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Article pp.182-183 du Vol.3 n°3 (2013)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Le phénomène de Lazare

Lazarus phenomenon

J. Vaux · F. Revaux · A. Hauter · C. Chollet-Xemard · J. Marty

Reçu le 8 novembre 2012 ; accepté le 1 janvier 2013

© SFMU et Springer-Verlag France 2013

Introduction

La prise en charge de l’arrêt cardiaque (AC) est une situation fréquente en préhospitalier. En l’absence d’une reprise d’acti- vité cardiaque spontanée (RACS), les recommandations fran- çaises préconisent d’interrompre la réanimation au bout d’une demi-heure [1]. Néanmoins, il arrive exceptionnellement qu’une RACS survienne spontanément plusieurs minutes après l’arrêt des manœuvres de réanimation. Appelé phéno- mène de Lazare, cet événement a été décrit pour la première fois en 1982 [2]. Nous rapportons deux cas de phénomène de Lazare survenus en quelques semaines dans notre service.

Observation n°1

Il s’agit d’une patiente de 63 ans aux antécédents de fibrilla- tion auriculaire paroxystique, d’insuffisance respiratoire chro- nique sur asthme et bronchectasie, de maladie de Crohn et d’hyperthyroïdie induite par l’amiodarone. Son traitement habituel comprend : vérapamil, fluindione, tiotropium, terbu- taline et oxygénothérapie au long cours. Une équipe de Smur intervient à son domicile suite à l’apparition quelques heures plus tôt d’une dyspnée isolée, sans contexte infectieux ni dou- leur thoracique. Les constantes objectivées initialement sont les suivantes : score de Glasgow à 15, pression artérielle (PA) à 118/76 mmHg, fréquence cardiaque à 59 bpm, satura- tion périphérique en oxygène à 82 % sous oxygénothérapie à 15 L/min, polypnée à 28/min avec tirage intercostal, tempéra- ture à 35,5 °C. L’examen clinique révèle un foyer de crépi- tants à la base pulmonaire droite ainsi que des signes d’insuf- fisance cardiaque droite. Il n’y a pas de thrombose veineuse

profonde décelable. Avant que l’électrocardiogramme ne soit enregistré, la patiente présente une bradycardie sévère asso- ciée à des troubles de la conscience. Malgré l’instauration d’un traitement par Atropine® puis Isuprel®, la bradycardie évolue rapidement vers une asystole. Les manœuvres de réa- nimation cardiopulmonaire (RCP) sont débutées immédiate- ment. Une intubation orotrachéale (IOT) est effectuée et la ventilation est pratiquée au moyen d’un ballon insufflateur.

La mesure du CO2 expiré (EtCO2) est à 38 mmHg. Des bolus de 1 mg d’adrénaline sont administrés toutes les trois minutes par voie veineuse périphérique. Malgré l’absence de no-flow et un EtCO2 mesuré à 19 mmHg en fin de réanimation, le recours à une assistance circulatoire n’est pas retenu au vu des comorbidités sévères de la patiente. La réanimation est finalement stoppée au bout de 40 minutes en raison d’une asystole persistante. Le décès est alors annoncé à la famille.

Dix minutes après l’arrêt de la réanimation, un membre de l’équipe remarque la présence de battements carotidiens. La PA est mesurée à 105/60 mmHg et l’électrocardiogramme met en évidence un rythme sinusal à 50 bpm. Après discussion entre le médecin Smur et le médecin régulateur, il est décidé de ne pas poursuivre les thérapeutiques actives. L’hémodyna- mique se dégrade progressivement et la patiente décède quel- ques minutes plus tard d’un nouveau passage en asystole.

Observation n°2

Le cas rapporté ici est survenu cinq semaines après le précédent.

Alors qu’elle se plaint d’une douleur thoracique évoluant depuis cinq minutes, une femme de 78 ans présente un AC devant témoin. Ses antécédents comprennent une psychose maniacodépressive traitée par acide valproïque, une bron- chopneumopathie chronique obstructive post tabagique, ainsi qu’une néoplasie rénale considérée en rémission et associée à une insuffisance rénale chronique non dialysée.

Le massage cardiaque externe n’est débuté qu’à l’arrivée des premiers secours, soit après unno-flowestimé à 15 minu- tes. Un choc électrique est délivré par le défibrillateur semi- automatique lors de la première analyse du rythme

J. Vaux (*) · F. Revaux · A. Hauter · C. Chollet-Xemard · J. Marty

Samu 94, Groupe hospitalier Henri Mondor-Albert Chenevier, 51, avenue du Mal-de-Lattre-de-Tassigny, F-94010 Créteil, France e-mail : julienvaux@yahoo.fr

J. Vaux · J. Marty

Faculté de médecine, université Paris-Est Créteil,

8, avenue du Général-Sarrail, F-94010 Créteil cedex, France Ann. Fr. Med. Urgence (2013) 3:182-183

DOI 10.1007/s13341-013-0284-3

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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cardiaque. À l’arrivée du Smur, la patiente est en asystole.

Une IOT et l’administration d’un total de 9 mg d’adrénaline sont réalisées selon les mêmes modalités que dans le cas précédent. Une injection de chlorure de calcium est égale- ment effectuée dans l’hypothèse d’une hyperkaliémie. Qua- rante et une minutes après le début des manœuvres la patiente est toujours en asystole et le médecin du Smur décide d’arrêter la réanimation. Alors qu’il annonce le décès à la famille de la patiente, l’infirmière constate un mouve- ment respiratoire deux minutes après l’extubation. Elle ne perçoit pas de pouls et conclut à un gasp. Par la suite, les mouvements respiratoires deviennent fréquents, réguliers et associés à des ronflements. Le pouls est de nouveau recher- ché quinze minutes après l’arrêt des manœuvres de réanima- tion. Il est cette fois perçu et bien frappé à 80 bpm, sans que l’heure de RACS ne puisse être identifiée étant donné l’ab- sence de monitorage préalable du patient. Le pouls diminue progressivement et disparaît après cinq minutes. Le médecin décide de ne pas reprendre la RCP.

Discussion

Le phénomène de Lazare, dénommé ainsi depuis 1993 [3], a donné lieu à une trentaine de cas rapportés dans la littérature. Il s’agit d’une RACS survenant après l’arrêt, ou l’abstention, des manœuvres de réanimation. Dans les cas rapportés ici, le délai entre l’arrêt de la réanimation et la RACS ne peut être donné avec certitude, le monitorage des patients ayant été interrompu.

Dans la littérature, ce délai n’excède jamais sept minutes lors- qu’il est mesuré avec précision [4]. Le dernier rythme objectivé chez ces deux patients était une asystole, ce qui semble être la situation la plus fréquente (60 % des cas rapportés) [4].

Si les mécanismes de ce phénomène demeurent incer- tains, plusieurs hypothèses ont été proposées [5]. La plupart d’entre elles mettent en cause les manœuvres de réanima- tion, aucune reprise spontanée de la circulation n’ayant été rapportée en l’absence d’une RCP préalable [4]. L’hypothèse la plus couramment avancée est celle d’une ventilation excessive générant une pression expiratoire positive et un obstacle au retour veineux [6]. L’arrêt de la réanimation, et donc celui de la ventilation, permettrait alors la reprise d’une activité circulatoire. Bien que cette hypothèse soit parfois exclue [7], elle pourrait être évoquée chez ces deux patients atteints de pathologie respiratoire chronique obstructive.

Une autre hypothèse repose sur l’action différée des médi- caments administrés durant la réanimation [8]. Dans le cas du deuxième patient, la suspicion d’hyperkaliémie a motivé l’injection périphérique de chlorure de calcium une dizaine de minutes avant l’arrêt de la réanimation. Il est possible que cette thérapeutique n’ait contrecarré l’effet membranaire de l’hyperkaliémie qu’une fois la réanimation interrompue.

Dans les deux cas rapportés ici, il a été décidé de ne pas poursuivre les thérapeutiques actives malgré la survenue

d’une RACS. Un support ventilatoire et adrénergique, voire une reprise de la RCP lors du second AC, aurait toutefois pu être entrepris. Les comorbidités sévères de ces patients de même que l’importance du délai séparant l’AC de la RACS, en particulier dans le cas n°2 (au moins 60 minutes), ont influencé cette décision. De surcroît, le phénomène de Lazare implique unno-flowsupplémentaire, entre l’arrêt de la RCP et la reprise spontanée de l’activité circulatoire. Il est donc légitime de craindre que le pronostic de ces patients soit défavorable. Néanmoins, si beaucoup d’entre eux décè- dent [4], certains cas rapportés font état d’une récupération complète sans séquelle neurologique. Dans une revue de la littérature colligeant 38 cas de phénomène de Lazare [9], une évolution neurologique satisfaisante était constatée chez 45 % des patients. Il est cependant probable que ce taux soit surévalué en raison d’un biais de publication amenant à ne décrire que les cas d’évolution favorable.

En conclusion, le phénomène de Lazare peut placer l’urgentiste dans une situation difficile, particulièrement vis- à-vis de l’entourage du patient lorsque le décès a été annoncé.

Probablement méconnu, ce phénomène est sous-rapporté dans la littérature [10] notamment par crainte de conséquen- ces médicolégales [11]. À l’instar de plusieurs auteurs, nous recommandons de poursuivre le monitorage des patients pen- dant 10 minutes après l’arrêt de la RCP [5,7,11].

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt.

Références

1. Recommandations formalisées dexperts (coordonnateur: P CARLI Société française d’anesthésie et de réanimation, Société de réa- nimation de langue française, Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire) pour la prise en charge de larrêt cardiaque (2006) www.sfar.org (denier accès le 19 décembre 2012) 2. Linko K, Honkavaara P, Salmenpera M (1982) Recovery after

discontinued cardiopulmonary resuscitation. Lancet 1:106–7 3. Bray JG (1993) The Lazarus phenomenon revisited. Anesthesio-

logy 78:991

4. Hornby K, Hornby L, Shemie SD (2010) A systematic review of autoresuscitation after cardiac arrest. Crit Care Med 38:1246–53 5. Adhiyaman V, Adhiyaman S, Sundaram R (2007) The Lazarus

phenomenon. J R Soc Med 100:552–7

6. Lapinsky SE, Leung RS (1996) Auto-PEEP and electromechani- cal dissociation. N Engl J Med 335:674

7. Maleck WH, Piper SN, Triem J, et al (1998) Unexpected return of spontaneous circulation after cessation of resuscitation (Laza- rus phenomenon). Resuscitation 39:125–8

8. Bradbury N (1999) Lazarus phenomenon: another case? Resusci- tation 41:87

9. Quick G, Bastani B (1994) Prolonged asystolic hyperkalemic car- diac arrest with no neurologic sequelae. Ann Emerg Med 24:305–11 10. Braun P, Herff H, Paal P (2011) The Lazarus phenomenon-false positive death certifications and auto-resuscitation cases covered in lay press. Resuscitation 82:1363–4

11. De Salvia A, Guardo A, Orrico M, De Leo D (2004) A new case of Lazarus phenomenon? Forensic Sci Int 146 (Suppl1):S13–5

Ann. Fr. Med. Urgence (2013) 3:182-183 183

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