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Lorsque l’équipement perturbe directement un bien-être comme monde commun et lorsque la concertation officielle révèle et ravive le ferment identitaire du bien-être commun lorsque la concertation officielle révèle et ravive le ferment identitaire du bien-être commun

Bien- Bien-être

Carte 8. Localisation des participants au sein de la commune de Labergement-Foigney

5.2.2.2. Lorsque l’équipement perturbe directement un bien-être comme monde commun et lorsque la concertation officielle révèle et ravive le ferment identitaire du bien-être commun lorsque la concertation officielle révèle et ravive le ferment identitaire du bien-être commun

Dans un premier temps, qu’en est-il des grandes positions prises par les participants quant à l’équipement lui-même ? Il est clair que celui-ci agit comme révélateur des éléments forts de la commune auxquels chacun était attaché ou confronté (sans nécessairement avoir eu l’occasion de les nommer avant ce nouvel évènement).

On remarque tout d’abord que le sentiment de gêne, déjà existant mais toléré (lié à l’autoroute mais surtout à la RD25 plus présente encore), est exacerbé aujourd’hui par la perspective de la LGV :

« l’environnement est bon mais va se détériorer à l'avenir, déjà avec l’autoroute et le bruit, plus le TGV bientôt » (L8e). Dénotant un défaitisme patent tout au long des échanges (nous y reviendrons) quant au projet de LGV, on remarque des discours sarcastiques concernant soit le bruit - « au moins avec le TGV, j’entendrai moins l’autoroute » (L7), soit le patrimoine architectural peu présent sur la commune que certains participants ont tourné en dérision en le rabattant aux futurs ouvrages d’art liés à la LGV - « on attend la réalisation du pont » (de la RD25 au dessus de la LGV), et en ironisant « ah oui, ca va être formidable ! » (L5 et L3 de concert).

La crainte du cumul des nuisances, tant sonores que visuelles, suscite aujourd’hui une exaspération et un « ras le bol » généralisé : « sachant que le calme est de moins en moins là, parce qu’il faut quand même poser la question de la route départementale, on nous a rajouté le TGV. On est arrivé en 79, il n’y avait pas d’autoroute, le TGV n’existait pas. C’est donc plus tellement la tranquillité. Le bruit ça fait quand même partie de la qualité de vie, alors si c’est pour avoir le même niveau de bruit qu’à la ville ça devient quand même moins intéressant » (L5).

Se pose aussi, en raison de la densité des infrastructures de transports présentes, la question de la perte d’attractivité voire de la survivance même du village, tant dans sa morphologie que dans son esprit.

« Est-ce que le passage d’une ligne comme ça, ça ne va pas bloquer le développement d’un village ? Est-ce que les gens vont vouloir venir construire ? » (L2), « ça va clairement impacter » (L9). Question qui semble s’inscrire dans un cycle inévitable de transformations subies, tant géographiques que sociales : - « ça va bloquer pendant 10 ans puis les gens vont vendre et des gens vont venir habiter à Labergement et ça va repartir » (L6), « oui mais ils n’auront pas la même mentalité, ce seront des gens qui habitent la ville et qui vont habiter à la campagne ! » (L2).

Cette question de l’habitat est primordiale, et les habitants les plus proches de la future LGV se sentent particulièrement touchés, craignant notamment la dépréciation de la valeur immobilière de leur bien -

« la maison n’est plus vendable, vous imaginez avec une LGV » (L5), qui représente notamment un investissement important pour les jeunes acquéreurs : « on est tous encore tributaires des banques pendant 20 à 25 ans et l’impact d’une LGV aura un coup financier important si un jour on veut vendre la maison » (L9), « là on est bloqué, moi je ne voulais pas rester toute ma vie ici, mais là je suis coincé à Labergement pour un certain temps, je ne me plains pas je ne suis pas mal loti ici. Mais vendre maintenant… » (L6).

Cette inquiétude autour du pré-carré de la maison et du village n’est pas à comprendre uniquement comme un accès d’individualisme, qui plus est foncier ou immobilier. Elle révèle plutôt les valeurs et principes partagés qui concerne les modes de vie, ancrés dans le village et dans la qualité de ses environs, dans le temps long de leur évolution : « si un jour mes enfants ‘ah c’était bien avant…

maintenant ton TGV tu te le garde et la maison tu la vends, j’en veux pas !’ C’est par rapport à la maison et à ce qu’il y autour ! » (L6). Car ce qu’il y a autour - la campagne mais aussi la proximité de Genlis et Dijon - fait en effet également partie de l’écrin choisi par les habitants de Labergement-Foigney. Et le projet de LGV vient justement perturber ce fragile équilibre, établi ou plutôt « rétabli » (puisque les bouleversements que furent le remembrement et l’autoroute font dorénavant partie du paysage), équilibre qui du coup est à nouveau, comme réminiscence, ressenti comme précaire.

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Aujourd’hui, « le détonateur c’est la proximité avec les maisons » (L8 et L5 de concert), tandis qu’il n’y avait « pas d'inquiétude il y a 7 ou 8 ans à l’annonce que le tracé était au ras de l'autoroute » (L5e), « parce qu’avec le passage près de l’autoroute personne ne s’est posé de question, personne n’a rien dit, on n’a pas été concerté, l’autoroute a été construite dans les bonnes conditions raisonnables pour tout le monde » (L8), même si L5 reprend ces derniers termes : « des conditions acceptables, bonnes peut être pas ! ». Mais il est clair « que s’ils l’avaient maintenu comme c’était, ça serait mieux passé et après les gens peuvent se battre pour faire bâtir des murs antibruit alors que là, est-ce que ça sera vraiment efficace ? C’est l’inconnu » (L8). C’est donc bien le nouveau tracé de la LGV, par son extrême proximité des premières maisons, et ce qu’il met en branle des facteurs socio-environnementaux au lieu de vie (supra), ainsi que toutes les incertitudes autour de la démarche (nous y venons), qui posent aujourd’hui grandement problème aux habitants.

Les jeunes notamment, sont venus à Labergement-Foigney pour profiter également de l’esprit village.

Mais par les représentations qu’ils se font à la fois de cet esprit et du mode de vie à la campagne, autrement dit, d’un certain type d’environnement, ils peuvent facilement rester orphelins d’une sociabilité et d’une convivialité qu’ils se représentaient (vrai pour L6, pas pour L9). Les habitants de longue date, par l’ancienneté de leur ancrage/enracinement résidentiel, sont plutôt dans la déception liée à la comparaison avec le passé, aux changements opérés ou pire encore à venir - inconnus mais imaginables.

Toutefois, si l’un des traits identitaires de leur bien-être est la revendication et le vécu à l’échelle du proche, les habitants de Largement-Foigney sont loin d’être étriqués, fermés. Il s’agit donc en apparence d’un être interindividuel et intersubjectif, mais en apparence seulement, car le bien-être proche est porteur de généralité, c’est un élément de partage. Ainsi, à travers les mutations, observées, ressenties, mises en exergue par les participants, l’équipement vient réveiller le bien-être des habitants sous sa double dimension, sociale et environnementale. Ce bien-être du proche, du pré-carré est porteur de valeurs et principes et il semble assez clair que l’équipement, par sa substance (avec au premier chef sa proximité) met en branle donc exhume, voire actualise, une identité (micro)locale au fondement du bien-être et donc de sa géographicité.

C’est ainsi que chacun s’inquiète du « changement radical dans les infrastructures -construction de ligne à haute tension, autoroute, TGV- et de la transformation en ville dortoir. Aujourd'hui il y a encore un cœur de village et des voisins qui sont d'origine du coin, des gens de souche » (L1e). On peut ainsi reprendre la question de L5 - « Comment faire en sorte qu’on puisse préserver ce qui est quand même un bien commun ?! » - mais surtout la réponse qu’elle apporte d’emblée - « Il y a un phénomène d’empêchement, je trouve que le volet humain n’a pas du tout été pris en compte (dans le projet de LGV) » (L5). C’est alors que, si les principales attentes des participants sont donc la préservation de leur commune, de son écrin de nature, de son esprit village et des liens socio-environnementaux qu’elle a noués avec les alentours, il s’agirait également pour eux au préalable de prendre en compte les habitants… dans le processus décisionnel d’un projet.

Les perceptions et réactions suscitées par ce processus ont en fait été l’opérateur premier de l’exhumation/actualisation de l’identité (micro)locale au fondement du bien-être. Ce processus n’a visiblement pas fait place à l’expression de ce monde commun que chacun a cependant choisi en s’installant sur la commune.

Comment ?

Lorsqu’ils expriment leur ressenti quant à la manière dont la démarche a été conduite, les termes choisis sont très durs : brutal, houleux, très violent, très arbitraire (L1, L3, L5), « là on est tous impuissants » (L6 et L5). Tous s’accordent sur le fait qu’ils l’ont « très mal ressentis et puis en réunion, ils ne prennent pas en considération nos souhaits ! » (L8). Avec le sentiment très vif de ne pas avoir été écoutés au cours de cette démarche - « La première réunion, j’ai bien dit ce que je pensais, mais les gens ne nous écoutent pas. Ils faisaient les questions et les réponses » (L3), de ne pas avoir eu « de vraies réponses aux questions pertinentes (quant au bruit de la circulation par rapport à la hauteur du pont, au fait de faire directement le tronçon Villers-les-pots / Dijon-nord) » (L5, L3) :

« il manque l’explication des solutions retenues, leur justification (9m de haut, la courbe pour un pont unique, le bruit des bogies) » (L2).

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Et pour la seule concession au sentiment d’une écoute potentielle de leurs attentes, ils conviennent que ce n’est pas RFF mais le Conseil Général (CG) qui en est l’auteur : « ils ont quand même dit ‘vous avez possibilité de faire bouger les ponts, à gauche ou à droite’ » (L8), « ça c’est le Conseil Général » (L4 et L5 conjointement, L3 acquiesce). Le même CG dont le travail concernant les réunions spécifiques au remembrement est d’ailleurs apprécié : « le CG bien, y'a du suivi. Mais je suis déçu par le représentant de l’aménagement foncier de RFF qui est réticent pour payer les propositions de chemins, fossés, drainage » (L10e).

C’est donc le porteur de projet qui est stigmatisé/pointé du doigt, car fondamentalement perçu comme n’étant pas à l’écoute des inquiétudes et des demandes habitantes, sans parler de leur arrière-plan identitaire (supra).

Pour exemple, tous soulignent le fait que la réunion de juillet 2010 était davantage une réunion d’information que de concertation : « ils ont fait une réunion d’informations, ils nous ont dit c’est comme ça, vous le prendrez comme ça ! Donc à partir de là, ils n’ont pas posé de questions. C’est nous qui avons posé les questions, et ils n’y ont pas répondu ! » (L7). Plus encore, les participants l’ont perçue comme une réunion très technique où les intervenants n’utilisaient pas un langage accessible à tous : « ils nous ont lu leurs diapositives, c’est tout » (L4), « avec des termes techniques machin et tout, qu’est ce que vous voulez que je comprenne là-dessus ! » (L3), « c’est une question de vocabulaire, faut quand même être réaliste, on est tous dans un domaine donné. Si vous me parlez du thème social, je nage dans le bonheur, dès que vous me parlez d’architecture c’est plus difficile.

C’était très technique » (L5).

Enfin, tous déplorent le peu de communication et de suivi dans le processus : « Pourquoi si peu de réunions ? » (L6). « Ces réunions ont été faites, histoire de dire ‘on les a faites’ c’est tout » (L6).

D’ailleurs, lorsque le débat s’est ouvert sur l’Enquête d’Utilité Publique (DUP) qui a déjà eu lieu, les habitants affirment à la fois leur manque d’information et d’implication personnelle mais aussi le fait qu’un tel processus, au mieux n’est pas adapté pour recueillir l’avis des gens, au pire est un leurre pour faire passer, en « catimini », les projets qui fâchent : « il y a bien eu quelque part, officiellement une enquête d’ouverte, moi je n’y suis pas y allé, plein de monde n’y est pas allé, quelques uns ont dû y aller quand même. C’est fait à la vite pour que justement il n’y ait pas beaucoup de réponses et qu’avec ces réponses ils ne soient pas ennuyés ! » (L7).

Du coup, c’est la notion de DUP en elle-même dans sa mise en œuvre et sa validation qui pose ici question. Mais dans ce cas : « qui déclare un ouvrage d’utilité publique ? » (L9). Réponse commune des autres participants : « c’est le préfet ». Car les habitants se sentent dépossédés de leur capacité de s’exprimer, voire d’agir : « d’où ma question ! Mon intérêt personnel et l’intérêt de personne d’ailleurs n’a été sollicité » (L9, L6 acquiesce).

En définitive, le constat est unanime et amer. La déception est vive (« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, maintenant c’est fait » (L3), et le sentiment d’avoir été bernés est fort présent : « ils nous ont endormis aussi, on nous hypnotise avec de belles images » (L4). Allant ainsi jusqu’à dire que ce discours n’existait en fait que pour étouffer tensions et réclamations potentielles ; tant par son aspect technique - « les réponses aux questions posées étaient techniques, ils englobaient le sujet pour dire voilà, on ne peut pas faire autrement, c’est comme ça qu’on a prévu, c’est comme ça que c’est le mieux » (L2), que par la mise en scène de l’autorité du projet – « je n’ai pas apprécié la présence de 7 personnes d'RFF et qu'une seule ait parlé » (L3e). Aussi, conséquence directe qui a pu incliner les débats, la question est-elle renvoyée sur le focus group lui-même, dont certains regrettent qu’il n’ait pas eu lieu avant afin d’être pleinement intégré dans une démarche de concertation plus approfondie, et surtout menée avant la DUP : « j’ai pas assisté à toutes les réunions, la question que j’ai dans ce contexte là, c’est l’impact du ressenti social et environnemental sur un ouvrage qui a été déclaré d’utilité publique ? » (L9). « Par rapport à la réunion d’aujourd’hui, je m’aperçois que tout le monde a le même avis, les mêmes propositions, ressentis et qu’on a pas été entendus » (L2). La frustration est même palpable, et se mesure à nouveau à l’aune du focus group en cours : « tandis que votre projet à vous c’est pour les futurs projets, quelque part pour nous ça sert à rien… bon après, je ne dis pas que ce n’est pas bien attention, il serait peut être temps voilà ! En ce qui nous concerne c’est trop tard,

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après c’est difficile de donner notre ressenti » (L6, L4 acquiesce). « Les gens auraient pu s’organiser, réagir, réfléchir ensemble et là ça n’a absolument pas été possible. On a tous été piégés » (L5).

Ici, certes, cette frustration, exprimée parfois avec virulence, a indéniablement contribué au choix de participer au groupe de discussion, au-delà de la seule curiosité (L1, L4, L8, L9), ou encore de quelques règles de bienséance - « on m’a invité, je viens » (L3, L7, L9). La plupart d’entre eux pointent d’abord le désenchantement quant au projet de LGV en cours et viennent ensuite « exprimer un ressenti » (L3, L5, L6), le fait que cela soit « douloureux » (L5), car la colère est dans l’air : « moi je suis axée sur mon mécontentement » (L3), « on est dans le fait accompli, je suis la première habitante à 120m et la pilule est amère » (L5). L’incompréhension quant à la démarche même du projet et sa conduite est vive, l’un dit qu’il aurait « aimé des réunions en amont, j’en avais entendu parler depuis 4/5 ans, surpris d’apprendre que le TGV passait au ras des maisons » (L8), l’autre que

« le changement de tracé n’a pas été expliqué… les réunions ne servent à rien du tout » (L2).

Surtout, dès lors, la critique porte non seulement sur « la communication, on nous a vraiment leurré… » (L5) mais surtout sur l’implication voire l’intégration de l’habitant dans le processus décisionnel.

Dans ce dernier registre, nous trouvons certes des points de vue que l’on peut considérer comme classiques à l’adresse des dispositifs conventionnels dits de participation. Pour preuve : « pourquoi on n’associe pas les habitants qui sont des électeurs et qui payent des impôts, je trouve ça lamentable » (L5). « Tout ça, ça a été imposé finalement » (L4). « Ils ont pris l’habitude de faire ce qu’ils voulaient envers et contre tous, et vos rapports ils vont passer à la trappe, j’en suis sûr ! » (L7). Nous trouvons également, au-delà du ressenti négatif actuel, une volonté jamais démentie de changer encore le cours des choses, malgré les préventions réitérées sur la distance de la réunion du groupe de discussion avec la démarche officielle : « S’il y a des desideratas autant les faire remonter a priori » (L9) ; « Il faudrait associer les individus dès le départ. On pourra peut-être essayer de rattraper les coups partis, de grappiller quelque chose » (L5). En fait, conscients que cela n’influera pas sur la LGV en cours, ils souhaitent « comprendre comment on est arrivé là » (L8), et ouvrent la question de l’avenir de tous à travers l’idée que c’est malgré tout potentiellement « intéressant quant aux manières différentes d’aborder les projets futurs, leur impact sur la vie » (L1). Que le travail collaboratif du groupe de discussion pourra peut-être aider à un meilleur déroulement des processus de conception des projets en général : « si ça peut servir à d’autres tant mieux, sur d’autres tracés » (L4), « pour le futur, mes enfants » (L6).

C’est alors cette volonté d’ouverture, généreuse, dans un cadre malgré tout déjà joué qui manifeste une volonté vive et maintenue (voire augmentée) d’engagement individuel et collectif. Donc donne à voir le rôle opératoire du bien-être révélé par la démarche de projet et les critiques qui lui sont adressées.

5.2.2.3. Le bien-être comme capacité de maîtrise du changement, voire de contrôle du

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