Problème A557 – Solution de Jean Drabbe
TERMINOLGIE
Soient S une suite de réels a1 , a2 , a3 , ... dans l'intervalle unité [0 , 1] et I ⊂ [0 , 1]
un sous-intervalle de [0 , 1] .
Convenons de noter également I la longueur de l'intervalle I .
Soit n(I) le nombre de composantes de la sous-suite initiale a1 , a2 , a3 , ... , an qui apparaissent dans I .
Nous dirons que S est uniformément distribuée dans l'intervalle [0 , 1] si pour tout sous-intervalle I,
la limite pour n → ∞ de n(I) / n est I .
Soit R une suite de réels b1 , b2 , b3 , ... . Nous dirons que R est uniformément distribuée modulo 1 lorsque la suite des parties décimales
b1 – [b1] , b2 – [b2] , b3 – [b3] , ... est uniformément distribuée dans [0 , 1] .
THEOREME (*) Si a est un nombre irrationnel, la suite a , 2 ● a , 3 ● a , 4 ● a , ... est uniformément distribuée modulo 1 .
COROLLAIRE – Pour tout naturel non nul N , il existe une puissance entière positive de 2 dont la suite des chiffres (à partir de la gauche) commence par ceux de N .
Démonstration : Il n'est pas restrictif de supposer que les logarithmes (en base 10) de N et de N + 1 ont même partie entière k .
Si N ● (10^n) < 2^m < (N + 1) ● (10^n) (**) on a log N < – n + m ● log 2 < log (N+1) ,
– k + log N < – (k + n) + m ● log2 < – k + log (N + 1) , – k + log N < m ● log 2 – [m ● log2] < – k + log (N+1) , (car log (N+1) – log N < 1) .
(*) P. BOHL, W. SIERPINSKI et H. WEYL ont établi ce résultat indépendamment l'un de l'autre aux environs de 1910.
On trouvera deux démonstrations dans [1] (Chapitre 6). L'une fait intervenir des fractions continues, l'autre fait appel aux séries de Fourier.
Plusieurs sites (de langue anglaise) proposent également des démonstrations.
Le théorème cité plus haut permet maintenant de vérifier très facilement qu'il existe un couple de naturels n , m > 0 qui vérifient les inégalités (**) (il en existe même une infinité) .
LA PROPRIETE ENONCEE N'A RIEN DE BIZARRE
Il est clair qu'il suffit d'établir la propriété pour les sous-suites finies initiales de la séquence des premiers chiffres des puissances de 5 .
Une démonstration générale me semblerait cacher la simplicité de l'argumentation.
Je me bornerai à traiter une situation dont la généralisation me paraît immédiate.
Considérons les 7 premières composantes de la suite des puissances entières positives de 5 5 , 25 , 125 , 625 , 3125 , 15625 , 78125 .
En vertu du corollaire précédent, il existe une puissance 2^m dont les 5 premiers chiffres décimaux sont 7 , 8 , 1 , 2 , 5 .
2^m s'écrit donc 7 8 1 2 5 - - - - où - - - - représentera
toujours une suite de chiffres qu'il n'est pas utile de préciser.
Alors, (comme multiplier par 2 = diviser par 0.5 ! ) :
2^m = 7 8 1 2 5 - - - - 2^(m + 1) = 1 5 6 2 5 - - - - - 2^(m + 2) = 3 1 2 5 - - - 2^(m + 3) = 6 2 5 - - - - 2^(m + 4) = 1 2 5 - - - -
2^(m + 5) = 2 5 - - - - 2^(m + 6) = 5 - - - -
REMARQUE – La propriété reste vraie si l'on y remplace 2 par n'importe quel naturel supérieur à 2 qui n'est pas une puissance de 10 .
[1] NIVEN, I., Irrational Numbers, The Mathematical Association of America, (1967).