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Les éléments analysés dans le corpus

Sans prétendre épuiser tous les éléments qui mènent à la persuasion, je procèderai à une analyse qui est plus qualitative que quantitative. Je soumettrai le corpus à une étude détaillée en me basant sur les principes théoriques de la rhétorique, de l’analyse du discours, et de la linguistique cognitive.

La rhétorique d’Aristote (Rhétorique, livre I) et la nouvelle rhétorique de Perelman (1976) permettront d’approfondir la théorie de l’argumentation, sans négliger les notions essentielles d’ethos, logos et pathos. L’importance de cette triade aristotélicienne est, en effet, essentielle pour la réussite de la persuasion, le pathos étant centré sur les émotions éveillées chez l’auditoire, et l’ethos sur l’impression que le locuteur fait sur ses auditeurs à travers le discours. Ces techniques aristotéliciennes contribuent à l’analyse de certains points dans cette thèse : l’empathie dans le discours, la valorisation de l’auditeur, le rapprochement cognitif avec l’auditoire à travers les exemples personnels, et l’énallage des déictiques. L’analyse du corpus selon l’approche de la philosophie aristotélicienne du discours montre que le meilleur orateur n’est pas le plus savant, mais le plus proche de la doxa de son auditoire.

L’analyse du discours a pour but d’appréhender l’interprétation du discours par l’auditoire et cette définition constitue le cœur de l’analyse. Ses présupposés théoriques y sont constamment présents, directement ou indirectement. Les travaux de Maingueneau (2001), Ducrot (1984) et Anscombre et Ducrot (1997) ont beaucoup apporté à mes développements sur l’argumentation ainsi qu’à l’analyse sémantique des marqueurs discursifs. En dépit du fait de ne pas constituer des éléments persuasifs, ils sont, en effet, essentiels, car ils structurent le discours pour que la persuasion ait lieu.

Une autre théorie importante pour le déroulement de l’analyse est la sémiolinguistique, qui représente une synthèse de la sémiotique, de la linguistique, et de la pragmatique. Cette théorie a été développée, notamment, par Charaudeau (1983), et m’a beaucoup aidée pour réaliser l’interprétation du discours dans ses développements sur l’analyse de l’intertextualité et des actes de langage.

La théorie de l’énonciation et les travaux de Ducrot (1984) et Cervoni (1989) et en particulier ceux de Benveniste (1966) et Kerbrat (2009) ont contribué considérablement à enrichir mes remarques sur la subjectivité du langage, les pronoms personnels, et l’énallage.

La pragmatique a contribué à l’analyse des données à la lumière de la théorie des actes de langage. Il en est de même des notions de performativité mises en évidence par Austin (1970) et Searle (1972), avec une référence particulière à la nouvelle vision cognitive de Marmaridou à ce sujet (2000). J’ai aussi utilisé les notions de la deixis données par Levinson (1983), Fillmore (1971), Lyons (1977), Kerbrat (2001) et Marmaridou (2000) pour structurer l’analyse de l’énallage de personne et de temps. Le concept d’acte perlocutoire m’a amenée à une question fondamentale : Quel est le vrai effet que le discours produit chez l’auditoire ?

Enfin, un nouveau paradigme théorique qui a gagné du terrain dans les années 80, la linguistique cognitive (Langacker, 1987 ; Talmy, 1988 ; Lakoff, 1980, 1987) est très présent dans les analyses. Fauconnier (1984, 1997) a révolutionné cette nouvelle branche de la linguistique et ses travaux ont été incontournables pour ma recherche. Le récent travail de Ferrari a aussi permis d’élucider les notions de linguistique cognitive. L’analyse emprunte les concepts d’espaces mentaux, fonctions pragmatiques, MCI et Blending, principalement dans le chapitre sur le dialogue dans le discours. La notion de MCI est incontournable. Mariée à d’autres concepts, elle a permis de trouver des explications pour beaucoup de phénomènes. Les modèles cognitifs idéalisés m’ont aidé à comprendre les actes perlocutoires, car locuteur et auditeur doivent partager les mêmes MCIs, c’est-à-dire que le locuteur doit faire en sorte que les valeurs de son discours soient les mêmes que les valeurs de son auditoire. Les MCIs permettent aussi de comprendre l’intertextualité, l’interaction dans le discours, les énallages, entre autres.

Toujours concernant la linguistique cognitive, les études de Lakoff sur la métaphore nous ont été très bénéfiques. J’ai dédié un sous-chapitre entier à la capacité persuasive de la métaphore qui est capable de lier des arguments logiques et émotionnels en utilisant un domaine abstrait pour représenter un domaine concret. La métaphore contribue à la persuasion dans la mesure où elle amplifie la signification de ce qui est en train d’être dit.

Ce choix d’analyse a été influencé par la fréquence de certains événements qui étaient récurrents dans tous les prêches. Comme je l’ai mentionné auparavant, les sermons ont été prêchés par des pasteurs distincts, et tout ce que j’ai choisi d’analyser, se répète à chaque sermon, en dépit du locuteur. Ci-dessous un tableau composé des éléments examinés dans cette thèse et les objectifs de l’analyse :

Aspects abordés Objectifs de lanalyse L’acte perlocutoire en tant qu’acte de

persuasion

Détecter comment le locuteur arrive à avoir l’effet souhaité dans le discours

L’intertextualité Quelle est l’importance de l’intertexte pour la l’interprétation du discours

Les marqueurs discursifs Examiner le rôle des MD et vérifier comment

ils organisent le discours

La valorisation de l’auditeur

Évaluer l’importance de louer son auditoire et de se servir de l’émotion pour le succès du

discours

L’acte de langage et ses quatre acteurs : De la rhétorique à la sémiolinguistique

Confronter le circuit langagier de Charaudeau à la trilogie aristotélicienne pour détecter une

stratégie de persuasion

Le discours religieux, un discours

autoritaire Examiner la structure du discours religieux

L’interaction dans le discours et l’énallage des déictiques de personne

Vérifier comment se forme la polysémie des déictiques personnels, et quel impact a

l’énallage dans le discours persuasif

Dialogue, polysémie et intégration conceptuelle

Décortiquer les structures dialogiques et examiner le rôle de l’intégration conceptuelle

pour la persuasion

L’empathie dans le discours, un rapprochement cognitif

Analyser les façons de se rapprocher de l’auditoire à travers le pathos

L’énallage de temps

Étudier les déictiques temporels qui s’éloignent du prototype et montrer pourquoi

cela représente une stratégie persuasive

Les métaphores dans le discours religieux Pointer la capacité persuasive des métaphores

dans le discours

Les points cités ci-dessus seront disséqués dans le chapitre suivant, en référence aux présupposés théoriques exposés dans le premier chapitre.