CHAPITRE 3 - PROPOSITION D’UNE DEMARCHE DE GENERATION DES ÉCO-MODELES
3.1. Le concept d’éco-modèle
3.1.2. Les Éco-Modèles dans le cadre de la conception collaborative de bâtiments
L’acteur principal de la phase d’esquisse de la conception architecturale est généralement
l’architecte. La méthode que nous proposons le concerne à travers ses idées écologiques et
architecturales. Inspirer les idées d’un architecte nécessite d’utiliser le langage de l’architecte
dans lequel l’image est la plus reconnue.
« Les images et les mots sont liés de manière particulière car il semble
difficile que les unes (images) puissent exister sans les autres (mots), du
moins dans le domaine de l’architecture (…) Une des particularités de
l’image est sa polysémie. Cette qualité autorise des interprétations multiples
et, donc, des interactions fécondes avec les images mentales des concepteurs
eux-mêmes. C’est probablement là une raison majeure de son efficacité
cognitive. » [Kacher, 2005].
Donc, pour répondre à ce besoin, nous avons essayé de trouver des images types à chaque
éco-modèle (Annexe 1). Les images représentatives doivent être suffisamment évocatrices
pour faire émerger des idées. En ce sens, le concept se rapproche de l’apport de la pensée
visuelle dans les processus créatifs.
« (...) visual thinking can precede verbal thinking, and drawings or images
can become active agents in producing design ideas, rather than passive
records of them. » [Marda, 1997].
« (...) la pensée visuelle peut précéder la pensée verbale, et des dessins ou des
images peuvent devenir des facteurs actifs de la production d’idées de projet,
pluto5t que de n’e5tre que l’enregistrement passif de ces idées. » [Marda,
1997] traduit par [Scaletsky, 2003].
Les éco-modèles sont, à la base, destinés aux concepteurs de bâtiments. Cependant, la
maîtrise d’ouvrage peut aussi utiliser les éco-modèles pour exprimer ses demandes à
l’architecte, sous forme de scénarios. Ceci se rapproche de l’idée d’avoir un langage commun
dans la démarche de conception collaborative. L’image représente un langage commun
possible entre les acteurs de différentes cultures professionnelles dans une conception
architecturale. Nous pensons que l’image aide les collaborateurs à converger vers des idées
qui peuvent se présenter très divergentes par les mots.
Nous pensons que la scénarisation à travers les éco-modèles pourra assister deux types de
collaboration omniprésentes dans le processus de conception en phase amont :
collaboration située - entre le concepteur et la maîtrise d’ouvrage,
collaboration distribuée - entre les concepteurs de différents bâtiments.
Nous pouvons imaginer qu’une équipe de conception - et non un seul concepteur - peut aussi
être l’objet d’autres types de travail collectif.
3.1.2.1. Collaboration située au travers des éco-modèles
Pendant la phase amont de la conception, une assistance de type facilitateur de la
communication - entre la maîtrise d’ouvrage et le concepteur - devient utile. Cela peut se
traduire par l’apport d’une aide à la reformulation du concept pour transférer le maximum
d’information convaincante à la maitrise d’ouvrage de la part de l’architecte.
L’utilisation des éco-modèles vise à favoriser la communication des idées et les négociations
au sujet des demandes de la maîtrise d’ouvrage et des propositions du concepteur (Figure 34).
Figure 34 - Favoriser les négociations entre le concepteur et la maîtrise d’ouvrages au travers des scénarios
[notre recherche]
Ces négociations peuvent aider à trouver un accord entre le programme - les demandes de la
maîtrise d’ouvrage - et les propositions du concepteur. Ces échanges entre l’architecte et la
maîtrise d’ouvrage, sur un artéfact qui est le scénario, peuvent être perçus comme une
collaboration située.
Enfin, les éco-modèles ou/et les scénarios peuvent être le sujet de collaborations durant la
phase amont de la conception dans les étapes suivantes :
Clarification de la demande de la maîtrise d’ouvrage au début de la phase
d’esquisse (ESQ): la maîtrise d’ouvrage pourra reformuler ses demandes ainsi
que ses préférences en terme de l’éco-conception
Retour d’avis de la maîtrise d’ouvrage en fin de phase avant projet sommaire
(APS) : l’accord ou le désaccord de la maîtrise d’ouvrage avec les propositions
du concepteur se clarifie le plutôt possible avant de passer au projet définitif.
Justification de la faisabilité et de l’efficacité des choix durant la phase
avant-projet définitive (APD) : l’architecte peut se référer aux avant-projets architecturaux
qui justifient la pertinence des éco-modèles choisis pour convaincre la maîtrise
d’ouvrage de la faisabilité et de la pertinence de ses propositions.
Ces collaborations nécessitent des échanges synchrones et des réunions entre le concepteur et
la maîtrise d’ouvrage. Pour cette raison, nous les considérons comme une série de
collaborations situées probablement au travers des éco-modèles.
3.1.2.2. Collaboration distribuée au travers des éco-modèles
Les approches actuelles de la collaboration sont plutôt centrées sur des échanges synchrones -
dans un même moment ou avec un décalage de temps court - entre les acteurs de différents
métiers. Dans ce sens, la conception collaborative est reconnue comme une activité
interdisciplinaire [Lu et al., 2000 ; Wang et al., 2002] pouvant améliorer l’efficacité des
processus de travail et favoriser la résolution de problèmes complexes.
Mais on peut également aborder la collaboration comme un dispositif asynchrone - avec des
décalages de temps parfois longs - fondé sur des échanges entre des acteurs, des temps et des
cultures distants.
Ce système de collaboration, qui nourrit par ailleurs les pratiques traditionnelles, se fonde sur
une capitalisation des connaissances architecturales passées et présentes dans des dispositifs
types pouvant être partagés. Dans notre travail de recherche, ces dispositifs sont représentés
par les éco-modèles. Grâce aux éco-modèles, les concepteurs peuvent bénéficier des
expériences acquises par les autres concepteurs. Ces dispositifs forment une sorte de banque
de connaissances qui s’enrichit au fur à mesure des réalisations menées. Ils peuvent être
considérés comme des éléments de collaboration distribuée (Figure 35) où les collaborateurs
ne sont pas des personnes mais des connaissances reprises par des personnes.
En ce sens, au travers des éco-modèles, des échanges asynchrones avec des décalages de
temps parfois de dizaines d’années, sont prévus. Ces types d’échanges ont la capacité de
puiser dans des cultures, des localisations, des temps et des phases de conception distants.
C’est pourquoi selon nous, ils représentent une collaboration distribuée. Ce système de
collaboration ne devient possible qu’avec une collecte des connaissances passées, dans
laquelle les concepteurs peuvent prendre le meilleur des connaissances acquises des uns et des
autres. En ce sens, les éco-modèles jouent le rôle d’éléments de collaboration distribuée.
L’objectif à terme est, donc, de réunir des éléments dans une banque de connaissances qui
s’enrichit au fur et à mesure des nouvelles connaissances dans le domaine.
Figure 35 - Interface d’échanges asynchrones contenant les éco-modèles comme les éléments de la collaboration
distribuée [notre recherche]
En effet, une banque d’éco-modèle peut être considérée comme une co-création de
connaissance par des acteurs qui ne se connaissent pas forcément. C’est une approche qui
peut rejoindre l’idée de créer une encyclopédie spécialisée dans le domaine de la conception
environnementale de bâtiments. Ces éléments de connaissances peuvent être récoltés au
travers des projets réalisés dans le passé mais aussi sur les conceptions faites pour un projet
qui sera réalisé dans le futur.
« Pour concevoir une œuvre nouvelle, un architecte peut s’appuyer sur des
fragments de connaissance qu’il a extrait d’œuvres anciennes, réalisées ou
simplement projetées. La conception s’appuie alors sur la mémoire d’une
interprétation effectuée en amont, car l’extraction de connaissances
réutilisables peut se faire par un travail d’interprétation. » [Léglise, 2000].
À lumière de ce qui précède, les éco-modèles et leurs cas d’utilisation antérieurs peuvent
offrir aux architectes des fragments de connaissances.
« Les raisons (ou les bases théoriques explicatives) »,
« Le processus (ou la façon de faire) »,
« Les finalités (ou les buts pour lesquels il peut être utilisé) ».
L’auteur recommande la troisième façon pour aboutir à « un meilleur apprentissage » et ce
dans un objectif pédagogique.
Cette recherche a pour objectif de favoriser la conception environnementale du bâtiment - réel
ou pédagogique. Donc, en nous appuyant sur les trois piliers définis par [Iordanova et al.,
2009], nous pensons que les finalités - les bâtiments réalisés ou les projets conçus -
accompagnées des raisons peuvent être importantes dans le cadre de notre méthode pour aider
l’architecte. Par contre, il nous semble peu pertinent de se focaliser sur les façons de faire - les
processus - au niveau de la phase amont de la conception.
Enfin, les finalités et les raisons sont consultables par l’architecte à travers les éco-modèles.
En se basant sur ces éléments le concepteur peut conduire un travail de conception avec plus
de certitude et plus de connaissances présentes dès la phase amont.
Dans le document
Éco-conception collaborative de bâtiments durables
(Page 96-101)