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DU MÊME AUTEUR. Droits de traduction, de reproduction et d adaptation réservés pour tous les pays.

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POPU-ROI

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DU MÊME AUTEUR

LA CONQUÊTE DU PAIN I. LE BOIS DU TEMPLIER PENDU, Edit. de France.

II. LES LURONS DE SABOLAS, Edit. de France.

III. CIEL DE SUIE, Edit. de France.

IV. LES DERNIERS BEAUX JOURS (en préparation).

ROMANS ET NOUVELLES LES MORTS LYRIQUES, (épuisé).

LE VITRIOL DE LUNE, Albin Michel.

LE MARTYRE DE L'OBÈSE, Albin Michel.

LAZARE, Albin Michel.

AU CAPUCIN GOURMAND, Albin Michel.

HISTOIRE ET POLITIQUE MON AMI ROBESPIERRE, Plon.

LE 14 JUILLET, Hachette.

PAVÉS ROUGES, Edit. de France.

TROIS ANS DE COLÈRE, Edit. de France.

FAUT-IL RÉDUIRE L'ANGLETERRE EN ESCLAVAGE? Edit. de France.

SOUVENIRS LA GERBE D'OR, Edit. de France.

CHOSES VUES LE FLANEUR SALARIÉ, Edit. de France.

CE QUE J'AI VU A MOSCOU, Edit. de France.

CE QUE J'AI VU A BERLIN, Edit. de France.

CE QUE J'AI VU A ROME, Edit. de France.

RENDEZ-VOUS EUROPÉENS, Edit. de France.

ÉMEUTES EN ESPAGNE, Edit. de France.

LE FEU QUI COUVE, Edit. de France.

VIENNE, CLEF DU MONDE, Edit. de France.

PLAN SENTIMENTAL DE PARIS (III. de Boullaire), Lapina.

POÉSIES JARDINS ÉVANOUIS, L'Art Libre.

LA BONNE TAVERNE, L'Art Libre.

CRITIQUE ET POLÉMIQUE FRANÇOIS VERNAY, PEINTRE LYONNAIS, L'Art Libre.

JACQUES MARTIN, L'Art Libre.

L'ÉCOLE MODERNE DE PEINTURE LYONNAISE, Basset.

L'HÉRITAGE DES SYMBOLISTES, Sansot.

LA CROISADE DES LONGUES FIGURES, Edit. du Siècle.

RETOURS A PIED, Impressions de théâtre, Edit. de France.

SOUVENIRS D'AVRIL (Parfum corse). Hors commerce, Edit. de France.

EN COLLABORATION

L'AFFAIRE LANDRU (avec André Salmon et Emm. Bourcier).

A paraître : QU'AS-TU FAIT DE TA JEUNESSE ? Souvenirs.

Droits de traduction, de reproduction et d adaptation réservés pour tous les pays.

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HENRI BERAUD

POPU-ROI

PARIS

LES ÉDITIONS DE FRANCE

20, AVENUE RAPP, V I I Copyright, 1938, by LES ÉDITIONS DE FRANCE.

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IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE : QUATRE EXEMPLAI- RES SUR PAPIER IMPÉRIAL DU JAPON, NUMÉROTÉS DE 1 A 4 ET DEUX EXEMPLAIRES MÊME PAPIER HORS COMMERCE, NUMÉROTÉS I ET II; SEPT EXEM- PLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE VAN GELDER NUMÉROTÉS DE 5 A 11 ET DEUX EXEMPLAIRES MÊME PAPIER HORS COMMERCE NUMÉROTÉS III ET IV ; CINQ EXEMPLAIRES SUR PAPIER VÉLIN PUR FIL LAFUMA, NUMÉROTÉS DE 12 A 16; CENT EXEM- PLAIRES SUR PAPIER ALFA NUMÉROTÉS DE 17 A 116 ET QUATRE-VINGT-CINQ EXEMPLAIRES MÊME PAPIER HORS COMMERCE NUMÉROTÉS DE V A LXXXIX CONSTITUANT PROPREMENT ET AUTHENTIQUEMENT

L'ÉDITION ORIGINALE.

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A MESSIEURS FLEUR, CHAMP-DE-ROSES, BOUCLIER-D'OR, HOMME-DE-GUERRE, LUXURIEUX, POCHE, ESQUIF, TONDEUR, CERF, LASCIF, ÉQUARRISSEUR, NAVIRE,

VERMIFUGE ET JULES-LE-BOCHE

QUE LES LECTEURS DU « POPULAIRE » CONNAISSENT SOUS LES NOMS DE

BLUM, ROSENFELD, GOLDSCHILD, HERMANN, KUNTZELMANN, TASCA, CAHEN, SCHERMANN,

HIRSCH, LIEBERMANN, KANTER, SCHIFF, WURMSER

ET JULIUS DEUTSCH

ON DÉDIE CES PAGES CONSACRÉES

A LEUR PUISSANCE ET A LEUR

GLOIRE

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I

UN AN CHEZ LES FOUS

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Le 5 juin 1936, Léon Blum fut proclamé roi de France. Un an plus tard, le 20 juin 1937, il imitait son cousin le roi d'Angleterre et per- dait son royaume. Il l'a retrouvé, l'a reperdu, et tout permet d'espérer que cette fois c'est pour de bon.

Entreprendre l'histoire de la monarchie du quai Bourbon serait sans doute prématuré.

Notre ambition, plus modeste, se borne à ras- sembler ici quelques souvenirs personnels sur ce temps de splendeur, trop heureux si notre témoignage sincère et désintéressé peut aider un jour à la tâche des véritables historiens.

Donc, le 21 juin 1937 et le 8 avril 1938, notre bien-aimé souverain le roi Blum, tom- bant à la renverse au pied du trône, montrait par deux fois à l'univers étonné comment on recoud les fonds de culotte dans sa famille.

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Deux si belles culbutes enchantèrent le pays. On les espérait sans trop y croire. En effet Sa Majesté se cramponnait à la rampe avec une énergie digne d'un meilleur sort.

Blum I n'envoyait pas dire à ses sujets fidèles que la fin de son règne engendrerait sans faute des émeutes et des tueries. Néanmoins on lui dit et lui redit de s'en aller. Il ramassa donc ses frusques, serra sa fameuse argenterie, et sans plus d'explications prit la poudre d'es- campette. Le peuple oublieux lui souhaite bon voyage.

C'était à vrai dire un drôle de sire, bien plus proche de Carnaval que d'Assuérus, et du père Ubu que du Roi-Soleil. Qui ne se le rappelle, assis sur son trône, la moustache molle, le binocle circonflexe, le diadème de traviole et balançant en guise de sceptre, entre Moch son chambellan et Jardillier son bouf- fon, un barreau de l'échelle de Jacob, entor- tillé dans un numéro du Popu?

Il avait commencé par jouer au roi malgré lui. Au moment de ceindre la couronne, on l'avait vu s'humilier, renâcler, se frapper la poitrine. Jusque dans l'écarlate splendeur du sacre, à Notre-Dame de Luna-Park, il gémis- sait qu'il ne se sentait point « la qualité d'un

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chef », et que jamais, au grand jamais, il n'avait manifesté le moindre désir de se voir où il était.

Quelques jours plus tard prononçant au Vél' d'Hiv' le discours de la Couronne, il par- lait un autre langage. Et le fils de Saint-Louis- en-l'Ile s'exprimait dans le style authentique des souverains :

— Nous tenons, disait-il, à déclarer que nous sommes prêt à remplir le rôle qui nous appartient. C'est-à-dire à constituer et à diri- ger le gouvernement...

Il dit, et sur l'heure il nomma ses ministres, composa sa cour, peupla sa maison. Puis quand, du Grand-Moutardier au Surintendant des Vélos à Moteur, chacun fut en place, il s'installa lui-même à l'hôtel Matignon.

C'est ici que l'histoire commence.

On n'apprendra rien à personne en disant que la première blumocratie fut un régime totalitaire. Elle l'était principalement en ce sens qu'à peine au pouvoir elle exigea la tota- lité des profits et des droits.

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Une belle foire d'empoigne! Qui ne se rap- pelle ces cabinets ministériels, dont le moins que l'on puisse dire est que la vieille noblesse bretonne y entrait pour une assez faible part?

Il en fut naturellement de même pour les moins grands et, de fil en aiguille, pour les plus menus.

Est-il besoin de rappeler que la troupe tout entière montrait le plus vigoureux appétit?

Principalement les chefs, les grands blumo- crates, qui, en guise de hors-d'œuvre au ban- quet de la victoire, mirent si lestement l'as- siette au beurre en tartines: offices, régences, missions, ambassades, tout y passa. Sur quoi l'on s'occupa de récompenser la foule sans nombre des obscurs et des sans grade. Cela, bien entendu, aux frais de l'adversaire, en vivant comme on dit sur les ressources du pays.

Voilà pour les profits.

Quant aux droits, ils les prirent tous.

Les troupes de Blum I avaient mené leur combat aux cris de: « Le pain, la paix, la liberté! »

La liberté? Nous allons voir ce qu'ils en ont fait. La paix? Ils l'ont promenée devant les mitrailleuses. Et quant aux pains, ils se sont

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contentés de les flanquer sur la figure d'au- trui.

Le tout au pas cadencé, le chapeau sur l'oreille, en chantant Tout va très bien madame la marquise, avec accompagnement de la planche à billets.

La mode est aux histoires de fous. C'est assez facile à comprendre, en un temps où nos maîtres travaillent si bien du chapeau.

Les amateurs de loufoqueries ne se plain- dront pas. Jamais gens au pouvoir ne les auront si vite et si bien servis. En cela comme en tout, les choses allèrent bon train, ne fût- ce que par la formation de cet inoubliable ministère, où messire Blum appelait à la ma- rine de Guerre un cabosseur de chaudrons, au Commerce un sous-fifre à tête de Gugusse, à la Justice, le seul Français qui fût censé igno- rer la loi; aux Postes un maestro de fanfare, à l'Agriculture un gaillard qui avait ruiné trois exploitations agricoles, et enfin, pour couron- ner l'équipe, à l'Education nationale — offert en exemple au pays de Bayard — un foireux déculotté, dont les titres se bornaient à s'être

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jadis torché le derrière au moyen des trois couleurs.

Ces divers gentilshommes s'étant mis au tra- vail, c'est-à-dire à parler tout seuls, à se pen- dre aux lustres et à marcher sur les mains, la porte aux extravagances se trouva grande ouverte, et Charenton n'eut plus qu'à couler dans les rues.

Sur l'heure, on transforma les usines en bals musettes, les chantiers de l'Exposition en bains de soleil, les vélodromes en écoles d'élo- quence, les caisses publiques en vieilles pas- soires, la T. S. F. en cours pour adultes, les agitateurs en soutiens de l'ordre, les gendar- mes en manifestants, les espions en diploma- tes, la fête nationale en pâque russe et les dynamiteurs catalans en professeurs de vertus civiques.

Cela, disons-nous, ne tarda guère. Il faut rendre aux vainqueurs de Juin-Juin cette jus- tice qu'ils ne nous firent pas attendre leurs bienfaits. Le jour même où prenant le pouvoir leur chef incarnait l'autorité, cent mille mé- tallos occupaient les usines. Cela se passait en France pour la première fois. Blum, sachant comment ailleurs ces choses avaient fini, essaya d'y mettre ordre. Il s'y prit à sa façon,

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l'œil humide et d'une voix de garçonnet mor- niflé.

A ces pleurnicheries, il fut répondu par d'hilares et hurlants cortèges, où les militants enivrés marchaient sur les pas de prolétaires aux mains d'archevêques, d'anarchistes à pré- bendes et d'anciens incendiaires promus con- servateurs de musées. Tout cela tendait le poing, menaçait de foutre le feu à la baraque et s'égosillait à crier Blumalaxion, en atten- dant de crier Blumopoto!

Cependant, pour corser les réjouissances et en guise de bal aux lampions, on prit l'habi.

tude d'écharper les récalcitrants. Car il s'en trouvait. Il y avait encore en France des tra- vailleurs qui se croyaient en droit de travail- ler, des citoyens qui ne se croyaient pas au régiment. On leur montra que les grives ne chantent pas comme les merles. Quelle mu- sique! En avant la chaussette à clous : M. le Régent de la Banque de France Jouhaux me- nait la danse, et M. le ministre d'Etat Paul Faure battait la mesure.

Et les métingues ! Fallait voir l'ambiance.

Des portraits hauts comme des gratte-ciel, des haut-parleurs à faire craquer le zénith, du rouge comme s'il en pleuvait ! Et je te file une

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brochure, et je te colle un insigne... On criait : Des canons pour l'Espagne ! tout en réclamant la suppression des crédits militaires, tandis que, bien alignés sur le chef des armées de terre et de mer, les membres du gouverne- ment chantaient L'Internationale au garde à vous, le petit doigt sur la couture du panta- lon...

On lançait des emprunts en criant gare aux poches ! Une multitude de cinglés sans camisoles ni gardiens expliquaient, dans cha- que bistrot, qu'il fallait d'abord ruiner les bourgeois, et ensuite les faire payer, tout comme les puissants du régime affirmaient que le plus sûr moyen de rendre au peuple le goût du travail était d'encourager les feignants.

Pendant ce temps, que faisaient nos très précieux modérés ? Ils se faisaient enfermer dans leurs bureaux et traiter bien poliment d'enfants de cochons. Après quoi, rassemblés par l'ami Bonnevesse serrant les fesses, et se lamentant au pied de ce fameux mur d'argent derrière lequel il ne se passe rien, ils reniaient à longs cris les Deux Cents Familles, juraient leurs grands dieux qu'ils n'étaient pour rien dans la résistance aux chambardeurs, que

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Thorez et Marty leur semblaient bien mignons, et qu'au bout du compte mieux vaut tendre les miches aux bottes de l'adversaire que ris- quer la bataille au milieu des siens.

Tandis que s'épanouissait ainsi notre fleur des pois, le gouvernement de la France ap- prouvait les brûleurs de curés espagnols et marchait la main dans la main avec les fusil- leurs moscovites. Tandis qu'Yvon Delbos, ho- chant un blair sans joie, collectionnait comme des timbres rares ses pactes oblitérés, Son Ex- cellence Paul Faure saluait dans l'inaugura- tion du pavillon italien une victoire antifas- ciste. Tandis que nous refusions un ambassa- seur au roi d'Italie, à Londres, Eden et Grandi faisaient des parties de golf arbitrées par von Ribbentropp.

Cependant la ministraille pérorait. Il n'était kiosque, édicule, vespasienne où chaque dimanche quelque meneur à maroquin n'ad- jurât au nom de la loi le populo de préparer les barricades. Et les bons bougres de crier : La police avec nous, en mimant de leurs poings tendus le geste enchanteur du passage à tabac.

Sans se faire prier, la police obtempérait sub- séquemment. Et ce fut la bagarre de Clichy : du sang, des morts.

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Les histoires de fous ne sont pas toutes co- miques...

Il en est d'odieuses.

N'avons-nous pas vu le métèque Blum de- venu maître en notre pays, et qui doit tout, absolument tout, à la tolérance française, jeter en prison un écrivain entre tous noble et res- pecté, non sans l'avoir fait menacer de mort par ses scribes 1 et traiter en malfaiteur par ses argousins ?

Quelle belle époque, et délicate, et géné- reuse et chevalesque !

On le put voir — affreusement — quand la France perdit Jean Mermoz. La veille même de sa mort, la bande au pouvoir ameutait con- tre le patriote ailé ses plus vils chacals d'écri- toire et de fonds secrets. Et, rêvant de passer

1. « Que sonne l'heure de la mobilisation et, avant de partir sur la route glorieuse de leur destinée, les mobi- lisés abattront MM. Béraud et Maurras comme des chiens. » (Le Populaire du 1 novembre 1935.)

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les menottes à l'archange, ils le traînaient en correctionnelle. Puis, quand sombra l'étoile du héros, ces hommes — oui, les mêmes — osè- rent dédier à ses mânes une hypocrite et déri- soire apothéose, où tout ce que Jean Mermoz méprisait vint roter le dithyrambe en reniflant ses faux sanglots.

C'est le mauvais tournant du règne, l'époque où Blum I devient frénétique. Il entre en transes. Le roi-dingo se transfigure en roi-pro- phète. Et méchant avec ça ! Se sent-il perdu ? On le croirait. Brûlant de rancune, pâlissant de rage, tortillant des lombes, il cherche à faire du mal. On dirait une femmelette qui va grif- fer. Voyez-le trépigner devant la foule et pos- tillonner le micro : entendez son grelot ma- cabre; regardez ses grands bras que déchaîne une fureur biblique, et qui brassent en longs moulinets la lie même de l'âme des foules.

A sa voix, la haine monte, car tant de dé- mence gagnant les foules c'est bien celle de Léon-la-Haine. C'est la sombre folie du chef qui exècre ses troupes, du roi qui vomit son

royaume, du roi qui confond le peuple avec la populace des détrousseurs de cadavres et des pilleurs de boutiques.

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Voici l'heure des hommes obscurs. Les brownings claquent. On tend des guets-apens.

On scie des échafaudages. Plus de cœur, plus de fierté, plus rien ! Un alcool funèbre saoule les moins mauvais. Des paroles affreuses rem- plissent le faubourg. Un soir, chez nous, en France, des gosses fanatisés lapident à mort un autre petit — un « fasciste assassin » de huit ans...

Cette fois le peuple, honteux et consterné, baisse la tête. On commence à comprendre.

Les cortèges grondent, ne chantent plus. Là- bas, Blum parle toujours, il insulte, provoque, menace et ricane. Mais c'est en silence que les poings se lèvent, sous les plis des drapeaux rouges, autour d'un grand rire de chèvre folle.

Or, un matin de printemps, à l'heure où le soleil blanchit le front des palais, le roi Blum, assis sur son trône et dominant les vaines agi- tations de la terre, mûrissait ses derniers desseins. Une rude voix le tira de sa médita- tion. Et cette voix disait :

— Ça va mal.

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A ces mots, prononcés avec l'accent de Tou- louse, il reconnut Auriol.

C'était à l'aube du 20 juin 1937, dernier jour du printemps, 380 du règne et fête de saint Alban, patron des huissiers, des pousse- culs et des porteurs de contraintes.

Le Grand Argentier, portant le grand livre et les clés de la caisse, attendit un instant, puis toussant pour affermir sa voix :

— Il nous reste vingt millions, dit-il.

Du coup, le roi se trouva sur ses pattes, et il eut un grand cri.

Vingt millions ! Etait-ce Jéhovah possible ! Après un an d'une politique financière aussi compétente que scrupuleuse, il restait à la France en raclant les tiroirs, un actif de vingt millions... Cinquante centimes pour chaque Français. Dix ronds par tête de pipe. Un peu moins de deux sous d'avant guerre !

— Tu veux rire, dit Blum.

Auriol n'en avait pas la moindre envie. Ho- chant sa grosse tête et secouant son trousseau de clés, il songeait amèrement aux milliards, à ses beaux milliards envolés. Car il en avait eu, des milliards, une bonne quarantaine qui, de juin à juin, faisaient plier sur ses essieux le voiturin à phynances ! Impôts sur le revenu,

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taxes sur le chiffre d'affaires, successions, mu- tations, valeurs mobilières, douanes, opéra- tions de Bourse, droit des pauvres, monopoles, enregistrement, timbres, alcool, carburants, sucres et tabacs tout avait donné, tout avait rendu ! Sans compter les deux emprunts, sans compter la dévaluation. L'avait-il assez fait suer, le burnous ! Que diable avait-il bien pu faire de tout cet argent ?...

— On en trouvera d'autre, dit Blum.

Auriol ouvrit un œil !

— Tu crois ?

— Va toujours ! La farce n'est pas termi- née, et les décrets-lois ne sont pas faits pour les chiens !...

On connaît la suite; comment le Sénat, ayant mis ses besicles et refait les additions, se hâta de boucler la caisse ; comment, en trois tours de cordon de monocle, le fringant Joseph Caillaux ficela le caissier; et comment enfin l'on dut appeler, par S.O.S. en steamer ultra- rapide un liquidateur réputé, qui débarquant de Washington, pouvait s'écrier à la manière

— ou peu s'en faut — du grand Pershing :

— La faillite nous voici !

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Là-dessus, bilan.

En briguant le sceptre, notre Blumonarque avait promis :

l'abrogation des décrets-lois — et il s'est brisé la voix à réclamer les pleins pouvoirs ;

la suppression des fonds secrets — et jamais la canaille de plume ne fut si copieu- sement arrosée ;

le désarmement unilatéral et la réduction des crédits militaires — et il a provoqué les Puissances, puis lancé un emprunt au béné- fice des marchands de canons;

la liberté de la presse — et, après avoir mis Charles Maurras en prison, il a tenté d'arra- cher au Parlement des lois scélérates contre nous ;

la baisse du coût de la vie — et il a porté de 470 à 688 l'indice des prix de détail, gre- vant ainsi de 40 % le budget des plus hum- bles citoyens;

le pain à bon marché — et il l'a porté de 1 fr. 60 à 2 fr. 80;

le maintien du franc, la lutte contre l'infla- tion — et il a fait deux inflations, porté la

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livre de 73 à 165 et réduit le franc à moins de deux sous...

Voilà le tableau. Admirez la belle ouvrage.

C'est du propre, c'est du joli !

Cependant on assure que notre Léon n'était pas encore satisfait. On lui parlait de notre détresse. Notre détresse ? La détresse de la France ? Quel sens ces mots peuvent-ils avoir pour ce destructeur errant ? Il trouvait, le cher homme, que l'inexpérience Blum n'avait pas assez duré. Il entendait mieux faire encore, et par exemple mettre à l'encan nos terres et nos meubles. Ce fut la brève histoire du second règne. Aux Pères Conscrits, qui osaient discuter les prérogatives royales, il glapit, tout bouillant, qu'il se chargeait de les mettre au pas. On le pria de se taire et de déguerpir. Et, soudain rafraîchi, le fol alla bien sagement accrocher sa couronne au vestiaire, en repre- nant son fameux galurin.

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L'enviable état de journaliste a ses tradi- tions, et l'une des plus sacrées nous prescrit de faire au terme de chaque année parlemen- taire ce qu'on appelle un « tour d'horizon ».

Cet exploit panoramique exige du jarret et du coup d'œil. On l'accomplit en grimpant sur le monceau d'argent que la munificence des directeurs de journaux prodigue à notre avi- dité bien connue. Du haut de ces sommets, en proie au vertige, jumelles en mains, on con- temple alors l'éternelle route où, une fois de plus, le Temps a fait virer son cortège de fléaux imprévus et de surprenantes calamités.

On dénombre les vains espoirs, les promesses menteuses, les trahisons de rigueur, les coups de théâtre politiques et les carnages militaires.

Après quoi l'on confectionne l'un de ces arti-

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L'Imprimerie Moderne, Montrouge.

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