(T,τ) = a N β(T ) Z (T,τ) expµ −∆H

(τ)

kBT

(6.22) Le terme exponentiel à la fin de cette expression donne la probabilité de former une paire de décrochements de taille critique sur la dislocation. Il dépend bien sur de l’enthalpie de germi- nation∆H∗ d’une telle paire de décrochements (que nous avons calculé dans la section précé- dente), de la température T et de la constante de Boltzmann kB. Nous utilisons dans ce calcul la

FIGURE6.12 – Représentation de l’enthalpie critique de germination∆H(point en noir), de la barrière

de migration (en rouge) et du facteur de Zeldovitch des paires de décrochements à partir de la courbe de l’enthalpie d’une paire de décrochements∆H en fonction de sa largeur w.

CHAPITRE 6. GLISSEMENT DES DISLOCATIONS EN TEMPÉRATURE DANS UO2

valeur de l’enthalpie critique ajustée par la loi de Kocks 6.19. Cette expression reste valide tant que l’enthalpie de germination est supérieure à l’énergie correspondant à une activation thermique (∼ ∆H> kBT ), donc dans une gamme de température ou le mouvement de la dislocation est

thermiquement activé. A des températures supérieures à cette limite, la mobilité des dislocations dans leur plan de glissement ne sera plus gouverné par la germination et croissance de paires de décrochements mais par l’interaction de la dislocation avec les phonons du cristal [56]. Dans la gamme de contrainte appliquée qui nous intéresse (correspondant aux contraintes critiques de glissement observées expérimentalement, soit de l’ordre de 100 MPa), l’enthalpie critique est de l’ordre de 1 à 2 eV, donc ce régime athermique ne peut être atteint.

N , le nombre de sites de germination d’une paire de décrochements est égal à L/a, ou L est

la longueur de la dislocation. Nous prenons L = ρ−1/2, avecρ la densité de dislocations, que nous prenons égale à 1013m−2d’après les mesures expérimentales de Yust & MacHargue [2]. On peut noter que cette expression du nombre de sites de germination N est valide dans le régime de ger- mination et de croissance de paires de décrochements, c’est à dire lorsque le taux de germination est suffisamment faible pour qu’une paire de décrochements puisse croître sur toute la longueur de ligne de la dislocation avant qu’une autre paire ne soit formée (le temps caractéristique de ger- mination est bien plus élevé que le temps caractéristique de croissance). C’est le cas dans notre étude, puisque les enthalpies de formation sont élevées, de l’ordre de l’électron-volt. Dans le cas contraire, correspondant au régime de collision de décrochements, il faudrait remplacer L par la distance moyenne entre deux paires de décrochements sur la ligne [56], alors inférieure à la lon- gueur totale de la ligne.

β(T ) est la fréquence de croissance de la paire de décrochements de taille critique. Elle est

donnée par l’expression suivante :

β(T ) = νDexp µ −Emig kBT ¶ (6.23) oùνDest pris égal à la fréquence de Debye. Elle est égale à 1,25.10+13s−1[182] dans UO2. Emig

est la barrière de migration des décrochements. Nous la prenons égale à la plus faible valeur que nous avons calculée dans la section 6.1.4, soit Emig= 0, 60 eV (pour les décrochements sous-

stœchiométriques).

Le terme Z (T,τ) dans l’équation 6.22 est le facteur de Zeldovitch, caractérisant la probabilité qu’un décrochement de taille critique a de diminuer plutôt que d’augmenter de taille. Ce facteur dépend de la dérivée seconde de l’enthalpie d’une paire de décrochements par rapport à sa largeur

w : Z (T,τ) = s − b 2 y 2πkBT 2∆H ∂w2 ¯ ¯ ¯ ¯w (6.24) où byest la distance entre deux positions stables consécutives d’un décrochement égale à la norme

du vecteur de Burgers b (voir figure 6.1 au début de ce chapitre). La dérivée seconde de∆H par rapport à w doit être calculée pour un décrochement de forme critique (w, h). Nous l’évaluons

alors en ajustant la fonction w → ∆H(w,h(w )) par un polynôme de degré 3. Nous calculons les valeurs de cette dérivée seconde pour des contraintes inférieures à 0, 15τPpuis ajustons la donnée

de cette dérivée en fonction de la contrainte par un polynôme de degré 4 pour pouvoir l’évaluer par la suite quelle que soit la contrainte.

Enfin, le pré-facteur a de la loi de vitesse des dislocations 6.22 est la distance entre deux vallées de Peierls consécutives. Ce terme transforme la fréquence de germination de paires de décroche- ments de taille critique en une vitesse de dislocations.

La vitesse des dislocations calculée est tracée sur la figure 6.13 en fonction de la contrainte appliquée et de la température. L’intervalle de contrainte et de température (le rectangle en gris sur la figure) correspond au domaine dans lequel les tests de déformation ont été effectués. Dans ce domaine, les vitesses de dislocations que nous calculons sont comprises entre 10−6m.s−1et 10−1m.s−1.

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FIGURE6.13 – Carte de vitesse de dislocations en fonction de la température et de la contrainte appliquée (carte de couleur et courbes d’iso-vitesse). L’intervalle de température et de contrainte des vitesses expéri- mentales est représenté en gris.

FIGURE6.14 – Vitesses des dislocations à 750˚C, 950˚C, 1150˚C et 1350˚C en fonction de l’inverse de la contrainte appliqué (sous-figure (a) à gauche) et de la contrainte (sous-figure (b) à droite). Les lignes corres- pondent aux vitesses calculées et les points aux vitesses expérimentales extraites de la figure 22 des travaux de Yust & MacHargue [2].

Les vitesses obtenues par Yust & MacHargue [2] à partir de leurs CRSS expérimentales sont tra- cées sur la figure 6.14 et comparées à nos vitesses en fonction de la contrainte aux quatre tempéra- tures des mesures expérimentales. Nous pouvons voir sur cette seconde figure que notre modèle sous-estime les vitesses des dislocations expérimentales à 750˚C et 950˚C et fournit des résultats dans le même ordre de grandeur à des températures plus élevées (1150˚C et 1350˚C).

Nous ne développons pas plus en avant la comparaison de nos résultats à ces données, car les vitesses des dislocations ne sont estimées que sommairement expérimentalement. En effet, celles- ci sont calculées grâce à la loi d’Orowan à partir de la densité de dislocations, elle même obtenue à partir de clichés en microscopie d’échantillons déformés. Cette densité n’est pas déterminée précisément à cause de la complexité des microstructures de dislocations observées par Yust & MacHargue. Nous concentrons la suite de notre discussion comparative entre nos résultats et les données expérimentales en calculant la contrainte critique de cisaillement résolue dans le plan de glissement des dislocations dans la section suivante.

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