FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1896-1897 ft'o 15
ETUDE
SUR
ET LES POISONS DES FLÈCHES
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 20 Novembre 1896
Jacques-Franeois-Marie
LE DANTECNé à Ploujean (Finistère), le 14 Mars 1871
Elève du Service de Santé de la Marine
MM. LAYET. professeur.... Président.
Examinateurs de la Thèse
:5 rDl™S" pi'ofesseur-
I DEN1GES. agrege 1
( PACIION. agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diversesparties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI - PAUL GASSIUNOL
91 — RUE PORTE-D1JKAUX — 91 1896
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES . Dovea.
PROFESSEURS
Professeurs honoraires.
MM.
Physiologie JOLYET.
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Physique
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peutique générales.
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ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que
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Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie AIAL LT.
Pardélibération du5 août1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises dans les
Thèsesqui luisont présentées doiventêtre considérées commepropres
à leurs auteurs, et
qu'elle n'entend leurdonnerniapprobation niimprobation.
A MES MAITRES
DES ECOLES DU SERVICEDE SANTÉ DELA MARINE DE BREST ET DE BORDEAUX
A MES MAITRES
DE LA FACULTÉ ET DES HOPITAUX DE BORDEAUX
A MONSIEUR1LE DOCTEUR LE I)ANTEC
PROFESSEUR AORÉGÉ A LA FACULTÉ I)EMÉDECINE DEBORDEAUX PROFESSEUR A L* ÉCOLE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
MÉDECIN DE PREMIÈRECLASSE DE LA MARINE CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
A mon Président deThèse
MONSIEUR LE DOCTEUR LATET
MÉDECIN PRINCIPAL DE LA MARINE EN RETRAITE PROFESSEURD'HYCxIÈNE A LAFACULTÉ DE.MÉDECINEDE BORDEAUX CHEVALIER DE LALÉGION D'HONNEUR, OFFICIER DEl/INSTRUCTIONPUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DEMÉDECINE
INTRODUCTION
La rapidité de nos
études médicales
ne nous a paspermis
d'essayer de faireune œuvre originale, aussi, nous contentons-nousde présenter à la bienveillance de nos
juges
une revue d'ensemblesur unchapitre de pathologie exotique.C'est
sur lesconseils de M. le professeuragrégé Le Dantec que nous avons choisi pour sujet de notre thèse inaugurale :
VEtude
surles
armesempoisonnées et les poisons
des flèches.
On est étonné de ne trouver dans les traités classiques les plus récents et les plus complets aucune
mention
surla nature
et letraitement desplaies
empoisonnées
: «Nous laisserons de
côté, dit Reclus dans le Traité de chirurgie, les
blessures des
flèches imprégnées de
préparations dont le curîire est le mieux
connu, car nous n'observons pas ces
accidents dans notre
pays. »
Mémo silence dans les deux Dictionnaires de Jaccoud et de Dechambre, dans les divers
Traités
depathologie exotique
: Corre, Roux, De Brun. LeManuelde Nielly seul donne
uncourt
résumé dequelques travaux
déjà anciens mais
neparle
pasdu
tout du traitement.
Nous avons entrepris de
réunir
dans cetravail, tous les docu¬
ments sur les armes empoisonnées,
documents actuellement
épars dans lalittérature médicale et dans les récits de
voyage.Une tentative de ce genre a été faite en
Allemagne
parLewin
« Sur les flèches empoisonnées et les
poisons des flèches.
»{Clin,
méd.. Berlin 1894.)
- 12 —
Mais ce travail est loin d'être complet, il est muet sur les
armespréhistoriques, il ne parle en aucunefaçon dela question
si importanteaujourd'hui de la thérapeutique des plaies empoi¬
sonnées; enfin, il nefait aucune allusion aux travaux parus en France sur le même sujet. Nous avons cru utile de combler
toutes ces lacunes et nous nous sommes efforcé de mettre de la clarté dans un sujet composé d'éléments si disparates.
L'étudedes diverses variétés depoisons nous asuggéré l'idée
d'instituer de nouveaux traitements basés sur les dernières découvertes de làsérothérapie.
Notre seule ambition est d'avoirété utile à nos camarades de la marine et des colonies etnous serons largement récompensé
si nous avons atteintce but.
Avant denous séparer de nos officiers de l'Ecole et de nos
professeurs de laFaculté, nous ne dérogerons pas à cet usage, si agréable pour l'élève, de témoigner publiquement sa recon¬
naissance à tous sesMaîtres. M. le docteur Torel a droit parti¬
culièrement à notre profonde gratitude pour les bons conseils qu'ilnous a donnés comme professeur et pour les bons soins qu'ilnous aprodigués comme médecin.
Notre présidentde thèse, M.leprofesseur Layet, saitenquelle
haute estime le tiennent les élèves du service de santé de la marine qui regrettent tous que leur savant maître, appelé à
debrillantes destinées dans l'Université, ait été dans la nécessité d'abandonner un corps qui s'honore de l'avoir compté dans ses
rangs. Qu'il soit assuré de notre profonde reconnaissance pour l'honneur qu'il nous fait aujourd'hui en acceptant la présidence
de notre thèse inaugurale.
HISTORIQUE
A. Période
préhistorique.
— L'usagedes flèches empoison¬nées destinéesa la chasseet à la guerre remonte aux périodes
préhistoriques.
C'est du moins l'opinion de nos plus savantspaléontologistes
Lubbock et Geoffroy Saint-Hilaire. Cette opi¬nion est baséesur l'identité absolue qui existe entre les pointes, de flèches, javelots,lances,employées parnos ancêtres des der¬
nières périodespaléolithiques et celles employées de nos jours
parles sauvages.
C'esten 1858 que Is. Geoffroy Saint-Hilaire en présentant à l'Académie des Sciences, puis à la Société
d'Anthropologie,
des objets trouvésparM. Alfred Fontan dans la grotte inférieure de Massat, fit remarquer pour la première fois que plusieurs pointes de flèches étaient creusées de rainures vraisemblable¬mentdestinées à recevoir des substances vénéneuses. Sir John Lubbock émetla même opinion dans sonHomme
préhistorique.
Nous donnons clans notre travail plusieurs gravures où la similitudeest frappanteentre les flèches
préhistoriques
et les flè- -clies employées encore de nos jours par diverses peupladessauvages.
B. Epoque historique.—A l'époquedelà civilisationhindoue
nous voyons les armes empoisonnées employées journellement
dans les luttes et les combats des héros. Dans le Kamayana,
celte Iliade del'Inde, écritpar Yalmiki, nous voyons « Latchou- mana, le valeureux guerrier demeurer invincible, le corpspercé
de flèches empoisonnées avec le venin du cobra capello ». Plus
tard, Aristote rapporte que
l'armée d'Alexandre eut beaucoup à
souffrir, dans ce même pays,
des flèches empoisonnées des
soldats de Porus et deson frère. Les
bas-reliefs et les inscrip¬
tions qui nous
restent des Assyriens et des Egyptiens nous per¬
mettent de conclure qu'ils se
servaient également de
cesmêmes
armes. Le peuplejuif,
lui aussi, enduisait
sesflèches de poison,
nous voyons le fait
mentionné dans le texte sacré par Job
(Chapitre
VI), et
parDavid (Psalm. LXIIL.
Chez les Grecs nous trouvons un
grand nombre de documents
surla question des
flèches empoisonnées. Remarquons même
avant d'allerplus loin que
le mot
10;signifie à la fois flèche et
veninet que le mot toÇov
veut dire
arc,et toÇocov poison.
Pendant la période
héroïque, Pausanias, Elien
nousmontrent
Hercule blessant par
mégarde le centaure Ghiron, frappant
mortellement le centaureNessus avec des
flèches empoisonnées
lors de l'enlèvement de Déjanire.
Dans l'Iliade, c'est
avec unearme semblable que le troyen
Paris tue le bouillant Achille.
Dans l'Odyssée,
Homère parle d'un poison mortel pour
l'homme extrait d'une herbe servant
à tremper les flèches de
bronze. Illus, roi d'Ephire
(Corinthe),
enpossédait lesecret, mais
il ne voulut pas le confier
à Ulysse. Un
passagede Pline permet
aussi d'affirmerque ces
mêmes
armesn'étaient
pasinconnues
des Romains: «Nous empoisonnons
les flèches et rendons le fer
plus dangereux »
dit-il.
Les armes trouvées dans les ruines
laissées
parles Phéni¬
ciens, enAfrique et en
Asie Mineure, montrent également que
cette coutume fut en honneur chez eux.
Mais
cesont surtout
les Scythes
(dénomination générale
souslaquelle les Anciens
englobaient
toutes les peuplades des bords de la mer Noire),
qui
acquirent à
cepoint de
vueune fâcheuse réputation auprès
de leurs voisins. « Vulnera
Scythica
»,disaient les Latins de
toutemauvaise blessure. Cette
pratique d'empoisonner les traits
étaitgénérale
chez
cestribus et les poisons par eux employés
étaienttrès actifs. Mais sur la provenance
de
cespoisons les
Anciens ne sont pas d'accord.
Aristote les
accusede tremper
leurs flèches dans un mélange desanghumainputréfié, devenin et de fiel devipère.
D'après Paul d'Egine, les Daces et les Dalmates enduisent les dards avec ce qu'on appelle l'helenium et le nihon, substances très vénéneuses.
Les flèches de chasse et de guerredes Celtes, d'après Aristote,
étaient également empoisonnées. Ce' poison était très actif, si bien que les chasseurs excisaient immédiatement la partie
blessée afin que l'animal pût servir à l'alimentation. L'usage d'empoisonner les armes de jet existait également chez les Gaulois d'Europe et d'Asie (Galates). Ici encore les Anciens ne sont pas d'accord sur la nature despoisons employés. Pour les uns, c'était une substance végétale; pour les autres, c'était du venin de serpent. Les peuples de Germanie agissaient de même.
Selon Sulpice Alexander, cité par Grégoire de Tours, lorsque
les Francks de la Franchi (Franconie d'Outre-Rhin) eurent envahi et dévasté les deux Germanies cis Rhénanes et ensuite
repassé le Rhin, Quintilien, lieutenant de Maxime, s'avança dans leur pays au milieu des marécages. Les Francks se mon¬
trèrent en petit nombre, mais placés sur des troncs d'arbres entassés. De là, comme du haut de tours, ils lançaient, ainsi qu'auraient pu le faire des machines de guerre,des flèches trem¬
péesdans le suc d'herbes vénéneuses, en sorte que les blessures qu'ils firent, n'eussent-elles qu'effleuré la peau (summue cutis)
et même dans les régions où elles ne sont pas ordinairement mortelles, donnèrent une mort certaine.
Nous avons tenu à faire cette citation parce que certains auteurs, par une sorte de sentimentalisme exagéré, ont essayé
de prouver que nos ancêtres n'ontjamaiseu recours àces armes
déloyales, oubliant que tous les peuples se sont servis de ces mêmes moyens de défense à une certaine époque de leur évolu¬
tion. Même à l'époque mérovingienne, l'usage n'en était pas
complètement abandonné, ainsi que le prouve cet article de la loi salique :
« Celui qui auravoulu frapper autrui avec une flèche empoi¬
sonnée sera condamné à payer 2.500 deniers, qui font soixante- deux sous etdemi. »
— 16 -
En Allemagne, à la même époque, un
article de la loi des
Bajavars ou Bavarois, datée de 630, stipule, que «si quelqu'un
a répandu lesang d'autrui avec uneflèche empoisonnée il paie
une indemnité de 12sous. »
Non seulement lestribus franquesempoisonnent leurs
flèches,
maisencore leurs poignards. Le roi Sigebert,
assassiné
en573,
à Vitry, au milieu de son armée, fut
frappé
des deuxcôtés
par deux meurtriers envoyés par Frédégonde « -avec desgrands
couteaux vulgairement appelés scramasaxes,
enduits de poi¬
sons » dit Grégoire deTours. En Espagne, on
employait égale¬
ment lepoison pour les armes. Les Vandales,
peuple originaire
de la Germanie Septentrionale, mais qui vers le
milieu du
ve siècle vint se fixer en Mauritanie (Algérie et Maroc actuelle¬
ment) après-avoir parcouru la Germanie, la
Gaule, l'Espagne,
où ils laissèrent de nombreuses colonies, se servaient également
de flèches et de javelots empoisonnés, d'après Sidoine
Apolli¬
naire dans son panégyrique de Majorien. C'est en Espagne que l'usage des armes empoisonnées a le plus longtemps
persisté.
Alonzo Martinez, porte-arquebuse du roi Philippe III,
cite
un poison de flèche que fabriquaient encore de son tempsles
anciens Espagnols, avec des racines d'éllébore.
C. Période contemporaine. — Mais
dès l'apparition des
armes à feu, les flèches empoisonnées furent
abandonnées.
Dans les deux derniers siècles la même substitution s'est faite plus rapidement encore dans toutes les régions envahies par
la
race blanche. Les vaincus ont en effet abandonné leurs flèches pouradopter les armes à longue portée de leurs vainqueurs.
C'est ainsi que lestribus indiennes de l'Amérique du Nord ont
délaissé les flèches etl'arc, d'usage général il y a encore cent
anschez eux, pour le rifle du Canadien, de l'Anglo-Saxon, du
Mexicain. Dans l'Amérique du Sud le mêmefait se produit.
En
Asie, enAfrique, enMalaisie, la même substitution est en
train
desefaire sous nos yeux. Si bien que le domaine des armes empoisonnées se restreintdejour en jour et disparaîtra totale¬
mentsans aucun doute dans untemps plus ou moins
prochain.
Voyons rapidement quelles sont encore en ce moment les régions où se rencontrent les tribus faisant usage de ces armes.
Domaine
géographique des
armesempoisonnées.
Afrique. — Le continent noir dont la civilisation moderne n'a encore fait qu'entamer le littoral,est le pays par excellence des flèches empoisonnées. Tous les sauvages de l'intérieur en font usage, au dire des voyageurs. Les rapports des médecins de la marine et des colonies nous montrent ces armes d'un usage journalier dans le Soudan français, dans l'Hinterland du
Dahomey, du Lagos, des colonies de la Côte d'Ivoire et dela Côted'Or et les colonies allemandes du Cameroun.
Les médecins allemands de la côteorientale montrent que les tribus de ces contrées font également usage du poison pour leurs armes. Les Somalis duvoisinage d'Obock sont également
dans le mêmecas. Toutes les peuplades qui habitent les sources du Nil et larégiondes Grands Lacs connaissent et font usage des flèches empoisonnées.
Dans le Sud-Afrique, les Boschimans et les Hottentots emploient les mêmes armes à la chasse et à la guerre.
Asie. — En Asie, l'usage de ces armes est plus restreint, la civilisation y étant plus avancée. Il ne resteplus guère
que'quel-
ques tribussauvages de l'Himalaya, du Tliibet, des steppes de laSibérie (Kalmouks et
Tungouses),
des plateaux montagneuxdel'Indo-Chine (MoïsetMuongs),du Japon (deYeddo)qui se ser¬
vent denosjours de ces armes.
Océanie. — EnOcéanie, toutesles tribus sauvages de l'inté¬
rieur des iles de Bornéo, Java, Sumatra (Dayaks), des Philippi¬
ne Daotec
— 18 -
nés font usage de ces armes. Dans les îles encore peu connues de laPapouasieaux Nouvelles-Hébrides, aux îles Santa-Cruz, à l'archipel Salomon le poison sert encore pour les armes. En Australie eten Nouvelle-Zélande, cette coutume n'existe plus, toutes les tribusindigènes ayant été civilisées ou détruites au contact des blancs.
Amérique. — Dans l'Amérique du Nord, les armes empoi¬
sonnées ne sont plus guère employées de nosjours, pas plus
que dans l'Amérique centrale. Il n'en est pas de même pour
l'Amérique duSud. Toutes les peuplades sauvages des provinces
de l'intérieur du Brésil, celles de l'intérieur des Guyanes, de la Colombie, de la Nouvelle-Grenade, empoisonnent leurs flè¬
ches. Plus au sud, les Patagons auraient également la même habitude.
*
/
Description des
armesempoisonnées.
Lesarmes que l'hommea empoisonnées sont à peu près ex¬
clusivement des armes de trait. Les Indiens Choéoes, Cunas, Noanamas(Etat d'Antioquia, Nouvelle-Colombie, Amériquedu Sud), les Malais (Bornéo,Java, Sumatra, etc.) font seuls excep¬
tion à cette règle; ils empoisonnentleurs poignards.
La rareté de ce fait se conçoit, du reste. L'arme blanche est
une arme aveclaquelle on combat corps à corps et aveclaquelle
la moindre atteinte met l'adversaire, sinon à mort, du moins hors de combat. Dès l'origine de l'humanité, les peuples pri¬
mitifs ont dû rechercher de bonne heure à atteindre leur adver¬
saire, quece soit à la chasse ou à la guerre, à la plus grande- distance possible. Ils y sont arrivés d'abord avec les sagaies (sagitta, telum chez les Latins; a/.iç, ota-roç, toç, êéXoç (chez les Grecs), ensuiteavec des flèches. Mais la force depénétration de
cesdernières est très restreinte à une certainedistance, et l'ad¬
versaire blessé (homme ou animal) n'était pas un adversaire hors de combat. L'homme, toujours industrieux, a trouvé dans la nature des poisons variés qui lui ont permis de lutter à distance contre les animaux d'abord, contre son semblable en¬
suite.
Notre sujet ne traitantque des armes empoisonnées, nous ne décrirons que les armes de jet, c'est-à-dire flèches et sagaies ; nous dirons quelques mots seulement du kriss, arme spéciale
auxMalais.
Flèche. — D'unefaçongénérale la flèche se composede deux parties.
1° La pointe, qui est la partie
empoisonnée.
2° La hampe,qui supporte et dirige la pointe dans sa course.
Chez certaines peuplades on observe une partie
intermédiaire
réunissant les deux premières, le ligamentau clamp.
La partie importante de la
flèche
estla partie
effilée ou pointe.C'est cette partie qui porte le poison". Mais on peut dire qu'elle
varie de tribu àtribu, et souvent un petitdétail dans l'ornemen¬
tation suffit pour en indiquer la provenance. La forme la plus
communeest celle avec barbelures, on la rencontre surtous les continents. Un genre de pointe aussi très usité est la pointe aplatie aveccrochets
latéraux,
rappelant la pointe d'un hameçon.La substancedont est faite cettepartie de la flèche est également
très variable : bois dur (Amérique du Sud, Afrique centrale,
•Indo-Chine); fer (Afrique,
Amérique
du Nord, Indo-Cliine, Ma¬laisie) ; os
(Océanie, Sibérie)
pierre(Amérique
du Nord, Etats- Unis,Mexique; Amérique du Sud, Patagonie).La hampe est tou¬joursen boisléger,roseau ou bambou, ellepeut être empennée.
Le pennon, cependant, manque le plus souvent. Quand il existe,
il est constituépardesplumes, des poils oudes feuilles. Le liga¬
ment, qui sert à réunir la pointe à la hampe, peut être fait de fi¬
bres végétales, de tendonsd'animaux,etc. Mais dans la flèche la plus perfectionnéece ligament n'existe pasetlapointe, une fois
dans la plaie, y reste, se séparant de la hampe à la moin¬
dre traction (flèches des Indiens de l'Amérique du Sud). Le
même résultat est obtenu par lesNéo-Hébridaisavecleur pointe
en os pointu, très effilé, qui se brise dans la plaie, soitd'emblée,
soit au moindre mouvementintempestifdu blessé.
Les flèches sont de longueur variable: longues de70 à 75 cen¬
timètres dans les îles du Pacifique, de30 à 50 centimètres dans presque toutel'Afrique; elles n'excèdent guère 20 à 30 centimè¬
tres chez lesPabouins et lesPygmées de Mombouttou.C'est sur la pointe qu'est déposé le poison; le plus souvent elle enest complètement imprégnée. Quelques peuplades cependant, par
prudence, n'enduisent
pas sonextrémité acérée
pours'éviter
des blessuresqui, pour être faites par maladresse ou mégarde,
n'en seraient pas moins mortelles.Nous devrions passer sous silence les moyens de projection de la flèche comme n'intéres¬
sant pas directement notre sujet, nous croyons cependant utile d'en dire quelques mots à cause de certaines particularités que nous avonsrelevées. La flèche peut être lancée deplusieurs fa¬
çons au moyens de l'arc, de l'arbalète ou de la sarbacane. Cette dernière ne servantqu'àla chasse, nous n'en parlerons pas.
Arc. — L'arc est coupé le plus souvent dans un bois flexible et élastique (bambou, chêne). On le durcitet onl'incurve au feu.
Cependant certaines peuplades (Peaux-Rouges de la Guyane,
Baribas du Haut-Dahomey, etc.) font usaged'un bois très dur et peuflexible. Mais alors, la corde, au lieu d'être en fibres végé¬
tales, est faite au moyen de lanières découpées dans des peaux d'animaux. Ces lanières constituent une corde très extensible, suppléant ainsi à la rigidité de l'arc.
En Afrique, la longueur de l'arc nedépasseguère un mètre;en
Asie,enOcéanie, il peut atteindre lm" 50 et même plus. Pourpro¬
tégerle poignet contre les blessuresquepourraityfairele lien à
ladétente, la plupart des sauvages se servent d'un bracelet en cuir ouen fibres végétales tressées. Une forme d'arc assez rare et que l'on ne rencontre guère que chez les races négritos de l'Inde, del'Indo-Chine, la presqu'île de Malacca et les îles de la Sondeest l'arc enS, à deux branches inégales. Cette forme de l'arc nenuitnullement à sa solidité et à sa force et deplus évite
àl'archer l'usage du bracelet. L'arc est employé par presque toutes les races sauvages. L'arbalète est d'un usage beaucoup plus' restreint, on ne
la trouve guère
que chezTes
Pahouins (Gabon) et lesMuongs (Tonkin),
encoreserait-elle
employée parces tribus concurremmentavec l'arc.
L'arbalète n'est qu'un arcperfectionné. C'est un arc reposant
sur un fût en boiscreusé d'une rainure destinée à supporter la flèche. Sur ce même fût se trouve la détente que l'on fait partir
en appuyant le
doigt
surlagâchette.
Pour armer l'arbalète lessauvagesprocèdent de la façon suivante: ils maintiennent l'arme inclinée et appuyée contre la poitrine d'un côté, le sol de l'autre,
— 22 —
les orteils sont appliqués à la jonction de l'arc et du fût. La
corde est alors tendue avec les deux mains demeurées libres.
Les flèches lancées au moyen de cettearme sont plus grosses que celles qui sont lancées au moyen de l'arc. Elles sont inter¬
médiaires entre la vraieflèche et la sagaie.
Sagaie. — La sagaie n'est autre chose qu'une flèche très longue, elle a lm 20 plus rarement 2 et 4 mètres de long.
Elle se.compose également d'une pointe et d'une hampe. Les
sauvages qui s'en servent la lancent à la main nue ou munie d'une cordelette fixée aupetit doigt. Cette cordelette entoure la hampe dans un demi-nœud. Cette manière de faire a pour but
de donnerplus de force et de justesse à la sagaie. La portéede
cette arme est d'une vingtaine de pas, c'est-à-dire bien infé¬
rieure à celle de la flèche lancée par l'arcou l'arbalète.
Le docteur Manin, médecin de 2me classe des colonies, aurait
vu une flèche lancée à la distance de 100 à 120 mètres au moyen d'un arc, pénétrer d'environ 8 centimètres dans la fesse d'un soldat d'infanterie de marine à l'attaque de Bossi(Soudan). Les
docteurs Bové et Béréni assurent également que dans le Haut- Dahomey, les naturels font quelquefois des tirs plongeants et peuvent atteindrel'ennemi de cette façon jusqu'à la distance de
120 mètres.
Les naturels des îles A.ndaman, qui sont au bas de l'échelle
sociale au point devue de la civilisation, ne se serviraient de leurs flèches qu'àla distance de 40 à 50 mètres. L'arbalète n'a pas une portéesupérieure à celle de l'arc; mais elle l'emporte
par la précision du tir. La force de pénétration des flèches est quelquefois très grande. Nous avons vu plus hautquelle bles¬
suregrave pouvait encore faire une flèche à 100 mètres. Le doc¬
teurHarmand, ancien médecin de la marine, raconte avoir vu les Khâs, les Bolovens(Siam), à la distance de 15 à 20 mètres,
percer avec leur arbalète, armée d'une simpleflèche en bambou
sans fer, une planche de plus d'un centimètre d'épaisseur.' Kriss. — Le kriss n'est autre chose qu'un poignard assez sem¬
blable à nos sabres-baïonnettes et dont la lame, longue de 0m50, large de 0m05, est contournée en zig-zag. Cette arme,
appelée encore candjiar, canjare.se retrouve chez lesHindous de
lapéninsule du Gange, dans la presqu'île de Malacca, chez les
Malais deSumatra, Java etBornéo.
Le poignard des Indiens Noanamas, Gunas et Chocoes de la Nouvelle-Colombie est en fer, à lame étroite avec une ou
plusieurs cannelurespour déposer le poison; sa longueurest de
0m30 environ.
(1} Pointe de Flèche France (époque préhifctoriqué)-
(2) Pointe de Flèche Amérique-du Sud
(1) Emmanchée
Flèche de guerredel'Amériquedu
Sud (1-2) ont des pointes eu os d'animaux.—(3) enbois dur.
(4) Flèche de guerre duPacifiqur
Flèche du Soudan (pointe en fer en hameçon)
Flèche des Nouvalles-Héheldes.
(1) pointeen oshumainrecouverte de son enduit de terre végétale. — (2) partie de bois dur intermédiaire
entreleroseauouhampe et la pointe.
Mode defixation
du poison
surles armes.
Lepoison est
appliqué
surcesarmes de différentes façons par
les sauvages. Les uns
l'appliquent directement, c'est de cette
façon qu'il est
procédé
pourles poisons à consistance visqueuse;
les autres,indirectement,par
l'intermédiaire d'un enduit plus ou
moins gluant
qui sert de fixant. La première manière de faire,
de toutes la plus simple,
est aussi la plus généralement
suivie. C'est ainsi que
procédaient les peuples de l'ancienne
Europe,d'après
Homère, Lucain, Ovide. Ainsi font encore les
Indiens de l'Amérique du
Sud
avecle
curare,les noirs du
Soudan, lesindigènes
de l'Indo-Chine et de l'archipel malais. Les
uns trempant leurs
flèches, les autres les enduisant, selon la
consistance de la matière
toxique.
Mais il ne pouvait pas en
être ainsi pour les sauvage^ qui
emploient le
venin des serpents et la terre des marais. Ces deux
substances, une fois sèches,ne
seraient
pasrestées adhérentes à
l'arme.
Ilsont tourné ladifficulté en
recouvrant tout d'abord la flèche
d'un premier
enduit très gluant qui retient le second, solide¬
mentfixé
àlapointe.Voicf comment procéderaient les Néo-Hébri-
dais, d'après le
professeur agrégé Le Dantec. « On commence
par faire une
incision à l'arbre, appelé « Dot ». Cette incision
laisse échapper un suc
laiteux qu'on laisse prendre de la consis¬
tance sur l'arbre même.
On enduit la pointe de la flèche de
guerre,
c'est-à-dire l'os humain effilé (fragment de tibia ou de
péroné)
dece sucvisqueux à l'air. On enroule sur cet enduit un
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filen laissant un certain espace entre les spirales» Gela fait au moyen d'une écuelle de coco, on prend de l'humus au fond des
trous à crabes dans les marais à palétuviers, marais très
malsains qui bordent la côte. On plonge dans cet humus l'extré¬
mité de la flèche préparée. L'enlèvement de ce fil fait tomber quelques parcelles deterre et a probablementpourbut de pro¬
duire desaspérités à la surface de lapointe empoisonnée. » Toutes les tribus n'empoisonnent pas non plus les mêmes parties de la flèche. C'est toujours la pointe qui porte le poison, mais, tantôt elle en est enduite complètement, comme au
Soudan, auDahomey, au Gabon, dans le Sud-Afrique; en Amé-
que du Sud (tribus qui emploient le curare), en Indo-Chine,
dans l'archipel malais; tantôt on n'empoisonne que la base de la pointe. Les Somalis de la côte orientale d'Afrique agissent ainsi; les Indiens Noanamas, Cunas, Cliocoes de l'Amérique du Sud, qui se servent de venin, font de même: et cela, par pru¬
dence, pour s'éviterles accidents graves que pourraient leur
causer une piqûre faite avec ces armes par maladresse ou par
mégarde.
«
Classification des
poisons des
armes.Les sauvages ontempruntéleurs poisons au règne végétal, au
règne animal ou à la terre. Les poisons, tirés du règne végétal,
sont de beaucoup les plusnombreux. Cela se conçoittrès faci¬
lement, carils se préparent avec la moindre somme de travail et de danger. Il n'en est pas de même pour les poisons extraits
du règne animal : venin de serpents, de rainettes ou de geckos.
Ici, il faut découvrir, poursuivre, atteindre l'animal, le tuer ou le mettre liors d'état de nuire pour avoir le poison qu'il sécrète.
Opérationqui est loin d'être sans fatigue et sans danger. Aussi
netrouve-t-on le venin employécommepoison quedans lespays arides ou pauvres en végétation toxique(Afrique du Sud, désert
de Kalahari, Amérique, Andes,
État
d'Antioquia).Quant aux virus d'origine tellurique ou cadavérique ils sont d'un usage encore plus restreint. Ici, comme précédemment, la nécessité a fait loi. L'usagede la terre tétanigène des marais
pour empoisonnerles flèches est en effet restreint à quelques petits groupes d'îlesdu Pacifique. Sur ces petits îlots, pas d'ani¬
maux venimeux, pasde plantes bien vénéneuses; en revanche,
sur le bord de la mer, des marais à palétuviers excessivement
malsains. L'indigène a donc pris ce que la nature lui offrait, après avoir appris probablement par expérience personnelle
la propriété redoutable de ce soi fangeux. Dans lespaysfroids
et déserts de l'Amérique du Nord et de l'Asie, les indigènes ont
eurecours au viruscadavérique pour la même raison.
Les poisons, tirés du règne végétal, étant surtout très nom¬
breux, nous sortirions du cadre de notre étude si nous entre¬
prenions de décrire, pour chaque poison, son origine, sa prépa¬
ration, ses effets sur l'organisme. Nous ferons donc une classi-
— 28 —
fication despoisons employés de nos jours pour
empoisonner
les armes de guerre ou de chasse; et nous nous
contenterons de
décrire ensuite les plus usités.
Plusieurs classifications ont été proposées. Nielly, dans son Manuel de Pathologie exotique, classeles poisons des
flèches
d'aprèsleur origine végétale on animale. Ildécrit
ensuite lesdivers poisons employés parcontinent en mentionnant
très
suc¬cinctement leur action sur l'organisme. Cette classification que suit également le docteur Chauvet dans sa thèse sur les
flèches
empoisonnées de l'Indo-Chine, estincomplète carellenefaitpas mention des poisons d'origine tellurique et cadavérique. L.Lewin, dans son Etudesur les flèches empoisonnées et
le
poi¬sondesflèches, adopte une classification différente toute phy¬
siologique. Il divise ces poisons en : 1° Poisons irritants;
2° Poisons de la respiration; 3° Poisonsdu cœur;
4° Poisons convulsivants; 5°Poisons paralysants.
Dans cette classification, Lewin netient aucun compte de la
notion d'origine. Ainsi la terre des marais, qui donne letétanos,
est placéedans lacatégoriedes poisons convulsivants à côté du Bishi, poison de l'Himalaya, extraitde l'aconitqui estégalement
unconvulsivant d'un tout autre ordre. Pournous,dans le tableau synoptique des poisons de flèches que nous donnons plus bas'
nous les diviserons en alcaloïdes, venins et virus. Puis comme
parmi les venins et les alcaloïdes tous n'agissent pas de la
mêmefaçon, nous adopterons les subdivisions physiologiques
de Lewin, qui nous permettront de nous rendre compte de leur
action surl'organisme.
"
Pour les virus qui agissent sur l'homme en lui donnant des
maladies générales, septicémies diverses et tétanos, nous les
sous-classerons d'après leur origine cadavérique ou tellurique.
Cette classification trouvera également sa justification dans le
traitement qui variera selon quel'on aura affaire à des alcaloï¬
des, à des venins ou à des virus.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES POISONS DES FLÈCHES
Aroïdées Caladium seguinum
VENINS
VIRUS
Arumvenenatum.
Asclépiadées ^ Arumcalotropis..
Arum procera....
Poisons irritants.
Euphorbiacées
Euphorbia tirucalli Euphorbia cereiformis.
Euphorbia virosa Euphorbia arborescens Euphorbiacandelabrum
Poisonsde la respiration. Renonculacées
Aconita ferox.
Hellebore
ALCALOÏDES..
Ulmacées-Moracéf.s. Antiaris toxioaria
Acocantheras Schimperii.
Acocautheras Dehersii...
Acocantheras ouabaïo . ..
Poisons du cœur.
Apocynées
Strophantus hispi'dus Strophantuslanosus.
Strophantusglaber..
'
Adenium bsehmianum....
Erythrophlœum judiciale.
\ Tanginiavenenosum Poisons convulsivants. Apocynées
Poisons paralysants Apocynées
Strychnostieute Hemanthus toxiearius . Strychnoscastelnœana.
Strychnos crevauxiana.
Strychnos toxifera
Poisons irritants.
Poisons convulsivants.
Poisons paralysants
Poisons respiratoires
Poisons cardiaques
Substances caustiques retirées par écrasement ducorps de diversesinsectes, par exemple, Fourmis
Suc extrait par écrasement du corps de la larve du Diampliidiasimplex (Pering). Boschimans
Veninsqui s'exsudent de la peau d'une sortederainette (Phyllobates melanorhinus) parexposition aufeu.. .
D'après Calmette, venins de serpents (Cobr.a capello).
Noirs du désert deKalahari
Afrique.
Afrique.
Asie.
Sud-Afrique.
Sources du Nil.
Himalaya. Japon.
Au'trel'oisGaulois,Germains
Ibères.
Upas Antiar. — Archipel
Malais. Indo-Chine.
Afrique N.-E. etE. Somalis.
Soudan. Hinterland du Da¬
homey.
Est africain.SurleZambèze Gabon. Congobelge. Colo¬
niesportugaisesjusqu'au Gap.
Sud-OuestAfrique.
Pygmées de Mombouttou.
Madagascar.
Archipel Malais.
Sud-Africain.
Curare.—Amérique du Sud.
Bassins de l'Orénoque et de l'Amazone.
Afrique-Sud.
Afrique.
Amérique du Sud, Etat d'Antioquia, Indiens Noa-
namas,Cuna.s,Chocoes.
Afrique du Sud.
D'origine cadavérique.
D'origine tellurique
Dans cette classe rentrerait, d'après Phisalix et Ber¬
trand, Viaud-Grand-Marais, le venin de vipères (Scythes, Boschimans, Cafres, Hottentots) et aussi
celui deserpent
Suc des cadavres d'animaux en putréfaction. Indiens, Koniagos, Tungouses
Terre des Marais. Indigènes des Nouvelles-Hébrides, Archipel Salomon
Afriquedu Sud.
Amériquedu Nord.
Sibérie.
Océanie.
Etude de
quelques poisons des flèches
Nous allons étudier maintenant les plus usitées de ces diver¬
sespréparations. Nouscommencerons par l'étude du strophan- tus, employé dans tout l'intérieur de l'Afrique du lac Tchad à
l'Herrero.
I. POISONDES-FLÈCHES D'AFRIQUE DU LAC TCHAD A L'HERRERO
(Gabon, Soudan, Haut-Dahomey, Somalis.)
La préparation dece poisonest aussi simple que rapide. Voici
comment procéderaient les Pahouins d'après Méry (1866) : « On prend deux pierres aussi polies que possible, puisentre cesdeux pierres on écrase la graine de façon àobtenir une sorte de pâte
à laquelleon ajoute un peu de salive, peut-être de la graisse.
Quand la pâte estprête... on en imprègne alors les flèches. Le Pahouin prend sa flèche et avec l'extrémitépointue il saisit une
petite quantité de pâte. Pour en imprégner cette extrémité, il colle sur sa cuissenue une feuilleverte, puis par unmouvement de rotation très lentd'abord, il étale lapâte sursafeuill :; saisis¬
sant ensuite la flèche entre la paume des deux mrms, il lui imprime un mouvement rotatoire de plus en plus rapide, de façon à ce que laflèche s'imprègne du poison dans une étendue dequelques centimètres. Ce dernier mouvement est effrayant,
car la moindrepiqûre ne laisserait aucun espoir de guérison.»
Au Soudan on n'a pas, du moins que nous le sachions, pu saisir les indigènes sur le vif, fabriquantleursflèches. S'ilfauten croire le docteur Collomb,médecin principal des colonies, la préparation serait différente du moins pour les Bambaras.Ceux ci, d'après lui, prépareraient avec les graines de la plante un extrait aqueux. Ils yajouteraient souvent le fruit d'une autre plante, probablementd'une euphorbe qu'ils refuseraientdéfaire connaître.
Dans le Haut-Dahomey, d'après un travail encore inédit de MM. LeDantec, Boyé et Béréni, les indigènes se servent pour
empoisonnerleurs flèches d'un extraitaqueux de deux variétés de strophantus qu'ils appellent strophantus Bariba et strophan¬
tusSchabé.
Le strophantus est un tétanisant du muscle cardiaque et amène l'arrêt du cœur en systole. C'est du moins ce qu'ont démontré les expériences de Pélikan, Polaillon et Carville, Vulpian, Legros, Paul Bert, Dujardin-Beaumetz, Lépine, Ferré
etBusquet.
MM. Polaillon et Carville se sontservis pourleurs expériences
d'une solution d'extraitalcoolique d'Inée préparée avec les grai¬
nes. Leur expérimentation a porté sur des grenouilles, des oiseaux, des chiens, elle a montré que chez tous ces animaux les battements du cœurdiminuent d'abord, puis deviennent irré¬
guliers, pour cesser au bout de quelques temps, avant la mort.
L'autopsie faiteimmédiatement après la mort, montre le cœur
immobile, le sang noir, le ventricule revenu sur lui-même en
systole.
MM. Ferré, professeur àla Faculté de médecine de Bordeaux,
et Busquet, aide-major de lre classe de l'armée, ont expéri¬
menté directement avec le poison des flèches provenant des peuplades sauvages du Segou dans le Soudan français; aussi leurs expériences sont-elles plus intéressantes. Elles ont porté
sur un grand nombred'animaux également, les uns à sang froid (grenouilles, escargots), les autresàsangchaud (chèvres, lapins rats, poules). Tous se sont montré, comme dans les expériences
de MM. Polaillon etCarville, très sensible à l'action du poison