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RENCONTRE "AU COSMOS POUR TOUS", Raymonde DESCôTEAUX

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Academic year: 2021

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RENCONTRE "AU COSMOS POUR TOUS"

C'est vendredi soir et la boîte de nuit fourmille de jeunes adultes. Le disc-jockey harcèle ses deux plaques tournantes et semble parti ailleurs, très loin de "Au cosmos pour tous". La musique se déchaîne et la belle Nadia, bardée de bouchons dans les oreilles, se dandine debout devant son petit comptoir. Elle étrenne sa robe bleue rehaussée d'accessoires tendance, et la petite chérie juchée sur ses "stylettos" noirs, se sent jolie. Nadia patrouille la salle quand elle aperçoit un mec irrésistible, agrippé à sa bière et qui se dirige vers elle.

- Certainement que je vais avoir droit aux trois questions assommantes, songe-t-elle, en le regardant s'approcher: "viens-tu souvent ici?" "est-ce que tu habites encore chez tes parents?" "c'est quoi ton signe?" Elle soupire en retirant ses bouchons.

- Allô! lance nonchalamment le jeune dieu, dans la vingtaine, tout comme elle.

- "Lô"! répond-elle, en l'observant, intriguée, car pour une fois celui-là dégage un je-ne-sais-quoi. - Viens-tu souvent ici?

- Oh, non! se désole-t-elle, ce mâle, je le croyais spécial! J'en ai assez, je vais me dérider un peu. Hum! selon mes calculs, avec ce soir, ça doit faire un million de fois, à peu près!

- Et bien ça me surprend, parce que je célèbre ma millionnième sortie, moi aussi, et je ne t'ai jamais vue "Au cosmos pour tous". C'est sûr que je t'aurais remarquée! rit-il, content.

- Mon Dieu, il a le coco fêlé! réfléchit-elle, énervée. - Euh! Est-ce que tu habites encore chez tes parents? - Non! Ce sont eux qui demeurent chez moi!

- Idem. Et bien, dis donc, on a une vie semblable! - Mais il est fou, cet énergumène! rumine-t-elle.

- C'est quoi ton signe? s'enquiert-il en l'observant, terriblement intéressé. - Piastre, ascendant comptant!

- Hein? Toi aussi? Ça ne se peut pas!

- Bout de cigare! rage-t-elle en son for intérieur, il y a un seul dingue dans tout le club et il fallait que ça tombe sur moi!

C'est rare, mais là, elle bascule en mode figée, aussi en profite-t-elle pour prendre une longue gorgée de "mojito", en le fixant, mal à l'aise. Il boit en même temps qu'elle.

- Ouais! C'est bizarre pour un homme, une fleur tatouée sur la joue! remarque-t-elle, craintive. - Quel "tatou"? demande-t-il, en se frottant.

- Là, à droite! dit Nadia, en pointant l'endroit.

- Hey! Tu me niaises, toi! Je n'ai aucun "percing", encore moins un tatouage!

Elle ouvre sa bourse, en extirpe un petit miroir et lui tend. Il se regarde, troublé, en voyant une rose imprimée, hélas rudement apparente. Il est tellement abasourdi qu'il ressemble à un blessé qui aurait reçu un coup de massue. Il réfléchit pendant plusieurs minutes interminables, puis il éclate de rire. Elle recule légèrement, de plus en plus persuadée d'avoir affaire à un timbré.

- Mon Dieu que c'est drôle! Quand je vais raconter cela aux copains, non mais tu parles d'une anicroche!

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- Enfin, je comprends! Je me suis endormi sur mon divan, malheureusement recouvert d'un tissu à fleurs gaufrées et en voilà une, ajoute-t-il, en se tapotant la joue et en rigolant.

- Bout de cigare! Je ne sais plus quoi penser, moi là! - Est-ce que je peux te poser une question?

- Hum, après les trois autres, vas-y, hein! - Quoi les trois autres?

- C'est toujours les mêmes demandes avec les gars! Ils veulent savoir si je viens souvent ici, si j'habite chez mes parents, quel est mon signe astral. Généralement j'en ai ma claque et à chaque fois j'espère rencontrer quelqu'un d'original.

- Mais je l'ai été! s'exclame-t-il, déçu. - Comment ça?

- J'ai bien vu que tu me répondais n'importe quoi et que je t'ennuyais et comme j'ai autant d'imagination qu'un chimpanzé, alors j'ai décidé de répéter tes réparties.

Elle éclate de rire très contente de l'avoir bien perçu et aussi de constater que c'est un homme bien. Soudainement l'ambiance se métamorphose.

- Jérémie, se présente-t-il, en s'approchant et en lui tendant la main. - Nadia, renchérit-elle en lui serrant la pince.

Et à ce moment, une onde de chocs les parcourt et ils frissonnent tous les deux. C'est vrai que le gérant vient d'annoncer que le système de chauffage a rendu l'âme, mais tout de même...Ils se sourient, tétanisés, et Nadia ressent une grande confiance. Elle devient tout à fait godiche et lui se mue en dadais.

- Oh, écoute! J'aime beaucoup "I will survive"! Viens-tu danser, Jérémie? roucoule-t-elle, en faisant sa moue à la Brigitte Bardot.

- Ouiiiiiii! acquiesce-t-il, conquis. Et il songe que jamais personne encore, dans sa jeune vie, ne lui a fait aimer autant son prénom.

Là, le délire s'enclenche car Jérémie ne sait pas danser. Il s'agite en tous sens comme un pantin désarticulé, complètement séduit par la belle. Saoulé d'adrénaline parce qu' il vit un coup de foudre, il se démène comme un damné dans une chorégraphie bordélique. Il enchaîne donc avec une série de petits sauts ridicules, on dirait du jogging sur place. Après, il tourne comme une toupie, tellement vite, qu'il lui donne le vertige. Mais on n'a pas tout vu. Jérémie, débridé, se met à se déboîter les hanches comme un danseur à dix. Ensuite il envoie ses épaules vers l'arrière, façon manchot et oscille comme un ventilateur. Et cela pourrait être un krach dans sa séduction, mais non, Nadia est déjà captive. La séquence suivante est démentielle. En effet, il gigote en petits frétillements semblables à une crise d'épilepsie et il glousse comme un abruti. Elle rit avec lui, gracieuse dans ses mouvements déliés et harmonieux. Mais hélas, parce qu'elle lui sourit, il redouble d'ardeur et ça devient épouvantable. Alors, il bat des bras comme le lourd envol d'un héron et les gens autour s'écartent. Ici, il semblerait que le coup de foudre a fessé plus fort que la normale, car le temps d'un clignement d'yeux de quelques secondes et il disparaît. Nadia le cherche de tous côtés car il s'est accroupi et se tenant sur une seule jambe il se fait tourner avec son pied droit. Enfin, étourdi, il se redresse et elle sursaute en lâchant un cri.

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Alors, comme par pitié pour Nadia, le disc-jockey annonce une ballade sentimentale "Falling in love with Jesus" un beau bonus de quatre minutes, quarante secondes, ce n'est pas rien pour un premier slow. Il la prend dans ses bras et la magie décuple. Ils se regardent alanguis, déjà piégés par l'amour et ils le savent, oh oui! Là, il lui avoue que la toute première fois qu'il l'a vue, il a été totalement séduit. Avec sa moue à la Brigitte Bardot, elle lui confie que ce soir il s'est passé quelque chose dans son coeur.

Charmé, il la contemple complètement gaga et lui dépose un petit baiser, léger comme les ailes d'un papillon...

Oh! J'oubliais, chers lecteurs, j'ai un message pour tous les célibataires. Cette semaine, Nadia et Jérémie m'ont téléphoné pour vous dire que leur belle histoire grandit à chaque jour. Et comme ils croient en l'amour et qu'il se peut que le coup de foudre frappe deux fois au même endroit, ils espèrent que vous irez danser "Au cosmos pour tous". On ne sait jamais où se cache Cupidon...

© Tous droits réservés, Raymonde

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