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Déficience intellectuelle et psychopathologie: instruments d'évaluation et application dans l'étude du phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Déficience intellectuelle et psychopathologie: instruments d'évaluation et application dans l'étude du phénotype comportemental des adultes

avec syndrome de Down

STRACCIA, Claudio

Abstract

Les adultes avec déficience intellectuelle (DI) montrent un risque de trois à six fois plus élevé que la population générale de présenter des problèmes psychopathologiques. De plus, ces problèmes se manifestent de façon atypique auprès de la population avec DI. Dans ce contexte, l'objectif de notre thèse était d'examiner les adaptations francophones de deux instruments d'évaluation psychopathologique spécifiquement destinés aux adultes avec DI : le Reiss Screen for Maladaptive Behavior (RSMB) et le Developmental Behaviour Checklist – Adult version (DBC-A). En particulier, nous avons d'abord testé les qualités psychométriques des deux instruments et les avons ensuite appliqués à l'étude du phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down (SD). Les résultats montrent que les adaptations francophones des deux instruments affichent plusieurs indices de validité et de fiabilité, ainsi qu'une bonne sensibilité aux spécificités comportementales des adultes avec SD.

STRACCIA, Claudio. Déficience intellectuelle et psychopathologie: instruments

d'évaluation et application dans l'étude du phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2014, no. FPSE 568

URN : urn:nbn:ch:unige-365223

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:36522

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:36522

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Section de Psychologie Sous la direction de la Professeure Koviljka Barisnikov

Déficience intellectuelle et psychopathologie :

Instruments d’évaluation et application dans l’étude du phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Psychologie

par Claudio STRACCIA

de Stabio (TI)

Thèse No 568 GENEVE Avril 2014 No d’étudiant : 03-416-716

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Déficience intellectuelle et psychopathologie

Instruments d’évaluation et application dans l’étude du phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down

Claudio STRACCIA

Candidat au titre de Docteur en Psychologie

Jury

Professeure Koviljka Barisnikov, Université de Genève Professeur Olivier Renaud, Université de Genève

Professeur Jean-Jacques Detraux, Université de Liège

Professeur Marc J. Tassé, The Ohio State University

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Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de thèse, la Professeure Koviljka Barisnikov, qui m’a accompagné sans relâche tout au long de ces quatre dernières années. Merci d’avoir cru en moi et de m’avoir donné la chance d’accomplir ce travail.

J’adresse également mes remerciements au Professeur Marc J. Tassé, non seulement pour avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse, mais surtout pour m’avoir donné la possibilité de collaborer avec lui et de visiter le Nisonger Center. Les deux mois passés à Columbus m’ont énormément motivé et resteront parmi mes expériences professionnelles les plus intéressantes.

Ce travail s’inscrit dans un projet de recherche financé par le Fond National Suisse de la Recherche Scientifique. Le projet a été mené en collaboration avec les Universités de Liège et de Mons. Je remercie le FNS et ces Universités pour leur soutien et leur précieuse collaboration. En particulier, je remercie le Professeur Jean-Jacques Detraux pour avoir accepté de faire partie de mon jury ainsi que pour son aide, en collaboration avec Magali Ngawa, au travers des différentes phases du projet.

Merci également au Professeur Olivier Renaud pour avoir accepté de faire partie de mon jury ainsi que pour sa collaboration dans l’une des études que j’ai menées dans le cadre de ce travail.

Je tiens également à remercier le Professeur Paolo Ghisletta et la Docteure Stéphanie Baggio pour avoir collaboré à mes recherches.

Ce projet de recherche ne pouvait pas aboutir sans la participation de tous les adultes, les éducateurs, les maitres socio-professionnels et les institutions socio-éducatives qui ont activement pris part à mes études. Un grand merci pour leur aide.

Un très grand merci à mes collègues Morgane et Fleur qui ont patiemment relu chaque phrase de ce manuscrit en le rendant lisible.

Je remercie sincèrement toutes les personnes qui ont collaboré à ce projet de recherche au sein de l’Unité de Psychologie Clinique et de Neuropsychologie de l’Enfant, notamment mon ex- collègue de bureau Aurore. Merci à tous mes collègues actuels (Caroline, Julie, Morgane et Fleur) et anciens (Naomi, Seb, Sarah) pour les bons moments passés ensemble et pour leur soutien inconditionnel. Merci aussi à tous les collègues du 6ème pour les bons moments partagés.

Finalement, merci à ma famille, mes amis et à Vale qui m’ont supporté pendant les périodes les plus dures mais avec lesquels j’ai aussi partagés les meilleures moments.

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Introduction ... v

I. CADRE THÉORIQUE ... 1

Chapitre 1. La déficience intellectuelle... 1

1.1. Évolution des critères ... 1

1.2. Du concept de « retard mental » à celui de « déficience intellectuelle » ... 3

1.3. Le modèle théorique du fonctionnement humain dans le cadre de la déficience intellectuelle ... 5

1.4. Prévalence et causes de déficience intellectuelle ... 7

1.5. Résumé du chapitre ... 8

Chapitre 2 : Déficience intellectuelle et psychopathologie ... 9

2.1. Notes historiques ... 11

2.2. Difficultés de détection et dans la démarche diagnostique ... 13

2.3. Symptomatologie spécifique : les manuels diagnostiques ... 16

2.4. Problèmes de comportement et troubles psychiatriques ... 20

2.5. Un exemple illustratif : dépression et déficience intellectuelle ... 26

2.6. Résumé du chapitre ... 35

Chapitre 3. Instruments évaluant les problèmes psychopathologiques chez les adultes avec DI ... 37

3.1. Le Reiss Screen for Maladaptive Behavior ... 39

3.2. La version pour adultes de la Developmental Behaviour Checklist ... 42

3.3. Résumé ... 48

Chapitre 4. Prévalence des problèmes psychopathologiques et facteurs associés ... 49

4.1. Prévalence de problèmes psychopathologiques ... 50

4.2. Âge et psychopathologie chez les adultes avec déficience intellectuelle ... 53

4.3. Genre et psychopathologie chez les adultes avec déficience intellectuelle ... 57

4.4. Résumé du chapitre ... 62

Chapitre 5. Le phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down ... 63

5.1. Le syndrome de Down : généralités ... 64

5.2. Psychopathologie chez les adultes avec syndrome de Down ... 65

5.3. Comportement social chez les adultes avec syndrome de Down ... 68

5.4. Résumé du chapitre ... 72

II. PARTIE EXPÉRIMENTALE ... 73

Problématique ... 73

Study 1. The French Version of the Reiss Screen for Maladaptive Behavior: Factor structure, point prevalence and associated factors ... 75

1. Introduction ... 76

(9)

2. Method ... 78

2.1. Sample ... 78

2.2. Procedure and material ... 80

2.3. Statistical analyses ... 80

3. Results ... 81

3.1. Factor structure ... 81

3.2. Internal consistency reliability ... 83

3.3. Prevalence ... 83

4. Discussion ... 87

4.1. Conceptual and item equivalence of the French version of the RSMB ... 87

4.2. Prevalence ... 88

5. Conclusion ... 91

Study 2. Psychometric properties and normative data of the French Developmental Behaviour Checklist – Adult version ... 93

1. Introduction ... 94

1.1. The Developmental Behaviour Checklist – Adult version ... 95

1.2. Aim of the present study ... 96

2. Method ... 97

2.1. Procedure and participants ... 97

2.2. Material ... 98

2.3. DBC-A translation ... 98

2.4. Statistical analyses ... 99

3. Results ... 100

3.1. Factor structure ... 100

3.2. Internal consistency reliability ... 102

3.3. Concurrent validity ... 103

3.4. Score distribution ... 104

4. Discussion ... 105

4.1. Psychometric properties ... 105

4.2. Distributions of scores ... 107

4.3. Limitations and perspectives ... 108

5. Conclusion ... 109

Study 3. Mental Illness, Behavior Problems, and Social Behavior in Adults with Down Syndrome ... 111

1. Introduction ... 112

2. Method ... 115

2.1. Participants ... 115

2.2. Measures ... 116

2.3. Data Analysis ... 118

3. Results ... 119

3.1. Mental Illness ... 119

3.2. Behavior Problems ... 119

3.3. Social Behavior ... 120

3.4. Aging in Down Syndrome ... 121

4. Discussion ... 122

(10)

4.3. Aging in DS ... 124

5. Conclusions ... 124

III. DISCUSSION GÉNÉRALE ... 127

1. Synthèse des résultats ... 127

Étude 1 ... 127

Étude 2 ... 128

Étude 3 ... 129

2. Discussion des résultats ... 131

2.1. Les instruments testés ... 131

2.1.1. Le Reiss Screen for Maladaptive Behavior ... 131

2.1.2. La Developmental Behaviour Checklist pour adultes ... 133

2.1.3. Accord entre les instruments et dimensions évaluées... 133

2.1.4. La structure factorielle du DBC-A et ses implications dans l’évaluation psychopathologique au cours du cycle de vie ... 135

2.1.5. Limites et perspectives pour la recherche ... 138

2.1.6. Perspectives cliniques ... 141

2.2. Le phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down ... 144

2.2.1. Le profil psychopathologique des adultes avec SD ... 144

2.2.2. Syndrome de Down et vieillissement ... 146

2.2.3. Limites et perspectives ... 147

3. Conclusions ... 149

IV. Références bibliographiques ... 151

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Introduction

La déficience intellectuelle (DI) est un trouble développemental qui touche environ 1 % de la population. En d’autres termes, à l’heure actuelle, plus de 80'000 personnes présentent un diagnostic de DI en Suisse. La DI se caractérise par des limitations significatives des compétences cognitives et adaptatives. Malgré le fait que des taux de prévalence précis concernant les problèmes psychopathologiques présents dans cette population soient difficiles à établir, il est actuellement généralement accepté que les personnes avec DI soient particulièrement à risque pour ces problèmes.

Un point central de ce travail consistera donc à rendre compte de la complexité caractérisant la relation entre psychopathologie et DI. En effet, la manifestation psychopathologique chez les personnes avec DI semble être différente par rapport à la population générale. Cela serait dû à plusieurs facteurs qui compliquent la démarche diagnostique chez ces personnes. Par exemple, très souvent, les capacités verbales de la personne évaluée ne permettent pas d’accéder à son vécu interne par des questions directes.

L’évaluation individuelle nécessite donc d’être basée sur différentes sources d’informations.

Parmi celles-ci, le personnel socio-éducatif et les membres de la famille sont systématiquement sollicités pour donner des informations importantes.

Dans ce cadre, plusieurs outils ont été développés afin de standardiser les informations reportés par l’entourage de la personne. Malheureusement, majoritairement destinés à une population anglophone. Avant de pouvoir être appliqués dans un contexte francophone et européen, la validité et la fiabilité des traductions de ces outils doivent être testées dans un tel contexte. Par conséquence, le but principal de ce travail de thèse est de tester l’applicabilité de deux questionnaires évaluant les problèmes psychopathologiques et destinées aux adultes avec DI. Il s’agit du Répertoire développemental de comportements pour adulte et l’Echelle de dépistage de comportements problématiques de Reiss.

Outre que pour le dépistage psychopathologique per se, ce type de questionnaires a été souvent utilisé dans l’étude des profils comportementaux des personnes présentant un syndrome génétique spécifique. Un deuxième but de ce travail de thèse a donc été d’étudier le phénotype comportemental des adultes avec syndrome de Down à l’aide des questionnaires examinés dans la première partie du travail.

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I. CADRE THÉORIQUE

Chapitre 1. La déficience intellectuelle

Dans la première moitié du 19ème siècle, la déficience intellectuelle (DI) commence à être explicitement considérée comme une condition spécifique et donc séparée du concept plus général de maladie mentale. Depuis, la définition de DI a beaucoup évolué pour arriver à la définition actuelle de DI (Tableau 1) qui établit un certain consensus. Toutefois, nous pouvons observer des définitions légèrement différentes selon les manuels diagnostiques pris en considération. En effet, les différentes définitions ont été fortement critiquées (p. ex., Switzky & Greenspan, 2006). La dernière édition du manuel de l’American Association of Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD ; anciennement American Association on Mental Retardation/Deficiency, Schalock et al., 2010) a explicitement pris en considération ces critiques et a essayé d’y répondre. Pour cette raison, nous allons présenter dans ce chapitre l’évolution de la définition de DI en parcourant les étapes principales qui ont amené l’AAIDD à établir les critères diagnostiques actuels. De plus, cela nous permettra de décrire et de discuter les implications dues au changement de terminologie remplaçant le terme « retard mental » (RM) par celui de « DI ». Finalement, nous présenterons le modèle théorique du « fonctionnement humain » dans le cadre de la DI.

1.1. Évolution des critères

Au cours de la première moitié du 20ème siècle, les définitions de RM, ou précédemment de « déficience mentale », mettent l’accent sur le caractère incurable du RM.

Cette position persiste au moins jusqu’au travail de Doll (1941) selon lequel, le terme « RM » fait référence à un état d’incompétence sociale. Cet état est la conséquence d’une « sous- normalité » mentale de nature essentiellement incurable. En effet, selon le même auteur, si le pronostic médical suggère une possibilité d’amélioration comme la réduction des symptômes ou la possibilité que la personne puisse arriver à un état de « normalité », le diagnostic de RM ne doit pas être posé. Cette vision est essentiellement liée à une vision mettant l’intelligence au centre, alors considérée comme une dimension unique et définie par les tests du quotient intellectuel tels que le test de Stanford-Binet1(Thorndike, Hagen, & Sattler, 1986). Au

1Binet affirma (1909, p.117) : « C’est par [la] totalité de son intelligence qu’un individu donne sa valeur.

Nous sommes un faisceau de tendances; et c’est la résultante de toutes ces tendances qui s’exprime dans nos actes et fait que notre existence est ce qu’elle est. C’est donc cette totalité qu’il nous faut savoir apprécier ».

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contraire, la cinquième définition de l’AAIDD (Heber, 1959) introduit une définition soulignant le concept de fonctionnement actuel de la personne. Selon cette définition, le RM se réfère à un fonctionnement intellectuel général en-dessous de la moyenne, qui prend ses origines pendant la période développementale (jusqu’à 16 ans) et est associé à la maturation de la personne, l’apprentissage et/ou l’ajustement social. Cette définition ne comprend pas

Tableau 1. Définition de déficience intellectuelle selon l’AAIDD (adapté à partir de Schalock et al., 2010).

La déficience intellectuelle se caractérise par des limitations significatives du fonctionnement intellectuel et du comportement adaptatif en termes de capacités conceptuelles, sociales et pratiques. La déficience apparaît avant l’âge de 18 ans.

Les cinq précisions suivantes sont essentielles dans l’application de cette définition :

1. Les limitations du fonctionnement actuel de la personne doivent être considérées dans le contexte environnemental et culturel propre aux individus du même âge et à la culture de la personne.

2. Une évaluation valide doit tenir compte des diversités langagières et culturelles, ainsi que des spécificités motrices, sensorielles, communicatives et comportementales.

3. Chez une personne, les limites coexistent souvent avec les ressources.

4. Une des finalités principales de la description des limites consiste en l’élaboration d’un profil estimant le besoin de soutien.

5. Un soutien personnalisé approprié d’une durée importante amène généralement une amélioration du fonctionnement de vie de la personne.

Les niveaux de sévérité dépendent du contexte d’application de la définition (diagnostic, classification ou planification du soutien). Les niveaux de sévérité peuvent donc être basés sur plusieurs critères : intensité du soutien, quotient intellectuel (QI), comportement adaptatif, par exemple2.

encore le concept de comportement adaptatif qui, cependant, figure pour la première fois parmi les critères d’évaluation du RM. Cet aspecta été introduit afin de réduire la

« dépendance » aux tests du QI et, par conséquent, limiter le nombre de « faux positifs » dans le diagnostic. En effet, si nous considérons comme unique critère, un QI de deux écart-types en-dessous de la moyenne (ce qui constitue un des critères actuels et qui correspond à un QI d’environ 70), la distribution théorique des scores donnerait une prévalence de 3 % de la population. Or, cette prévalence descend à 1 % si les limites significatives du comportement adaptatif sont également prises en considération (Mercer, 1973). Le comportement adaptatif

Selon les perspectives actuelles, « ces tendances » peuvent être difficilement regroupées sous une seule dimension, comme le test de Stanford-Binet le proposait en donnant une mesure générale de QI. Cependant, le fonctionnement intellectuel est actuellement le mieux représenté par les scores aux tests du QI (manuel 11).

2 Lors de la présentation d’études empirique nous parlerons dans ce travail de « niveaux de DI » ou de

« niveaux de sévérité de la DI » en faisant référence aux critères basés sur le QI. Les quatre niveaux sont les suivants : léger (un QI entre 50-55 et 70environ), moyen (de 35-40 à 50-55), grave ou sévère (de 25-30 à 35-40)

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est par la suite inclus dans la définition de RM dans la sixième édition du manuel de l’AAIDD (Heber, 1961). Cependant, le déficit de comportement adaptatif reste un facteur associé au déficit cognitif et, par conséquent, subordonné à ce dernier. Cette disparité disparait dans la septième édition du manuel (Grossman, 1973), dans laquelle le RM est défini par un fonctionnement intellectuel général significativement en-dessous de la moyenne et qui coexiste avec des déficits du comportement adaptatif. En fixant le seuil de QI à deux écart- types en-dessous de la moyenne et l’âge limite d’apparition à 18 ans, cette définition a posé les bases des critères actuels de conceptualisation de la notion de« DI ». Dans la neuvième édition, le concept de comportement adaptatif est remplacé par une liste de compétences pratiques, telles que la communication ou la capacité à prendre soin de soi-même par exemple, dans le but de rendre la définition de RM plus opérationnelle (Luckasson et al., 1992). La définition actuelle a été élaborée par les auteurs du 10ème manuel de l’AAIDD en 2002 (Luckasson et al., 2002) et ensuite reprise dans la 11ème édition (Schalock et al., 2010), le terme de « DI » remplaçant celui de « RM ».

Cette brève présentation historique montre que les trois dimensions caractérisant la DI (i.e. les limites du fonctionnement intellectuel (1) et adaptatif (2) ainsi que l’apparition avant l’âge de 18 ans (3)) sont présentes depuis les premières descriptions de ce trouble. Ce qui caractérise l’évolution de la définition renvoie aux différents poids que les auteurs donnaient à chacune de ces dimensions ainsi qu’aux changements relatifs aux termes employés. Cela a eu un impact important sur la représentation de la DI, sur sa signification et sur les taux d’inclusion diagnostique. Outre de ce qui figure dans sa définition, la conception actuelle de DI se caractérise par deux éléments témoignant d’un changement de paradigme théorique ; l’introduction du terme « déficience intellectuelle » (1) et l’élaboration d’un modèle décrivant la spécificité du fonctionnement humain dans la DI (2).

1.2. Du concept de « retard mental » à celui de « déficience intellectuelle »

Comme nous l’avons exposé précédemment, la définition et la terminologie de ce que nous appelons actuellement DI a engendré un important débat épistémologique et philosophique (p. ex., Switzky & Greenspan, 2006). Le processus de sélection d’un terme comporte plusieurs éléments à prendre en considération (Luckasson & Reeve, 2001).

Premièrement, le terme doit se référer à une entité unique et permettre d’être différencié d’autres entités ; il doit ainsi améliorer la communication. Deuxièmement, son utilisation doit rester consistante à travers les différentes parties intéressées (p. ex. les familles, le personnel

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socio-professionnel, les politiciens). Troisièmement, le terme doit rendre compte des connaissances scientifique du moment, et permettre d’incorporer les progrès du savoir.

Quatrièmement, son opérationnalisation doit être suffisamment robuste pour que le terme puisse être utilisé à des fins diagnostiques, classificatoires et relatives à l’établissement de plans de soutien. Cinquièmement, il faut prendre en considération le fait que le terme choisi va véhiculer une série de valeurs importantes à propos du groupe qu’il désigne. Les termes utilisés par le passé, dont le dernier était le « RM », ont été critiqués précisément sur ce dernier élément. Ces termes ne prenaient pas suffisamment en considération la dignité de la personne, ce qui engendrait une dévalorisation et une stigmatisation (Finlay & Lyons, 2005).

En effet, les termes tels que « RM » faisaient référence à un « défaut » situé chez la personne.

Plus spécifiquement, le défaut était situé dans l’esprit de la personne (mental) et se manifestait par une performance mentale en-dessous de la moyenne, caractérisée par de la « lenteur » mentale (retard) (Wehmeyer et al., 2008). Quand les limites du comportement adaptatif ont été ajoutées à la définition de RM, la performance n’était plus seulement « mentale » mais plus généralement liée au fonctionnement humain. Cependant, la perspective considérant le RM comme un défaut interne à la personne restait présente dans la littérature.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, le terme « DI » a graduellement remplacé celui de

« RM ». Ce changement est perceptible à travers les changements des noms des organisations, des journaux scientifiques et dans les titres des études publiées. Comme mentionné précédemment, les trois composantes principales de la définition de DI n’ont pas beaucoup changé dans le temps. Cette continuité est également présente dans la dernière définition de DI de l’AAIDD qui a seulement remplacé le terme « RM » pour celui de « DI » en soulignant que les personnes qui étaient éligibles pour un diagnostic de « RM » le restent pour le diagnostic de « DI ». Cependant, le terme « DI » faisant partie du concept plus général de

« déficience » (de l’anglais disability, littéralement want of ability, « manque d’habilité »), ce changement de terminologie reflète un important changement de perspective. Selon l’AAIDD (Luckasson et al., 2002; Luckasson et al., 1992) et l’Organisation Mondiale de la Santé (2001) ce concept fait référence à l’expression des limites du fonctionnement individuel dans le cadre d’un contexte social donné. Par conséquent, le changement de terminologie entre « RM » et

« DI » a accentué la perspective écologique centrée sur l’interaction entre la personne et son environnement et soulignant que l’application systématique d’un soutien individualisé peut améliorer le fonctionnement humain. De plus, l’utilisation du terme « DI » permet de se focaliser sur la spécificité de cette « capacité différente », ce qui inclut la dignité de la

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personne, son bien-être subjectif ou encore des politiques de santé alternatives. Finalement, l’adoption du terme « DI »possède cinq avantages principaux : le terme reflète le changement de perspective de l’AAIDD et de l’OMS à propos du niveau multidimensionnel du concept de disability ; il est davantage en harmonie avec les pratiques actuelles centrées sur le comportement fonctionnel et les facteurs contextuels ; ses bases socio-écologiques donnent des justifications logiques au soutien individualisé ; il est moins stigmatisant ; et il est plus en cohérence avec la terminologie internationale (Cf. Schalock et al., 2007, pour une discussion plus détaillée). L’ensemble de ces éléments a été opérationnalisé dans les cinq précisions figurant dans la définition de « DI » (Cf. Tableau 1).

Nous avons présenté une vision générale du parcours qui a amené à la définition opérationnelle de la DI et des implications qui en découlent. Cependant, outre ces raisons simplement opérationnelles, le changement de terminologie a également eu des raisons constitutives. Si une définition opérationnelle relève des propriétés d’un concept qui sont directement observables, une définition constitutive porte sur les relations entre concepts, généralement dans le contexte d’une théorie. La définition de DI renvoie à d’autres concepts, i.e. au fonctionnement intellectuel et adaptatif. Cependant, elle garde le niveau opérationnel en ajoutant les mots « limites significatives » renvoyant au seuil de deux écart-types en- dessous de la moyenne et donc à une dimension observable, mesurable. Le caractère constitutif de la définition figure dans les cinq précisions qui ont été ajoutées à la définition.

Ces précisions sont représentées dans un modèle théorique du fonctionnement humain dans le cadre de la DI, que nous illustrerons dans la section suivante de ce chapitre.

1.3. Le modèle théorique du fonctionnement humain dans le cadre de la déficience intellectuelle

Le fonctionnement humain comprend l’ensemble des activités d’un individu ; les structures et fonctions physiologiques, les activités personnelles et la participation à la vie communautaire (World Health Organization, 2001). Dans ce contexte, la compréhension théorique de la DI n’est plus celle d’un trait personnel, absolu et invariable, mais d’un phénomène humain qui trouve ses origines dans des facteurs organiques et sociaux et qui crée des obstacles à la personne quant à l’ajustement aux demandes de son environnement (Schalock et al., 2007). Afin de rendre compte de cette perspective, l’AAIDD (Luckasson et al., 2002; Luckasson et al., 1992; Schalock et al., 2010) propose un modèle théorique multidimensionnel du fonctionnement humain dans le cadre de la DI (Figure 1). Dans ce

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modèle, l’ajustement à son propre environnement dépend de cinq facteurs : les capacités intellectuelles, le comportement adaptatif, la santé, la participation et le contexte. Les capacités intellectuelles, par exemple, reflètent une vision de l’intelligence comme une capacité profonde et complète à comprendre et saisir son environnement, lui donner du sens et décider comment lui répondre (Wehmeyer et al., 2008). Cette interprétation de l’intelligence est beaucoup plus dynamique et écologique que celle renvoyée par le concept de « QI ».

L’influence de ces cinq facteurs sur le fonctionnement individuel est médiatisée par la dimension de soutien. Cela inclut les ressources et les stratégies qui ont pour but de promouvoir le développement, l’éducation, les intérêts et le bien-être personnel et qui améliorent le fonctionnement humain (Luckasson et al., 2002). Dans cette perspective, le soutien agit sur une base écologique et égalitaire. La meilleure façon d’améliorer la congruence entre individu et environnement est de déterminer précisément les besoins individuels en termes de soutien et d’y répondre (base écologique). Améliorant ainsi cette congruence, on améliore le fonctionnement humain, et cela également en termes d’auto- détermination, de plans et de résultats centrés sur la personne (base égalitaire). Les concepts de soutien et de besoin de soutien constituent une partie essentielle du modèle. En effet, les personnes avec DI diffèrent de la population générale précisément au niveau de la quantité et de la qualité du soutien dont ils ont besoin pour participer à la vie communautaire (Schalock et al., 2010).

L’adoption de cette perspective a eu un impact sur notre compréhension de la personne avec DI. Les caractéristiques multidimensionnelles, écologiques et égalitaires de ce modèle rendent compte de la complexité et des spécificités individuelles des personnes avec DI. Le terme « déficience intellectuelle » gagne ainsi une connotation moins stigmatisante en avec cette nouvelle perspective théorique.

Figure 1. Modèle multidimensionnel du fonctionnement humain de l’AAIDD (Schalock et al., 2010).

Fonctionnement personnel

V. Contexte IV. Santé III. Participation II. Comportement adaptatif

I. Capacités intellectuelles

Soutien

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1.4. Prévalence et causes de déficience intellectuelle

Le terme « prévalence » fait référence au nombre de personnes présentant un même diagnostic à un moment précis dans le temps. Comme nous l’avons mentionné dans une section précédente de ce chapitre, la prévalence de DI était souvent estimée à 3 % de la population. Cependant, ce taux était essentiellement théorique. L’introduction du critère concernant le comportement adaptatif a amené une reconsidération du taux de prévalence et, le taux actuel généralement accepté est d’environ 1 % de la population. En effet, une récente méta-analyse a examiné 52 études publiées qui utilisaient un échantillon représentatif de la population avec DI et a mis en évidence un taux de prévalence estimé à 10.37/1000 (Maulik, Mascarenhas, Mathers, Dua, & Saxena, 2011). La grande majorité des cas de DI sont de sévérité légère (85 %), tandis que les niveaux de DI moyen (10 %), sévère (3 %) et profond (2 %) sont moins fréquents (Tassé & Morin, 2003).

Les causes de DI sont multiples et peuvent être regroupées de différentes façons.

Morrison (1995), par exemple, a présenté les pourcentages de cas de DI selon étiologie, avec la classification suivante : éléments inconnus (ou origine non spécifique, 30 %), facteurs prénataux et troubles chromosomiques (30 %), facteurs environnementaux (20 %), troubles périnataux (15 %) et syndromes héréditaires (5 %). Dans le cadre de ce travail, il est important de préciser que, parmi les causes de DI, la catégorie la plus fréquente demeure celle DI d’origine non spécifique. En effet, le diagnostic de DI est souvent posé dans l’impossibilité de mettre en évidence une étiologie précise. Dans la littérature sur la DI, cette étiologie inconnue, ou non-spécifique, a été souvent utilisée comme « groupe de comparaison » pour les différents groupes composés de participants avec une DI d’origine génétique ou organique.

Cette méthodologie sera également utilisée dans ce travail.

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1.5. Résumé du chapitre

Les trois composantes de la définition opérationnelle de déficience intellectuelle sont restées plus ou moins stables dans le temps. Ces trois composantes sont : (1) les limitations significatives du fonctionnement intellectuel et (2) du comportement adaptatif, ainsi que (3) l’apparition avant l’âge de 18 ans. La définition constitutive ou théorique, par contre, a connu des changements importants.

Le terme « retard mental » a été longtemps utilisé, et était basé sur un concept théorique faisant référence à un défaut, à un trait absolu et invariable, situé chez la personne.

Le terme « déficience intellectuelle » renvoie, par contre, à un état de fonctionnement personnel qui dépend de la congruence entre l’individu et les demandes de son environnement.

Cette perspective théorique a été modélisée par l’AAIDD (Cf. Figure 1).Dans ce modèle, un soutien systématique et individualisé peut favoriser cette cohérence, et améliorer ainsi le fonctionnement personnel.

Cette nouvelle perspective a amené à mettre la personne au centre : une vision très dynamique et humaniste, pour laquelle l’évaluation des besoins en termes de soutien constitue le but le plus important du travail avec les personnes présentant une déficience intellectuelle.

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Chapitre 2 : Déficience intellectuelle et psychopathologie

La relation entre psychopathologie et déficience intellectuelle a été longuement étudiée. Si au Moyen Âge déjà, les philosophes et les médecins réfléchissaient sur la différence entre ces deux dimensions, ce n’est que dans les 25 dernières années que le nombre de travaux portant sur la souffrance psychique des personnes avec DI a connu sa plus forte augmentation. Des revues spécialement dédiées à cette thématique ont vu le jour, comme par exemple, le journal Advances in Mental Health and Intellectual Disabilities en 2007 et le Journal of Mental Health Research in Intellectual Disability en 2008. Parmi les facteurs contribuant à ce développement, on observe un changement de perspective dans la prise en charge. En effet, les débats sur l’institutionnalisation et la normalisation3 dans le domaine de la prise en charge des personnes avec DI ont laissé place à une approche centrée sur la personne. Dans cette nouvelle approche, les problèmes psychopathologiques jouent un rôle important dans l’évaluation et le suivi individuel. Cependant, l’évaluation de ces problèmes chez les personnes avec DI comporte plusieurs difficultés, telles que : le masquage diagnostique, la difficulté à accéder au vécu interne de la personne ou la relation entre troubles psychiatriques et problèmes de comportement pour ne citer que quelques exemples.

Une fois la relation entre psychopathologie et DI placée dans son contexte historique, ce chapitre sera consacré à l’analyse détaillée de l’ensemble de ces difficultés. Nous nous concentrerons plus spécifiquement sur la population adulte dans les limites de la littérature.

En guise de conclusion, nous tenterons également de résumer les différents points abordés en les mettant en relation avec le processus diagnostique de la dépression chez l’adulte avec DI.

Terminologie

Parmi les éléments qui ont rendu et continue de rendre difficile l’étude de la relation entre psychopathologie et DI, le manque de consensus sur la terminologie à utiliser mérite sans doute d’être soulevé. En mars 1998 eut lieu la conférence inaugurale du Mental Health Special Interest Group de l’International Assotiation for the Scientific Study of Intellectual Disability. Les participants à cette conférence venaient de différents pays, cultures et domaines de recherche. Une des premières difficultés rencontrées par ce groupe de recherche

3 Le principe de normalisation trouve ses origines en Suède et au Danemark dans les années 50 et 60 et fait référence au principe selon lequel les personnes avec DI devraient avoir des conditions de vie les plus semblables possibles à celles qui caractérisent la communauté dans laquelle ces personnes vivent. Cela s’oppose au principe d’institutionnalisation selon lequel la seule façon de donner un soutien à cette population serait au moyen d’un réseau institutionnel spécialisé et séparé des autres services de la communauté (Wolfensberger, 1986).

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était constituée par le manque de consensus sur la définition exacte des termes à utiliser.

Parmi les termes les plus controversés nous identifions : santé mentale, troubles mentaux et comportements difficiles ou comportements-défis (respectivement en anglais : mental health, mental disorder et challenging behavior) (Holland, 1999; Holland & Koot, 1998). Quinze ans plus tard, nous devons malheureusement constater que, mis à part quelques rares exceptions (p. ex., Rojahn & Meier, 2009), les articles publiés manquent de définitions opérationnelles explicites quant aux différents termes utilisés. Il nous semble donc pertinent de spécifier les termes utilisés tout au long de ce travail. Trois termes en particuliers sont utilisés : psychopathologie, troubles psychiatriques et problèmes de comportement. Le terme psychopathologie est employé dans ce travail pour couvrir l’ensemble des problèmes de santé mentale. Ce terme englobe donc les concepts de troubles psychiatriques et de problèmes de comportement. Par troubles psychiatriques nous faisons référence aux syndromes décrites par les manuels diagnostiques tels que la quatrième version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR, American Psychiatric Association, 2000) et la dixième version de l’International Classification of Disease (ICD-10, World Health Organization, 1993). Dans la littérature, les termes « maladie mentale » (en anglais, mental illness),

« problèmes de santé mentale » (mental health problems), « troubles émotionnels » (emotional disturbance) ou encore « troubles mentaux » (mental disorders) ont souvent été utilisés comme synonymes de troubles psychiatriques. La définition de problèmes de comportement, par contre, est plus controversée. De ce fait, nous dédierons une section de ce chapitre à la définition de ce concept ainsi que sa relation avec les troubles psychiatriques dans le cadre de la déficience intellectuelle. Nous nous limitons ici à noter que par

« problèmes de comportement » nous faisons référence aux comportements qui causent de la souffrance à la personne ou à son entourage, qu’ils soient répertoriés par les manuels diagnostiques ou pas. Dans ce cadre, les termes « comportements mal-adaptés » (maladaptive behaviors) et « comportements-défis » (challenging behaviors) ont été généralement utilisés comme synonymes de problèmes de comportement. Enfin, nous avons utilisons le terme

« double diagnostic » en référence à la présence simultanée de la DI et de problèmes psychopathologiques.

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2.1. Notes historiques

De l’Antiquité au 20ème siècle

Historiquement, la DI et la maladie mentale ont connu un parcours parallèle. Les deux pathologies ont été mises sur le même plan pendant longtemps, souvent sous la catégorie de

« déficience mentale » (Cowan & Gentile, 2012). Dans ce cadre, les personnes souffrant de ces problèmes étaient considérées comme étant différentes de la population générale et, par conséquence, elles n’avaient pas accès aux prises en charges et aux traitements proposés aux personnes considérées comme normales. Les enfants avec un déficit mental, considérées comme non traitables, étaient souvent abandonnés dans la nature. Cette pratique fut même encouragée par Aristote (Kraut, 1997). Avec le développement de la civilisation, les sociétés mirent cette pratique hors-la-loi. Durant le Moyen Age et la Renaissance, nous retrouvons les premières définitions de DI et maladie mentale. Le terme « idiotie » définissait les personnes incapables de compter jusqu’à 20, tandis que les « personnes-folles » (de l’anglais, mad-men) se montraient parfois capable de Raison, mais pas tout le temps (Eghigian, 2010). Une première distinction entre DI et maladie mentale vit le jour à cette période, dans le contexte de la loi sur la propriété. En effet, si les « idiots » n’avaient pratiquement aucun droit, les héritiers d’une personne déclarée « lunatique » gardaient les droits sur les propriétés de la famille (Cf. Cowan & Gentile, 2012, pour plus de détails).

Il faut attendre jusqu’à Esquirol pour avoir une distinction explicite entre les deux dimensions. D’après ce psychiatre et scientifique français (1845), les « déments » étaient comparables aux riches qui devenaient pauvres à un moment donné, tandis que les « idiots » avaient toujours été pauvres. Presque au même moment, nous constatons l’émergence des premiers efforts visant à décrire la souffrance psychique des personnes avec DI. En 1845, Wells (cité par Ireland, 1898) écrivit la « Manie chez les crétins » et trois ans plus tard, Hurd (1888), décrivit les symptômes de manie, mélancolie et folie circulaire chez ses patients atteints de « imbécillité ». Au début du 20ème siècle, Berkley (1915) mit en évidence que les

« idiots » étaient plus enclins à la psychose par rapport à la population générale. Autour de la même période les auteurs commencèrent à proposer des études sur de larges échantillons.

Dans ce contexte, Tredgold (1908) mit en évidence une prévalence de maladie mentale chez les personnes avec DI 26 fois plus grande que dans la population générale. De façon congruente, Penrose (1938) rapporta cette prévalence à hauteur de 16 % dans un échantillon de 1'280 personnes avec DI. Il est intéressant de noter que cet auteur remarqua déjà que les symptômes psychiatriques sont plus facilement reconnaissables chez les personnes avec une

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intelligence plus proche de la moyenne (Cf. Reid, 1989, pour plus de détails). Ces études se poursuivirent jusqu’aux études épidémiologiques conduites dans les Iles de Wight (Rutter, Tizard, Yule, Graham, & Whitmore, 1976) qui confirment que les personnes avec DI avaient un risque plus élevé de développer des problèmes psychopathologique par rapport à la population générale. Notamment en raison de l’utilisation d’un échantillon représentatif de la population, cette série d’études est souvent citée comme référence pour l’étude scientifique de la relation entre psychopathologie et DI.

Vers une perspective bio-psycho-sociale

Malgré les résultats de l’étude pionnière des Iles de Wight (Rutter et al., 1976), l’idée selon laquelle les personnes avec DI ne peuvent pas rencontrer de problèmes psychopathologiques a longuement perduré. Selon Matson et Sevin (1994), les véritables efforts d’identification et de traitement de la psychopathologie chez les personnes avec DI peuvent être attribués à trois grands tournants dans le domaine. (1) Dans les années 50, la médication est adoptée dans le traitement des troubles psychiatriques. Appliqués aux personnes avec DI, les premiers résultats encourageants de ces traitements permettent de se désengager de l’étiologie psychodynamique selon laquelle les difficultés psychopathologiques associées à cette population sont essentiellement liées au développement inadéquat du Moi. (2) L’émergence du behaviorisme amène aux premiers essais de traitement psychologique appliqués aux personnes avec DI qui, jusque-là, étaient considérées comme intraitables. Les premières études évaluant l’impact des thérapies comportementales sur le traitement de la psychopathologie chez les personnes avec DI ont donné des résultats intéressants qui ont également contribué au développement du domaine. (3) Ces deux mouvements amènent les chercheurs et les professionnels de la santé à s’intéresser à l’étiologie des troubles psychiatriques chez les personnes avec DI. Les modèles existants se focalisant sur la population générale sont adaptés aux spécificités découlant de la DI. Dans ce contexte, la théorie Biosociale de Matson (1985) a pour ambition d’appliquer la perspective bio-psycho- sociale à l’étude étiologique de la psychopathologie dans la DI. Ce travail aboutit à un modèle 3x3 qui appréhende la psychopathologie selon trois facteurs : bio-organique, social et psycho- développemental. Chacun des facteurs est composé de trois niveaux : étiologie, diagnostic et traitement. Etant surtout basé sur les études empiriques conduites auprès de la population générale, l’auteur conclut en soulignant la nécessité de développer cette théorie en s’appuyant sur des études conduites au sein de la population avec DI. De façon assez surprenante, cette théorie n’a pas connu de développement ultérieur ; toutefois plusieurs études que nous

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présenterons par la suite ont tendance à confirmer les hypothèses postulées dans le modèle de Matson. Les travaux plus récents se sont effectivement concentrés sur les spécificités de la manifestation psychopathologique chez les personnes avec DI plutôt que sur son étiologie.

2.2. Difficultés de détection et dans la démarche diagnostique

Selon Bouras (2013) les progrès plus importants de notre connaissance de la relation entre psychopathologie et DI ont eu lieu dans les domaines de l’évaluation, du diagnostic et de l’épidémiologie. L’auteur reconnait toutefois que la question controverse de la relation entre problèmes de comportement et troubles psychiatriques n’a pas encore trouvé de solution.

À notre avis, bien que, tout comme Bouras, nous reconnaissons les pas de géants qui ont été faits dans ce domaine, beaucoup d’autres questions ne sont toujours pas résolues de manière satisfaisante. En effet, les difficultés concernant la détection et le processus de diagnostic psychiatrique nous semblent particulièrement importantes et feront l’objet principal de ce sous-chapitre. Nous développerons ensuite d’autres éléments utiles à ce débat dans les sections dédiées à l’évaluation, aux taux de prévalence et à la relation entre troubles psychiatriques et problèmes de comportement.

Le travail de Sovner et Hurley (1986) est toujours une référence dans l’étude des spécificités de l’expression psychopathologique dans la population avec DI. Sovner (1986) décrit également plus spécifiquement les facteurs qui limitent l’application des critères du DSM-III pour le diagnostic des personnes avec DI. Ces auteurs utilisent le terme

« pathoplastique » en référence aux effets de distorsion de la personnalité et de l’intelligence sur la manifestation du trouble psychiatrique (cités par, Moss, 2001). Sovner et Hurley (1986) mettent en évidence quatre facteurs (les noms des facteurs ont été traduits de l’anglais en accord avec Tassé & Morin, 2003) :

Distorsion intellectuelle : les déficits de pensée abstraite et de capacité de communication limitent la capacité de la personne à traduire en mots les expériences vécues et de les décrire de façon exhaustive. Comme noté par Sovner (1986), la majorité des troubles de l’Axe I du DSM-III, mais cela reste vrai pour les versions suivantes du manuel, est caractérisée par l’importance des expériences subjectives vécues et rapportées par la personne. La distorsion intellectuelle est probablement le facteur plus lié à l’importance du déficit cognitif, i.e. plus le déficit sera important, plus le poids de ce facteur sera grand.

Cependant, même pour les personnes avec un déficit modéré, il reste très difficile de rapporter certaines expériences, comme par exemple les épisodes d’hallucinations.

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Masquage psychosocial : les personnes avec DI vivent des expériences de vie et d’interactions sociales moins riches que la population générale. Cet aspect peut avoir comme conséquence une présentation trop simpliste du trouble psychopathologique et donc le risque que celui-ci ne soit pas détecté. À l’inverse, cela peut aussi à amener à considérer comme psychopathologiques des comportements de « nervosité ou bêtise » (en utilisant les mots de Sovner, 1986) qui en réalité font partie intégrante de l’expression comportementale du DI. Un exemple de Menolascino (cité par Sovner 1986, p. 1057) illustre bien ce processus : « Quand une personne normale devient maniaque, elle croit être Dieu. Quand une personne avec retard mental devient maniaque, elle croit de ne pas avoir de retard ».

« Désintégration » cognitive : selon Sovner et Hurley (1986), le stress émotionnel provoque, chez les personnes avec DI, une désorganisation du traitement de l’information.

Même un niveau de stress considéré très faible peut amener à des comportements bizarres et de type psychotique qui peuvent être confondus avec la schizophrénie.

Exagération de la ligne de base : la présence d’un trouble psychiatrique peut exagérer (i.e.

augmenter la quantité et la fréquence) la sévérité des déficits cognitifs et des comportements inadaptés. Cela rend plus difficile l’interprétation des symptômes et des manifestations comportementales de la personne évaluée. Par exemple, suite à une dépression, une personne ayant un comportement agressif peut devenir plus agressive, mais aussi présenter un sommeil normal alors qu’elle avait toujours présenté des problèmes de sommeil. Cela montre l’importance d’évaluer le comportement de façon dynamique : l’accent doit être mis sur les changements dans le temps (Cooper, Melville,

& Einfeld, 2003).

Il est intéressant de noter que malgré que ces quatre facteurs aient été décrits il ya presque 30 ans, ils continuent d’être fréquemment cités dans la littérature. Cependant, d’autres facteurs rendant l’évaluation psychiatrique des personnes avec DI particulièrement difficile ont été mis en évidence. Un des éléments les plus cités est le masquage diagnostique, proposé par Reiss, Levitan et Szyszko (1982). Pour ces auteurs, le terme décrit la tendance de la DI à masquer la présence de problèmes psychopathologiques. Dans leur étude, ces auteurs ont proposé à trois groupes différents de psychologues d’évaluer une vignette clinique identique.

La vignette suggérait une réaction phobique aigüe précipitée par un événement traumatique.

Les groupes se différenciaient selon les informations reçues concernant Alfred, le

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protagoniste de la vignette. Pour le premier groupe (contrôle), Alfred avait un QI dans la moyenne et un parcours scolaire réussi. Le deuxième groupe recevait les mêmes informations, mais on y ajoutait qu’Alfred avait des problèmes sérieux de consommation d’alcool.

Finalement, pour le troisième groupe, Alfred avait un QI de 58 et avait suivi un parcours scolaire spécialisé. Les résultats de l’étude ont montré que la phobie était masquée par l’alcoolisme et la DI, avec des effets spécifiques de cette dernière. Reiss et ses collègues ont poursuivi leurs études mettant en évidence cet effet de masquage dû à la DI causant un sous- diagnostic de schizophrénie, de phobie et de troubles de la personnalité (Alford & Locke, 1984; Levitan & Reiss, 1983). Une revue des travaux qui ont étudié le masquage diagnostique a mis en évidence quelques limites méthodologiques de ces études (Jopp & Keys, 2001).

Cependant, et comme les auteurs de cette revue de littérature ont pu le conclure, l’ensemble des travaux montrent l’existence du phénomène de masquage diagnostique. En effet, même les études les plus récentes continuent de citer ce phénomène comme une cause de la difficulté à détecter des problèmes psychopathologiques chez les personnes avec DI (p. ex., Christensen, Baker, & Blacher, 2013).

L’observation et l’interview dans le processus d’évaluation psychiatrique présentent également des difficultés spécifiques. En effet, dans le processus d’observation il est nécessaire d’adapter l’interprétation du comportement à la personne avec DI. L’observation d’une personne qui parle à elle-même, par exemple, doit être interprétée avec prudence. Il est important d’observer plusieurs éléments : la place prise par la personne à l’intérieur de la conversation ; si la personne joue seulement son propre rôle ou si elle joue le rôle de différents acteurs qui prennent part à une conversation à part entière. Ces comportements sont souvent équivalents au fait de « penser à haute voix » plutôt que des conséquences d’éventuelles hallucinations (Mikkelsen, Charlot, & Langa, 2005). Si les capacités verbales de la personne évaluée le permettent, un entretien devrait systématiquement être proposé.

Cependant, plusieurs éléments doivent être pris en considération dans le cadre de l’entretien diagnostique, et notamment le fait que les personnes avec DI ont une tendance accrue à être suggestibles et qu’elles ont un degré d’attention limité. La suggestibilité amène la personne à être d’accord avec l’évaluateur, en raison d’une crainte liée aux conséquences négatives de l’interview et au fait que l’évaluateur puisse juger négativement ou divulguer les réponses.

Pour éviter ce biais, il est important, davantage que pour la population générale, de maximiser la confiance et le sens de sécurité de la personne avec DI lors de l’entretien. Les limites attentionnelles des personnes avec DI requièrent de l’évaluateur, plus que lors des entretiens

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avec les personnes à développement typique, qu’il récapitule très fréquemment afin de refocaliser l’attention sur le contenu de l’entretien et d’obtenir plus de détails sur un même sujet (Moss, 2001).

En conclusion, nous avons présenté, dans cette section, les causes principales de la difficulté de détection de problèmes psychopathologiques chez les personnes avec DI.

D’autres éléments auraient pu être évoqués, comme par exemple les facteurs développementaux ou les équivalents comportementaux. Nous mentionnerons d’ailleurs ces facteurs dans la section dédiée au cas illustratif de la dépression (Cf. section 2.5.). L’objectif de ce sous-chapitre était de mettre en évidence les raisons principales qui font que, d’une part, il est nécessaire d’adapter les critères diagnostiques afin de pouvoir les appliquer aux personnes avec DI, et que, d’autre part, l’évaluation de ces personnes requiert l’utilisation de plusieurs sources d’information. Parmi celles-ci, des informations importantes sur le comportement de la personne évaluée peuvent être recueillies grâce aux répondants, i.e. le plus souvent les membres de la famille ou le personnel socio-éducatif. Étant donné la place centrale de cette thématique dans le présent travail, nous dédierons un chapitre spécifique (Cf.

Chapitre 3) à la démarche de récolte d’information au moyen des répondants. La section suivante de ce travail sera par contre consacrée aux travaux portant sur l’adaptation des critères diagnostiques à la population avec DI.

2.3. Symptomatologie spécifique : les manuels diagnostiques

Comme il a été décrit dans la section précédente, par rapport à la population générale, le diagnostic psychiatrique chez la population avec DI soulève des difficultés spécifiques et supplémentaires. Ces difficultés font que les manuels de diagnostic psychiatrique destinés à la population générale ne sont pas adaptés à l’évaluation psychopathologique chez les personnes avec DI. Afin de répondre à cette problématique, plusieurs auteurs ont travaillé à l’adaptation des critères d’évaluation psychiatrique pour les personnes avec DI (Cantwell & Rutter, 1994;

Einfeld & Aman, 1995; Levitas & Silka, 2001; Rutter & Gould, 1985). Dans ce cadre, deux efforts majeurs méritent particulièrement d’être mentionnés. D’une part, au Royaume Unis, le Royal College of Psychiatrists a proposé un manuel diagnostic consacré à l’adaptation des critères de l’ICD-10 pour la population adulte avec DI. D’autre part, aux Etats-Unis, la National Association of Dually Diagnosed, en collaboration avec l’American Psychiatric Assotiation, a travaillé pour le même objectif en se basant sur les critères du DSM-IV-TR.

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Dans cette section, nous décrirons ces manuels et les quelques études qui ont évalué leur validité.

Le manuel diagnostique basé sur l’ICD-10

En 2001, le Royal College of Psychiatrists publie le manuel intitulé Diagnostic Criteria for Use with Adults with Learning Disabilities/Mental Retardation(DC-LD, Royal College of Psychiatrists, 2001) avec l’ambition d’établir des critères diagnostiques pour l’évaluation psychiatrique des adultes avec une DI de moyenne à profonde. Selon les auteurs du manuel, de tels critères favorisent la recherche dans le domaine en général et de trois éléments en particulier : la description de l’incidence et de la prévalence de psychopathologie, la comparaison des traitements et l’étude des facteurs de risque ou de protection. Ces éléments étaient particulièrement difficiles à étudier en raison des facteurs décrits dans la section précédente. Cependant, on peut souligner trois éléments supplémentaires rendant ce manuel particulièrement utile (Fletcher et al., 2009) : (1) le remplacement des items requérant une description verbale de la part des patients par des descriptions comportementales directement observables ; (2) l’élaboration d’instructions claires par rapport aux « troubles organiques » et aux phénotypes comportementaux ; (3) l’adaptation de la catégorisation pour faire face aux difficultés pathoplastiques.

Le processus de développement du manuel peut donc être résumé selon les étapes suivantes. Une recherche de littérature a permis d’étudier les spécificités symptomatologiques de la population étudiée. Cela a conduit à l’adaptation des critères diagnostic de l’ICD-10.

Ces critères ont ensuite été évalués au moyen d’une double approche basée sur les preuves empiriques et le consensus des experts du domaine. Cinquante-deux professionnels ont alors appliqué ces critères à 709 adultes avec double diagnostique. Il leur était demandé de donner, pour chaque participant, une description clinique approfondie et basée sur leur propre évaluation de la personne, une évaluation selon les critères du DC-LD, ainsi que un jugement global du manuel. Les résultats ont montré un taux d’accord très élevé (96 %) entre le diagnostic fait par les cliniciens et celui donné en suivant le DC-LD. Le manuel a finalement été peaufiné en suivant les recommandations recueillies pendant l’étude (Cooper et al., 2003).

Les spécificités structurelles du DC-LD peuvent être résumées en trois points : (1) l’outil a un caractère hiérarchique, (2) il intègre une description spécifique et structurée des problèmes de comportement (Axe III, niveau D) et (3) il ne comprend pas d’axes spécifiques dédiés aux facteurs biologiques et sociaux. Le premier de ces trois points mérite d’être

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présenté en détail. Le DC-LD est structuré selon trois axes. L’Axe I est dédié à l’évaluation du niveau de DI. L’Axe II est destiné à l’évaluation étiologique de la DI. Finalement, l’Axe III porte sur l’évaluation psychiatrique et est subdivisé en cinq niveaux : (A) Troubles du développement ; (B) Maladies psychiatriques ; (C) Troubles de la personnalité ; (D) Problèmes de comportement ; (E) Autres troubles. Le caractère hiérarchique du manuel consiste dans le fait que, quand on évalue un comportement, il faut passer les axes et les niveaux dans l’ordre. Ainsi, si un comportement est considéré comme intégrant du niveau de DI, l’évaluation de ce comportement s’arrêtera à l’Axe I. Si par contre, le comportement est considéré comme partie intégrante de l’étiologie de la DI (p.ex. manger excessivement pour une personne avec le Syndrome de Prader-Willi) l’évaluation s’arrêtera à l’Axe II. Il est intéressant de constater que, par conséquent, un problème de comportement est jugé comme tel seulement si celui-ci n’est pas attribuable à l’expression de la DI per se, de son étiologie ou d’un trouble psychiatrique s’ajoutant à la DI.

À notre connaissance, deux études ont évalué l’application du DC-LD. Felstrom, Mulryan, Reidy, Staines et Hillery (2005) ont testé l’application du manuel sur un échantillon de 94 adultes avec DI. Le but principal de cette étude était d’évaluer l’apport des trois spécificités du manuel citées précédemment, pour le processus diagnostique. Un premier résultat global a montré que, bien que le DC-LD ait apporté une grande contribution à l’adaptation des critères diagnostiques pour une population avec DI, des « barrières diagnostiques » restent à franchir. En effet, parmi les 94 diagnostics posés au Niveau B, 68 ont été classifiés dans des catégories résiduelles contre 26 dans des catégories spécifiques (p.ex. « Autres troubles psychotiques non-affectifs » versus « Épisode schizophrénique »).

Une deuxième critique portait sur le manque d’axes spécifiques pour les problèmes médicaux et psychosociaux. Ce manque amène, en effet, à des descriptions différentes pour chaque clinicien qui reporte ces informations à sa façon. La présence d’axes spécifiques pourrait aider à standardiser ces informations. La catégorisation structurée de problèmes de comportement est probablement l’aspect le plus intéressant parmi les trois spécificités du manuel. Cet aspect est en effet unique au DC-LD et très utile dans la pratique diagnostique ; l’étude de Felstrom et collègues a montré un taux de 70 % de personnes présentant au moins un comportement problématique. Cependant, la cause de ces comportements reste difficile à établir avec précision. Cela rend l’utilisation de la structure hiérarchique du manuel complexe. Cet aspect a également été mis en évidence plus récemment. Tully, Schirliu et Moran (2012) ont comparé l’utilisation des critères DC-LD avec des diagnostics classiques auprès d’adultes

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avec DI. Le DC-LD mettait en évidence moins de cas psychiatriques (18 cas, i.e. 36 % de cas en moins). Cependant, un taux très élevé de problèmes de comportement était reporté (86 % présentant au moins un problème de comportement). Le fait que 15 des 18 cas psychiatriques

« non confirmés » par le DC-LD présentaient des problèmes de comportement semblent suggérer que, auparavant, les problèmes de comportement étaient davantage considérés comme symptômes psychiatriques que comme comportements indépendants.

En conclusion, l’effort produit par le Royal College of Psychiatrists ne peut qu’être salué positivement. Cependant, et comme les auteurs du manuel l’ont fait remarquer, des études analysant la validité et la fiabilité des critères établis, de même que l’élaboration d’un questionnaire basé sur ces critères ainsi que l’évaluation de ses qualités psychométriques sont à encourager (Royal College of Psychiatrists, 2001).

Le manuel diagnostique basé sur le DSM-IV-TR

Avec la même ambition, le Diagnostic Manual – Intellectual Disability (DM-ID, Fletcher, Loschen, Stavrakaki, & First, 2007a; Fletcher, Loschen, Stavrakaki, & First, 2007b) a été élaboré par la National Association for the Dually Diagnosed, en collaboration avec l’American Psychiatric Association, afin d’adapter les critères diagnostiques du DSM-IV-TR aux enfants et adultes avec DI. Le DM-ID couvre l’ensemble des troubles décrits dans le DSM-IV-TR et les deux manuels gardent une structure presque identique. Les seules différences structurelles ont été apportées là où les troubles étaient particulièrement fréquents ou particulièrement sous-diagnostiqués dans la population avec DI (p.ex. le trouble obsessionnel compulsif). Chaque chapitre comprend quatre sections principales : (1) une présentation des critères diagnostiques s’appliquant à la population générale, (2) une revue de littérature concernant l’application de ces critères aux personnes avec DI, (3) une section dédiée aux aspects étiologiques, (4) des tableaux présentant l’adaptation des critères diagnostiques. Il est à noter que ces tableaux comprennent une distinction entre les critères à utiliser selon le niveau de la DI, i.e. niveaux léger et modéré versus sévère et profond. Comme le DC-LD, le DM-ID a été développé sur la base d’une double approche : le consensus entre experts et les résultats empiriques. La première approche a conduit à l’étude de Fletcher et collègues (2009), tandis que la deuxième a conduit à l’utilisation de la méthode Cochrane pour évaluer la littérature. Cette dernière a malheureusement mis en évidence que la littérature considérée était essentiellement composée d’études descriptives et de revues de littérature résumant les résultats de ce type d’études. L’évaluation du consensus entre experts a donné de bons résultats. L’étude comprenait 845 participants avec DI et 65 cliniciens provenant de 11

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