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entre ces deux éléments n’implique pas une conception cognitive de l’interprétation puisque relier l’objectivité à l’état du système juridique n’impose nullement de s’engager sur la

manière dont cet état est déterminé. Il nous semble intéressant d’établir la différence entre

significations objective et subjective en laissant de côté les questions propres à la

détermination de S1

1

. D’ailleurs, la dualité entre approches cognitive et volitive peut être

reproduite au niveau de la qualification

2

. La séparation reste essentielle puisque les arguments

à employer dans ce débat ne seront pas les mêmes que ceux portant sur l’interprétation : il ne

s’agira plus de savoir comment est déterminé le sens d’un texte mais comment un fait est

classé dans une catégorie. Ces différents éléments soulignent que l’opposition des deux

significations ne se confond pas avec celle des différentes théories de l’interprétation. Quoi

qu’il en soit, avoir la signification objective de norme constitutionnelle passe par la

combinaison entre une signification langagière (S1) de norme et une nature juridique (S2) de

constitution.

La théorie de la double signification permet également d’éclairer le concept de source du

droit. Une catégorie dogmatique se présente comme le champ d’application matériel d’une

série de règles. L’applicabilité de ces règles dépend des critères qui forment la définition de la

catégorie. Cette définition équivaut aux critères d’identification des normes dans le cas des

catégories dogmatiques normatives. La théorie de la double signification permet de considérer

cette règle d’identification comme la règle permettant de déterminer la nature juridique (S2)

d’une série d’actes matériels. La catégorie dogmatique de constitution n’est donc que la

reformulation de la règle d’identification d’une classe d’actes normatifs. Elle est la règle

permettant de passer de l’acte matériel à l’acte normatif mais pas de l’acte matériel à la

norme. Elle correspond le plus souvent à la vérification du respect des règles d’édiction mais

aucune nécessité logique ne relie les normes d’identification aux normes de compétences

3

. Le

concept de source du droit peut alors être assimilé à celui de catégorie d’acte normatif ou de

norme sans souffrir du caractère métaphysique qui lui est souvent reproché

4

. Il peut s’agir

1 Ainsi, certains auteurs adhèrent à une conception volitive de l’interprétation tout en reconnaissant dans une certaine mesure la différence entre interprétation et qualification. Voir GUASTINI Riccardo, « Rules Validity… », précité, p. 236 ou 2 En ce sens, voir LEBEN Charles, « Le principe d’égalité devant la loi et la théorie de l’interprétation judiciaire », in Chaïm Perelman et la pensée contemporaine, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 221. Nous visons ici spécifiquement l’opération de concrétisation, autrement dit le syllogisme de qualification en laissant de côté la question de la détermination de la majeure, qui dépend de l’interprétation de la norme signifiant la majeure.

3 Pour un avis contraire, voir KLEIN Claude, Théorie et pratique du pouvoir constituant, Paris, PUF, 1996, p. 192 ou WHEARE Kenneth Clinton, Modern Constitutions, Oxford, OUP, 1966, p. 52.

4 Sur ce caractère métaphysique, voir AMSELEK Paul, « Brèves réflexions sur la notion de sources du droit », APD 1982, p. 252 ou HABA Enrique, « Logique et idéologie dans la théorie des sources », APD 1982, p. 244. Sur la grande diversité des usages de ce terme, voir KELSEN Hans, Théorie pure du droit, précité, p. 234.

d’une catégorie théorique ou d’une catégorie dogmatique

1

selon qu’elle se fonde sur une

décision théorique ou une règle d’identification

2

. La dichotomie entre dogmatique et théorie

prend un relief particulier pour les catégories normatives car le double sens des sources du

droit est rarement perçu alors qu’il a des conséquences fondamentales sur l’existence même

des normes. Le sens du terme « source du droit » qui nous intéresse dans la première partie

vise une catégorie d’actes ou de normes définie par une ou plusieurs règles d’identification

conférant à certains faits une nature juridique particulière. Il est donc culturellement inscrit

alors que la doctrine tente le plus souvent de dégager une typologie universelle des sources du

droit

3

. Cette définition de la notion de source du droit est la seule adaptée à notre démarche.

Nous franchissons ici une nouvelle étape dans la clarification de l’objet de notre recherche : la

définition dogmatique de constitution détermine une source du droit particulière entendue

comme catégorie d’actes ou de normes dont l’unité est réalisée par une règle d’identification

constitutionnelle. Cette élucidation peut encore être poussée plus loin en s’appuyant sur la

théorie des actes de langage qui est apte à rendre compte du droit comme un fait social (B).

B. Théorie de la double signification et théorie des actes de langage ou la

constitution comme acte de langage

Si la théorie de la double signification permet de séparer, l’acte matériel, l’acte normatif, la

norme et la norme juridique, la teneur exacte de ces réalités appelle des précisions. Le recours

à la théorie des actes de langage permettra d’éclairer le schéma quaternaire tracé par la théorie

de la double signification (1) à condition de justifier son application au domaine juridique (2).

1 Pour des exemples de typologie théorique, voir BERGEL Jean-Louis, Théorie générale du droit, 4e éd., Paris, PUF, 2003, p. 55 ; BOBBIO Norberto, « Kelsen et les sources du droit », APD 1982, p. 136 ; FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, précité, p. 143. Pour des cas d’utilisation du terme « source » comme visant une série de catégories dogmatiques, voir BOBBIO Norberto, « Nouvelles réflexions sur les normes primaires et secondaires », in Essais de théorie du droit, Paris, LGDJ, 1998, p. 167 ou DAILLER Patrick et PELLET Alain, Droit international public, 7e éd., Paris, LGDJ, 2002, p. 114. 2 Cette différence est fondamentale car les sources du droit au sens théorique sont des catégories de normes juridiques préalablement identifiées alors que les sources du droit au sens dogmatique sont des catégories de faits (actes matériels ou signification de ces actes). Ces faits sont des normes juridiques parce qu’ils relèvent de la catégorie dogmatique en question et les critères de la catégorie les opposent à d’autres faits et non à d’autres normes. La catégorie théorie de constitution est donc une sous-catégorie de normes quand la catégorie dogmatique est une sous-catégorie de faits, ce qui a évidemment des conséquences sur les critères utilisés pour les définir.

3 Il s’agit d’une confusion très répandue entre catégories théorique et dogmatique qui est illustrée par l’affirmation selon laquelle « l’identification […] et la hiérarchisation des sources du droit relèvent des missions de la doctrine » (DEUMIER Pascal et REVET Thierry, « Sources du droit – Problématique générale », in RIALS Stéphane et ALLAND Denis (dir.),

1.L’

APPORT DE LA THEORIE DES ACTES DE LANGAGE A LA THEORIE DE LA DOUBLE SIGNIFICATION

La théorie des actes de langage se place dans l’approche pragmatique du langage que nous

avons déjà utilisée. Elle repose sur l’idée selon laquelle l’élément de base de la

communication n’est pas le mot ou l’énoncé mais l’acte de langage, c’est-à-dire l’utilisation

d’un énoncé, ce qui impose de tenir compte des relations entre les mots et leurs usagers et pas

seulement de la sémantique et de la syntaxe

1

. Surtout, elle affirme que le langage a plusieurs

fonctions et ne se limite donc pas à décrire la réalité. Son origine est ancienne

2

mais elle n’a

été systématisée qu’après la seconde guerre mondiale. Sa formulation la plus influente a été

proposée par John Austin. Il présente d’abord une opposition entre énoncés descriptifs

(« constatif ») et énoncés qui « font » quelque chose mais ne décrivent rien (« performatif »)

dont la promesse constitue le meilleur exemple

3

. Il rejette ensuite cette dichotomie en

estimant que tous les actes de langage « font » quelque chose

4

et qu’ils combinent tous trois

dimensions : locutoire (ce que l’on dit), illocutoire (ce que l’on fait en le disant) et

perlocutoire (ce qu’on fait par le fait de le dire)

5

. Ce schéma a été développé et formalisé par

Searle qui estime que tous les actes de langage se construisent par le rapport entre une

proposition (p) et une force (F) noté F(p)

6

. La distinction entre dimension locutoire et

1 En ce sens, voir notamment BRACOPS Martine, Introduction à la pragmatique, Bruxelles, De Boeck, 2006, p. 13 ou MEY Jacob, Pragmatics. An Introduction, 2e éd., Oxford, Blackwell, 2001, p. 6 et 94.

2 Voir BARRY Smith, « Towards a History of Speech Act Theory », in BURKHARDT Armin (dir.), Speech Acts, Meaning and Intentions. Critical Approaches to the Philosophy of John R. Searle, Berlin, New York, De Gruyter, 1990, p. 29-61. 3 AUSTIN John Langshaw, Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, 1970, p. 41.

4 La théorie des performatifs est donc considérée de manière presque unanime comme abandonnée (FORGUSON Lynd, « In Pursuit of Performatives », in FANN K.T. (dir.), Symposium on J.L. Austin, Londres, Routlege & Kegan Paul, 1969, p. 418) ou plus précisément incluse dans la théorie des actes illocutoires : le performatif serait un acte illocutoire spécifique formulé par un énoncé à la première personne utilisant un opérateur spécifique à l’indicatif (FURBERG Mats, Saying and Meaning. A Main Theme in J.L. Austin’s Philosophy, Oxford, Blackwell, 1971, p. 193 ; SEARLE John, « How Performatives Work », in

VANDERVEKEN Daniel et KUBO Susumu (dir.), Essays in Speech Act Theory, Amsterdam, Philadelphie, John Benjamins, 2002, p. 87 ou RABOSSI Eduardo, « Meaning Force and Explicit Performatives », in GARCIA Jorge, RABOSSI Eduardo, VILLANUEVA Enrique et DASCAL Marcelo (dir.), Philosophical Analysis in Latin America, Dordrecht, D. Reidel, 1984, p. 152). De forts débats demeurent notamment sur la possibilité d’apprécier un énoncé performatif en termes de véracité (voir par exemple RÉCANATI François, « Some Remarks on Explicit Performatives, Indirect Speech Act, Locutionary Meaning and Truth Value », in SEARLE John, KIEFER Ferenc et BIERWISCH Manfred (dir.), Speech Act Theory and Pragmatics, Dordrecht, D. Reidel, 1980, p. 205) mais ils sortent du champ de notre étude car si le terme « performatif » est encore employé par des juristes (voir ainsi OPALEK Kazimierz, article précité, p. 323 ou DAVID Eric, « Le performatif dans l’énonciation et le fondement du droit international, in Mélanges Charles Chaumont, Paris, Pédone, 1984, p. 241), cela semble plutôt venir d’une imprécision que d’une volonté délibérée de faire revivre la théorie reniée par Austin.

5 AUSTIN John Langshaw, op. cit., p. 107. La différence entre ces trois aspects est souvent considérée comme obscure. Austin précise tout de même qu’elle oppose la production d’une phrase dotée d’une signification (« il m’a dit ‘tire sur elle’ ») à la valeur conventionnelle de l’énonciation (« il me pressa de tirer sur elle ») et à la provocation d’un effet par le fait de dire quelque chose (« il me persuada de tirer sur elle »). Pour des détails voir ibid., p. 114-122.

6 SEARLE John, Les actes de langage. Essai de philosophie du langage, Paris, Hermann, 1972, p. 69 ou SEARLE John et VANDERVEKEN Daniel, Fondations of Illocutionary Logic, Cambridge, CUP, 1985, p. 8. Pour une critique de cette présentation, basée sur une lecture originale d’Austin, voir LAUGIER Sandra, « Acte de langage ou pragmatique ? », RMM

2004, p. 287. Ce dernier article semble toutefois accuser Searle de réduire l’importance de la force dans les actes de langage en en faisant un ajout secondaire à une proposition originelle, ce qui n’a jamais été affirmé ou sous-entendu par Searle. La force et le contenu propositionnel sont décrits par Searle comme des composants non-hiérarchisés des actes de langage. L’écart avec Searle tient en fait au rejet de l’idée très répandue selon laquelle un acte de langage serait avant tout l’expression

illocutoire et remplacée par celle de la proposition et de la force

1

. Pour prendre un exemple,

une proposition unique type « Jean ferme la porte » peut servir de base pour un ordre, une

question, un engagement ou une assertion selon la force qui lui est appliquée. Le

fonctionnement des actes de langage revient à appliquer un état intentionnel à un contenu

propositionnel

2

. La particularité de ces actes tient alors au fait qu’ils sont réalisés avec la

volonté de transmettre un état intentionnel sur un état de fait donné

3

en passant par le

langage

4

. Outre cette description statique, la théorie des actes du langage possède un aspect

dynamique orienté vers la compréhension des conditions de la réussite d’un acte. La réussite

d’un acte de langage, c’est-à-dire l’obtention de la force recherchée

5

, dépend d’une série de

conditions

6

. Certaines tiennent à la proposition elle-même alors que d’autres concernent la

force, qu’elles dépendent d’éléments langagiers ou du contexte extra-langagier

7

.

ou la manifestation publique d’une certaine intention (LAUGIER Sandra, « Performativité, normativité et droit », Archives de Philosophie 2004, p. 617).

1 Les intérêts de cette mutation, au-delà de la clarté de l’explication proposée, tiennent à la capacité de rendre compte des performatifs explicites dans lesquels la dimension locutoire semblerait remplacer la dimension illocutoire puisque la force de l’énonciation est explicitement précisée, sans confondre cette distinction avec celle opposant acte réussi et raté. Pour des détails sur ce point, voir SEARLE John, « Austin on Locutionary and Illocutionary Acts », in Essays on J.L. Austin, Oxford, Clarendon, 1973, p. 144 ou STRAWSON P.F., « Austin on Locutionary Meaning », ibid., p. 61.

2 Cette intention particulière implique avant tout sur une certaine direction d’ajustement entre le mot et le monde. Ainsi une assertion est satisfaite si les mots s’adaptent au monde quand une promesse ou une prescription sont satisfaites si le monde s’adapte aux mots. Voir en ce sens, SEARLE John, « Response : Meaning, Intentionality and Speech Acts », précité, p. 82. 3 De manière plus concrète, cela revient par exemple à vouloir faire comprendre (volonté) que l’on souhaite que Jean ferme la porte (intention) ce qui ne se confond pas avec la description de ce souhait. Notons au passage que l’intentionnalité désigne ici tout état mental portant sur un état de chose et non pas la volonté au sens classique du terme (SEARLE John,

L’intentionnalité. Essai de philosophie des états mentaux, Paris, Les Éditions de minuit, 1983, p. 15).

4 Cette présentation particulière est liée à la dimension mentaliste du travail de Searle (CLÉMENT Fabrice et KAUFMANN Laurence, Le monde selon John Searle, Paris, Les Éditions du Cerf, 2005, p. 26) mais sa fragilité éventuelle ne nous dérange pas vraiment car nos développements ne dépendent pas directement du statut ontologique des intentions ce qui implique que la théorie des actes de langage adoptée n’est pas intrinsèquement mentaliste (pour une critique de Searle ne touchant pas notre présentation, voir TSOHATZIDIS Savas, « The Gap Between Speech Acts and Mental States », in TSOHATZIDIS Savas (dir.), Foundations of Speech Act Theory. Philosophical and Linguistic Perspectives, Londres, Routledge, 1994, p. 220-233). En outre, le grand rôle des conventions dans notre vision montre bien qu’il ne faut pas oublier que le rôle donné à l’expression des intentions ne doit pas être confondu avec la présence des intentions elles-mêmes : asserter revient à s’engager sur la vérité de ce qu’on avance ou de manifester une croyance à ce propos mais pas à avoir la croyance en question (en ce sens, voir ALSTON William, « Illocutionary Acts and Linguistic Meaning », ibid., p. 40 et 46).

5 Il est utile de préciser la notion de réussite qui est essentielle pour la suite de nos développements : un acte prescriptif est réussi si le locuteur parvient à donner un ordre (réussite) et non si le destinataire obéit à l’ordre (satisfaction). Chaque acte de langage passe donc par deux jeux de conditions distincts et complémentaires qui dépendent de l’état intentionnel évoqué et noté F(p). La validité d’un ordre se classe parmi les conditions de réussite quand la vérité d’une assertion est sa condition de satisfaction. En ce sens, voir RÉCANATI François, op. cit., p. 194 et « Le développement de la pragmatique », Langue française n°42, p. 13 ; CRUSE Alan, Meaning in Language, 2e éd., Oxford, OUP, 2004, p. 26 ; ANSCOMBRE Jean-Claude, article précité, p. 68 ou VANDERVEKEN Daniel, Les actes de discours, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1988, p. 33-34 et

Meaning and Speech Acts, Cambridge, CUP, 1991, T. I, p. 27.

6 AUSTIN John Langshaw, op. cit., p. 50-58 ; CRUSE Alan, op. cit., p. 357 ; SEARLE John et VANDERVEKEN Daniel,

op. cit., p. 22 ou KERBRAT-ORECCHIONI Catherine, Les actes de langage dans le discours, Paris, Nathan, 2001, p. 19. 7 Citons ainsi par exemple le fait que la proposition ait une référence dans le monde réel (premier cas), la présence de certains marqueurs langagiers spécifiques type « je promets » (deuxième cas) ou la détention d’une position d’autorité (troisième cas). De multiples typologies des conditions de réussite existent. Pour un exemple assez complet, voir VANDERVEKEN Daniel, « On the Unification of Speech Act Theory and Formal Semantic », in COHEN Philip, MORGAN Jerry et POLLACK Martha (dir.), Intentions in Communication, Cambridge, MIT Press, 1990, p. 200.

Le concept de signification langagière de l’acte est éclairci par cette théorie du langage : il

désigne deux éléments, c’est-à-dire la force (F) et le contenu propositionnel (p)

1

. La fixation

de F et p passe par une combinaison complexe entre intention et convention

2

. Une norme, au

sens S1, est simplement l’application d’une force particulière, de type prescriptif, à un

contenu propositionnel quelconque

3

. Le caractère purement langagier de S1 est alors bien

établi

4

ce qui confirme qu’il est impossible de réduire totalement la signification à une

question d’ordre juridique. La normativité est une propriété langagière

5

indépendante du droit

puisqu’elle peut s’exprimer dans un acte de langage sans valeur juridique (S2). La validité

juridique n’est pas directement liée à la normativité

6

. Cette dimension langagière permet aussi

d’expliquer le rapport entre l’acte matériel et sa signification : S1 n’est pas dégagée sur la

base du texte

7

mais bien de l’ensemble de la procédure d’édiction qui correspond à

l’énonciation ou à l’acte de langage pris dans son entier

8

car S1 dépend d’une série d’éléments

qui dépasse largement le texte adopté dans le cadre de cette procédure

9

. Le texte fait partie de

l’acte d’énonciation au même titre que le reste de la procédure puisque S1 est déterminée par

1 Pour être plus précis, la signification langagière comprend un contenu propositionnel (p) et détermine une partie de la force car celle-ci dépend à la fois d’éléments langagiers contenus dans S1 et d’éléments extra-langagiers qui dépassent la seule S1. Quoi qu’il en soit, la signification ne se limite pas à un contenu propositionnel.

2 Notons que nous n’entendons pas nous engager sur ce point au-delà de l’affirmation d’une complémentarité de ces deux éléments. La place exacte de chacun d’eux ne nous intéresse pas car nous n’avons qu’un intérêt modéré pour S1 (voir infra, p. 152 et s.). Admettre que S1 est principalement intentionnelle ne remet pas en cause la dimension conventionnelle de S2 qui est la seule à nous intéresser. Pour des détails sur les rapports entre intention et convention, voir SADOCK Jerrold, « Speech Acts », in HORN Laurence et WARD Gregory (dir.), The Handbook of Pragmatics, Oxford, Blackwell, 2004, p. 53-73 ou SEARLE John, Mind, Language and Society, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1999, p. 140.

3 Cette force se caractérise avant tout par la communication de l’intention que quelqu’un fasse quelque chose avec une certaine intensité (VANDERVEKEN Daniel, article précité, p. 201). Cette vision de la prescription s’oppose à la tendance répandue à lier l’existence même de la prescription ou de la norme (signification subjective) à celle d’une sanction (voir par exemple AUSTIN John, The Province of Jurisprudence Determined, Cambridge, CUP, 1995, p. 20 ou CAYLA Olivier, « Le Conseil constitutionnel et la constitution de la science du droit », précité, p. 109) : la présence d’une prescription dépend uniquement d’éléments langagiers sans que la présence éventuelle d’une sanction ne puisse avoir une quelconque importance. 4 Précisons bien que l’affirmation de la dimension langagière de S1 ne revient en aucun cas à la réduire au sens littéral des énoncés juridiques. En ce sens, voir AMSELEK Paul, « Le locutoire et l’illocutoire… », précité, p. 391 et VANDERVEKEN Daniel, Les actes de discours, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1988, p. 73.

5 En ce sens, voir ROSS Alf, Directives and Norms, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1968, p. 101 ou KELSEN Hans, « The Fondation of the Theory of Natural Law », in Essays in Legal and Moral Philosophy, Dordrecht, D. Reidel, 1973, p. 115 et pour un avis contraire ROUSSEAU Dominique, « Propositions pour construire la pensée du droit dérobé », in

ROUSSEAU Dominique (dir.), Le droit dérobé, Paris, Montchrestien, 2007, p. 12

6 Il est donc possible d’envisager une variation dans la signification langagière des actes juridiques par exemple pour préférer des conseils voire des déclarations aux ordres. Pour une analyse comparable, voir AMSELEK Paul, « Philosophie du droit et théorie des actes de langage », in AMSELEK Paul (dir.), Théorie des actes de langage, éthique et droit, Paris, PUF, 1996, p. 118 ou DE BÉCHILLON Denys, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 279

7 Pour un avis contraire, voir POIRAT Florence, op. cit., p. 18 ; ROUSSEAU Dominique, « Questions de constitution », Rev. adm. n°280, p. 370 ou TROPER Michel, « L’interprétation constitutionnelle », précité, p. 22.

8 DUCROT Oswald, « Illocutoire et performatif », Linguistique et sémiotique n°4-1977, p. 20.

9 Ce constat, valable pour le langage en général (VANDERVEKEN Daniel, op. cit., p. 17 et 82 ou STRAWSON P.F.,