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Commentaires (iconoclastes?) sur l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire selon l'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949

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Commentaires (iconoclastes?) sur l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire selon l'article 1 commun des

Conventions de Genève de 1949

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Commentaires (iconoclastes?) sur l'obligation de faire respecter le droit

international humanitaire selon l'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949. Revue belge de droit international , 2014, vol. 47

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44838

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REVUE BELGE DE DROIT INTERNATIONAL 2013/2- Éditions BRUYLANT, Bruxelles v

cf, 'f,.

COMMENTAIRES ICONOCLASTES SUR L'OBLIGATION DE FAIRE RESPECTER LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

SELON L'ARTICLE 1 COMMUN

DES CONVENTIONS DE GENÈVE DE 1949

PAR

Robert KOLB*

RÉSUMÉ

Cette contribution vise à vérifier si l'article l commun au.'C quatre Conventions de Genève de 1949 impose une obligation des États tiers d agir pour fa·ire respecter Je DIH ou s'il prévoit uniquement une faculté en ce sens. La conclusion ici retenue s'oriente dans Je sens de la faculté.

ABSTRACT

This contribution seeks to determine whether common article 1 of the Geneva Conventions of 1949 contains a duty to act for ensuring respect ofiHL or whether it con tains on! y a faculty to do so. It concludes that for the time being, the latter is the correct legal answer.

1. Dans l'étude attentive et bien documentée de François Dubuisson sur<< Les obligations internationales de l'Union européenne et de ses États membres concernant les relations économiques avec les colonies israéliennes>>, aux conclusions de laquelle nous souscrivons, les arguments relatifs à l'ar- ticle 1 commun s'inscrivent dans l'opinion qu'il faut désormais considérer comme classique: l'existence d'un devoir juridique de prendre toutes les mesures possibles pour faire respecter le droit international humanitaire (DIH) dans les relations entre parties aux Conventions de Genève (v. les pp. 26-31). Les sources citées sont toutefois de qualité inégale et ne sou- tiennent pas toutes l'affirmation centrale mentionnée.

2. Le Commentaire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est un point d'appui apparemment fort, affirmant qu'il serait nécessaire que les États<< fassent[ ... ] tout ce qui est en leur pouvoir pour que les principes humanitaires qui sont à la base des Conventions soient universellement a pp li-

* Professeur de droit international à l'Université de Genève.

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qués». Il en va de même de la résolution 681 de 1990, du Conseil de sécurité.

Le Conseil formule comme suit:~ Demande aux Hautes Parties contractantes à ladite Convention [la CG IV] de veiller à ce qu'Israël[ ... ] s'acquitte des obli- gations qu'il a contractées aux termes de l'article 1 de la Convention[ ... ]t. Un tel point d'appui est également la phrase contenue dans l'avis du Mur de la CIJ, selon laquelle • tous les États parties à la convention de Genève relative.

à la protection des personnes civiles en temps de guerre[ ... ] ont l'obligation [ ... ]de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention li. Enfin, un point d'appui solide est celui dela majorité doctrinale, qui peut d'autant plus facilement se permettre d'être généreuse que cette prise de position correspond à la forma mentis idéal-typique de ceux qui s'adonnent au droit humanitaire, et qu'elle n'implique pour eux aucune conséquence pratique, et encore moins adverse.

3. D'autres sources mentionnées n'appuient toutefois pas la thèse de l'obligation d'a.gir. Il en est ainsi tout d'abord de la résolution 68/81 du

I l décembre2013 del' Assemblée générale des Nations Unies, où cette Assem-

blée ~exhorte» les parties à la CG IV continuer à tout mettre en œuvre pour faire respecter les dispositions[ ... ]>>. La référence à l'avis de la CIJ sur leM ur, contenue dans ce texte, peut évidemment être lue comme llO renvoi à l'obligation dont parle la Cour, mais cette interprétation reste incertaine.

Exhorter, ce n'est pas exiger. Évidemment, l'Assemblée générale n'a pas le pouvoir de contraindre, car elle ne peut, en cette matière, que recommander.

Mais alors, l'on pourrait dire: à plus forte raison! Et le texte de la résolu- tion ne contient aucune mention d'une obligation. Il en va de même de la Déclaration du 5 décembre 2001 adoptée lors de la Conférence des États par- ties contractantes sur la mise en œuvre de la CG IV. Ici, ces Hautes Parties contractantes <<appellent» toutes les parties «de faire respecter les Conven- tions [ ... ] »; elles<< saluent et encouragent les initiatives prises par les États parties» dans ce contexte. Y voir une obligation d'agir ne relève même pas d'une sollicitation du texte, mais de plus.

4. Juridiquement, il ne paraît pas entièrement adéquat de citer tous ces passages sous le même chef. Les premiers semblent accréditer la thèse d'une obligation d agir, plus ou moins large certes, ca.r les moyens à mettre en œuvre

n'y sont pas précisés. Cet aspect crucialreste à peu près toujours dans un flou

artistique car s'y pencher serait s'exposer aux embarra-s de gra.ndes difficul: tés. Pourquoi être masochiste 1 Les econds exemples ne peuvent guère ser ir d'appui à cette thèse, car ils sont tout aussi compatibles avec la conception selon laquelle l'article 1 commun a~~torise les États à agir pour faire respecter la CG IV dans leurs rapports mutuels. Additionner les seconds aux premiers n'est dono pas juridiquement exact. Or, c'est ce qui arrive très souvent dans une doctrine qu'on nous excusera d'appeler <<confusionniste». Le sens de ce mot n'est pas de suggérer que les auteurs en cause soient <<confus •> dans leurs idées, loin de là. Il signifie plutôt que le plus souvent, pour des raisons idéologiques assez évidentes, c'est-à-dire pour arriver à renforcer l'obliga-

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ti on d'action recherchée, cette doctrine fait feu de tout bois et s'adonne à des interprétations particulièrement larges, dans lesquelles tout a tendance à passer.

5. Quel est donc le sens juridique de l'article 1 commun, auquel on rat- tache aujourd'hui monts et merveilles? À bien y regarder, cette disposition a subi une transformation insigne depuis 1949, à la suite d'une pratique sub- séquente généralement acceptée par les États parties et par les institutions internationales. C'est un exemple de plus qui montre l'inanité des arguments d'aucuns, hostiles à l'idée que les accords internationaux puissent évoluer au-delà de leur texte par la pratique subséquente d'application. Comme l'a montré A. Frutig, mon thésard à l'Université de Berne, qui a analysé l'ar- ticle 1 com:zii.un sans parti pris idéologique et dans le seul but de trouver son sens et sa portee (je peux témoigner de ce cheminement intellectuel, car je l'ai suivi de près), cette disposition avait en 1949 surtout le sens d'assurer une application et un respect des CG à l'intérieur de l'État contractant(!). En d'autres termes, le but premier était d'assurer que les obligations convention- nelles fussent étendues à toute une série d'organes, voire d'entités se trouvant sur le territoire de l'État contractant et qui ne sont pas automatiquement liées par une convention internationale qu'elles n'ont pas ratifiée. Le Com- mentaire précise que l'obligation de respecter les règles du DIH doit peser sur toutes les entités sur lesquelles l'État contractant exerce son autorité (les passages pertinents sont cités dans le texte indiqué). L'État contractant est ainsi obligé de prendre des mesures appropriées. L'article 1 commun était par conséquent conçu comme un moyen de contraindre les États contractants au respect d'obligations diverses: premièrement, il ne suffit pas de donner quelques ordres, encore faut-il surveiller comment les conventions sont mises en œuvre par les autorités de l'État; deuxièmement, il ne suffit pas d'attendre le temps éventuel d'un conflit armé, il faut prendre des mesures d'application déjà en temps de paix; troisièmement, pour s'assurer que d'éventuels rebelles futurs aient une connaissance du DIH, il faut le diffuser parmi la population civile; quatrièmement, il y a lieu de s'assurer que des entreprises privées res- pectent les Conventions, par exemple quant à la protection des emblèmes et leur non-usage commercial (pour cela, il faut édicter une législation interne);

etc. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi un volet extérieur, qui apparaît très rapidement suite aux travaux préparatoires.

6. L'obligation de veiller à faire respecter la Convention vers l'extérieur (envers d'autres États contractants) apparaît déjà dans les Commentaires.

Elle y est toutefois liée à une terminologie non obligatoire: << other contracting parties may, and should, endeavour [ ... ] » (italiques ajoutées); en français, les mots sont <<peuvent-elles- et doivent-elles- chercher à[ ... ]>>. <<Doivent- elles>> semble ici indiquer plutôt <<devraient-elles>>, car le terme anglais .n'est

( l) A. FRUTIG, Die Pflicht von Drittstaaten zur Durchsetzung des humanitaren V olkerrechts nach Artikell der Genfer Konventionen von 1949, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2009, pp. 52 et s.

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pas uhalh mais <<should•. Les Commentateurs semblent ainsi plutôt se fonder sur une obligation morale que juridique. En effet, ce sont biens les termes permissifs qui prédominent: <<may~>

f

«peuvent~>. Quoi qu'il en soit, les Commentateurs du CICR ne sont de toute manière pas le législateur. On ne saurait se fonder sur une phrase ambiguë d'un commentaire pour affirmer l'existence d'une obligation de grande portée, entièrement nouvelle en DIH, alors que les travaux prépara.toires et la pratique internationale, à ce stade, ne l'avalisai en pas et n'en portaient pas tra.ce. Au contra.ire, la faculté d'agir pour un État contractant est confirmée, et il n'y a là rien de révolutionnaire.

Tout État contractant possède un intérêt juridique à la bonne application de la convention à laquelle il est partie et peut intervenir diplomatiquement envers l'État qui viole la convention, même s'il n'est pas la partie directement lésée. De même, l'intervention procédurale est concédée erga omnes partes en cas d'interprétation d'une convention multilatérale, comme le montre l'ar- ticle 63 du Statut de la CIJ: l'intérêt juridique est irréfragablement présumé comme inhérent au statut d'État partie à la Convention. La CIJ a d'ailleurs rappelé cette catégorie d'intérêts • solidaires» dans l'affaire relative aux Ques- tions concernant l'obligation de poursuivre ou extrader (Belgique c. Sénégal) (2012}, au paragraphe 68 (et la première affaire de la CPJI, le Wimbledon, était déjà basée sur un tel intérêt conventionnel collectif). Ce qui aurait au contraire été révolutionnaire est la reconnaissance d'une obligation incon- ditionnelle d'agir. En somme, une simple faculté était dans la droite ligne du droit conventionnel consacré depuis 1919; une obligation d'agir aurait constitué une innovation de taille.

7. La. pratique subséquente dont il a été question plus haut est venue avali- ser la conception du Commentateur du CI OR. Le volet intérieur de l'article 1 commun s'est rapide._ment effacé pour se fondre dans le principe pacta sunt servanda et l'applicat'ion des traités de bonne foi. Le volet extérieur a reçu au contraire des développements importants, si bien que l'article 1 commun a été rapidement réinterprété et reformaté. Perçu initialement comme une disposition peu innovatrice, à la limite banale, consacrée à. l'application des textes dans le droit interne des parties contractantes (d'où aussi l'absence de mentions doctrinales de cette disposition dans les années suivant l'adoption des CG- or: aurait-on pu s'imaginer un tel silence si cette disposition avait eu dès l'époque une portée extérieure l'évolutionnaire ?}, il 'est peu à pf!U transformé en une disposition clé du DIH moderne, ce à quoi une doctrine militante l'a certainement aidé. Dans un premier temps, l'article 1 commun est sorti des limbes du Léthé dans le cadre du conflit armé non international (CANI). Il a été mis à contribution pour exiger le respect du DIH dans ces conflits, là où ce respect est regrettablement le moins assuré (2). La suite est connue: l'article 1 a été progressivement réinventé comme un outil pour assu-

(2) V. par exemple R. J, WILHELM, •Problèmes relatifs à la protection de la personne humaine par le droit international dans les conflits armés ne présentant pas un caractère international>,

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rer le respect du DIH en toute circonsta.nce par toute partie contractante à la suite des efforts de chaque autre partie contractante. Mais de quelle nature juridique est cet effort: faculté ou obligation 1

8. L'analyse de la pra.tique est on ne peut plus claire à cet égard, si l'on prend seulement Je soin de L'analyser attentivement et exhaustivement (nous renvoyons ici à l' ana.Jyse d'A. Frutig)(3). Au fond, une simple observation de la réalité connue par tous suffit pour faire éprouver des doutes par rappo.rt à la thèse del obligation.

A

la prendr à la lettre, cette thèse signifiera.it que dans chaque conflit armé, y compris les CANI, chaque partie contractante devrait faire des démarches (et au surplus probablement même t tout ce qui est en son pouvoin dans les circonstances de l'espèce, selon une diligence due exigeante) pour faire cesser les iolations du DIH. Or, presque tous les États du monde sont des parties aux CG. A-t-on vu dans chaque conflit 190 ou plus d'États s'activer pour faire cesser les violations du DIH, qui ont immanqua.blemen lieu dans chaque conflit, à des échelles plus ou moins

importantes~ A-t-on vu dans l'alternative s'activer collectivement tous les États parties dans chacun de ces conflits ? À postuler un devoir d'action, l'on aboutirait à chaque conflit armé à autant de violations de l'article l commun que de passivités. En fait, il y en a eu légion. Or, où sont Les mesures de responsabilité des États qui auraient été mises en œuVTe à la. suite de ces manquements? Peut-on penser qu'on ait renoncé à. chaque fois à sanctionner cette violation si l'on était convaincu qu'il y a.va.it réellement une obligation

juridique~ Ne faut-il pas plutôt penser que l'absence généralisée de sanction est révélatrice du fait que Les États ne se sentent pa obligés d'agir en pre·

mier lieu? Quelle serait d'ailleurs la sanction applicable 1 Une satisfaction pour la violation de l'article l commun, au sens de 1 article 37 des Articles de la Commission du droit international sur la responsabilité des États 1 Ou des dommages pour les violations du DIH qui auraient (peut-être) pu être évitées en cas d'action? Comment mesurer objectivement ce dommage dérivé? Dans quelle proportion du dommage issu de 1 acte contraire au DIH lui-même se situe-t-il? Quelle serait la ventilation des parts de responsa.bi- lité de chacun dans une responsabilité plus ou moins solidaire de x États du monde 1 De plus, ne faudrait-il pas prévoir une action collective des Ét-ats contractants pour éviter l'anarchie des mesures individuelles? Certes, tant que les démarches se bornent à demander le respect du DIH, une action non coordonnée ne pose pas de problèmes. Mais en cas de mesures positives, notamment de sanctions, la question de la coordination se posera.it imman·

quablement. Il resterait aussi le problème de la responsabilité résiduelle de chaque État membre si la collectivité des États contractants n'adoptait pas les mesures nécessaires. Faudrait-il alors postuler une responsabilité subsi-

R. O.li.D.I., vol. 137, 1972-Ill, p. 337. Et l'auteur-qui est collaborateur du CICR-constate ici déjà que la pratique brille par une insigne passivité!

(3) A. F.~tOTrO, ibid., pp. 88·220.

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diaire de chaque État membre de prendre unilatéralement les mesures qui s'imposen de son point de vue? Ce n'est pas tout. Le pire est à venir: quelle action faudrait-il en reprendre pour suffire à l'obligation 1 Des démarches diplomatiques suffiraient-elles, et si oui n'ouvrirait-on pas la porte à des exercices rituels et hypocrites, faits uniquement pour formellement suffire à. l'obligation {4) 1 Ou encore faudrait-il entreprendre • tout ce qui est dans le pouvoir d'un Éta t, une obligation assurément énorme et quelque part illimitée 1 Quelque chose reste toujours possible; faut-il donc le faire? Qui en jugera, l'État lui-même (alors on risquera de rester sur sa faim) ou un tiers (alors u.n Éta ne saurait jamais à quoi il s'e>.:poserait, tant que les devoirs encourus ne seraient pas précisément codifiés}? Peut-on raisonnablement penser que les États se soient engagés aussi loin 1 Or, c'est bien la pratique de ces États qui compte, non les conclusions d une doctrine parlant en son propre nom. On comprend aisément que la. pratique des États n'ouvre pa de telles boîtes de Pandore, inutiles de surcroît.

9. Ce que l'on trouve dans la. pratique sont certaines démarches, à certains moments, de tel ou tel État, surtout de ceux qui ont une influence sur tel ou tel belligérant; et parfois une action de la part de la Conférence des États membres mais là encoretrès sporadique, sélective et inégale. L'analyse détail- lée de la pratique, telle quel entreprend A. Frutig, montre que cette pratique est entièrement compatible aveo l'idée d'unefac'Ulté d'intervenir, fondée sur l'article 1 commun et sur le droit international général, mais qu'elle ne révèle pas l'existence d'une obligation en toutes circonstances, obligation qui n'a jamais été mise en œuvre de manière suffisamment constante depuis 1945 pour former une opinio j'ttri81 et puisqu'on. se situe dans un développement de l'article 1 commun par la pratique subséquente, on est bien dans le domaine d'un développement de droit coutumier, greffé sur les CG). Sincèrement, ce résultat peut-il surprendre 1 Je ne le crois pas. Plus généralement parlant, il faut éviter de postuler des idées généreuses mais irréelles. On fait ainsi plus de dommage an Dili, en le projetant dans un espace imaginaire de fables qu'on ne lui porte préjudice en l'exposant de manière plus modeste mais aussi plus réelle. Une critique de lege ferenda reste évidemment toujours loisible;

mais elle doit être signalée comme telle. Il faut éviter d'importer dans le corps du droit positif ce qui ne sont finalement, que des désirs personnels. Le sérieux finit toujours par payer, car le DIH reste alors plus crédible auprès des acteurs concernés- et Dieu sait s il en a besoin! Cela ne doit-il pas être notre but commun 1 N'y a-t-il pas déjà assez à faire à cet égard pour ne pas ouvrir d'autres chantie·rs 1

1 O. Ce n'est pas dire, toutefois, que de telles obligations d'agir ne puis ent pas naître d autres sources du droit international, et notamment du droit

(4) Un peu comme le discours sur les droits de l'homme que chaque dirigeant européen croit devoir tenir à ses homologues chinois lors des visites officielles en Chine, pour impressionner notam- ment la presse et une certaine section de l'opinion publique européenne.

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international général. Il est indubitable que des obligations surgissent de la violation de certaines normes impératives, en vertu de normes du droit international général reflétées dans les articles 40-41 des Articles de la Com- mission du droit international sur la responsabilité des États. Le devoir de non-reconnaissance et le devoir de nE' pas assister sont d'anciens devoirs déjà reconductibles, entre autres, à la Doctrine Stimson e à. l'affaire de la Namibie (avis consultatif, CIJ, 1971). Des volets positifs- contenant des obligations d'agir- sont plus parcimonieusement distribués, mais ne sont point absents. On peut signaler comme exemple, l'obligation de reconnaître l'illégalité d'une situation découlant de la violation de certaines de ces normes fondamentales, rappelée déjà en 1971 par la CIJ (au§ 119 de l'avis sur la Namibie, sans référence au jus cogens}. C'est sans doute dans le contexte de ces obligations de droit international général qu'il faut voir la toi1e de fond des a.ffirmations de la. CIJ dans 1 avis du Mur de 2004, bien que la Cour formule l'obligation d'agir aussi de manière autonome dans le contexte de J'article 1 commun. À notre sens, cette affirmation n'est solide que dans la mesure où l'article 1 commun est dans ce cas renforcé par les obligations de droit international général. Une partie au moins du DIH doit être considérée comme reflétant du jus cogens. Dès lors, la violation de ces normes par des manquements • flagrants et systématiques~ entrai'ne ces conséquences juri- diques particulières de droit international général. Qu'il y ait en la matière des obligations juridiques (surtout de ne pas faire) est manifeste et ne peut être sérieusement contesté. Peut-être peut-on dans ce contexte précis interpréter différemmen l'article 1 commun. Il sera peut-être possible de transférer les

«obligations • mentionnées du droit inte·rna.tional général aussi au sein des CG, à travers la fenêtre normative de l'article l. Ces obligations existeraient alors à la. fois dans le droit international général et au. sein des CG. Il n'est pas nécessaire de trancher cette question de construction doctrinale ici. L'effet juridique de cette construction n'est d'ailleurs pa{; de grande portée, sauf par exemple qu'en construisant ces obligations aussi dans le cadre conventionnel, la compétence d'action du CIOR selon ces textes pourrait éventuellement être renforcée d un volet plus général (mais je doute que te CICR veuille s'y engager, de peur de ne plus être perçu comme neutre).

11. Dans notre contexte des territoires occupés par Israël, qu.' est-ce qui est perdu par l' a.bandon de l'obligation 1 Au fond, rien du tout. L'on aboutit très largement aux mêmes résultats pratiques dans le cadre d'une obliga ion comme dans celui d'une faculté, mais dans ce dernier cas sans le fard du militantisme ou de la facilité. L'UE possède manifestement, d'après le DIH actuellement applicable, une faculté de prendre des mesures contre Israël pour faire respecter la CG IV, violé'e par les pratiques israéliennes dans les territoires occupés. Cette faculté repose juridiquement sur l'article 1 commun et sur le droit ·international général. Du point de vue de la politique juridique de l'DE. il faut saluer cette pratique de c sanction •· Elle met en une certaine cohérence les proclamations plus ou moins grandiloquentes sur l'importance·

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du DIH et les actes concrets susceptibles d'avoir une incidence tangible.

Savoir si l'on peut obtenir davantage par Israël par une telle politique de sanctions ou par une politique de non-sanction ressortit à la. politique juri- dique et non au droit. Il en va de même des autres paramètres dont il faut tenir compte. Au vu de la médiocrité des résultats acquis jusqu'ici, cette nouvelle a.rme ne paraît pas dépourvue de justifications. be plus, l'UE ne s' e)._-pose à aucune responsabilité internationale pour ces actes de~ sanction t.

Le DIB et le droit international général autorisent et parfois obligent les États à prendre certaines mesures dans ces cas. Une autorisation normative exclut le fait illicite: le droit ne peut pas accorder une autorisation (traitant par là un fait comme licite) et en même temps y rattacher une reSponsabilité pour fait illicite. Sur tous ces points, l'anaJyse de François Du buisson est éclairante et précise.

12. Politiquement, il serait utile qu'Israël cesse de se considérer sous l'angle de l'éternelle victime. Cette perspective est issue des événements tragiques de la persécution, avec leur lot de psychologie défensive centrée sur l'effort de ne plus jamais se montrer faible de ne plus jamais être à la merci d'autrui, en oubliant que par cela on se transforme ubrepticement

soi-même en oppresseur. Une paix juste, dont on pa.rle toujours, ne peut

être basée que sur la-reconnaissance des droits de chacun et sur des accords transactionnels viables et acceptables par les partie concernées. Sans doute les États arabes ne se sont-ils pas montrés assez conciliants après 1945, mais tout aussi indubitablement Israël n'est pas prêt à faire les pas qui s'imposent aujourd'hui {ou plus précisément: une fraction importante de la. société israé- lienne). Le plus fort est celui à qui 1 on demande le plus grand pas initial; le plus fort est a.ujollrd'bufisra.ël. Hélas l On ne voit pas les acteurs du conflit au Proche-Orient prendre le chemin d'une telle modération, où au lieu de cher- cher toujours la poutre dans l'œil de l'autre, on serait enfin prêt à considérer d'abord Ja ienn'è:-:La saturation de haines et de méfiances,!' élément religieux militant, la résurgence un peu partout des nationalismes décomplexés, e d'autres facteurs du même acabit exercent leur influence néfaste. TI faudra san doute encore beaucoup de temps et bien d'autres désastres cuisants pour que la raison se fasse légèrement jour, comme lorsque le nuage matinal se dissipe et se déchire sous l'influence d'une remontée des pressions. Pour l'instant, le Proche-Orien reste, dans le langage de Ja météorologie, dans un couloir dépressionnaire. Mais une chose est certa,ïne: on recueille toujours les fruits qu'on mérite, dans le sens qu'ils découlent de la politique que l'on mène, et surtout: de la politique que l'on a menée.

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