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Article pp.7-11 du Vol.23 n°1 (2013)

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La décision territoriale a deux caractéristiques importantes. La première est la place particulière que prend l’information spatiale dans le processus décisionnel.

Cette spatialité, en grande partie prise en charge par les outils géomatiques, a pour conséquence essentielle qu’une action ou un impact situé à un endroit est toujours plus ou moins lié à une action ou un impact situé ailleurs. Ainsi, la première loi de la géographie de Tobler (1970, p. 236) : « Everything is related to everything else, but nearthings are more related than distant things » doit ou peut avoir une influence sur le processus décisionnel lorsque celle-ci est territoriale.

La seconde caractéristique est empirique, elle résulte du constat que la décision territoriale est souvent conflictuelle (Schively, 2007). On observe ainsi que décider sur le territoire implique généralement la conciliation d’une multitude d’enjeux très divers, portés par des acteurs qui véhiculent des visions particulières ou ciblées de ces différents enjeux. Il s’agirait donc pour les décideurs, ou les experts qui les conseillent, de disposer d’une vue d’ensemble à la fois large et approfondie, leur permettant d’intégrer des dimensions aussi diverses que la qualité urbaine, la protection du paysage ou du patrimoine ou encore la durabilité des territoires.

Autrement dit, lorsque la décision présente une dimension spatiale importante, les décideurs ont besoin d’outils qui, d’une part, tirent bénéfice de la spatialité de l’information disponible et d’autre part, permettent d’intégrer de multiples dimensions, souvent difficilement comparables.

Techniquement, le couple SIG/analyse multicritère répond bien à ce double besoin. Ainsi, des propositions visant à rassembler ces deux outils ont émergés depuis les années 1990 et le nombre d’exemples d’utilisation conjointe a dés lors régulièrement augmenté au point de constituer une partie substantielle de la recherche en géomatique (Malczewski, 2006). Ce dynamisme s’explique certainement par l’impulsion des innovations propres à l’une ou l’autre de ses deux composantes. Depuis quelques années, les outils géomatiques évoluent notamment sous l’influence du web 2.0 devenant ainsi plus ouverts et permettant l’intégration de sources d’information complètement nouvelles telles que celles provenant du

« Geocrowdsourcing » (Mericksay, Roche, 2011). Parallèlement, les outils multicritères ont progressé, par exemple dans la modélisation des préférences par inférence (Mousseau, Dias 2006) ou l’intégration de nouvelles approches méthodologiques telles que les DRSA (Błaszczyński et al., 2007) ou la méthode Macbeth (Bana e Costa et al., 2005).

Cependant, cette progression dans le couplage SIG/multicritère est encore limitée (Chakhar, Martel 2003). Concrètement, l’intégration consiste encore essentiellement à cartographier les critères et le résultat de l’analyse multicritère.

Les utilisateurs passent ainsi d’un univers à l’autre (spatial et multicritère) sans

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vraiment tirer parti de leur superposition. Les cartes sont rarement ou jamais interprétées géographiquement et la spatialité de la décision territoriale reste sous- exploitées. Une interprétation géographique consisterait, par exemple, à critiquer le résultat d’une analyse multicritère en considérant sa logique spatiale. Il s’agirait aussi de se demander pourquoi les « bonnes » zones sont regroupées ou dispersées ? Ou encore, si la carte multicritère peut être interprétée par une lecture paysagère ou historique du territoire ? On offrirait ainsi aux acteurs un cadre de réflexion familier, territorial, qui les aide à construire leur système de préférence (Joerin, 2008).

Par ailleurs, rares sont les exemples où le couple SIG/multicritère est exploité dans une situation où les décideurs sont véritablement impliqués par les enjeux des décisions à prendre. Les problèmes abordés sont encore en grande partie fictifs ou traités a posteriori, ou encore pédagogiques, souvent « réalistes mais non réels ».

Ainsi, face aux situations complexes et conflictuelles qui semblent caractériser la décision territoriale, les outils SIG et multicritère restent sans grand effet sur les pratiques.

En effet, les logiciels de SIG et multicritère sont largement perçus comme des outils permettant de garantir une décision performante, basée sur une information suffisante, de qualité, et traitée avec rigueur. Or, si cet objectif de performance de la décision est central dans de nombreux champs d’application de l’aide à la décision, notamment économique ou financier, ce n’est pas vraiment le cas lorsque la décision est territoriale (Joerin, Cloutier, 2011), probablement parce qu’il est pratiquement impossible d’obtenir un consensus sur la mesure de la performance de la décision prise. Pour certains, la construction d’une autoroute est un énorme succès, alors que pour d’autres, c’est une décision catastrophique. Ainsi, l’objectif de performance est généralement dominé dans ce contexte par celui de la construction d’un consensus sur la décision à prendre.

Dans une situation où un grand nombre de décisions ne sont jamais suivies d’actions, sous l’effet de luttes sociales ou politiques, l’objectif premier des acteurs territoriaux consiste à fonder la décision territoriale sur une assise sociale et politique suffisamment forte pour qu’elle puisse, un jour, se concrétiser sur le territoire. La recherche de performance de la décision se limite ainsi souvent à s’assurer que le consensus ne se construise pas sur une « mauvaise » décision et elle ne prend une importance plus grande que dans certains contextes spécifiques, par exemple peu politisés.

Autrement dit, l’évolution du couple SIG/multicritère doit passer par une prise en compte plus attentive et complète des processus d’aide à la décision, afin de donner aux acteurs une place pertinente et suffisante, leur permettant de s’approprier l’ensemble de la démarche et non seulement les résultats de l’analyse. De plus, il s’agit d’accompagner un arrimage théorique entre d’une part, l’aide multicritère à la décision, qui ne se limite pas aux outils d’analyse multicritère, et d’autre part, les sciences de l’information spatiale, qui ne se restreignent pas aux logiciels de SIG.

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Ce numéro spécial souhaite donc contribuer à cette évolution des réflexions en proposant une combinaison entre innovations techniques et applications afin de stimuler un positionnement réflexif quant aux rôles que prennent ou prendront ces outils dans la pratique de la décision territoriale.

Ce numéro comprend 5 articles qui sont présentés ci-après selon trois points de vue. Le premier touche la décision abordée selon le champ d’application, l’échelle spatiale et l’objet de la décision. Le numéro couvre sous cet angle un ensemble assez représentatif de décisions territoriales portant sur des enjeux de niveau stratégique (plans et programmes) ou des enjeux d’intégration de projets, et cela dans des contextes urbains et ruraux. Le deuxième point de vue touche le volet technique abordé selon les outils SIG et d’aide multicritère à la décision utilisés par les auteurs. En ce qui a trait aux outils SIG, outre les logiciels commerciaux, des innovations sont proposées dans le domaine des logiciels libres et des applications disponibles directement sur internet. La recherche de l’accessibilité aux plus grand nombre semble ainsi devenir un défi pour l’avenir. Les SIG demandent toutefois toujours un niveau de maîtrise technique important et au mieux, si des utilisateurs non-initiés ont de plus en plus accès à des analyses, ces dernières ont dû être préparées en amont. Les approches multicritères utilisées par les auteurs de ce numéro sont essentiellement celles relevant des méthodes dites de surclassement de synthèse des familles ELECTRE (Roy, Bouyssou, 1993) et PROMÉTHÉE (Brans, Mareschal, 2002), à l’exception d’une approche relevant de la logique floue (« the fuzzy quantifier-guided ordered weight edaveraging » ; OWA) (Yager, 1988). Il est à noter que des logiciels commerciaux ont été développés autant pour les méthodes ELECTRE que pour les méthodes PROMÉTHÉE, y compris dans ce cas, pour la décision en contexte multi-acteur (Visual Prométhée ; D-Sight). Le troisième article décrit quels sont les acteurs de la décision qui sont mobilisés dans le processus et leurs contributions. Les articles présentent des outils utilisés en mode expert par des administrations ou en mode participatif soit en contexte stratégique où les questions de représentativité sont importantes, soit en contexte de participation publique à l’évaluation de projets.

Ainsi, l’article de O. Sobrie, M. Pirlot et F. Joerin, ayant pour titre « Intégration de la méthode d’aide à la décision ELECTRE-TRI dans un système d’information géographique open source », est une contribution essentiellement méthodologique proposant un exemple d’application au domaine de la prise de décision en aménagement du territoire à l’échelle de la région urbaine de la Ville de Québec (Québec, Canada). Le problème abordé est celui de l’étalement urbain. L’utilisation du système d’information géographique Quantum GIS, logiciel libre, ouvre de nouvelles possibilités pour être utilisé par un plus grand nombre d’utilisateurs.

L’outil d’aide multicritère à la décision ELECTRE-TRI y est directement intégré.

L’approche est conçue pour être utilisée par des cadres de l’administration urbaine.

L’article de F. Macary, O. Leccia, J. Almeida Dias, S. Morin, J.-M. Sanchez Pérez, ayant pour titre « Agro-environmentalriskevaluation by a spatialised multi- criteria modelling combined with the PIXAL method » aborde un problème régional

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de dégradation de la qualité des eaux dans des bassins versants de petite (quelques km2) et grande tailles (plus de 1000 km2), lié aux pratiques agricoles dans le contexte d’une étude de cas en France. Les outils SIG et d’analyse multicritère sont respectivement ArcGis et ELECTRE-TRI. Ils sont combinés avec la méthode d’expertise d’évaluation du risque PIXAL. L’approche de résolution proposée s’adressent à des experts du domaine.

L’article de M. Ehinger, D. Bollinger, R. Prélaz-Droux, A. Repetti, C. Leu, ayant pour titre « Projet VOTERR : une aide multicritère à la décision appliquée au développement d’une région », porte quant à lui sur le problème de la limitation et de la réorganisation des zones à bâtir en urbanisme rural en Suisse. L’outillage SIG et multicritère est ici traditionnel, combinant logiciels commerciaux SIG avec l’approche ELECTRE III (rangements des scénarios). La contribution porte ici sur le volet participatif et contributif, envisagé selon une approche socio-constructiviste impliquant les acteurs du territoire et cela à plusieurs niveaux de décision. La légitimité de la décision est recherchée non pas seulement sur la base de la validité du cadre cognitif mais également sur la base du processus contributif impliquant les acteurs.

Dans l’article de M. de Vazquez, J.-P. Waaub, A. Ilinca, intitulé « Coupling MCDA and GIS in a decision making process for wind farm projects analysis.

TIMED approach », les auteurs se positionnent dans le cadre d’une évaluation environnementale stratégique à l’échelle régionale visant les fermes éoliennes en s’appuyant sur une étude de cas au Québec (Canada). Le SIG utilisé est ArcGis. Il sert aussi bien à la conception des scénarios selon une approche participative, qu’à leur évaluation et à la représentation des résultats. L’approche multicritère d’évaluation et de rangement des scénarios est PROMÉTHÉE, utilisée en contexte multi-acteurs et dans une optique de concertation et de négociation d’enjeux, relevant également d’une approche socio-constructiviste de la participation alliant savoirs scientifiques et savoirs locaux.

Enfin, l’article de J. Malczewski, S. Boroushaki, Y. Meng, intitulé « Web-based PPGIS and multicriteria decisionanalysis. A case study », s’appuie sur une étude de cas d’insertion d’un projet urbain à Canmore (Alberta, Canada) pour proposer une approche participative animée sur le web et permettant aux acteurs une visualisation spatiale des analyses réalisées grâce à « Google Map » et à un système de requêtes fonctionnant par une interface de programmation. La gestion des informations générées par la participation est réalisée par un module multicritère basé sur la logique floue. L’approche est proposée pour faire participer le grand public tout en bénéficiant des technologies de l’information et des communications pour permettre une participation asynchrone et délocalisée.

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Bibliographie

Bana e Costa C., Corte J.M., Vansnick J.C. (2005). On the mathematical foundation of MACBETH. Multiple Criteria Decision Analysis: State of the Art Surveys International Series in Operations Research & Management Science, vol. 78, p. 409-437

Błaszczyński J., Greco S., Słowiński R. (2007). Multi-criteria classification–A new scheme for application of dominance-based decision rules. European Journal of Operational Research, vol. 181, n° 3, 16 September, Elsevier, p. 1030-1044.

Brans J.-P. et Mareschal B. (2002). PROMETHÉE-GAIA. Une méthodologie d’aide à la décision en présence de critères multiples. Éditions de l’Université de Bruxelles.

Dias LC, Mousseau V. (2006). Inferring Electre’s veto-related parameters from outranking examples. European Journal of Operational Research, vol. 170, n° 1, p. 172-191.

Joerin F. (2008). Information territoriale et processus de décision, Conférencier invité de la sixième Conférence Internationale d’Intelligence Territoriale, Besançon, 15-18 octobre.

http://www. territorial- intelligence.eu / index.php/ eng/ Publications /International- conferences/Proceedings-of-Besan%C3%A7on-2008

Joerin F., Cloutier G. (2011). Changer de solutions ou de problèmes ? Réflexion et pistes autour du renouvellement des pratiques d’aménagement du territoire. Actes du colloque Territoire et Environnement: des représentations à l'action, Tours, Laboratoire Cités, Territoire, Environnement et Société, p. 414-427.

Mericskay B., Roche S. (2011). Cartographie 2.0 : le grand public, producteur de contenus et de savoirs géographiques avec le web 2.0. Cybergeo: European Journal of Geography : http://cybergeo.revues.org/24710, DOI : 10.4000/cybergeo.24710

Roy B. et Bouyssou D. (1993). Aide Multicritère à la Décision : Méthodes et Cas.

Economica, Paris.

Schively C. (2007). Understanding the NIMBY and LULU Phenomena: Reassessing Our Knowledge Base and Informing Future Research. Journal of Planning Literature, February, vol. 21, n° 3, p. 255-266

Tobler W. R. (1970). A Computer Model Simulating Urban Growth in the Detroit Region.

Economic Geography, 46, p. 234-240.

Yager R.R. (1988). On ordered weighted averaging aggregation operators in multi-criteria decision making. IEEE Transactions Systems, Man and Cybernetics, vol. 18, n° 1, p. 183- 190.

FLORENT JOERIN

Haute École d’Ingénierie et Gestion du Canton de Vaud, Suisse JEAN-PHILIPPE WAAUB GERAD, Université du Québec à Montréal (UQAM), Canada

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