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"L'autorité a un nez de cire": l'élection d'un évêque selon Jean de Salisbury (Policraticus VII, 19)

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"L'autorité a un nez de cire": l'élection d'un évêque selon Jean de Salisbury (Policraticus VII, 19)

TILLIETTE, Jean-Yves

TILLIETTE, Jean-Yves. "L'autorité a un nez de cire": l'élection d'un évêque selon Jean de

Salisbury (Policraticus VII, 19). In: D'Angelo E. & Ziolkowski, J. Auctor et auctoritas in latinis medii aevi litteris. Firenze : SISMEL - Ed. del Galluzzo, 2014. p. 1121-1133

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:80647

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«L’AUTORITÉ A UN NEZ DE CIRE»:

L’ÉLECTION D’UN ÉVÊQUE SELON JEAN DE SALISBURY («POLICRATICUS» VII 19)

Il n’est sans doute pas d’écrivain latin du moyen âge qui ait vécu plus étroitement dans l’amitié des auctoreset qui ait plus souvent fondé sur leur auctoritas ses propres positions que Jean de Salisbury. Il leur manifeste même une telle déférence qu’il va jusqu’à attribuer à l’un d’entre eux, Plu- tarque, un ouvrage qu’il a vraisemblablement lui-même forgé de toutes pièces pour en faire le cœur même de son Policraticus, le miroir des princes apocryphe connu sous le nom d’Institutio Trajani1. À vrai dire, le lecteur attentif et circonspect du prologue du Policraticuspouvait à bon droit s’at- tendre à une telle manipulation des sources. Jean y déclare en effet: «Si 1. La prétendue Institutio Traiani correspond aux livres V et VI du Policraticus, ceux où Jean de Salisbury développe, avec une abondance et une précision sans précédents, la métaphore organique du corps politique. L’authenticité plutarquéenne de cet écrit a longtemps été admise sans discussion. Il faut attendre 1795et la savante édition des Moralia par Daniel Wyttenbach pour qu’une hypothèse concurrente se fasse jour:

l’ouvrage serait une forgerie de l’Antiquité tardive, composée notamment à partir d’apophtegmes de Plutarque traduits et adaptés en latin. La datation tardo-antique a encore ses partisans, notamment les derniers éditeurs de l’Institutio Traiani: Saverio Desideri en assigne l’origine au cercle des Symmaque (La ‘Institutio Traiani’, Gênes 1958); plus nuancé, Max Kerner, dans le commentaire dont il équipe l’édition de Hans Kloft, y voit une compilation réalisée à l’époque de la Querelle des Investitures, mais faite en partie de matériaux anciens (Die Institutio Traiani. Ein pseudo-plutarchi- scher Text im Mittelalter. Text – Kommentar – Zeitgenössischer Hintergrund, Stuttgart 1992, pp. 93-124). Entre temps, Hans Liebeschütz avait pourtant suggéré sur la base de l’analyse littéraire des procédés de composition du Policraticusque Jean lui-même avait composé la source sur laquelle il feint de s’appuyer (John of Salisbury and Pseu- doplutarch, in «Journal of the Warburg and Courtauld Institute», 6[1943], 33-9);

cette hypothèse a reçu une confirmation à nos yeux décisive, car fondée sur des argu- ments philologiques irréfutables, de la part de Janet Martin, Uses of Tradition: Gellius, Petronius and John of Salisbury, in «Viator», 10(1979) 57-76;John of Salisbury as a Classical Scholar, in The World of John of Salisbury, cur. M. Wilks, Oxford 1984, pp.

179-201). Pour un état récent de la question, cfr. M. Pade The Reception of Plutarch’s Lives in Fifteenth Century, Copenhague 2007, pp. 62-5.

Auctor et Auctoritas in Latinis medii aevi litteris. Author and Authorship in Medieval Latin Literature. Edited by E. D’Angelo and J. Ziolkowski, Firenze, SISMEL - Edizioni del Gal-

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dans ces références quelque chose s’éloigne passablement de l’authentique vérité, je déclare avec confiance que l’on doit me pardonner, puisque je ne promets pas que tout ce qui est écrit ici-même soit vrai, mais que, vrai ou faux, cela est mis au service de l’utilité des lecteurs»2. Et, un peu plus loin: «Tous les philosophes, en parole ou en acte, que le hasard a mis sur ma route, je les considère comme mes clients» – le substantif cliensadop- te souvent en latin médiéval le sens quelque peu condescendant de

«domestique»3 –, «mieux même, je les assujettis à mon service, de sorte que ce sont eux qui formulent en ma faveur des objections aux discours de mes détracteurs in traditionibus suis»4. Le mot traditioau pluriel peut selon nous, dans le contexte, revêtir deux significations. Ou bien celle, fré- quente dans le vocabulaire intellectuel notamment en latin chrétien, de

«leçons, enseignements» – «ils formulent dans leurs enseignements des objections en ma faveur…». Ou bien celle, que pourrait suggérer la méta- phore sociologique renvoyant au statut de client ou d’esclave, de «reddi- tion, d’action de se livrer à, de s’en remettre à» – il faudrait alors traduire le texte précédemment cité: «ce sont eux, en se rendant à moi, en passant à mon service (c’est-à-dire par le fait même de passer à mon service), qui formulent en ma faveur les objections etc. ...». Cette seconde interpréta- tion, sans doute un peu moins simple et obvie que la précédente, a la faveur du traducteur anglais Cary Nederman, qui rend l’expression in tra- ditionibus suis par in their surrender5. Ce que nous voudrions essayer de montrer ici, c’est que cette interpretatio difficilior, qui sous-tend une conception agonistique, voire militaire, de l’auctoritasdoit être préférée.

Nous le ferons en commentant, dans l’espace limité qui nous est imparti, un chapitre assez célèbre du Policraticus, ou plutôt un passage de ce chapitre, le dix-neuvième du livre sept, sur l’ardeur sans frein des 2. «In quibus si quid a fide ueri longius abest, michi ueniam deberi confido qui non omnia quae hic scribuntur uera esse promitto, sed, siue uera seu falsa sint, legen- tium usibus inseruire» (Jean de Salisbury, Policraticus1, prologus, éd. K. S. B. Keats- Rohan, Turnhout 1993, p. 24– nous citons les quatre premiers livres du Policraticus d’après cette édition, les autres d’après celle de C. C. J. Webb, infranote 24).

3. Sur le sens de cliensdans ce contexte, voir P. von Moos, Geschichte als Topik. Das rhetorische Exemplum von der Antike zur Neuzeit und die historiae im „Policraticus“

Johanns von Salisbury,Hildesheim-Zurich-New York 1988, pp. 393-5.

4. «Omnes ergo qui michi in uerbo aut opere philosphantes occurrunt, meos clientes esse arbitror et, quod maius est, michi uendico in seruitutem; adeo quidem ut in traditionibus suis se ipsos pro me linguis obiciant detractorum» (Policraticus cit., pp. 24-5).

5. C. J. Nederman, John of Salisbury. Policraticus. Of the Frivolities of Courtiers and The Footprints of Philosophers, Cambridge 1990, p. 6.

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ambitieux. L’éditeur des œuvres de Jean de Salisbury, Clement Webb, fait un sort à ce développement dans la petite monographie ad usum scolarum qu’il consacre en 1932à son auteur de prédilection, et Peter von Moos y revient à son tour dans sa grande somme sur l’exemplumrhétorique dans le Policraticus, Geschichte als Topik6. Il est sans doute un peu téméraire d’es- pérer surenchérir sur des lecteurs aussi avisés. Essayons néanmoins.

On n’entreprendra pas pour autant de situer avec précision le passage dans le mouvement de l’œuvre. La question de la structure fort complexe et touffue du Policraticus continue de diviser les spécialistes, et un congrès de latin médiéval consacré à ce seul thème ne suffirait sans doute pas à les mettre d’accord7. Nous aurions quant à nous tendance à considérer que les deux premiers livres sont d’orientation plus sociologique, les quatre sui- vants de contenu plus politique (c’est aux livres V et VI, on l’a dit, que Jean reproduit la prétendue Institutio Trajani), et les deux derniers de teneur plus philosophique8. On suggérera simplement et de façon sans doute simplificatrice que le livre VII, qui nous intéresse ici, applique assez fidèlement en en renversant l’ordre le programme défini par le sous- titre de l’ouvrage, De nugis curialium et vestigiis philosophorum, «la frivolité des courtisans et l’empreinte des philosophes». La première partie du livre

6. C. C. J. Webb, John of Salisbury, London 1932, pp. 54-8; von Moos, Geschichte cit., pp. 325-30.

7. Le point (provisoire) sur la question avait été fait par Max Kerner (Johannes von Salisbury und die logische Struktur seines Policraticus, Wiesbaden 1977), qui conclut, semble-t-il, au caractère polycentrique de l’ouvrage. On peut attribuer à cette appa- rente confusion plusieurs causes: l’incapacité de Jean à composer un «vrai» livre, comme le suggère Christopher N. L. Brooke dans la préface à son édition de la cor- respondance de notre auteur, les circonstances de la rédaction, entrecoupée par les nombreuses missions administratives et diplomatiques dont il est chargé, les usages littéraires d’une époque pré-scholastique (… et pré-cartésienne!) quant à l’organisa- tion de la matière, fondée plutôt sur l’association d’idées que sur une structuration logique. Dans cet esprit, Peter von Moos propose de façon selon nous très judicieuse d’inscrire le Policraticus dans la lignée du genre philosophique antique du Convivium ou Banquet, organisé selon le principe de la discussion à bâtons rompus et mêlant volontiers sujets plaisants et sérieux, sur le modèle des Nuits attiquesd’Aulu-Gelle et surtout des Saturnalesde Macrobe, une des grandes admirations littéraires de Jean de Salisbury (P. von Moos, L’anecdote philosophique chez Jean de Salisbury, in Exempla docent.

Les exemples de philosophes de l’Antiquité à la Renaissance, cur. T. Ricklin, Paris 2006, pp.

135-50).

8. C’est, à quelques nuances près concernant en particulier l’interprétation du livre III, le point de vue de commentateurs aussi avisés que Hans Liebeschütz, Mediaeval Humanism in the Life and Writings of John of Salisbury, London 1950, pp. 23-33, et Jan van Laarhoven, Titles and Subtitles of the Policraticus. A Proposal, in «Vivarium», 32 (1994), pp. 131-60.

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(chapitres 1à 15) passe en effet en revue les doctrines des diverses écoles philosophiques et la façon dont elles répondent à l’aspiration humaine au souverain bien; la seconde (chapitres 16à 25) est une satire virulente et caustique des vices de ceux qui, oublieux de cette aspiration, nuisent à l’harmonie de la vie en société, ambition, hypocrisie, jalousie, calomnie.

Comme il a déjà été dit, le passage qui nous intéresse appartient au long développement hostile aux ambitieux. Il s’appuie ici sur une ques- tion de politique ecclésiastique qui continue de constituer un point de tension extrême près d’un siècle après le début de la mise en œuvre de la réforme grégorienne, l’élection des évêques. Après avoir évoqué un événe- ment historique récent, la désignation de l’évêque d’Avellino, au cours de laquelle le chancelier du roi Roger de Sicile a la sagesse d’éconduire trois prétendants simoniaques au bénéfice d’un saint homme9, Jean de Salis- bury, au prix d’une transition assez lâche («Beaucoup cependant font acte de candidature hors de propos et sans vergogne»), va imaginer l’argu- mentation, fondée sur «les exemples et les édits des anciens» (exempla et sanctiones patrum), que pourrait développer l’un de ces solliciteurs impu- dents. C’est notre texte, dont il convient de citer l’intégralité en dépit de sa longueur10:

Il n’est pas noble? mais Pierre non plus ne fut pas patricien et ne se glorifie nulle part de l’illustration de son lignage. Il n’a pas l’âge? il a pour garants Jéré- mie et le Précurseur du Seigneur11. C’est un enfant? il fait valoir que les vieillards ont été condamnés par Daniel tout jeune.

Jusque là, passe encore. Les analogies sont sans doute un peu sophis- tiques, mais peuvent à la rigueur être reçues. Les choses ne tardent pas à se gâter. Poursuivons:

Il est analphabète? mais on ne lit nulle part que les apôtres sont allés à l’éco- le. Il est marié? saint Paul a prescrit que l’on choisisse l’époux d’une seule fem- me (1Tim 3.2). Au mépris de son mariage, il a abandonné son épouse? on racon- te que Jean a renoncé au mariage pour prêcher l’Évangile12. Il est inculte, et

9. L’épisode est difficile à situer précisément, dans la mesure où le Policraticusest la seule source à en faire état (R. Manselli, Giovanni di Salisbury e l’Italia del suo tempo in The World cit., pp. 401-14[p. 407]; cfr. aussi H. Houben, Roger II of Sicily: a Ruler between East and West, trad. angl. G. A. Loud - D. Milburn, pp. 152-3). Il se situe entre 1133et 1154.

10. Pour éviter de parasiter la lecture par un «pied de page» trop envahissant, nous avons reporté en annexe la reproduction du texte latin de l’édition Webb.

11. Dont la Bible signale qu’ils furent déjà appelés à leur vocation in utero matris (Ier 1.5; Lc 1.15)!

12. Une tradition accueillie par l’exégèse médiévale fait de l’apôtre Jean le marié

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même incapable de parler? mais Aaron, à ce qu’on lit, a exercé le sacerdoce puisque Moïse était bien embarrassé de la parole (cf. Ex 4.10-4). Il a fréquenté des prostituées? mais Osée, sur l’ordre du Seigneur, a joui des étreintes d’une courtisane (cf. Os 1.2-3). Il est sot? mais Dieu a décidé de sauver les croyants par la sottise du prédicateur (I Cor 1.21). Il est bagarreur? mais Pierre, de son épée dégainée, a tranché l’oreille d’un serviteur du grand prêtre (Ion 18.10). Il est lâche? mais Jonas a eu peur d’aller chez les Ninivites (cf. Ion 1.3), Thomas chez les Indiens13. Il est empêché par l’exercice d’une charge de fonctionnaire? mais Matthieu a été recruté dans sa charge de percepteur (Mt 9.9). Il est ivrogne et gourmand? mais on dit que le Seigneur en personne buvait du vin, se bâfrait de viande (cf. Mt 11.9). Il est rebelle à ses aînés? Paul aussi a résisté à Pierre (cf. Gal 2.11). Il est querelleur? mais on se rappelle que des disputes ont éclaté entre les disciples de Jésus (Lc 22.4). Il est bavard et babillard? on le tiendra pour élo- quent, car l’Apôtre lui aussi fut appelé «semeur de verbe» (Act 17.18). Il a servi dans l’armée? mais saint Martin, lit-on, a servi sous les ordres de Julien [l’Apo- stat]. Il est sanguinaire? Moïse a tué un Egyptien et l’a enseveli dans le sable (Ex 2.12). Il commet un assassinat en public? mais Samuel a tué un roi très opulent en présence du peuple (cf. I Sam 15.32-3). Il est traître et parjure? mais Pierre a joint la traîtrise au parjure. Il est muet? cela n’a pas empêché Zacharie d’exercer la prêtrise (cf. Lc 1.22-3). Il est aveugle? saint Paul ne voyait pas quand Ananie l’a consacré au Seigneur (cf. Act 9.9et 17-8). Il a été déposé parce que ses péchés l’exigeaient? mais beaucoup de gens de la sorte ont réintégré leur fonction et ren- du les meilleurs services à l’Église. Il est sourd? cela n’empêche pas de proclamer la loi divine: on a besoin d’un prêcheur, non d’un auditeur14. Il est lépreux? mais l’Église rappelle du Pasteur des pasteurs qu’il fut sans grâce ni beauté, au point de paraître mériter d’être chassé comme un lépreux, indigne même du regard des humains (cf. Is 53.2). C’est un individu méprisable? mais l’Église n’écouta pas Defensor, qui brandissait le même grief contre Martin pour l’écarter15. Sa foi est chancelante? celle de Cyprien, dit-on, le fut aussi16.

des Noces de Cana (cfr. par ex. Rupert de Deutz, In evangelium s. Iohannis commentaria II 11: «Iohannem euangelistam relictis nuptiis (ipsius enim istas fuisse nuptias opi- nio fere omnium est) ipsum Dominum sequi coepisse», ed. H. Haacke, Turnhout 1969, p. 109.

13. Selon le premier chapitre des Actes apocryphes de Thomas, celui-ci se montre timoré et récalcitrant lorsqu’il se voit confier mission d’évangéliser l’Inde (cfr. P.-H.

Poirier - Y. Tissot, Actes de Thomas, in Écrits apocryphes chrétiens, dir. F. Bovon - P. Geol- train, Paris 1997, p. 1331).

14. Cfr. Aug., serm. I, 179,1: «Verbi Dei inanis forinsecus praedicator, qui nonest intus auditor» (PL, 38, col. 966).

15. Cfr. Sulpice Sévère, Vita Sancti Martini IX 3-4(ed. J. Fontaine, Paris 1967, pp.

270-2).

16. Allusion à l’attitude prudente, pendant la persécution de Dèce, de Cyprien de Carthage, accusé par ses adversaires plus intransigeants d’avoir par lâcheté fui la gloire du martyre, et d’avoir manifesté une indulgence coupable vis-à-vis des lapsi, les

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Et maintenant, voici l’escalade finale:

Il est malade? mais Grégoire a gouverné au mieux l’Église de Rome dans un état de grande faiblesse17. Il est orgueilleux et vain? Brice de Tours le fut aussi18. Il est diminué physiquement? l’excellent confesseur Paphnuce, à ce qu’on lit, se trouva dans la même situation19. Il a été condamné pour brigue? mais la récla- mation des fils de Zébédée, qui réclamaient la primauté, leur a valu des reproches (cf. Mc 10, 35-45). Il a parfois professé l’hérésie? mais Augustin avoue avoir été manichéen. Il a adoré les idoles? mais le saint martyr Marcellin, quand il était pape, fut contraint d’y sacrifier20. Peut-être même n’est-il pas encore chrétien:

mais, à ce qu’on raconte, c’est au cours de son catéchuménat que saint Ambroise fut élu21. Il a persécuté l’Église de Dieu? mais Paul, de persécuteur, est devenu prédicateur22. L’élection fait défaut? les apôtres ont été désignés sans que le peuple le demande. Il n’y a pas de siège vacant où il puisse être élevé? qu’il en prenne un déjà occupé, car il est écrit qu’Augustin n’a pas tant succédé à Valère d’Hippone qu’il ne l’a délogé23. Il est rapace? il pourra thésauriser, et ne dépen- sera pas en vain les biens accumulés.

Au terme de cette énumération de trente-huit cas possibles d’invalidi- té, les trois derniers, sur l’élection canonique, sur l’usurpation et sur la chrétiens apostats, qu’il préconise de réadmettre dans la communion de l’Église après une période de pénitence.

17. Les nombreuses maladies ayant affligé Grégoire le Grand au cours de son pon- tificat, qu’atteste également la Vita composée par Paul Diacre, sont un des leitmotivs de sa correspondance (cfr. B. Judic, Confessio chez Grégoire le Grand, entre l’intériorité et l’extériorité: l’aveu de l’âme et l’aveu du corps, in L’aveu. Antiquité et Moyen Âge, Rome 1986, pp. 169-90).

18. Selon Grégoire de Tours, Historia Francorum II 1, Brice fut le successeur de saint Martin sur le siège épiscopal de Tours.

19. Le saint évêque Paphnuce de Thèbes (première moitié du IVe siècle) est notamment connu grâce à Rufin d’Aquilée, qui rapporte qu’il fut torturé sur ordre de l’empereur Maximin, qui lui fit crever l’œil droit et trancher le jarret de la jambe gauche (Historia ecclesiastica I 4, in PL,21, col. 470d).

20. Evêque de Rome entre 296et 304, Marcellin n’est pas «officiellement» enre- gistré dans la liste des papes pour avoir, lors de la persécution de Dioclétien, connu un instant de faiblesse et abjuré – avant de se reprendre et de subir le martyre. L’in- formation de Jean vient du Liber pontificalis.

21. D’après la Vita Ambrosiide Paulin de Milan, 7-9(in PL, 14, coll. 29b-30a).

22. Le jeu de mots est fréquent sous la plume d’Augustin à propos de saint Paul.

Voir par ex. son sermon III 295,6: «prius persecutor, postea praedicator» (In natali Apostolorum Petri et Pauli– PL,38, col. 1351).

23. Sur les circonstances mouvementées de l’accession d’Augustin à l’épiscopat, voir P. Brown, Vie de saint Augustin, trad. fr. J.-H. Marrou, Paris 1971, pp. 161-4.

Il est à noter que la version des faits ici présentée par Jean est tendancieuse:

c’est l’évêque Valerius qui de lui-même s’est effacé pour transmettre à Augustin une charge qu’il ne se sentait pas la capacité d’assumer.

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simonie, mis en relief par l’extravagance et la bouffonnerie des autres, devaient référer plus directement à des situations contemporaines. Mais laissons Jean conclure:

Pour tout dire en peu de mots, il est incapable à tous points de vue. Mais Sam- son vainquit les Philistins à coups de mâchoire d’âne24

On pardonnera à l’excessive longueur de la citation. Elle en valait la peine. Jean de Salisbury s’amuse, et nous avec. Dans ce passage en revue emphatique et loufoque des héros de la tradition biblique, patristique et hagiographique, équipés chacun d’un attribut assez peu flatteur, on retrouve quelque chose de l’esthétique de la Cena Cypriani. Mais le propos de Jean de Salisbury, en dépit ou plutôt à cause de sa formulation humo- ristique, est beaucoup plus explicite que celui de l’auteur anonyme de la Cena25. Il vise à mettre simultanément en évidence l’efficacité et les limites d’une rhétorique de l’exemplum.

La liste des paralogismes dont se rendent, volontairement ou non, cou- pables les partisans du candidat évêque pourrait alimenter un catalogue assez complet des «péchés de la langue», du vaniloquium au stultilo- quium26. Sans les reprendre dans le détail, convenons que ces personnages se montrent ici exégètes bien maladroits. C’est ainsi qu’ils succombent au démon de la surinterprétation, lorsqu’ils tirent des conclusions hors de propos du silence de l’évangile sur les origines sociales de Pierre ou sur l’éducation des apôtres. Mais plus souvent, ils pèchent par excès de litté- ralisme, par exemple lorsqu’ils déduisent de la théologie paulinienne du mariage («il vaut mieux être marié que brûler») qu’un évêque peut être marié… sous réserve toutefois d’être monogame, ou qu’ils s’abstiennent d’interpréter au sens symbolique, bien explicite pourtant dans le livre 24. «Vt paucis uniuersa complectar, ad omnia ineptus est; sed Sanson in mandi- bula asini Philistim expugnauit (cfr. Iud 15.15)» (C. C. J. Webb, Ioannis Saresberien- sis episcopi Carnotensis Policratici sive De nugis curialium et vestigiis philosophorum libri VIII, Oxford 1909, II, p. 178).

25. Sauf à concevoir une interprétation «au troisième degré», selon laquelle on pourrait imaginer que ce que Jean cherche ici à mettre en évidence, c’est le fait que la sacralité même de la fonction permet de transfigurer un indigne en authentique homme de Dieu, comme l’allusion à la mâchoire d’âne de Samson, vile mais efficace, et les lignes qui suivent immédiatement le passage cité pourraient bien le suggérer («… cathedra episcopalis sanctos recipit aut sanctos facit»). Mais c’est faire bon mar- ché de la rhétorique fort efficace du passage, et du talent supérieur de Jean, capable de dire une chose pour en signifier une autre, selon la définition classique de l’ironie.

26. S. Casagrande - S. Vecchio, I peccati della lingua. Disciplina ed etica della parola nella cultura medievale, Rome 1987, pp. 369-439.

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d’Osée, les noces de ce prophète avec une prostituée. Ils sont tout aussi aveugles aux effets rhétoriques du texte sacré, en donnant une lecture très plate du début de la première épître aux Corinthiens, dont les paradoxes étincelants opposent la sotte sagesse du monde à la sage folie de la croix.

Ils manquent à situer en contexte leurs références, comme lorsqu’ils pren- nent pour parole d’évangile (c’est le cas de le dire) les propos, rapportés par Matthieu, des ennemis de Jésus accusant ce dernier de banqueter avec des publicains et des femmes de mauvaise vie, ou considèrent comme un compliment l’épithète de seminiverbius appliquée à Paul par les philo- sophes d’Athènes dans une intention plutôt péjorative. Ils manipulent sans scrupule le texte de leur autorité, lorsqu’ils tronquent une citation de saint Augustin pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle signifie réelle- ment. Ils font enfin bon marché du déroulement chronologique des faits, ainsi quand ils déclarent que la mutité de Zacharie ou le manichéisme d’Augustin ne constituent pas des empêchements à la promotion épisco- pale, sans rappeler que la première fut toute passagère et le second farou- chement renié par son adepte provisoire. Et je passe sur l’exemple, celui de Moïse et Aaron, où l’argument s’autodétruit, puisque c’est précisément l’incapacité de celui-là qui conduit à conférer à l’autre la prêtrise.

Certes, il y a assez peu d’apparence que des postulants, même indignes, à de hautes fonctions ecclésiastiques aient eu le cynisme, la sottise ou la naï- veté de tenir les propos que leur attribue Jean. C’est pourtant en caricatu- riste de talent qu’il les disqualifie en leur prêtant des raisonnements non seulement absurdes par leur outrance, mais aussi scandaleux en ce qu’ils dévoient le sens de la parole sacrée. Mais du coup, c’est ce mode même de raisonnement qui se voit invalidé. Le recours intempestif à l’autorité tue l’argument d’autorité. Mutatis mutandis, les ressorts du comique ont quelque chose en commun avec le fonctionnement de la strophe goliardique cum auctoritate, jadis si bien analysée par le regretté Paul Gerhard Schmidt, qui, en insérant de graves sentences tirées d’auctores antiques dans un contexte des plus scabreux, disqualifient complètement celles-là, au point parfois de leur faire dire le contraire de ce qu’elles entendent exprimer27.

Avec le morceau de bravoure que nous sommes en train de commenter, nous nous trouvons au cœur du propos du Policraticus. Qui est de déve- lopper, comme d’ailleurs le reste de l’œuvre de Jean de Salisbury, une réflexion sur les pouvoirs parfois inquiétants du langage. On considère

27. P. G. Schmidt, The Quotation in Goliardic Poetry: The Feast of Fools and the Goliar- dic Strophe cum auctoritate, in Latin Poetry and the Classical Tradition. Essays in Medieval and Renaissance Literature, cur. P. Godman - O. Murray, Oxford 1990, pp. 39-55.

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souvent à juste titre la sombre figure du tyran comme l’antihéros de l’in- trigue mise en scène par le Policraticus28. On a peut-être moins souvent remarqué qu’elle fait couple avec celle, tout aussi noire, mais plus vile encore, du flatteur, à quoi est consacré l’ensemble du livre 3de l’ouvrage.

Tyrannie et flatterie s’engendrent mutuellement, elles n’existent pas l’une sans l’autre. Or, en une formule percutante et ramassée, Jean décrit le dis- cours du flatteur de la sorte: Veritas mendacio seruit29, la vérité y est au ser- vice du mensonge. C’est bien ce que fait aussi notre candidat à l’épisco- pat, en enrôlant le texte biblique au service de son ambition illégitime…

… Mais c’est aussi, semble-t-il, la façon que, de son propre aveu, Jean a de procéder dans le Policraticus. Il est temps de revenir aux quelques phrases du prologue que nous citions en commençant. On y a lu que la valeur de vérité d’une référence était subordonnée à son efficacité pratique («siue uera seu falsa, legentium usibus inseruire»): que d’autre part, notre homme réduisait les auctores à la condition de domestiques, voire d’es- claves, en vue de faire triompher son point de vue, comme le flatteur met la vérité au service du mensonge (nous nous référons ici à l’emploi du verbe serviredans les deux contextes). Si tel est bien le cas, on peut consi- dérer que le chapitre VII 19reflète de la part de Jean une mise en abyme, qui se trouve donc du même coup être une mise en question, de ses propres pratiques discursives – en somme une prise de distance supérieu- rement ironique vis-à-vis d’elles. Au scepticisme radical que traduit une telle démarche de pensée et d’écriture, la lecture n’aurait donc à opposer qu’une suspicion généralisée.

Je ne pense pas toutefois que ce soit dans cet état d’esprit qu’il faille aborder le Policraticus. Jean de Salisbury ne le situe pas dans l’espace de la gratuité du pur jeu littéraire, à la différence peut-être de ce que fait l’au- teur d’un autre De nugis curialium, Gautier Map, avec sa Dissuasio Valerii, qui offre elle aussi le spectacle jubilatoire d’une distorsion des auctori- tates30. J’aimerais donc, pour finir, corriger la position destructrice, ou déconstructrice, que je viens de feindre d’adopter, à la lumière de deux séries de considérations sur l’usage de l’auctoritas par notre auteur. La pre- mière consiste à rappeler sa dimension pragmatique, maintes fois souli- 28. Kerner, Die logische Struktur cit., pp. 193-202; K. Langdon Forhan, Salisburean Stakes: The Uses of ‚Tyranny‘ in John of Salisbury’s Policraticus, in «History of Political Thought», 11(1990), pp. 397-407.

29. PolicraticusIII 5, De cautela adulatorum et fraude multiplici et comitibus adulatio- nis et sequela(ed. Keats-Rohan cit., p. 182l. 31).

30. Cfr. J.-Y. Tilliette, L’exemplum rhétorique: questions de définition in Les exempla médiévaux: Nouvelles perspectives, cur. J. Berlioz - M. A. Polo de Beaulieu, Paris 1998, pp. 43-65(pp. 56-8).

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gnée au fil du texte. À travers le recours à l’arsenal des exempla, c’est l’uti- litas legentium, le profit du lecteur, qui est visé. J’emploie le terme d’«arse- nal» à dessein: à diverses reprises, Jean décrit sa propre mise en scène des autorités comme un stratagematicum, une machine de guerre31. En tant que tel, l’exemplumn’a pas de valeur morale, ni de valeur de vérité; c’est un instrument, la mâchoire d’âne que brandit Samson pour estourbir les Philistins. Aussi n’est-il pas illégitime de l’invoquer indifféremment pour soutenir une thèse ou la thèse opposée, pour peu que celle-ci soit profi- table à l’auditeur. Dans ces conditions, les deux aspects en apparence per- vers de la méthode de Jean – à savoir: le dernier mot laissé à l’argument d’autorité et la mise en évidence du caractère réversible de cette autorité – s’annulent mutuellement.

Car, et c’est le dernier point qu’il convient de mettre en évidence, l’usa- ge de l’exemplum s’inscrit aussi pour Jean dans une perspective philoso- phique, dont l’horizon n’est autre que la liberté de jugement. Dans les premiers chapitres du livre VII du Policraticus, notre auteur reprend et détaille un exposé qu’il esquissait de façon plus synthétique dans les der- nières lignes du prologue. Il y dit accorder sa préférence, parmi toutes les sectes philosophiques, à celle des Académiques, qui mettent en œuvre le doute raisonnable, et refusent de trancher de façon autoritaire des ques- tions qui dépassent notre faculté d’entendement. Un système qui impose ses vérités se disqualifie de lui-même. Tout ce que nous avons le pouvoir, etle devoir, de rechercher, c’est le probabile32. Dans cette quête, le recours à l’auctoritas est un bon instrument heuristique. Il nous aide à com- prendre, à la lumière de l’expérience des hommes du passé, notre propre expérience du monde. D’où la fécondité du dialogue amical et même par- fois joueur avec les auctores: ils nous donnent des leçons de vie, qu’il convient d’interpréter à bon escient. À cet égard, l’exemplumn’a pas la for- ce contraignante qui serait celle d’un argument. Il vise plutôt à illustrer et à incarner le thème en discussion, et peut donc légitimement servir de point d’appui à des vérités diverses, puisqu’il n’en est pas le fondement, mais la traduction dans le langage de l’histoire. On se trouve là aux anti- podes de l’usage autoritaire, je n’hésite pas à dire même terroriste, que fait des grands noms du passé notre candidat à l’épiscopat – dont le discours pourrait se reformuler ainsi:

31. Comme le montre Peter von Moos (Geschichte als Topik cit., pp. 309-25), le terme, emprunté à Frontin et volontiers utilisé par Jean dans le Policraticus(ainsi, dans le prologue, les chapitres 5, 7ou 8, 14), est à peu près pour lui synonyme de ce que nous appelons exemplum.

32. Cfr. J.-Y. Tilliette,Jean de Salisbury et Cicéron. Réflexions sur l’Entheticus maior, vv.

1215-1246, in «Helmantica», 50(1999) [= Mélanges Alain Michel], pp. 697-710.

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Cet hérétique veut être évêque.

OR, le manichéen Augustin a été évêque.

DONC cet hérétique peut être évêque.

D’un point de vue strictement formel, une telle inférence est inatta- quable, comme l’est celle-ci, issue de l’une de ces «sectes» de dialecticiens parisiens qui fleurissent vers le milieu du XIIesiècle sur les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève et manipulent avec une certaine ivresse la logique perverse des fallaciae33:

Souris est un mot.

OR, un mot ne mange pas de fromage.

DONC la souris ne mange pas de fromage.

On aura reconnu là le genre de raisonnement captieux que Jean s’em- ploie à mettre à mal dans son Metalogicon, quand il stigmatise du nom de

«cornificiens» l’avant-garde intellectuelle de son temps, les logiciens qui sont en train de jeter les bases de la raison scolastique34.

Employé à contraindre, et non plus à convaincre, un tel usage de la langue est foncièrement pervers, suggère notre auteur. Avec constance, il ne cessera d’opposer à la terreur dialectique, fondée sur l’enchaînement comminatoire des raisons nécessaires, l’éthique libérale de la rhétorique, qui postule pour ses destinataires la liberté d’adhérer ou non au discours qui leur est adressé. À cet égard, comme à bien d’autres, il me semble que le propos de Jean de Salisbury, comme ceux de son maître vénéré, Cicé- ron, ou de cet autre grand jongleur d’auctoritates, Michel de Montaigne, n’a pas cessé d’être d’actualité. Prenons-y garde lorsqu’il nous arrive à notre tour de mettre en avant l’argument d’autorité35.

33. L. M. De Rijk, Logica modernorum: a Contribution to the History of Early Termi- nist Logic, I, Assen 1962.

34. Jean de Salisbury Metalogicon I 1-3, ed. J. B. Hall - K. S. B. Keats-Rohan, Turnhout 1991, pp. 12-7; sur l’identification des cornificiens aux praticiens de la nouvelle logique, cfr. L. M. De Rijk, Some New Evidence in Twelfth-Century Logic: Albe- ric and the School of Mt. Sainte-Geneviève, in «Vivarium», 4(1966), pp. 1-57; J. O.

Ward, The Date of the Commentary on Cicero’s De inventione by Thierry of Chartres and the Cornifician Attack on the Liberal Arts, in «Viator», 3(1972), pp. 219-73; E. Tacchella, Giovanni di Salisbury e i cornificiani, in «Sandalion», 3(1980), pp. 273-313.

35. Depuis que nous avons rédigé cet article est paru le bel ouvrage de Christophe Grellard, Jean de Salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme, Paris 2013. Nous sommes heureux de constater que par des voies différentes – moins létteraires et plus philosophiques – de celles que nous avons suivies, ce spécialiste parvient aux mêmes conclusions que nous (voir en particulier les pp. 107-52).

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ANNEXE

Jean de Salisbury, PolicraticusVII 19(extrait) (éd. Webb cit. pp. 175-8) Nous imprimons en italiques les rencontres verbales exactes entre le texte de Jean et celui de ses autorités

Plures tamen incontinenter ambiunt et impudenter. Frustra enim, ut quem- quam eorum excipias, aliquem oppones titulum, quia clamore conductitio praeualente delebitur, concurrentibus exemplis et sanctionibus patrum. Ignobi- lis est: sed nec Petrus patricius extitit aut alicubi de claritate sanguinis gloriatur.

Minor est; Ieremiam et praecursorem Domini habet auctores. Puer est; et mons- trat seniores a Daniele puerocondempnatos. Illiteratus est; nec scolas frequentasse leguntur Apostoli. Coniugatus est; et Apostolus unius uxoris uirum praecipit eli- gendum. In iniuriam matrimonii sui suam reliquit uxorem; et Iohannes a nup- tiis ad Euangelium traditur reuocatus. Opicus aut potius elinguis est; sed Aaron, cum esset [Moyses]impeditioris linguae, etiam sacerdotium legitur ministrasse.

Scorta sectatus est; sed Osee mandante Domino amplexibus meretricis adhesit.

Insipiens est; sed perinsipientiam praedicantisadecreuit Deus saluare credentes. Per- cussor est; sed Petrus gladium exerens seruiprincipis sacerdotum auriculamampu- tauit. Meticulosus est; sed Ionas ad Niniuitas ueritus est accedere, Thomas ad Indos. Tenetur functionibus publicis alligatus; sed Matheus de theloneo assump- tus est. Vinolentus est et deditus gulae; sed Dominus ipse dictus est potator uini, uorator carnium. Non adquiescit maioribus; sed et Paulus in faciem restititPetro.

Contentiosus est; et interdiscipulos Ihesu facta contentiomemoratur. Garulus est et linguosus; facundus habeatur, quia et Apostolus sic dictus est seminiuerbius.

Militiam armatam exercuit; sed Martinus Iuliano dicitur militasse. Vir sangui- num est; sed Moyses Egiptium interfecit et abscondit in sabulo. Manifestum est homicidium; et Samuel praesente populo regem pinguissimum interfecit. Perfidus est et periurus; sed Petrus perfidiam periurio cumulauit. Mutus est; sed hoc Zachariam a sacerdotio non exclusit. Cecus est; sed et Paulus uidere non poterat quando eum Ananias Domino consecrauit. Exigentibus culpis depositus est; sed multi tales restituti sunt et postmodum Ecclesiae Dei plurimum profuerunt. Sur- dus est; sed hoc eum praeconari legem Dei non prohibet: praedicator enim quae- ritur, non auditor. Leprosus est; sed de Pastore pastorum Ecclesia recolit quia nec speciem nec decorem habens apparuit, qui excludendus uideretur tanquam leprosus et nec humano dignus aspectu. Persona despicabilis est; sed in simili repulsae titu- lo aduersus Martinum non audiuit ecclesia Defensorem. Errat in fide; hoc fecisse dicitur Cyprianus. Valitudinarius est; sed Gregorius in summo languore Roma- nam optime gubernauit ecclesiam. Superbus et uanus est; sed talis fuit Bricius Turonensis. Corpore et membris debilitatus est; sed hoc egregio confessori Pan- nutio legitur accidisse. Condempnationem ambitus tulit; sed et filiorum Zebedei

a. Nous corrigeons ici d’après le texte de la Vulgate, qui nous semble plus satis- faisant dans le contexte, le texte édité par Webb, à savoir: mundi (decreuit)

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petentiumprimatum est petitio reprobata. Heresim quandoque docuit; sed Augus- tinus se Manicheum fuisse fatetur. Coluit idola; sed et Marcellinus martyr insi- gnis in papatu thurificare compulsus est. Forse nondum est Christianus; sed, dumcatecuminus esset, beati Ambrosii fuit, ut traditur, electio celebrata. Persecu- tus est Ecclesiam Dei; sed et Paulus ex persecutore factus est praedicator. Electio deest; sed et Apostoli non petentibus populis missi sunt. Non uacat sedes in quam possit intrudi; accedat praesidenti, nam et Agustinus Valerio Yponensi non tam successisse quan accessisse describitur. Auarus est; dispersa poterit congre- gare et inutiliter non distrahet congregata. Vt paucis uniuersa complectar, ad omnia ineptus est; sed Sanson in mandibula asini Philistimexpugnauit…

ABSTRACT

The humanist John of Salisbury passe is well-known as a master of “rhetori- cal exemplum”. He makes a specially skillfull use of this type of discourse in chap- ter VII 19of his Policraticus, where examples of biblical or saintly characters are called upon to support ironically the ambition of a corrupt candidate to an epis- copal see. The analysis of this chapter is intended to shaw that such a perverted use of auctoritasis associated to a conception of language (that of the dialecticians) as a mere tool of domination, opposed to its real nature, which is to express human freedom.

Jean-Yves Tilliette Professeur Université de Genève jean-yves.tilliette@unige.ch

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