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L'iconographie politique de Domitien : essai d'interprétation des reliefs dits "de la Cancelleria", Bulletin de la SFAC

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L'iconographie politique de Domitien : essai d'interprétation des reliefs dits "de la Cancelleria", Bulletin de la SFAC

BAUMER, Lorenz

BAUMER, Lorenz. L'iconographie politique de Domitien : essai d'interprétation des reliefs dits

"de la Cancelleria", Bulletin de la SFAC. Revue archéologique , 2008, vol. 1, p. 189-192

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6578

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L’ICONOGRAPHIE POLITIQUE DE DOMITIEN : ESSAI D’INTERPRÉTATION DES RELIEFS

DITS « DE LA CANCELLERIA »31 par Lorenz E. Baumer,

professeur associé à l’Université Paul-Valéry - Montpellier III

Les reliefs dits « de la Cancelleria » (Chancellerie) du Vatican n’ont jusqu’à présent pas reçu d’interprétation unanimement acceptée. Au moment de leur découverte en 1937-1939, les reliefs appartenaient à un dépôt de matériaux de la fin duIerou du début duIIes. apr. J.-C. Comme les résultats de la fouille ne donnent pas d’indication sur l’emplacement originel des deux reliefs, toute interprétation doit se fonder sur une analyse des représentations elles-mêmes.

LE RELIEF A (fig. 1)

Le relief A est formé de quatre dalles en marbre (5,06 × 2,02 m). La scène montre l’empe- reur qui fait un geste de salutation, entouré par des dieux, les génies du sénat et du peuple romain, ainsi que des soldats et des licteurs. Son visage est un portrait de Nerva, mais des traces d’outils démontrent qu’il s’agissait à l’origine d’un portrait de Domitien, retravaillé après sa damnatio memoriaede l’an 96 apr. J.-C.

Une étude plus précise du relief démontre qu’il combine deux scènes dans une seule image : cela est prouvé par le fait que les deux licteurs à gauche portent des faisceaux avec des hachettes insérées, alors que les deux licteurs à l’arrière-plan portent leurs attributs sans arme. Nous propo- sons d’identifier la scène de l’arrière-plan avec unadventus, le retour de l’armée victorieuse à Rome, comme il se trouve représenté aussi sur l’arc de Trajan à Bénévent. Pour la scène du premier plan, on note non seulement l’agitation parmi les dieux et les soldats, mais en particulier le geste de la déesse qui semble pousser l’empereur en avant. Le mouvement peu coordonné, l’absence du char triomphal et le costume de voyage de l’empereur ne permettent pas d’identifier la scène comme une procession triomphale. Le quatrième soldat de droite, qui s’empare des armes de procession de l’empereur, indique qu’il s’agit plutôt du moment où l’empereur est convié, après son retour, par le peuple et le sénat de Rome à réaliser une marche triomphale, seul événement où il était permis que les licteurs portent des faisceaux armés au-dedans de la ville. Mais l’empereur ne se laisse pas gagner par l’excitation générale et il salue avec calme et modestie la ville ou Jupiter Capitolinus.

Dans la combinaison des deux scènes, le relief illustre à la fois lavirtusmilitaire de l’empereur et samodestiaen face de la population et des dieux de Rome.

LE RELIEF B (fig. 2)

Le relief B (6,08 × 2,02 m) a suscité jusqu’à aujourd’hui de si nombreuses interprétations qu’il est impossible de les énumérer ici. Sur ce relief aussi, le portrait de l’empereur a été retravaillé et ne montre plus Domitien, mais son père et prédécesseur Vespasien. L’empereur en toge pose sa main sur l’épaule d’un jeune homme anonyme, probablement un chevalier. Il est accompagné par

31. Une étude détaillée des reliefs de la Chancellerie est désormais publiée en allemand dansAnt. Kunst, 50, 2007,

p. 93 sq., avec une bibliographie exhaustive à laquelle nous renvoyons les lecteurs du présent résumé.

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un licteur avec un faisceau armé, ce qui situe la scène en dehors dupomeriumde Rome. À droite de l’empereur sont conservés les restes d’une victoire en vol qui le couronne avec lacorona civicaaux feuilles de chêne.

De l’autre côté du relief se trouvent la déesse Roma et quelques Vestales, accompagnées d’un lictor curiatus.

Les trois licteurs qui entourent la scène centrale méritent une attention particulière : ils se meuvent derrière l’empereur pendant que celui-ci exécute un acte officiel, ce qui est en réalité peu vraisemblable. Il est donc probable que nous ayons aussi sur le relief B deux scènes combinées dans une seule et même image.

L’étude du mouvement des pieds des trois licteurs montre que le dernier se dirige vers la gauche et en avant, pendant que le deuxième licteur nous montre son dos et se dirige vers l’arrière- plan (fig. 3). Les pieds du licteur de tête, de nouveau montré de dos, indiquent qu’il court vers la droite. La combinaison des trois directions suggère une course en rond autour des génies du sénat et du peuple romain.

Dans les rituels officiels de l’époque romaine, la course en rond est strictement liée à la lustration, le rituel religieux de purification. La lustration la mieux connue est lalustratio exercitus, la purification de l’armée avant et après une guerre ou une bataille. Comme exemple, nous citerons la scène 103 de la colonne de Trajan qui montre l’empereur au centre d’un camp militaire où il est en train d’accomplir une offrande ; à l’extérieur, une procession de lustration fait le tour de la forti- fication. Il est clair que l’offrande et la procession n’avaient pas lieu en même temps. La lustration de la colonne Trajane nous montre donc comme le relief B de la Cancelleria deux événements successifs, mais superposés dans une seule image.

Au contraire de la colonne, rien n’indique sur le relief B une ambiance militaire. La présence de la déesse Rome et des Vestales comme spectatrices signale que le rituel représenté avait lieu près de Rome. Il doit s’agir alors de la lustration civile à l’occasion d’uncensus, lelustrum.

Lecensus, le recensement de la population de Rome, avait en principe lieu tous les cinq ans.

Les résultats étaient mis en valeur par la lustration finale.Census etlustrumétaient si étroitement liés qu’Auguste a employé les deux termes dans lesRes gestaecomme des synonymes.

1. Relief A de la Chancellerie, Musées du Vatican, Archives photographiques,

nég. noXXX-15-17, retravaillé par l’auteur pour séparer plus nettement les deux plans.

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La représentation d’uncensusse trouve sur l’autel de Domitius Ahénobarbus, de la fin duIIe

ou du début du Ier s. av. J.-C. Sur la partie gauche du relief est représenté le classement des citoyens, pendant qu’on amène sur l’autre côté du relief les animaux d’offrande pour la lustration.

Le geste d’un des deux censeurs qui pose sa main sur l’épaule d’un citoyen correspond au geste de l’empereur sur le relief B de la Cancelleria, ce qui renforce l’identification de la scène. Le census populi romani avait lieu sur le Champ de Mars en dehors du pomerium de la ville, ce qui explique la présence des Vestales et de la déesse Roma ainsi que les hachettes dans les faisceaux des licteurs.

3. Les pieds des licteurs du relief B, extraits des dessins de F. Magi, I rilievi Flavi del Palazzo della Cancelleria, 1945.

2. Relief B de la Chancellerie, Musées du Vatican, Archives photographiques, nég. noXXV-9-47, retravaillé par l’auteur pour séparer plus nettement les deux plans.

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ASPECTS HISTORIQUES ET POLITIQUES

Avant d’aborder les aspects politiques des reliefs de la Cancelleria, il faut revenir sur le fait que le portrait de Domitien sur le relief A a été changé en celui de Nerva, alors qu’on le remplaça sur le relief B par le portrait de Vespasien. Manifestement, le message du relief B ne pouvait pas être transféré sur Nerva, mais valait pour Vespasien ainsi que pour Domitien – ce qui est le cas pour lecensus: à part Domitien, Vespasien fut le seul empereur de la dynastie flavienne qui réalisa un recensement de la population, alors que Titus et Nerva s’en abstinrent. Le changement rétrospectif du portrait de Domitien en un portrait de Vespasien était donc la seule solution possible.

Domitien nous est décrit dans les sources antiques comme un personnage furtif, lascif et paranoïaque, même si la recherche historique a reconnu depuis longtemps que ces descriptions ne sont pertinentes que pour une partie de sa personnalité complexe. Sur le plan militaire, Domitien eut pourtant des mérites et reçut plusieurs triomphes. Sa politique civile était imprégnée au début de son règne par une forte tendance restauratrice qui visait à redonner vie aux anciennes mœurs et lois morales. En 84 apr. J.-C., il se chargea ducensuset se nomma vers la fin de la même année cen- seur à vie(censor perpetuus). Le pouvoir d’un censeur à vie lui donnait la possibilité légitime d’élire – ou d’éliminer – les sénateurs et les chevaliers à sa guise et d’influer de cette manière sur la struc- ture politique du sénat. L’importance politique de la charge est documentée par les textes contem- porains (Quintilien, Martial) et par les monnaies qui portent la Censoria potestas perpetua (ou Cens P P P) dans la titulature de l’empereur.

CONCLUSION

Les deux reliefs de la Cancelleria visualisent des aspects primordiaux de la politique militaire et civile de Domitien, et cela d’une manière compréhensible pour les habitants de la ville de Rome et perceptible à partir de leur propre expérience.

Le relief A ne montre pas une victoire militaire loin de Rome, mais le retour de l’empereur victorieux et l’appel de la population à célébrer un triomphe. Il s’agit d’untoposdécrit peu avant par Flavius Josèphe dans leDe bello Iudaicoà l’occasion du retour triomphal de Titus et Vespasien à Rome. Les règles politiques exigeaient l’approbation officielle du triomphe par le sénat ; en atten- dant, les triomphateurs passaient la nuit en dehors de la ville sur le Champ de Mars dans lavilla publica.

La villa publica servait d’habitude de logis pour des ambassadeurs de l’étranger, mais elle était en même temps aussi le lieu où on installait le bureau ducensus, pendant que lelustrumfinal trouvait place à quelques pas seulement, sur l’autel de Mars. Lavilla publicaétait alors non seule- ment liée au triomphe, mais aussi aucensus. Pour cette raison, elle est le lieu à privilégier – même si c’est forcément de manière hypothétique – pour l’emplacement possible des reliefs de la Cancelleria.

Lawrence Richardson a proposé de localiser la villa publica sous le Divorum, un grand complexe construit par Domitien pour honorer ses prédécesseurs divinisés, Vespasien et Titus. Le Divorumn’est connu que par laForma urbis qui donne un autre indice pour une localisation plus précise des deux reliefs : sur un côté de la grande cour duDivorum, le plan montre une construc- tion rectangulaire qui ressemble à un grand autel. L’autel nous semble d’être la meilleure place pour replacer les deux reliefs. Mais il est évident que seule une fouille pourrait confirmer cette hypothèse.

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