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Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

© Messidor/Éditions sociales 1987

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Jean Gacon

1944-1958

Q U A T R I È M E R É P U B L I Q U E

Messidor/Éditions sociales

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Jean Gacon est mort le 16 mars 1987. Il était alors en train de préparer le manuscrit de cet ouvrage consacré à la quatrième République. Il s'agissait pour lui de refondre le texte qu'il rédigea, il y a quelques années, pour le septième volume de l'Histoire de la France contemporaine, publiée par les Éditions sociales, pour le compte du Livre Club Diderot.

La tâche par lui entreprise était achevée pour les deux tiers.

Seules restaient en chantier les pages consacrées à l'économie et à la société et celles consacrées à la période 1948-1958. Nous avons choisi de respecter au maximum le manuscrit laissé par Jean Gacon. Les chapitres portant sur l'économie et la société ont donc été abandonnés, dans la mesure où ils faisaient l'objet d'une refonte totale, que seul Jean Gacon eût pu conduire à sa mesure. La fin du manuscrit a été revue par Roger Martelli et Germaine Willard et partiellement modifiées en tenant compte des quelques indications rédigées par Jean Gacon lui-même, quelques jours avant sa mort.

Le texte qui suit est donc l'ultime témoignage d'un homme communiste, historien scrupuleux et militant intègre.

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L'expression consacrée « quatrième République » désigne le régime politique que la France a connu, durant un peu moins de quatorze ans, du 25 août 1944 au 1 juin 1958, de la libération de Paris à l'abdication des pouvoirs de cette république, au terme d'une lente, puis brutale, agonie.

Même si le régime est dit « provisoire », jusqu'à l'adoption de la Constitution, la période forme bien un tout, dans ses structures et son évolution.

La quatrième République a déjà suscité bien des commentaires passionnés sur le vif et bien des analyses critiques, plutôt contradictoires, dont témoigne une bibliographie abondante mais de très inégale valeur. La quatrième République fut-elle le

« temps des illusions » ou fut-elle la « mal-aimée » ? Doit-on la condamner ou la réhabiliter ?

En réalié, cette période courte mais dense est faite de profondes mutations économiques, d'intenses luttes sociales, de complexes joutes politiques qui méritent plus qu'une approche sentimentale ou qu'un tribunal partial. En l'embrassant dans sa totalité, avec un certain recul, tout en marquant clairement les étapes, nous pouvons maintenant essayer d'en écrire une histoire plus sereine et soucieuse d'une véritable appréhension scientifique.

La quatrième République, c'est, à ses débuts — avec l'héritage de la Résistance au premier rang de laquelle s'est illustré le PCF —, l'époque d'une reconstruction de la France, après la guerre, l'occupation et la trahison. Les enjeux progressistes sont immenses. Au travers de grandes batailles populaires pour la production, la démocratie et l'indépendance nationale, les objec- tifs rénovateurs que s'étaient donnés la Résistance sont en partie atteints.

Puis, assez vite, tout est remis en cause. A partir de la

« charnière » de 1947, s'opère une sorte de « restauration », à la fois des mécanismes de l'économie de profit et des grands mythes de l'idéologie libérale. En même temps, l'identité même

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de la France s'amoindrit sous l'hégémonie américaine et avec les débuts conjoints de la « Petite Europe ».

La place de la classe ouvrière et autres travailleurs dans la nation, leur rôle, sont remis en question tandis que l'éviction des ministres communistes du gouvernement, en mai 1947, et des regroupements politiques significatifs affaiblissent la démocratie représentative et les libertés fondamentales.

Ainsi, le règne d'une « troisième force » sociale-démocrate et centriste, la montée à droite du Rassemblement du peuple français (RPF), les menées colonialistes engendrant les « sales guerres », du Viêt-nam, puis d'Algérie, discréditent et minent les institutions.

D'autre part, de grands intérêts capitalistes ont besoin d'un système politique mieux adapté à leurs exigences. La « cinquième République » naîtra d'un tel besoin autant que de l'impuissance des politiciens de la « Quatrième » à résoudre les multiples problèmes auxquels ils sont affrontés.

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PREMIÈRE PARTIE

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De la Libération à la victoire

(août 1944-mai 1945)

1. Quel régime pour la France ?

La Libération de la France, au cours de l'été 1944, ne s'est pas automatiquement accompagnée de la création de la quatrième République. Comme on dit : les jeux n'étaient pas faits !

Les gouvernements anglais et surtout américains envisageaient en effet de placer la France « libérée » sous le contrôle de l'AMGOT (Administration militaire pour les territoires occupés), déjà mise en place en Afrique du Nord (après le débarquement de novembre 1942) puis en Italie. Un tel système leur aurait permis de s'appuyer sur un personnel français correspondant à leurs désirs et de peser durablement sur les choix politiques du peuple français.

Ces projets étaient attentivements suivis par l'« État français », qui pensait ainsi pouvoir se survivre ; ils n'étaient pas non plus sans échos dans certains cercles de la Résistance, effrayés par le rôle déterminant tenu par le Parti communiste dans la lutte contre l'occupant et la collaboration ; et ils paraissaient souhaita- bles dans bien des milieux du patronat et de la haute administra- tion. D'où une série d'intrigues nouées par les dirigeants vichystes avec l'aide d'émissaire américains et d'ex-parlementaires français.

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Mais ni le compromis Pétain-de Gaulle offert par le Maréchal, ni les tentatives de réssuciter la défunte « troisième République », ni l'AMGOT, n'aboutirent. La puissance de la Résistance, les aspirations nationales et démocratiques dont elle était porteuse, les condamnaient.

Par-delà les divergences et même les contradictions en son sein, la Résistance française, exprimant à coup sûr l'attente de l'immense majorité des Français, a su faire bloc au moment décisif pour écarter tous ces périls, en partie liés. Ce fut possible grâce à l'union à ce sujet de presque tous ses courants, à la promptitude de l'action de tous les patriotes, mais aussi à la fois au prestige national et international du général de Gaulle et à la stratégie du Parti communiste français, œuvrant avec réalisme pour la libération et pour un renouveau démocratique.

Le 31 août 1944, donc, naît officiellement la quatrième République. En effet, tandis que le gouvernement de Vichy ne poursuit plus, en Allemagne, à Sigmaringen, qu'une éphémère et fantomatique existence, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) présidé par de Gaulle, venu d'Alger où il incarnait la France combattante, s'installe dans la capitale libérée depuis six jours. L'adhésion massive du peuple français s'exprimait en un extraordinaire enthousiasme.

2. La liberté reconquise

« Une vague de joie, de fierté, d'espérance », ainsi de Gaulle lui-même qualifie-t-il la Libération, dès son discours de Chaillot, le 12 septembre. A Paris et en province, en effet, la Libération c'est d'abord une fête, une fête qui dure.

Sorties de leurs « maquis » les Forces françaises de l'intérieur (FFI) contrôlent de larges régions. Les Comités départementaux et locaux de libération semblent être les nouveaux pouvoirs de transition. Ils sont composés de gens « comme vous et moi » qui ont été résistants : instituteurs, ouvriers, agriculteurs, employés, médecins de quartier, etc. Les nouvelles autorités issues de la clandestinité ou venues d'Alger et de Londres achèvent de s'installer : commissaires de la République dans les grandes villes, préfigurant les « régions », supervisant les préfets, dans

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chaque chef-lieu de département. Pour l'instant, c'est l'euphorie et la loyale entente, pratiquement partout.

L'inexistence, dans les toutes premières semaines de la Libéra- tion, de cette centralisation rigoureuse qui caractérise les institu- tions administratives françaises pourrait donner à postériori l'impression d'un certain désordre. Les conditions mêmes de l'insurrection, les destructions dans les transports et les transmis- sions, isolent en effet les régions. L'administration, le passage des pouvoirs, les premières mesures, relèvent de la seule initiative des commissaires de la République, des préfets, des comités de libération.

Pourtant, nulle part de véritable problème de passation des pouvoirs. Les autorités civiles prévues dans la clandestinité sont installées sans heurt. Aucun incident majeur ne marque l'établissement de la nouvelle légalité provisoire. Point

« d'épreuve de force », ni à Marseille, ni à Toulouse, ni à Montpellier, ni à Limoges mais pendant des semaines, un véritable renversement des valeurs. La Libération, c'est le temps où l'on peut ne plus manifester de déférence obligée envers les hobereaux, les patrons, les tyranneaux de toute espèce. Cet irrespect pour les hiérarchies sociales fait trembler l'ordre social établi devant l'ordre issu de la Libération.

Seul véritable problème immédiat : l'épuration spontanée dans la foulée de la Libération. Recherche de victimes expiatoires et de responsables — ceux que l'on brûle en effigie et ceux que l'on a sous la main. L'explosion de joie s'accompagne d'explosions de fureur, car l'allégresse est mêlée d'angoisse et de tristesse : les prisonniers, les requis, les déportés sont toujours en Allemagne.

Combien de disparus, victimes de la répression : qui est mort, qui est déporté, qui est en prison ? Craintes accrues lorsque l'on découvre les réalités redoutées ou pressenties et brutalement révélées, les horreurs de la Gestapo et de la Milice : geôles immondes, caves et chambres de torture maculées du sang des suppliciés, charniers. La chasse aux collabos est l'expression spontanée d'une fureur populaire qui est l'une des formes de cette explosion née de l'accumulation de contraintes les années passées. Arrestations et emprisonnements de responsables ou de comparses, femmes accusées d'avoir couché avec des soldats ennemis, tondues, promenées nues dans les rues, couvertes d'injures : scènes qui se déroulent un peu partout. Suspects bousculés, parfois, dans des cas plus rares, torturés. Des exécutions sommaires de collaborateurs notoires, souvent de

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miliciens, collés au mur et fusillés, de trafiquants du marché noir, de dénonciateurs — parfois, aussi, des règlements de i compte individuels. Cette répression extrajudiciaire a fait environ S 20 000 victimes.

Les autorités nouvelles interviennent aussitôt en place, empê- chant les détentions arbitraires dans des lieux privés et les remplaçant par des internements administratifs, qui mettent les suspects à l'abri de la vindicte populaire. !

Dès fin août, fonctionnent des cours martiales et des tribunaux militaires qui rendent une justice rapide, mais en assurant un minimum de garanties à l'accusé. A partir du début octobre, ces tribunaux improvisés sont remplacés par des cours de justice, une par département, composées de magistrats, légalisées par ordonnances du GPRF.

3. De dures contraintes matérielles

Sur-le-champ, l'indicible joie de la Libération masque l'am- pleur des difficultés matérielles. Elles sont cependant très lourdes.

Aux pillages de la production et de l'appareil productif, poursui- vis pendant quatre ans, s'ajoutent en effet les destructions provoquées par les combats de 1944. Sans être tragique, la situation économique est très préoccupante.

On a pu estimer que, par rapport à 1938 (indice 100), la production industrielle était tombée en 1944 à l'indice 44. La France a perdu 21 % de ses locomotives, 65 % de ses wagons de marchandises, 70 % de ses péniches. Toutefois certaines industries de base (surtout grâce à l'action des patriotes armés) ont été préservées des destructions tentées par les nazis en déroute. Contrairement à 1918, les houillères sont presque intactes et la sidérurgie lourde a perdu moins de 10 % de son potentiel d'avant-guerre.

Les régions où les combats ont été limités et la retraite allemande rapide sont relativement épargnées. Mais les destruc- tions sont géographiquement beaucoup plus étendues qu'en 1918... Environ 600 000 installations industrielles sont anéanties, 114 500 partiellement hors service ; 60 % des machines-outils ont été transférées en Allemagne. Si les mines peuvent reprendre la production, les stocks de charbon sont inexistants.

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L'agriculture a souffert des pillages allemands (600 000 che- vaux ont disparu, dans un pays qui n'a pas encore connu la révolution des tracteurs), du manque de main-d'œuvre et du délabrement du matériel. La pénurie d'engrais a entraîné l'épuise- ment des sols et 1 400 000 hectares sont en friches. Plus de 200 000 exploitations sont endommagées dont 53 500 sont anéanties. La production agricole de 1945 n'atteindra guère que 50 % de celle de 1938. S'il n'est pas faux de dire qu'une partie de la paysannerie a moins souffert que la très grande majorité des citadins et s'est même parfois enrichie par le marché noir, on est loin de la légende selon laquelle les cultivateurs et éleveurs, dans leur ensemble, auraient empli leurs « lessiveuses » de billets.

Les profits du marché noir sont plus souvent allés à des intermédiaires et des stockeurs.

Il est impossible de rétablir rapidement les communications : 37 000 kilomètres de voies ferrées sont hors d'usage, le réseau n'est plus qu'un « vermicelle » discontinu ! De plus, 1 900 ouvrages d'art, 4 000 ponts routiers, 80 % des quais portuaires ont été détruits ou endommagés.

Si les pertes humaines ont été relativement peu élevées, comparativement à la Grande Guerre de 1914-1918, environ 600 000 tués de 1939 à 1945, il faut tenir compte, en 1944 et pour la suite, de l'absence d'environ 1 200 000 hommes, prisonniers, déportés et déportés du travail, qui rentreront souvent dans un état physique très déficient.

Il est impossible de revenir à un ravitaillement normal. Les cartes de rationnement sont maintenues et le marché noir continue à sévir. Or les salaires et traitements ont à peine doublé depuis 1940 tandis que les prix officiels ont triplé et que ceux du marché noir atteignent dix fois le niveau des prix correspondants en 1940. Dans les villes, grandes ou petites, la chasse aux vivres est toujours une préoccupation dominante. Les comités locaux de libération jouent un grand rôle pour pallier les inégalités, par exemple assurer l'approvisionnement des cantines scolaires, après la reprise des classes, en octobre 1944 ; ils font leur possible, aidés par les jeunes volontaires des « milices patriotiques » ou « gardes civiques », dont nous reparlerons, pour débusquer les trafiquants. Cependant, dès l'automne, les réactions de débrouillardise individuelle, alliées à un certain

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cynisme et à une pointe de mécontentement, existent et alourdis- sent le climat.

La situation financière de l'État est également très grave. Les Allemands ont extorqué, au-delà même des conditions d'armistice de 1940, 858 milliards de francs. La dette publique atteint, fin 1944, 1 800 milliards, quatre fois le chiffre de 1939. Les prévisions budgétaires, pour 1945, incluent un déficit à combler d'environ 200 milliards. L'emprunt dit « de la Libération », en novembre 1944, rapporte 164 milliards ; il est à 3 %, mais, par la suite, on aura du mal à en défendre le cours et la Caisse des dépôts devra en racheter une partie.

En dépit de cela, la France dispose de ressources. Le secteur énergétique est remis en service (sans que l'on puisse toutefois éviter que des coupures de courant ne soient opérées). La main- d'œuvre ne manque pas, puisqu'on compte 650 000 chômeurs.

De toute façon, il est impossible d'amorcer la reconstruction sans la participation volontaire des travailleurs. Pour cela, il faut lier étroitement le nécessaire effort de redémarrage — et les contraintes qu'il impose — à l'amélioration du sort des travail- leurs, au fur et à mesure que le décollage économique se produira.

Le redémarrage rapide apparaît ainsi comme un enjeu essentiel.

« Gagner la bataille de la production est aussi important que d'avoir gagné la bataille de la Libération », affirme Benoît Frachon, le 12 novembre 1944. Des résultats de cette bataille dépendent la possibilité de satisfaire les besoins, l'intensité de l'effort de guerre, la restauration des bases de l'économie

— exigences fondamentales de l'indépendance du pays. Ils condi- tionnent également le maintien de l'enthousiasme de la Libéra- tion. Aussi ce problème devient-il un point nodal dans la vie du pays, et, de ce fait, un révélateur des conflits internes de la société française.

4. Il faut « finir la guerre »

Lorsque, le 15 septembre, à Châtillon-sur-Seine, la division Leclerc, venant de Normandie et de Paris, fait sa jonction avec

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l'armée de Lattre de Tassigny, venant du Midi, la majeure partie du territoire est certes libérée, mais la Lorraine et l'Alsace demeurent partiellement occupée et l'inquiétude subsiste. Les fusées allemandes ultrasoniques V2 font des ravages sur Londres ; le sort de la guerre pourrait-il encore tourner ? Le 16 décembre, l'offensive Rundstedt dans les Ardennes met en péril tout le dispositif allié ; elle est complétée, le 1 janvier, par une attaque vers Strasbourg que des troupes françaises avaient libéré le 23 novembre. De Gaulle refuse d'évacuer la ville, malgré les injonctions du général Eisenhower, chef des armées alliées.

Le danger n'est conjuré que par une fulgurante action des armées soviétiques sur le front de l'Est, qui, sur l'insistance de Churchill, avancent au 12 janvier la date de leur offensive d'hiver. Et c'est la dernière alerte : en Belgique, Rundstedt, sans renforts, a perdu la bataille de Bastogne ; en Alsace, Colmar libéré, les troupes françaises passent le Rhin à la fin du mois de mars !...

Tout le territoire n'est pas libéré pour autant. Au cours de la bataille de la Libération, les nazis se sont en effet accrochés à certaines de leurs grandes bases maritimes, nids de sous-marins : Royan et La Rochelle, Saint-Nazaire et Lorient, Dunkerque.

Fronts oubliés, confiés aux FFI auxquels les Anglo-Américains, qui se désintéressent de ces secteurs secondaires, ne fournissent ni l'aide ni les armes nécessaires. Mis à part Royan, libéré avec l'île d'Oléron, sous le commandement du général de Larminat, les autres poches tiennent encore lors de la capitulation allemande, le 8 mai 1945 : La Rochelle, Lorient, Saint-Nazaire, Dunkerque, sont ainsi les dernières villes françaises libérées.

La contribution française la plus puissante possible à l'achève- ment de la défaite hitlérienne est une condition importante pour rétablir le poids international de la France, donc son indépendance. L'armée américaine est certes l'armée libératrice, mais elle n'en représente pas moins la présence d'une puissance étrangère sur le sol national. Les projets d'AMGOT ne sont pas si lointains, ni les réticences pour considérer le CFLN comme représentatif de la France. De Gaulle n'a pas oublié les avanies américaines, ce qui le conduit à refuser en février 1945 la rencontre que lui propose Roosevelt. La reconnaissance de jure du GPRF, le 23 octobre, par les États-Unis, la Grande-Bretagne,

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l'URSS, constitue un grand pas, résultat pour une grande part de l'ampleur prise par l'insurrection nationale, qui ôtait tout doute sur la représentativité réelle du GPRF.

Le traité franco-soviétique est une étape capitale : du 2 au 10 décembre 1944, une délégation française, dirigée par de Gaulle lui-même, est reçue à Moscou. Au terme des négociations, marquées par des entretiens entre le Général et Staline, un traité d'alliance est conclu, valable pour vingt ans et renouvelable sans limitation de durée, sauf dénonciation avant cette échéance. Les deux parties promettent de poursuivre la lutte jusqu'à la victoire finale ; elles s'engagent à prendre « toutes mesures nécessaires pour éliminer toute nouvelle menace provenant de l'Allemagne », à se porter aide et assistance en cas d'agression allemande conduisant à l'entrée en guerre de l'une des deux, à ne participer à aucune coalition dirigée contre l'une d'elles, à se prêter mutuellement assistance économique. Traité important : « La belle et bonne alliance », comme la qualifie alors de Gaulle, donne des garanties contre la renaissance de l'impérialisme allemand. Plus encore, elle montre la voie d'une collaboration internationale fondée sur des relations d'égal à égal entre États, quel que soit leur système économique, social et politique. Pour de Gaulle, la conclusion du traité franco-soviétique est aussi fondée en partie sur l'espoir de jouer un certain rôle d'arbitre entre les Alliés, en refusant de s'associer plus étroitement à l'un qu'à l'autre. C'est en tout cas un jalon sur la voie d'une politique extérieure — et donc intérieure — réellement indépendante.

Accueilli avec réserves par les Anglo-Américains, le traité franco- soviétique l'est chaleureusement par l'opinion française, où le prestige de l'URSS est alors très grand.

Acclamé par l'Assemblée consultative, le ministre des Affaires étrangères du GPRF, Georges Bidault, déclare, lors de la ratification : « Nous avons signé pour demain et pour toujours.

Nous ne voulons pas de bloc occidental. »

L'unité nationale reconstituée autour d'un vaste mouvement populaire, l'autorité réelle, de ce fait, du GPRF, la participation française à la guerre, le poids personnel du général de Gaulle, rendent possible l'intervention française dans le règlement du sort immédiat de l'Allemagne. Dès octobre 1944, la France siège à la Commission consultative européenne chargée d'élaborer les principes de la politique alliée en Allemagne. Les trois grands lui allouent une zone d'occupation prélevée sur les zones britannique et américaine et l'invitent à faire partie de la

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Commission de contrôle de Berlin, ce qui lui vaudra d'avoir une présence militaire dans l'ex-capitale du Reich.

La France, enfin, est présente à la capitulation allemande.

En avril 1945, les événements se sont précipités : les Alliés ont pénétré profondément en Allemagne, Soviétiques et Américains font jonction sur l'Elbe le 26 avril. Encerclé depuis le 25 avril, Berlin tombe le 2 mai. Vienne a été prise par l'Armée rouge le 13 avril. De leur côté, les troupes françaises de De Lattre ont profondément pénétré en Forêt-Noire et en Wurtemberg. Le 4 mai, Leclerc plante son drapeau à Berchtesgaden, le nid d'aigle d'Hitler. La capitulation sans conditions est signée le 8 mai, à Berlin, par Keitel, et, pour les Alliés, par Joukov — pour l'URSS —, Tedder — pour la Grande-Bretagne —, Spaatz

— pour les États-Unis —, le général de Lattre de Tassigny

— pour la France. Présence française qui marque une incontesta- ble restauration de son audience internationale.

5. La question de l'armée

La contribution française à la fin des opérations militaires alliées est relativement modeste : approximativement quinze divisions y participent. La France n'a pas organisé cette grande armée nationale dont les unités venues d'outre-mer — armée d'Afrique et FFL — et les FFI pouvaient être la base. Échec révélateur des tensions que le pays avait à affronter.

Nombre de cadres de l'armée ne cachent pas leur méfiance, voire leur mépris, pour les soldats sans uniforme. De Gaulle lui-même, au cours de la tournée triomphale qui le mène début septembre à Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Orléans, choque bien des FFI par sa hautaine distance à l'égard de ces combattants mal ficelés qui ne savent pas se mettre au garde-à-vous. Il humilie les officiers issus des FFI, chicane sur l'homologation de leurs grades. Le 26 août, il dissout les états-majors des FFI et décide l'intégration dans l'armée par engagements volontaires. Devant le tollé provoqué, il crée au ministère de la Guerre une éphémère « direction FFI » qui sera supprimée dès janvier 1945.

Les difficultés pour réaliser l'amalgame sont réelles. Pourtant tous les cadres de métier ne nourrissent pas d'hostilité à priori à

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l' égard des FFI, dont la participation à la Libération avait généralement surpris par son importance. L'ampleur du phéno- mène, si elle confortait certaines réactions de peur sociale, avait conduit aussi certains officiers d'activé à renoncer en partie à leurs préventions initiales à l'égard des formations de va-nu- pieds et à mesurer l'importance qu'elles pouvaient avoir pour la participation française à la victoire et pour la renaissance de l 'armée. Ainsi Leclerc procède, pour la 2e DB, à l'incorporation d'unités constituées, sans véritables frictions. Pour respecter les spécificités acquises par les FFI dans le combat clandestin en améliorant leur aptitude au combat classique, de Lattre constitue des unités de types régulier par rattachement de formations FFI (jusqu'au niveau du régiment).

Les quelque 110 000 F F I volontaires incorporés dans l'armée ne sont qu'imparfaitement utilisés. Pourtant leur participation à la fin de la campagne de France, à la campagne d'Alsace, puis à celle d'Allemagne, fut importante. Mais, à l'arrière, sous- équipés, mal instruits, ils demeurent souvent victimes de discrimi- nations. Les officiers d'activé acceptent mal la présence d'officiers de fraîche date, civils devenus militaires et ayant acquis des grades simplement au feu du combat clandestin ; si l'inflation des galons est réelle dans les rangs FFI, elle est réglée très souvent de façon bureaucratique, sans égards pour ceux qui s'étaient battus dans la clandestinité, alors que les couloirs des états-majors sont hantés de résistants de la vingt-cinquième heure et de « naphtalinards » qui n'avaient eu qu'à ressortir leur uniforme. Au moment de la victoire, bien des FFI sont amers.

La paix retrouvée, les mesures discriminatoires à l'égard de leurs officiers se développent encore. Confinés dans des tâches subalternes, nombre d'entre eux retourneront à la vie civile. Des 3 580 officiers FFI intégrés à l'armée en 1946, il n'en restera plus que 1 815 en 1947. Au total, il n'y a donc pas de véritable rénovation de l'armée.

6. Le climat politique

a) L 'organisation des p o u v o i r s de la République

De Gaulle, reçu à l'Hôtel de Ville, le 25 août, par le Conseil national de la Résistance (CNR) et par le Comité parisien de

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libération (CPL), répond sèchement à ceux qui le pressent de proclamer la République : « Celle-ci n'a jamais cessé d'exister. » Ainsi, certes, il suggère que l'État français de Vichy n'a été qu'un pouvoir de fait, et non de droit. Mais plus encore il établit sa propre légitimité et prend déjà ses distances à l'égard du CNR, organe représentatif de tous les courants de la Résistance, y compris les partis politiques. Le 28 août, il reçoit le CNR et lui déclare qu'il est entré dans l'histoire, qu'il n'a plus de raison d'être en tant qu'organe d'action, que c'est le gouvernement (GPRF) qu'il a choisi à Alger qui « assume la responsabilité entière ». Le programme du CNR, établi dans la clandestinité pour « l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale », ne saurait le lier et le contraindre.

C'est ainsi que le 31 août, l'installation du GPRF à Paris se fait dans un climat politique qui traduit déjà, par-delà l'apparente et en partie réelle unanimité nationale, des rapports de forces, des tensions internes qui iront se développant.

Le 9 septembre 1944, de Gaulle remanie le GPRF ; pour souligner la continuité avec la troisième République, par-delà la parenthèse de l'usurpation de Pétain, il se choisit un second symbolique, le « ministre d'État » Jules Jeanneney, qui fut président du Sénat de 1932 à 1940 !

Mais ce qui frappe davantage alors, c'est le nombre de personnalités issues de la Résistance qu'il nomme ministres en dépit du récent éclat vis-à-vis du CNR et peut-être plus encore la présence de deux communistes, quoique, déjà, Fernand Grenier et François Billoux aient été « commissaires », à Alger à partir du 4 avril 1944. François Billoux devient ministre de la Santé publique et Charles Tillon remplace Fernand Grenier au ministère de l'Air.

L'Assemblée consultative, créée à Alger dès le 17 septembre 1943, où partis politiques et mouvements de Résistance délèguent des représentants, non sans que, dans la pratique, ces choix ne soient soumis à l'assentiment personnel de De Gaulle, sera remaniée au mois d'octobre 1944. Elle n'a rien à voir avec le Parlement de 1940 ; elle compte 248 membres, dont 148 viennent de la Résistance intérieure. Durant un an, jusqu'à l'élection d'une assemblée issue du suffrage universel qui rétablit vraiment la souveraineté populaire, elle n'en constitue pas moins un certain contrepoids à l'exécutif, une caisse de résonance d'une relative importance, pour l'opinion publique...

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b) L e s comités de libération

Pour la plupart des résistants, les comités de libération n'ont pas terminé leur mission. Les CDL sont supposés avoir un rôle actif auprès de l'administration préfectorale, un peu comparable à celui des conseils généraux (en attendant le renouvellement de ceux-ci), mais plus étendu. N'est-ce pas là source possible d'extension de la démocratie à l'échelle départementale ?

L'activité des comités est certes inégale d'un département à l'autre ; beaucoup plus continue dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, de la région Rhône-Alpes, dans le Midi languedocien et provençal, que dans des régions plus traditionnel- lement modérées ; encore faudrait-il nuancer cette appréciation d'ensemble. Le fait essentiel est cependant que nombre de CDL interviennent, avec des commissions ad hoc, dans tous les domaines de la vie départementale : contrôle des prix, ravitaille- ment, redémarrage économique, lutte contre le marché noir et contre les bénéfices illicites ; aide sociale, secours aux réfugiés, aux sinistrés, aux familles des victimes de la répression ; examen de l'activité des municipalités vichystes et remplacement éventuel de conseillers municipaux ou de conseils entiers, en liaison avec la mise en place de comités locaux de libération — activité dont les résultats sont très différents d'un département à l'autre (1 464 conseils remplacés sur 1 875 dans le commissariat régional de la République à Montpellier, 11 sur 1 717 dans celui de Nancy) ; mise en place des comités départementaux d'épuration (et impulsion de comités locaux) destinés à opérer un premier tri parmi les suspects et à proposer le classement ou la ventilation de leurs dossiers en fonction de la gravité de leur cas.

Tâche importante et difficile, assumée par des hommes qui viennent presque tous de la Résistance active et organisée, ce qui explique la sous-représentation du monde rural (moins de 10 % de paysans dans les CDL) et des éléments « modérés » et

« de droite » de l'éventail politique classique : ceux-ci n'étaient majoritaires que dans 11 des 73 CDL dont la composition politique et sociale est connue. Les CDL apparaissent ainsi comme une pépinière de cadres nouveaux qui se mettent à la tâche avec dynamisme. Très souvent, les initiatives reviennent à ceux qui ont la plus forte expérience du militantisme et de l'organisation parmi les masses laborieuses : communistes, cégé- tistes ex-unitaires, résistants qui ont apprécié les objectifs et les

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moyens des précédents, et sont, pour l'essentiel, d'accord avec eux.

c) L e s f r u i t s d u C o m i t é général d ' é t u d e s

Parmi les nombreux organismes mis en place durant la clandestinité, le Comité général d'études (CGE) laisse une empreinte particulière dans la reconstruction administrative à la Libération, donc dans l'histoire de la quatrième République. Il avait été conçu comme une sorte de Conseil d'État provisoire et avait tenu, de façon irrégulière, des réunions à Paris ou dans des villes de province, de 1942 à 1944. Ce conseil de dix résistants

— mais aucun communiste ne fut appelé à y siéger —, composé en majorité de juristes, avait notamment pour tâche de sélection- ner les futurs commissaires de la République, préfets et secrétaires de ministères. Il opère certes en contact avec le CNR et le GPRF, mais on estime que les quatre cinquièmes des futurs commissaires et préfets furent choisis par Michel Debré et ses adjoints

— Alexandre Parodi, Émile Laffon et Francis Closon. Quant aux secrétaires de ministères, le CGE proposa d'abord plusieurs de ses membres ! Ainsi le CGE joua, en France même, le rôle d'un « relais des conceptions d'Alger ».

Quelles sont ces conceptions ? Retrancher, certes, des postes de haute responsabilité les collaborateurs avérés de l'ennemi allemand, les tenants de Pétain les plus compromis. Mais cela fait, et d'ailleurs de façon très restrictive, l'objectif est de choisir pour les postes à pourvoir des gens « techniquement compétents ». En fait, cet alibi permet d'écarter des hommes de valeur, novateurs, mais ne venant pas de la filière habituelle et du sérail.

Ainsi, en ce qui concerne la haute administration, ont été sélectionnés des hommes qui, par leur formation et leurs attaches, étaient déjà des « grands commis » ; pour l'administration locale, il a pareillement été prévu d'avoir recours presque uniquement à des membres du corps préfectoral ralliés, plus ou moins tardive- ment, à la Résistance ou à des personnes recommandées par des mouvements de Résistance non communistes. Rares sont les exceptions et leur nombre est sans commune mesure avec la place tenue par les communistes dans la Résistance, sous toutes ses formes.

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Au moment de la Libération, les recommandations du CGE ne sont certes pas toujours suivies. Il y a des compétitions et des discussions. Dans tel département, on compte jusqu'à trois candidats au poste de préfet : celui de la Résistance intérieure, celui d'Alger, celui que préfèrent les « libérateurs américains » ! Toutefois, dans l'ensemble, les orientations et les noms donnés par le CGE prévalent et c'est un fait qui pèse très lourd dans la reconstruction de l'appareil d'État.

Les membres du CGE se sont parfois, nous l'avons dit, nommés eux-mêmes aux directions de ministères. Les commissaires de la République viennent des « grands corps » ou sont issus des grandes écoles ; deux seulement font partie, sans être d'ailleurs communistes, de la grande organisation de Résistance née sous l'impulsion du PCF, le Front national : il s'agit de Jacques Bounin, à Montpellier, et d'Yves Farge, à Lyon.

La signification de ces choix a été perçue dès la clandestinité et donné lieu à des disputes parfois âpres jusqu'au sein même du CGE ou entre CGE et CNR ; elle est également ressentie, au moment même de la mise en œuvre de ces décisions, au fur et à mesure de l'installation des nouveaux pouvoirs. Cependant, elle deviendra encore plus claire, au fil des années, au cours de l'évolution de la quatrième République.

Ainsi, le choix des cadres chargés de veiller à la conservation des rapports sociaux existants, de maintenir l'emprise des classes dominantes sur l'État républicain et ses rouages a été très largement le fruit de l'action du « Comité général d'études ».

Comme le constatait en 1976, non sans quelque amertume, un gaulliste de vieille date, Léo Hamon, on a préféré les traditionnalistes aux rebelles, pourtant victorieux.

d) L e s reclassements politiques

L'effondrement lamentable de la troisième République, les convergences neuves réalisées dans l'action patriotique avaient développé chez certains résistants l'idée que les « vieux » clivages politiques étaient périmés : les mouvements de Résistance allaient se substituer aux partis traditionnels. La réalité sociologique

— la lutte des classes pour tout dire — devait rapidement démentir ces illusions.

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D'une part se multiplient les divisions parmi ceux qui étaient rassemblés dans le combat clandestin. D'autre part, les clivages de naguère s'avèrent moins périmés que certains l'affirmaient, car ils répondent à des données profondes de la société française : structures et sensibilités.

La Résistance paraît alors surtout cristalisée en deux organisa- tions. Le MLN (Mouvement de libération nationale) fédère depuis quelques mois les trois grands mouvements de zone sud déjà coordonnés dans les MUR (Mouvements unis de Résistance)

— combat, libération, franc-tireur — et quelques mouvements dispersés de zone nord. Ce regroupement est passablement hétérogène et ses mailles parfois distendues. Cependant l'in- fluence socialiste y apparaît relativement forte.

Le Front national, né à l'initiative du PCF, dès mai 1941, qui a été un large et puissant rassemblement des bonnes volontés, sans distinction d'opinions politiques et religieuses, et dont le rôle, à travers son organisation militaire, les FTP, et ses multiples ramifications, a été essentiel, veut demeurer fidèle à sa vocation originelle et impulser la renaissance française sans toutefois se substituer aux formations politiquse proprement dites et aux syndicats. Cependant, il cherche lui aussi à élargir son recrute- ment. Les deux organisations cherchent à développer leur influence et à recruter. Parallèlement la fusion des deux organisa- tions est envisagée au sein de l'une et l'autre. Elle est « dans l'air », durant le dernier trimestre de 1944. Le Front national propose une fusion avec comme objectif la nécessaire lutte en commun pour l'application du programme du CNR. Les échos sont favorables chez beaucoup de militants du MLN, en particu- lier dans la région parisienne, Lyon, Grenoble, le Languedoc.

Mais elle est combattue par Henry Fresnay, animateur de Combat, incontestable résistant mais de plus en plus anticom- muniste.

Il est appuyé par le socialiste André Philip et par l'écrivain André Malraux. Pour eux, le Front national est un simple appendice du PCF — ce que sa composition dément — et la fusiop aboutirait à une colonisation de toute la Résistance par les communistes. Au congrès du MLN, en janvier 1945, les deux tendances s'affrontent. Au congrès du FN, en février, on voit siéger côte à côte le gaulliste Debû-Bridel, le révérend père Carrière et Jacques Duclos ; l'écrivain catholique François Mau- riac est élu au comité directeur.

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Finalement, une partie du MLN devait rejoindre le FN pour former le MURF (Mouvement unitaire de la Résistance française) mais, de son côté, l'autre fraction allait fonder, avec divers mouvements particulièrement anticommunistes (notamment l'OCM-Organisation civile et militaire) l'UDSR (Union démocra- tique et socialiste de la Résistance) à la destinée sinueuse. Peu à peu, l'UDSR, d'ailleurs abandonnée par une partie de ses créateurs, devint un petit parti de centre gauche dont nous aurons, plus loin, à reparler.

La situation se complique encore en raison de la volonté de résistants catholiques de fonder une organisation qui leur soit propre ; d'aucuns pensent qu'il leur faut préserver leur originalité, mais d'autres songent davantage à gagner la clientèle des partis de l'ancienne droite, dont la disparition est frappante à cause de la participation ouverte de la quasi-totalité de leurs dirigeants au régime de Vichy.

Une tentative de relance du PSF (Parti social français, issu des Croix-de-Feu, l'une des ligues factieuses de 1934), avec ceux de ses membres ayant rompu à temps avec Pétain, ne peut aboutir. Seuls survivent la Fédération républicaine et l'Alliance démocratique grâce à l'action résistante de certains de leurs dirigeants (notamment Louis Marin). Mais un terrain reste à occuper.

D'autre part s'esquisse, avec le MRP (Mouvement républicain populaire), vite structuré en parti, un fort courant en faveur de formations catholiques, ouvertement confessionnelles, qui se développera à l'échelle européenne avec la bénédiction affichée du Saint-Siège. En effet, ce courant va se manifester aussi avec succès en Italie, Belgique, plus tard Allemagne.

En France, avant guerre, le Sillon, la Jeune République, le Parti démocrate-populaire n'avaient eu qu'une faible audience.

Cette fois l'implantation réussit dans les régions de forte pratique religieuse romaine et aussi dans la fraction de la classe ouvrière influencée par la CFTC, centrale syndicale chrétienne redevenue légale.

Créé en novembre 1944 par des résistants issus du Parti démocrate-populaire, tels Georges Bidault, président du CNR, puis ministre des Affaires étrangères, et François de Menthon, le MRP prend fortement racine. Certes, la hiérarchie catholique n'a guère été épurée : le gouvernement avait demandé le renouvel- lement de trente sièges épiscopaux, le pape ne remplace que trois évêques ! Mais, précisément, l'extension du MRP profite d'une

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équivoque : le parti est dirigé par des « gaullistes » et se dit même, un temps, « parti de la fidélité » ; cependant, dès les premières consultations électorales, il attire et accepte tous les suffrages de droite qui ne peuvent et ne veulent aller ailleurs.

Dans la classe ouvrière, chez les travailleurs, cet éparpillement des forces issues du combat contre l'occupant est mal compris et sévèrement jugé. C'est pourquoi un vent d'unité souffle à gauche.

A gauche, qu'en est-il du Parti radical et radical-socialiste, naguère encore si fortement et diversement implanté ? Il connaît une éclipse que beaucoup d'observateurs jugent, alors, à tort, être un déclin irrémédiable. La cause de cet effacement provisoire est double : il est assimilé à la troisième République défunte alors qu'existe une aspiration massive à faire du neuf ; il n'a joué aucun rôle, en tant que tel, dans la Résistance.

Pourtant, même si la majorité de ses parlementaires ont en 1940 voté les pleins pouvoirs à Pétain, puis ont fait preuve d'un vichysme durable, des individualités ont tenu une place éminente dans la lutte clandestine. C'est autour de ce noyau, Pierre Cot, Pierre Mendès France, Albert Bayet, que se reconstitue un petit parti qui reprend officiellement l'étiquette « radical et radical- socialiste » au congrès de décembre 1944.

Assez semblable, somme toute, est la situation à la SFIO, qui a aussi à se faire pardonner l'attitude de ses parlementaires à Vichy, le 10 juillet 1940: 88 sur 117 présents ont voté pour Pétain ! La présence d'un grand nombre de ses militants dans des mouvements de résistance a maintenu l'honneur et rétabli l'influence socialiste ; mais le parti SFIO lui-même a eu du mal à resurgir. Le congrès extraordinaire de reconstitution en prend acte, au mois de novembre 1944 : la perte de substance est criante, sauf peut-être dans le vieux bastion du Nord et du Pas- de-Calais où la Résistance « socialiste » a été précoce et où l'attachement d'une partie des ouvriers est patente.

Totalement différente est la situation du Parti communiste français. Toutes les sources préfectorales disent qu'il s'est facilement organisé en passant de la clandestinité au plein jour ; elles soulignent son dynamisme. Un grand courant d'adhésions

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au « parti des fusillés, le parti de la lutte sans merci contre l'ennemi et les traîtres » (tel est le libellé du bulletin rempli, alors par les adhérents) caractérise la période : 300 000 communistes en décembre 1944, 540 000 en juillet 1945.

Aux rassemblements qu'il organise se pressent des foules nombreuses et enthousiastes, jusque dans les campagnes où on assiste au développement de cellules rurales. Les rassemblements se terminent donc par des vagues d'adhésions. Les progrès sont particulièrement spectaculaires dans d'anciennes zones de force, mais aussi là où les combats, les maquis ont été importants ; ainsi se dessine une carte en partie inédite de l'implantation : aux banlieues rouges, aux paysans rouges s'ajoutent des gains dans tout l'Ouest et tout le Sud-Est...

Symboliques aussi sont les adhésions d'intellectuels prestigieux et de savants de renom. Pourquoi cette poussée si remarquable ? Elle a plusieurs raisons. Le PCF est le seul parti qui, comme tel, a vraiment participé à la Résistance et il y a payé un lourd tribut. A la veille de la guerre, il est déjà devenu un lieu d'expression reconnu, et d'action, pour les travailleurs et une force parlementaire. Or, il est désormais une formation, qui, s'étant illustrée dans les combats libérateurs et par ses martyrs, a acquis le prestige national et patriotique.

D'autre part, il n'en affirme pas moins sa spécificité de « parti révolutionnaire ». Et voilà que, dans la lutte contre l'envahisseur, mais aussi contre le fascisme, pour le salut commun, l'Union soviétique se montre l'élément décisif et devient de plus, le 10 décembre 1944, l'alliée privilégiée. Elle mérite admiration et gratitude. Telle est, en France, l'attitude de la grande majorité de l'opinion : l'essor de l'association d'amitié France-URSS, en est une preuve parmi beaucoup d'autres.

Or, le PCF a fait partie de l'Internationale communiste, dont le siège était Moscou. Même si celle-ci a été dissoute en 1943, le PCF donne l'URSS comme un exemple et la considère comme un guide, faisant de la fidélité à cette option « la pierre de touche de l'internationalisme prolétarien ». A l'époque, ce n'est pas, en France, un obstacle au recrutement, encore moins une tare, mais plutôt, comme on dit, « un plus. »

Le PCF répond enfin positivement à une ardente aspiration à l'union, à la réunification par-delà les scissions du passé, qui parcourt la classe ouvrière, qui se fait jour dans les réunions de la SFIO autant que dans les siennes, cette sollicitation de la base va d'abord trouver des échos favorables.

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