1. Opérations sur les développements limités
Nous avons besoin de la définition suivante.
Définition 1
SoitP un polynôme de degrém∈N\ {0}, P(x)=
m
X
k=0
ak(x−x0)k. Le polynômeTn, tronqué d’ordre nÉmdeP, est le suivant
Tn(x)=
n
X
k=0
ak(x−x0)k.
Tronquer un polynômeP à l’ordrensignifie donc que l’on conserve seulement les monômes de degréÉn.
Soient maintenant I et J deux intervalles ouverts et soient x0 ∈ I et y0 ∈ J deux points.
Dans toute la suite nous considérons deux fonctions f :I7→Ret g:J7→R, admettant les DL d’ordrenrespectivement au voisinage de x0et de y0,
f(x)=a0+a1(x−x0)+ · · · +an(x−x0)n+o¡
(x−x0)n¢ et
g(y)=b0+b1(y−y0)+ · · · +bn(y−y0)n+o¡
(y−y0)n¢ et on pose
An(x)=a0+a1(x−x0)+ · · · +an(x−x0)n et Bn(y)=b0+b1(y−y0)+ · · · +bn(y−y0)n, qui représentent les parties polynomiales du DL respectivement de f et de g.
1.1. Somme et produit
Proposition 1
Supposons quex0=y0. Alors la fonction somme f+get la fonction produit f×gadmettent
1
aussi un DL d’ordre au voisinage 0, et on a (f+g)(x)=An(x)+Bn(x)+o¡
(x−x0)n¢
et (f×g)(x)=Tn(x)+o¡
(x−x0)n¢ , oùTnest le polynôme tronqué d’ordrendu polynôme An×Bn.
Démonstration.Par hypothèse f(x)=An(x)+o((x−x0)n) etg(x)=Bn(x)+o((x−x0)n) . Pour la somme, on ao((x−x0)n)+o((x−x0)n)=o((x−x0)n). Doncf(x)+g(x)=An(x)+Bn(x)+o((x−x0)n) . Pour ce qui est du produit, on a
f(x)×g(x)=An(x)×Bn(x)+An(x)o¡
(x−x0)n¢
+Bn(x)o¡
(x−x0)n¢ +¡
o¡
(x−x0)n¢¢2
.
On remarque que pour tout polynôme P, on a P(x)o((x−x0)n)=o((x−x0)n) et o((x−x0)n)2= o((x−x0)n). Alors
f(x)×g(x)=An(x)×Bn(x)+o¡
(x−x0)n¢
Puis en effectuant la division euclidienne de An(x)×Bn(x) par (x−x0)n+1, il existe un unique couple (Qn(x),Tn(x)) tel que
An(x)×B(x)=Tn(x)+Qn(x) (x−x0)n+1=Tn(x)+o¡
(x−x0)n¢
, deg(Tn)Én,
oùTn est le polynôme tronqué d’ordrendeAn×Bn. Ceci termine la preuve de la proposition 1.
Exemple.Nous voulons calculer le DL d’ordre 2 au voisinage 0, de la fonctionx7→cosx+p 1+x et de x7→(cosx)p
1+x. Nous savons que cosx=1−1
2x2+o¡ x2¢
et p
1+x=1+1 2x−1
8x2+o¡ x2¢
. Alors
cosx+p
1+x=2+1 2x−5
8x2+o¡ x2¢
. Pour le produit, le polynôme tronqué d’ordre 2 du polynôme produit¡
1−12x2¢
ס
1+12x−18x2¢ est égal à
1+1 2x−5
8x2. Nous obtenons donc
(cosx)p
1+x=1+1 2x−5
8x2+o(x2).
1.2. Composition
Notons
f(x)=a0+a1(x−x0)+ · · · +an(x−x0)n+o¡
(x−x0)n¢
=An(x)+o¡
(x−x0)n¢ et
g(y)=b0+b1(y−y0)+ · · · +bn(y−y0)n+o¡
(y−y0)n¢
=Bn(y)+o¡
(y−y0)n¢ . Rappelons que puisque f admet un DL au voisinage dex0, alors lim
x→x0
f(x)=a0.
Proposition 2
Supposons que a0=y0. Alors g◦f possède aussi un DL d’ordre n au voisinage de x0. De plus, la partie polynomiale d’ordrendu DL de g◦f est le polynôme tronqué d’ordre ndu polynômeBn◦An.
Démonstration.Posons A∗n=An−y0. Puisquea0=y0, A∗n=a1(x−x0)+ · · · +an(x−x0)n. Donc f(x)−y0=A∗n+o¡
(x−x0)n¢ . Nous avons aussi
(f(x)−y0)2 = (A∗n+o((x−x0)n)2
= A∗n2+2A∗no((x−x0)n)+(o((x−x0)n))2
= A∗n2+o((x−x0)n) . De même, on obtient
(f(x)−y0)k=A∗nk+o¡
(x−x0)n¢
, kÉn.
Puisque A∗n=o((x−x0)) au voisinage dex0, o¡
(f(x)−y0)n¢
=o¡
(x−x0)n¢ . Nous avons donc
g◦f(x)=g(f(x)) = b0+b1(f(x)−y0)+ · · · +bn(f(x)−y0)n+o((f(x)−y0)n)
= b0+b1A∗n+ · · · +bnA∗nn+o((x−x0)n)
= b0+b1(An−y0)+ · · · +bn(An−y0)n+o((x−x0)n)
= Bn◦An+o((x−x0)n)
= Cn+o((x−x0)n) , oùCn est le polynôme tronqué deBn◦An, d’ordren.
Dans le corollaire suivant, nous donnons un cas particulier simple mais très fréquent concer- nant le DL d’une composition de deux fonctions.
Corollaire 1
Supposons quex0=y0=0. Sia0=0, alors la fonction g◦f admet aussi un DL d’ordrenen 0, dont la partie polynomiale est le polynôme tronqué d’ordrendu polynômeBn◦An. Exemple.Nous nous intéressons à calculer le DL d’ordre 3 au voisinage de 0, de la fonction
g◦f(x)=sin (ln(1+x)) , où
g(u)=sinu et f(x)=ln(1+x).
On a
g(u)=u−u3 3! +o¡
u3¢
et f(x)=x−x2 2 +x3
3 +o¡ x3¢
Pour calculer le polynôme tronqué d’ordre 3 du polynôme composé des parties polynomiales de f et g, on pose
u=x−x2 2 +x3
3 et on calcule
u−u3
3! =x−x2 2 +x3
3 −
³
x−x22+x33
´3
3! =x−x2 2 +x3
6 +o¡ x3¢
. Ainsi
g◦f(x)=x−x2 2 +x3
6 +o¡ x3¢
.
Exemple.Nous cherchons cette fois un DL d’ordre 4 au voisinage de 0, de la fonction h(x)=p
cosx.
On pose
g(u)=p
1+u et f(x)=cos(x)−1.
Donc
h=g◦f et f(0)=0.
Le DL de f d’ordre 4 en 0 est le suivant f(x)= −x2
2 +x4 4! +o¡
x4¢ . Remarquons que
µ
−x2 2 +x4
4!
¶n
=o¡ x4¢
, ∀nÊ3.
Donc, pour calculer le DL d’ordre 4 de hnous avons besoin seulement d’un DL d’ordre 2 de g, soit donc
g(u)=1+u 2−u2
8 +o(u2).
On pose
u= −x2 2 +x4
4!
et on calcule
1+u 2−u2
8 =1+−x22+x4!4
2 −
³
−x22 +x4!4´2
8 =1−x2 4 −x4
96+o¡ x4¢
. Ainsi
g◦f(x)=1−x2 4 −x4
96+o¡ x4¢
.
1.3. Inverse
Proposition 3
On suppose que a0=0, alors la fonction x→ 1
1−f(x) admet aussi un DL d’ordre n au voisinage dex0. Ce DL est le même que celui de la fonctionPn
k=0fk.
Démonstration.Il suffit de voir que la fonction x→ 1
1−f(x) est la composée de la fonction f et la fonction classique x7→ 1
1−x dont le DL d’ordrenau voisinage 0 est 1
1−x=1+x+x2+ · · · +xn+o¡ xn¢
. La preuve donc s’ensuit directement de la Proposition 2.
Remarque.On peut calculer qu’au voisinage de x0,
n
X
k=0
fk(x)=Sn(x)+o¡
(x−x0)n¢ , oùSnest le polynôme tronqué d’ordrendu polynôme
n
X
k=0
Akn.
Exemple.Nous allons calculer le DL d’ordre 5 en 0 de la fonction tangente. D’une part, nous avons
sinx=x−x3 6 + x5
120+o¡ x5¢
, et d’autre part
cosx=1−x2 2 +x4
24+o¡ x5¢
=1−u, en posant
u=x2 2 −x4
24+o¡ x5¢
. Remarquons que
µx2 2 −x4
24
¶n
=o¡ x5¢
, ∀nÊ3.
Donc, nous avons besoin seulement de calculer µx2
2 −x4 24
¶2
= x4 4 +o¡
x5¢ . Ainsi
1
cosx = 1
1−u =1+u+u2+u3+u5+o¡ u5¢
=1+x2 2 −x4
24+x4 4 +o¡
x5¢
=1+x2 2 + 5
24x4+o¡ x5¢
. Finalement
tanx=sinx× 1 cosx =¡
x−x3 6 + x5
120+o¡ x5¢ ¢
ס 1+x2
2 + 5
24x4+o¡ x5¢ ¢
=x+x3 3 + 2
15x5+o¡ x5¢
.
1.4. Quotient
Dans cette partie nous allons voir sous quelle condition et comment obtenir le DL de la fonction h(x)= f(x)
g(x).
Pour cela nous allons utiliser la division selon les puissances croissantes de deux polyômes.
Rappelons le résultat suivant.
Proposition 4
Soient A,B deux polynômes réels et soit n un entier naturel. Supposons que B(0)6=0. Il existe alors un unique couple de polynômes (C,D) vérifiant
A=BC+Xn+1D, degCÉn.
Exemples.
– Nous allons effectuer la division selon les puissances croissantes de A(x)=1 et B(x)= 1+x+2x2 à l’ordren=2.
1 1+x+2x2
−(1+x+2x2) 1−x−x2
−x−2x2
−(−x−x2−2x3)
−x2+2x3
−(−x2−x3−2x4) 3x3+2x4 Nous obtenons donc
1=(1+x+2x2)(1−x−x2)+x3(3+2x).
– Nous allons effectuer la division selon les puissances croissantes de A(x)=1+x+x2/2 et B(x)=1−x2/2 à l’ordren=2.
1+x+x22 1−x22
−(1−x22) 1+x+x2 x+x2
−(x−x23) x2+x23
−(x2−x24)
x3 2 +x24 Nous obtenons
1+x+x2
2 =(1−x2
2 )(1+x+x2)+x3(1 2+x
2).
Soient
f(x)=a0+a1x+ · · · +anxn+o¡ xn¢
=An(x)+o¡ xn¢ et
g(x)=b0+b1x+ · · · +bnxn+o¡ xn¢
=Bn(x)+o¡ xn¢
.
Proposition 5
Supposons queb06=0. Alorsh= fg admet un DL à l’ordrenau voisinage de 0 donné par h(x)=Cn+o¡
xn¢ ,
oùCnest le polynôme obtenu par la division selon les puissances croissantes deAnparBn, An=BnCn+xn+1Dn avec deg DnÉn.
Démonstration.Notons d’abord que h(x)= An(x)+o(xn)
Bn(x)+o(xn)= An(x)
Bn(x)+o(xn)+ o(xn) Bn(x)+o(xn). Comme lim
x→0
1
Bn(x)+o(xn)= 1
b0 ∈R, B o(xn)
n(x)+o(xn)=o(xn). Donc h(x)= An(x)
Bn(x)+o(xn)+o(xn).
D’autre part,
An(x)
Bn(x)+o(xn) = BAnn(x)(x)
³ Bn(x) Bn(x)+o(xn)
´
= BAnn(x)(x)
³
1−Bn(x)o(x+no(x) n)
´
= BAnn(x)(x)−ABnn(x)(x)Bn(x)+o(xo(xn) n)
= BAnn(x)(x)+o(xn)
= Bn(x)Cn(x)Bn+(x)xn+1Dn(x)+o(xn)
= Cn(x)+DBnn(x)(x)xn+1+o(xn)
= Cn(x)+o(xn).
Finalement, on obtient
h(x)=Cn(x)+o(xn).
Remarque.Pour obtenir le DL de h on effectue la division selon les puissances croissantes de An par Bn à l’ordre n. Cependant, nous n’avons pas besoin de déterminer Dn puisque xn+1Dn(x)=o(xn). Pour cette raison, lors de la division on n’écrit pas les puissances qui dé- passent n. Par exemple, si on veut déterminer le DL de
h(x)= ex cosx,
au voisinage de 0, à l’ordre 2, on effectue la division selon les puissances croissantes de A(x)= 1+x+x2/2 parB(x)=1−x2/2 ainsi
1+x+x22 1−x22
−(1−x22) 1+x+x2 x+x2
−(x) x2
−(x2) o(x2) On obtient
ex
cosx=1+x+x2+o(x2).
1.5. Intégration
Proposition 6
Supposons que f est continue. Alors toute primitive F de f possède aussi un DL d’ordre n+1 en x0
F(x)=F(a)+a0(x−x0)+a1
2 (x−x0)2+a2
3 (x−x0)3+ · · · + an
n+1(x−x0)n+1+ox0¡
(x−x0)n+1¢ .
Démonstration.Nous avons f(x)=
n
X
k=0
ak(x−x0)k+(x−x0)nε(x), où lim
x→x0ε(x)=0. Donc
F(x) = F(x0)+ Z x
x0
f(t)dt
= F(x0)+ Z x
x0
n
X
k=0
ak(t−x0)kdt+ Z x
x0
(t−x0)nε(t)dt
= F(x0)+
Xn k=0
ak Z x
x0
(t−x0)kdt+ Z x
x0
(t−x0)nε(t)dt
= F(x0)+
n
X
k=0
ak
k+1(t−x0)k+1+ + Z x
x0
(t−x0)nε(t)dt Montrons maintenant queRx
x0(t−x0)nε(t)dt=ox0¡
(x−x0)n+1¢
. Commet7→(t−x0)nε(t) est conti- nue sur l’intervalleI borné par x0et x, il existecx∈Itel que
Z x x0
(t−x0)nε(t)dt = (cx−x0)nε(cx) Z x
x0
1dt
= (cx−x0)nε(cx)(x−x0).
la constantecxest entre x0et x, donc
¯
¯
¯
¯ Z x
x0
(t−x0)nε(t)dt
¯
¯
¯
¯ = ¯
¯(cx−x0)nε(cx)(x−x0)¯
¯
É |x−x0|n+1ε(cx).
Il s’agit donc de prouver que limx→x0ε(cx)=0. On a limx→x0ε(x)=0. Par définition, pour tout ε>0, il existeη>0, si|x−x0| <η, alors|ε(x)| <ε. Or on a|cx−x0| É |x−x0| <η, donc|ε(cx)| <ε. D’où limx→x0ε(cx)=0.
Exercice. En utilisant la Proposition 6, donner un DL au voisinage de 0 de la fonction x7→arctanx.