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L'état créancier et l'article 43 LP

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L'état créancier et l'article 43 LP

DEFAGO GAUDIN, Valérie

DEFAGO GAUDIN, Valérie. L'état créancier et l'article 43 LP. In: Foëx, Bénédict. La

défaillance de paiement : retard et défaut de paiement . Fribourg : Ed. universitaires, 2002. p. 145-162

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91344

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(2)

L'ÉTAT CRÉANCIER ET L'ARTICLE 43 LP'

par

Valérie DÉFAGO GAUDIN2 Assistante à l'Université de Genève

Introduction

En présence d'un débiteur défaillant, il est fréquent que l'Etat compte parmi les créanciers de celui-ci. L'application de l'article 43, chiffre !, de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite3 doit de ce fait être envisa- gée. Cette disposition prévoit en effet que la poursuite par voie de faillite est exclue pour certaines créances de droit public.

Dans la première partie de notre exposé (infra l), après avoir rappelé quel- ques généralités relatives au recouvrement des créances, nous présenterons brièvement certaines règles particulières relatives aux créances de droit public.

Nous exposerons ensuite comment s'insère l'article 43 LP dans cette systéma- tique, le but que cette disposition poursuit, ainsi que sa portée.

Dans une seconde partie (infra II), nous détaillerons les conditions d'appli- cation del' article 43, chiffre 1, LP, puis, après deux illustrations, nous tenterons un essai de synthèse : nous exposerons les raisons pour lesquelles l'application de cette disposition mène à des situations inconfortables, et proposerons une approche différente pour l'application de la norme.

I. Le recouvrement des créances de droit public Le recouvrement des créances selon la LP

Le recouvrement des créances d'argent, en Suisse, s'effectue par la voie de la poursuite pour dettes et de la faillite'.

1 Etat au 15 décembre 2000.

2 Nous tenons à re1nercier Monsieur le professeur François Bellanger pour les précieuses remarques qu'il nous a prodiguées tout au long de l'élaboration de ce texte. Nous remercions également Monsieur Marc Fabrice Montini, assistant à la Faculté de Droit, pour la relecture de notre travail.

3 RS 281.1; «LP».

4 Article 97, alinéa 2, Code des obligations (RS 220; «CO»), article 38, alinéa 1, LP.

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Il existe des modes d'exécution spéciale et des modes d'exécution générale du patrimoine du débiteur'. L'exécution spéciale comprend la poursuite par voie de saisie ou de réalisation de gage, et porte sur une part déterminée du patrimoine du débiteur. L'exécution générale, qui comprend la poursuite par voie de faillite ou le concordat par abandon d'actifs, porte sur l'ensemble du patrimoine du débiteur. Le choix entre une exécution spéciale ou générale des biens du débiteur dépend de la qualité de celui-ci6: l'exécution est générale lorsque le débiteur est inscrit au Registre du commerce, en l'une des qualités énumérées à l'article 39, alinéa 1, LP.

La procédure selon la LP est sous-tendue par le principe général de l'éga- lité entre les créanciers 7 : quels que soient la nature ou le montant de la créance invoquée, les créanciers doivent être traités de manière égale. Cette égalité de principe tend à être consacrée dans le cadre d'une exécution générale, au cours de laquelle tous les créanciers participent à la réalisation - sous réserve toutefois de la répartition des créanciers par classes8 . Elle est assurée dans une moindre mesure dans le cadre d'une exécution spéciale qui, du fait du système des séries, fait prévaloir le principe de la priorité dans le temps9.

Le recouvrement des créances de droit public, à savoir des créances qui appartiennent à l'Etat, s'effectue en confonnité des règles ci-évo- quées. D'une part, la procédure suivie est celle de la LP10. D'autre part, en raison du principe de !'égalité entre les créanciers, les créances de droit public et les créances de droit privé sont traitées de manière égale au regard de l'application de la loi11·12.

Cependant, cette égalité de principe entre créanciers de droit public et de droit privé souffre un nombre certain d'exceptions, au point, parfois, de ne servir plus que de ligne directrice pour l'interprétation de celles-ci13.

Nous survolerons ci-après quelques règles particulières applicables en matière de créances de droit public (infra B), et passerons ensuite à la présen- tation de l'article 43 LP (infra C).

5 AMONN K./GASSFR D., p. 65; GILLIÉRON P.-R. 1993, pp. 106-109.

6 ATF 94/1968 III 72, lnte1j€:r Verwaltungs-Aktiengesellschaft = JT 1969 II 67. ACOCELLA D.,

N° 3 ad Art. 43 LP; AMONN K./GASSER D., p. 64; GILLIÉRON P.-R. 1983, p. 107.

7 Al'VIONN K./GASSER D., p. 199; GrLLIÉRON P.-R. 1999, N° 77 ss ad Remarques introductives aux art. 1-37 LP; GILLIÉRON P.-R. 1993, p. 23.

8 Article 219 LP. AMONN K./GASSER D., p. 281.

9 Article 110 LP.

10 KNAPP B./HERTIG G., p. 125.

11 L'Etat n'a donc pas le privilège de l'exécution d'office: KNAPP B., N° 1597. AcoCELLA D., N° 4 ad Art. 38 LP; A.tvIONN K./GASSERD., p. 55; GILLlÉRON P.-R. 1999, N° 84 ad Remarques introductives aux art. 1-37 LP, N° 3 ad Remarques introductives aux art. 38-45 LP; RIGOT D., p. 57; SrüHLER K., pp. 256-257. ATF 120/1994 Ill 23, Commune de X ~ JT 1996 Il 147.

12 Il n'est donc pas nécessaire de distinguer, à ce stade de l'exposé, une créance de droit public d'une créance de droit privé; la définition s'avère nécessaire au stade de l'application des exceptions qui soustraient certains types de créances de droit public à la procédure de la LP (article 44 LP), ou qui instaurent lm régime de poursuite particulier (article 43 LP).

13 GILLIÉRON P.-R. 1999, N° 83 ad Remarques introductives aux art. 1-37 LP.

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A. Les règles particulières en matière de créances de droit public Les exceptions au principe de l'égalité entre créanciers de droit public et de droit privé sont concrétisées dans des prérogatives conférées par des lois autres que la LP, mais qui ont une influence directe sur la procédure d'exé- cution forcée (infra 1), dans l'exclusion de l'application de la LP pour cer- taines créances de droit public (infra 2), ou dans l'existence de traitements particuliers conférés à l'Etat dans le cadre de la procédure selon la LP (infra 3)14. L'article 43, chiffre 1, LP, dans la mesure où il impose un mode de poursuite particulier lorsque le créancier est l'Etat, est l'un de ces traite- ments particuliers réservé à l'Etat au sein de la procédure selon la LP (infra C.).

1) Les prérogatives conférées en amont de la LP

Des privilèges sont conférés à 1' Etat créancier non pas par la LP, mais par d'autres textes légaux qui influencent d'une manière décisive ]a procédure d'exécution forcée.

Ainsi, en amont de la procédure d'exécution forcée, il existe des hypothè- ques légales en faveur de l'Etat"- Le Code civil du 10 décembre 190716 réserve en effet en son article 836 les hypothèques légales créées par la voie législative par les cantons pour garantir leurs créances de droit public. Par exemple, à Genève, l'article 371, alinéa 1, de la Loi générale du 9 novembre 1887 sur les contributions publiques17 prévoit que deux impôts inunobiliers sont au bénéfice d'une hypothèque légale sans inscription.

Dans cette hypothèse, le privilège conféré à l'Etat créancier ne découle pas directement de la qualité de celui-ci dans la procédure de poursuite, mais du fait qu'il dispose d'un droit de gage, avec tous les privilèges que la titularité d'un tel droit réel implique une fois la procédure de poursuite engagée18.

2) L'exclusion de la procédure selon la LP

L'article 44 LP a pour effet d'exclure du champ de la LP «la réalisation d'objets confisqués en vertu des lois fiscales et pénales de la Confédération et des cantons ».

14 Les dispositions citées ci-infra sont rappelées pour mémoire; en particulier, il ne sera pas examiné si leur champ d'application se confond avec celui de l'article 43 LP.

15 Il s'agit-là de ce qu'il reste des privilèges que s'étaient arrogés les cantons pour s'assurer du paiement de leurs créances de droit public, avant l'entrée en vigueur de la LP en 1889, puis du

cc

en 1912: ZUCKER A., p. 33.

16 RS 210· «CC»

17 RS/Ge

D

3 05. .

18 Entre autres avantages, la collocation de préférence sur le produit de la réalisation (art.

146, al. 2, LP), la possibilité de requérir l'extension du gage aux loyers dès la réquisition de poursuite (art. 806 CC et 152, al. 2, LP), ou la double mise à prix (art. 142 LP).

(5)

Cette disposition est une exception importante au principe selon lequel le recouvrement des créances de droit public se fait en application de la LP19,

dans la mesure où certaines créances sont soustraites à une procédure « or- dinaire» de recouvrement selon la LP, au profit d'une procédure figurant dans une loi spéciale.

Le but, la portée de cette disposition, ainsi que sa conformité au regard du principe de la force dérogatoire du droit fédéral sont aujourd'hui encore précisés, voire débattus20. En effet, le texte de la disposition se prête à de nombreuses interprétations, compte tenu notamment de la terminologie uti- 1isée, qui n'a pas un sens uniforme dans chaque do1naine du droit21.

3) Les privilèges dans le cadre de l'application de la LP

Au sein même de la procédure d'exécution forcée selon la LP, l'Etat dispose de prérogatives particulières : il jouit du privilège du préalable, d'une part (ci-infra); il influence, en raison de sa qualité de créancier particulier, le mode de poursuite auquel est assujetti le débiteur, d'autre part (infra C).

En principe, afin d'obtenir la mainlevée définitive de l'opposition formée par le débiteur, le créancier doit être au bénéfice d'un jugement exécutoire (art. 80, al. 1, LP). Or, si le créancier est une autorité administrative, ses décisions sont assimilées à des jugements, ce qui lui permet d'obtenir du juge la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer (art.

80, al. 2, ch. 2 & 3 LP).

11 n'est donc pas nécessaire que l'Etat créancier soit au bénéfice d'un jugement; il peut bénéficier d'un titre exécutoire valant titre de mainlevée définitive sans avoir à s'adresser aux tribunaux22. L'Etat jouit ainsi du privi- lège du préalable23, ce qui le distingue des autres créanciers.

C. La règle de l'article 43 LP

Au sein même de la procédure d'exécution forcée selon la LP, l'article 43 LP prévoit que la poursuite par voie de faillite est exclue pour trois catégories de créances: certaines créances de droit public (art. 43, ch. !, LP), le recouvre- ment de contributions périodiques d'entretien et d'aliments selon le droit de la famille (art. 43, ch. 2, LP) et la constitution de sûretés (art. 43, ch. 3, LP).

Ces deux dernières hypothèses ont été introduites à l'occasion de la révi- sion de la LP de 1997. Sortant du champ du présent exposé, elles ne seront pas examinées ici.

19 ACOCELLA D., N° 1 ad art. 44 LP; SPÜHLER K., p. 257; contra: ADLER T. 1993, p. 25, pour qui la portée de cette disposition n'est que relative.

20 Voir notamment ADLER T., ÜILLIF:RON P.-R., ad art. 44 LP, RJGOT D, p. 63 ss.

21 En particulier la notion de « confiscation », qui peut se rapporter, dans le domaine du droit pénal, à la confiscation au sens de l'article 58 CP, mais également revêtir une signification plus étendue, pour englober d'autres concepts: voir GILLIÉRON P.-R. 1999, ad art. 44 LP.

22 AMONN K./GASSER D., p. 124; GtLLIÉRON P.-R. 1983, p. 144; RIGOT D., p. 136.

23 KNAPP B., N° 1599.

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1) Norme d'exception

Dans la systématique générale du recouvrement des créances, l'article 43 LP s'insère en tant que norme d'exception à un double titre.

D'une part, il consacre une exception au principe général selon lequel les créances de droit public sont traitées de la même manière que les créances de droit privé dans le cadre de l'application de la LP. D'autre part, comme ce n'est pas la personne du débiteur, mais celle du créancier, qui détermine si l'exécution est générale ou spéciale, il s'oppose au principe de l'article 39 LP.

En raison de ce caractère dérogatoire, il est unanime1nent admis que la disposition doit être interprétée restrict1vement24.

2) But poursuivi par la disposition

La règle de l'article 43, chiffre !, LP a été adoptée lors de l'introduction de la LP, à la fin du siècle dernier.

Il ressort des travaux préparatoires que la norme a été adoptée dans l'inté- rêt de l'Etat créancier25.

Par une exécution spéciale en dérogation aux règles habitnelles, on pré- fère une procédure plus rapide qu'une exécution générale de tout Je patri- moine du débiteur. En effet, les délais rythmant la procédure sont plus brefs en cas de poursuite par voie de saisie ou en réalisation de gage qu'en cas de poursuite par voie de faillite26.

Par ailleurs, on évite de ce fait également que l'Etat ue concoure avec de nombreu,""{ autres créanciers. En effet, en cas d'exécution spéciale, c'est le système des séries qui prévaut, avec l'application du principe de la priorité dans le temps. Le principe de l'égalité entre les créanciers est dans une grande 1nesure amoindri, au profit des créanciers participant à la série27.

En outre, le législateur de l'époque a tenu compte du fait que les poursui- tes intentées par l'Etat l'étaient souvent pour de petites sommes, ce qui ne justifiait pas une exécution générale de tout le patrimoine du débitem-.

Enfin, et c'est plus anecdotique, l'Etat comptait« ne pas se rendre odieux en mettant en faillite les citoyens ».

Ainsi, le but poursuivi par la norme était, à l'époque, de favoriser l'Etat créancier, en lui permettant de s'éviter une procédure d'exécution générale des biens du débiteurw

Au fil du temps, cependant, ce but semble parfois avoir été perdu de vue.

On peut en effet lire dans certaines décisions que la norme aurait été édictée

24 ATF du 25 mai 1999, S. & Co, in SJ 1999 I 496; ATF 118/1992 III 13, Jan Surovka = JT 1994 II 38. ACOCELLA D., N° 3 ad art. 43 LP; ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 10 ad art. 43 LP.

25 RIGOT D., p. 108, avec les références aux travaux préparatoires de 1886, non parus directe- ment à la f<'F, mais à la BB!.

26 SJZ 1994 p. 15. ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 28 ad art. 43 LP.

27 Voir supra TI. A. AcocELLA D., N° 2 ad art. 43 LP; ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 17 ad art. 43 LP.

28 ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 17 ad art. 43 LP; RIGOT D., p. 108.

(7)

dans l'intérêt <ln débiteur également. D'nne part celui-ci pourrait compter avec l'absence de risque de mise en faillite pour ses créances de droit public, notam- ment en matière fiscale29. D'autre part, l'interdiction de la faillite servirait à contrebalancer l'avantage conféré à l'Etat créancier par le privilège du préala- ble; l'interdiction de la poursuite par voie de faillite serait donc la contrepartie de !'avantage découlant du pouvoir de statuer par voie de décision30.

Ainsi, on constate que, si pour le législateur le but poursuivi par la norme était clair, il l'est moins aujourd'hui. Cela se ressent d'ailleurs à lecture des décisions rendues en application de la disposition (voir infra II. B).

3) Conséquences de l'application de l'article 43 LP

Si les conditions de son application sont réalisées, l'article 43, chiffre l, LP empêche l'Etat de continuer la poursuite du débiteur défaillant par la voie de la faillite. La poursuite ira de l'avant soit par la voie de la saisie soit par celle de la poursuite en réalisation de gage, en fonction de l'existence d'un gage garantissant la créance31.

La disposition n'empêche en revanche pas l'Etat de produire dans la fail- lite du débiteur qui aurait été requise par un autre créancier32.

On peut se demander si l'exclusion de la poursuite par la voie de la faillite prévue à l'article 43, chiffre 1, LP emporte l'exclusion d'autres modes d'exécution générale du patrimoine du débiteur, tels la poursuite pour effets de change (infra a), la faillite sans poursuite préalable (infra b) ou le concor- dat par abandon d'actifs (infra c).

a) La poursuite pour effets de change

Lorsque les conditions de l'article 43 LP sont réalisées, non seulement la continuation de la poursuite ordinaire par voie de faillite est exclue, mais également une poursuite pour effets de change33

L'ouverture de ce dernier mode de poursuite est subordonnée à la condi- tion que le débiteur soit sujet à la poursuite par voie de faillite34 ; en effet, la poursuite pour effets de change aboutit à l'ouverture de la faillite du débi- teur, ce que tend justement à éviter l'article 43 LP.

b) La faillite sans poursuite préalable

En revanche, l'application de l'article 43 LP n'exclut pas, dans une certaine mesure, l'ouverture d'une faillite sans poursuite préalable.

29 ATF 77/1951Ill37, Radio-Keller AG. Nous ne souscrivons pas à cette appréciation, dans la 1nesure où le débiteur n'est pas à l'abri d'une requête en faillite sans poursuite préalable, conformément à l'article 190 LP, voir infra L C. 3. b).

30 BISchK 1999, p. 97, Oberger;cht du canton de Zurich.

31 Article 41, alinéa 1, LP. ACOCELLA D., N° 3 & 13 ad art. 43 LP; AMONN K./GASSER D., p.

66; GrLLIÉRON P.-R. 1983, p. 109.

32 ÛILLlliRON P.-R. 1999, N° 23 ad art. 43 LP; LORANDI F./CAMPONOVO R., p. 162.

33 ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 1 ad art. 43 LP.

34 Article 177, alinéa 1, in fine LP. Alv10NN K./GASSER D., p. 295 ; BAUER A., N° 30 ad art. 177 LP; GrLLTÉRON P.-R. 1993, p. 258.

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La faculté pour un créancier de requérir la faiJlite d'un débiteur sans intro- duire de poursuite au préalable (art. 190 LP) sert à protéger les intérêts du créancier, dans la mesure où ceux-ci apparaissent mis en périP5. Cette faculté est conférée au créancier en cas de comportement frauduleux du débiteur, que celui-ci soit ou non sujet à la poursuite par voie de faillite (absence de résidence connue, fuite dans l'intention de se soustraire à ses engagements, actes en fraude des droits des créanciers, celation de biens dans le cadre d'une poursuite par voie de saisie: art. 190, al. 1, ch. l LP); elle existe également en cas de suspension de ses paiements par un débiteur sujet à la poursuite par voie de faillite (art. 190, al. 1, ch. 2 LP), ainsi qu'en cas de refus d'homologation d'un concordat ou de la révocation d'un sursis concorda- taire (art. 309 et 190, al. 1, ch. 3 LP).

li est reconnu qu'il n'y a pas de raison de ne pas permettre à l'Etat créan- cier de pouvoir bénéficier de l'avantage conféré par cette norme, que ce soit en cas de comportement frauduleux du débiteur (art. 190, al. 1, ch. 1, LP)36,

ou en cas de suspension des paiements (art. 190, al. 1, ch. 2, LP)37-38. L'article 190 LP apparaît donc comme une lex speciaUs de l'article 43 LP39. L'Etat créancier conserve cependant le choix entre requérir une faillite sans poursuite préalable ou continuer de poursuivre son débiteur par la voie de la saisie.

c) Le concordat ?

Tout créancier en mesure de requérir la faillite peut également demander au juge du concordat l'ouverture de la procédure concordataire (art. 293, al.

2, LP). Cette disposition est l'une des nombreuses innovations introduites à l'occasion de la révision de la LP relatives à la procédure concordataire'° ; auparavant, seul le débiteur pouvait former une telle requête41.

La faculté pour un créancier de requérir un concordat est donc subordonnée à celle de requérir la faillite au sens de l'article 293, alinéa 2, LP. li convient ainsi de se demander si cette faculté de requérir la faillite en tant que condi- tion pour requérir un concordat est déterminée selon les règles générales (l'article 39 LP et son exception, l'article 43 LP), ou si la /ex specialis de l'article 190 LP peut également entrer en ligne de compte. En effet, en se fondant sur les règles générales uniquement, l'article 43 LP s'appliquerait pleinement, et l'Etat créancier ne serait pas en mesure de requérir l'ouverture d'une procédure concordataire. En revanche, si la qualité de celui qui requiert la faillite est également déterminée par la lex specialis de l'article 190 LP, l'Etat créancier pourrait requérir l'ouverture d'une procédure concordataire.

35 AMONN K./GASSER D., p. 303 ; BRUNNER T., N° l ad art. 190 LP.

36 ÀCOCELLA D., N° 12 ad art. 43 LP; GTLLIÉRON P.-R. 1999, N° 25 ad art. 43 LP; RlGOT D., pp. 111-112.

37 ATF du 17 décembre 1999, Confédération suisse, in SJ 2000 I 248 ; ATF du 25 mai 1999, S.

& Co, in SJ 1999 1496. ÜTLLIÉRON P.-R. 1999, N° 25 ad art. 43 LP

38 Pour ce qui est des conditions particulières imposées par la jurisprudence aux poursuites de l'Etat, voir BRUNNER T., N° 19 ad art. 190 LP et AcocELLA D., N° 12 ad art. 43 LP.

39 ATF du 25 mai 1999, S. & Co, in SJ1999 1 496.

40 Voir les articles 293 et ss LP.

41 VüLLMAR A., N° 8 ad art. 293 LP.

(9)

La doctrine semble pencher pour la seconde hypothèse : celui qui serait ha- bilité à requérir une faillite sans poursuite préalable le serait également s'agissant d'un concordat42.

4) Procédure

L'article 43 LP, en tant qu'il détermine un mode de poursuite, est une dispo- sition impérative, édictée dans l'intérêt publie43. Les dispositions et mesures prises dans le cadre d'un mode de poursuite erroné sont donc nulles44. Cette nullité doit être constatée d'office par l'autorité saisie, que ce soit l'autorité de surveillance, le juge de la faillite45, ou le Tribunal fédéral46, ceci même dans Je cas d'un recours qui ne remplirait pas toutes les conditions de rcce- vabilité47.

II. L'application de l'article 43, chiffre l, LP A. Deux conditions cumulatives

L'article 43, chiffre l, LP exclut la poursuite par voie de faillite pour «le recouvrement d'impôts, contributions, émoluments, droits, amendes ou au- tres prestations de droit public dues à une caisse publique ou à un fonction- naire».

Pour entraîner l'exclusion de la faillite, deux conditions cumulatives doi- vent donc être réalisées: il doit s'agir d'une contribution de droit public, d'une part (infra 1), et celle-ci doit être due à une caisse publique, d'autre part (infra 2)48.

42 A1vroNN K.IGASSER D., p. 46; VüLLMAR A., N° 16 ad art. 293 LP. A notre connaissance, le cas particulier des créances de droit public n'a cependant pas été examiné sous cet angle.

43 AcoCELLA D., N° 11 ad at. 43 LP; GILLIÉRON P.-R. 1999, N° 13 ad art. 43 LP.

44 BlSchK 1991 71, Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville. ACOCELLA D., N° 11 ad art.

43 LP; RlGüT D., p. 109, note 9.

45 BlSchK 1991 71, Appellatiunsgericht du canton de Bâle-Ville.

46 ATF 94/1968 Ill 72, lnterfer Verwaltungs-Aktiengesellschaft = JT 1969 Il 71.

47 ATF 94/1968 Ill 72, Jnterfer Verwaltungs-Aldiengesellschaft = JT 1969 Il 71; ATF 115/

1989 ITT 89, Fondation« Winterthour »pour la prévoyance professionnelle obligatoire= JT 1992 II 17.

48 Jurisprudence et doctrine sont unanimes sur l'exigence du cumul des deux conditions: voir, récemment, l' ATF 12511999 III 250, SfYJCA Gesundheitsorganisation = JT 1999 II 80, et les références citées. ACOCELLAD., N° 5 ad art. 43 LP; AMONN K./GASSER D., p. 66; GlLLIÉRON P.- R. 1999, N° 35 ad art. 43 LP.

(10)

1) Contribution de droit public

Il est généralement admis que 1 'énumération des tern1es « impôts, contri- butions, émoluments, droits et amendes» n'est qu'exernplative, et sert à cerner la notion d' «autres prestations de droit public »49. Pour cette rai- son, nous utilisons le terme générique de « contribution de droit pu- blic »50.

La notion de contribution de droit public a donné et donne toujours lieu à diverses interprétations, qui se fondent sur différents critères.

Le premier critère qui a été retenu, nota1nn1ent par la doctrine an- cienne, est celui de la relation de subordination51. Si la relation entre l'Etat créancier et le débiteur est caractérisée par un rapport de subordi- nation, les contributions dues dans ce cadre sont considérées comme étant de droit public. Cette interprétation s'appuie sur les exemples énu- mérés dans le texte légal, qui contiennent tous ce caractère de supériorité de l'Etat sur le débiteur. Ce critère est toujours retenu par certaines juri- dictions52.

Un. deuxième critère, qui peut s'ajouter au pre1n]er, est que la prestation à recouvrer doit être instituée dans l'intérêt général; la prestation doit profiter à l'entité qui la perçoit, et non à une personne détenninée53. Ce critère a été développé dans une jurisprudence de 196754 ; le Tribunal fédéral avait à juger de l'applicabilité de l'article 43 LP à une poursuite en prestation de sûretés ordonnée par la Commission des banques à un fonds de placements.

Faisant une interprétation restrictive de la norme, il a estimé que celle-ci ne pouvait pas s'appliquer, dans la mesure où les sûretés servaient à protéger non pas un intérêt général, mais l'intérêt privé des porteurs de parts. Dans cette hypothèse, le fait que la perception se fasse par ! 'intermédiaire d'une collectivité étatique est irrelevant.

La jurisprudence se contente parfois d'un critère d'interprétation plus formel, à savoir la nature de la loi sur laquelle se fonde la prétention ; si la créance a sa cause juridique dans le droit public, la prétention est de « droit public» au sens de l'article 43, chiffre l, LP55. Il en irait ainsi, selon cette acception, de certaines prétentions en paiement fondées sur la Loi fédérale

49 ACOCELLA D., N° 7 ad art. 43 LP; GrLLTÉRON P.-R. 1999, N° 36 ad art. 43 LP; RIGOT D., p.

113.

so Nous nous exprimons dans le cadre de l'application de l'article 43 LP, et ne nous référons pas à la notion dans son acception selon le droit fiscal.

51 BLUMENSTEIN E., p. 194.

52 B!SchK 1999 98, Obergericht du canton de Zurich; BlSchK 1991 71, Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville; BlSchK 1970 49, Autorité de surveillance inférieure du canton d'Argovie.

53 ATF 54/1928 III 223, Ruprecht.

54 ATF 94/1968 III 72, lnterfer Venvaltungs-Aktiengesellschaft = JT 1969 II 74. Voir égale- ment l'ATF 118/1992 Ill 13, Jan Surovka = JT 1994 TT 42: dans cet arrêt, le Tribunal fédéral seinble se contenter de la cause juridique de droit public de la créance (p. 40) ; cependant, dans le cadre de la discussion de la seconde condition de l'article 43 ch. 1 LP, il en vient finalement à énoncer, dans un obiter dictum, le principe «à qui profite"·

55 BlSchl( 1999 96, Obergericht du canton de Zurich; ATF 115/1989 III 89, P~ondation

« Winterthour »pour La prévoyance professionnelle obligatoire = JT 1992 II 17 ; JAAC 1988 N° 3, Office fédéral de la justice.

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du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et inva- lidité56 ou sur la Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents57 ,

Cette jurisprudence est toutefois souvent affinée et, dans le contexte des assurances sociales, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que, quand bien même on se trouverait dans un rapport d'assurance obligatoire fondé sur du droit public, le fait que la relation entre l'assureur étatique et l'assuré relève du droit privé a pour conséquence que la première condition cumulative de l'article 43, chiffre 1, LP n'est pas réalisée, ce qui exclut que la disposition soit appliquée58 ,

Nous avons observé un dernier critère d'interprétation, qui est relative- ment récent li est le fait d'un Tribunal de district zurichois, qui avait à juger de l'application de l'article 43, chiffre 1, LP pour le recouvrement d'hono- raires dus au Tierspital du canton de Zurich59 , Ce Tribunal ne s'est pas arrêté à la qualification de droit public de la relation entre l'établissement et le patient, ni à une éventuelle relation de subordination, mais il s'est demandé si le débiteur avait la possibilité d'obtenir des prestations équivalentes ail- leurs; comme cela était le cas, il a estimé que l'Etat créancier n'avait pas à bénéficier d'un privilège, raison pour laquelle il a refusé d'appliquer l'arti- cle 43, chiffre 1, LP, Selon le Tribunal zurichois, le choix par le débiteur de son prestataire de services ne doit pas influencer, par la suite, le mode de poursuite auquel il serait soumis.

2) Caisse publique

Pour que l'article 43, chiffre 1, LP trouve application, il faut encore que la contribution de droit public soit due « à une caisse publique ou à un fonc- tionnaire »60. Cette seconde condition cumulative vise, d'une manière géné- rale, les sujets de droit public61,

Outre l'administration centrale62, il peut s'agir d'établissements publics63 ou de corporations de droit public64, tant au niveau fédéral qu'au niveau cantonaL En revanche, les sociétés d'économie mixte (art, 762 et 926 CO) ou les fondations de droit privé créées par l'Etat ne tombent pas dans le champ d'application del' article 43 LP65, Par ailleurs, quand bien même ils peuvent être

'' RS 83L40, s1 RS 832.20.

ss ATF 125/1999 III 250, SWICA Gesundheitsorganisation = JT 1999 II 8; ATF 118/1992 III 13, Jan Surovka = JT 1994 II 42.

59 SJZ 1994 15, Bezirksgericht du canton de Zurich.

60 Pour une interprétation du terme« fonctionnaire» dans ce contexte: GrLLIÉRON P.-R. 1999, N' 37 ad art 43 LP; RIGOT D,, p, 117,

61 ATF 125/1999 III 250, SWICA Gesundheitsorganisation = JT 1999 II 81 ; ATF 118/1992 III 13, Jan Surovka = JT 1994 II 40; BlSchK 1995 65,Autorité de surveillance en matière de poursuite et faillites du canton de Berne ; BlSchK 1994 53, Autorité de surveillance en matière de poursuite et_faillites du canton de Bâle-Campagne.

62 RlGOT D., p. 116.

63 Voir le cas du Tierspital de Zurich: SJZ 1994 14, Bezirksgericht du canton de Zurich

64 ATF l l 8/1992 III 13, Jan Surovka = JT 1994 II 40. ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 37 ad art. 43 LP,

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chargés del' exécution d'une tâche publique, des sujets de droit privé ne sont, de lege lata, pas assimilés à des caisses publiques66. A cet égard, il est indifférent que ceux-ci puissent être considérés comme des autorités dotées d'un pouvoir de décision au sens de l'article 1, alinéa 2, litt. e de la Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative67·68.

B. Illustrations

Aujourd'hui, l'application de l'article 43, chiffre 1, LP conduit à des situa- tions parfois inconfortables. Nous mentionnerons ici le cas des assurances sociales (infra 1 ), de même que celui de la libéralisation de marchés détenus jusqu'alors en monopole par l'Etat (infra 2).

J) Les assurances sociales

Bon nombre des assurances sociales sont obligatoires en vertu d'une législation de droit public ; les acteurs chargés de l'exécution de ces textes sont dotés d'un pouvoir de décision, voire, pour certains, bénéfi- cient du privilège du préalable ; les fonds gérés le sont au profit de la collectivité, dans la mesure où le principe de la solidarité entre les assu- rés prévaut69.

Pour ces raisons, et quel que soit le critère que l'on retienne, la première condition cumulative de l'article 43, chiffre 1, LP apparaît dans de nom- breux cas réalisée : il existe bel et bien une relation de subordination entre l'assureur et l'assuré, les contributions sont perçues dans l'intérêt public, la relation relève souvent du droit public.

Cependant, les entités servant l'assurance peuvent être soit des personnes de droit public (par exemple la SUVA), soit des personnes de droit privé (les autres caisses). Dès lors, deux institutions servant la même assurance dans des circonstances similaires pourront bénéficier ou non de l'application de l'article 43, chiffre 1, LP, selon qu'elles sont des persom1es de droit public ou de droit privéw

Cette situation inconfortable a amené certains auteurs à soutenir que, pour des raisons d'égalité de traitement, le critère de «caisse publique» ne sau- rait être déterminant pour l'application de l'article 43 LP en matière d'as- surances sociales gérées par des institutions de droit privé et de droit pu-

65 AcoCELLA D., N° 6 ad art. 43 LP; ÜILLIÉRON P.-R. 1999, N° 51 ad art. 43 LP.

66 ATF 125/1999 111250, SWICA Gesundheitsorganisation = JT 1999 II 81 ; ATF 115/1989 III 89, Fondation « Winterthour »pour la prévoyance professionnelle obligatoire = JT 1992 1118.

Le Tribunal fédéral s'en tient à une interprétation restrictive de la nonne, compte tenu du caractère dérogatoire de celle-ci.

67 RS 172.021; «PA».

68 ATF 118/1992 III 13, Jan Surovka = JT 1994 II 41.

69 Duc J.-L., p. 36; MAURER A., p. 68.

70 Pour l'application de l'article 43, chiffre 1, LP dans chaque domaine de l'assurance sociale, voir GILLIÊRON P.-R. 1999, N° 41-48 ad art. 43 LP.

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blic71. Le Tribunal fédéral se refuse toutefois à faire une interprétation contra legem de la dispositionn

2) Le marché de ! 'électricité

Des problèmes du même type risquent de surgir lors de la libéralisation de marchés jusqu'alors détenus en monopole par l'Etat, comme, par exemple, le marché de l'électricité. En effet, il est admis que la créance en paiement d'une facture d'électricité distribuée en régie par un établissement public tombe dans le champ d'application de l'article 43, chiffre 1, LPD Cepen- dant, au jour de l'ouverture du marché (celle-ci sera totale en principe 6 ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur le marché de l'électricité74), les con- sommateurs auront le choix de s'adresser à des entreprises privées ou publi- ques. Une fois encore, des créances de même type seront appréhendées d'une manière différente au regard de l'article 43 LP, alors même qu'une différence de traitement en raison de la personne du fournisseur ne devrait pas se justifier.

C. Essai de synthèse

Par ces deux illustrations, nous constatons que l'application de l'article 43, chif!Te 1, LP conduit aujourd'hui à des solutions insatisfaisantes.

La raison en est que la mission de l'Etat a beaucoup évolué depuis I' adop- tion de la norme à la fin du siècle passé. En effet, à cette époque, c'est avant tout une administration de police qui prévalait, dont la tàche principale était le maintien de l'ordre public, ainsi que la mise en œuvre du droit fiscal75. Au fil du temps, cependant, l'activité de 1 'Etat s'est développée et à cette admi- nistration de police s'est ajoutée une administration dite de prestation: de plus en plus, l'Etat est intervenu afin de mener une politique décidée par le législateur76 , dans le but de diriger l'économie et la société dans une direc- tion donnée77.

Cette modification de l'activité de l'Etat n'est pas sans conséquences dans le domaine qui nous concerne. De nouveaux moyens d'action de l'Etat sont apparus, qui ne sont plus exclusivement guidés par la puissance publique78 ;

ainsi, l'Etat conclut des contrats avec les citoyens79, tend à se mettre sur un pied

71 GrLLIÉRON P.-R. 1999, N° 44&49 ad art. 43 LP.

n Voir, dernièrement, l 'ATF 12511999 TU 250, SWJCA Gesundheitsorganisation = JT 1999 rJ 81.

73 ACOCELLA D., N° 6 ad art. 43 LP; GILLIÉRON P.-R. 1999, N° 52 ad art. 43 LP.

74 La Loi sur le marché de l'électricité (LME) a été adoptée par les Chambres fédérales le 15 décembre 2000; elle pourrait faire l'objet d'un référendum. Article 25, alinéa 3, Ll\IŒ.

75 KNAPP B. 1991, pp. 24, 27.

76 KNAPP B. 1991, p. 30.

77 MORAND Ch.-A., p. 237. Sur l'administration de police et l'administration de prestation, voir également HAFELIN U./MOLLER 0., p. 6; KNAPP B. 1982, p. 733-747; MüüR P. l, p. l 7- 19.

78 KNAPP B. 1982, p. 739. Voir en outre la contribution de MORAND Ch.-A.

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d'égalité avec eux. Par ailleurs, l'Etat délègue de plus en plus l'exécution de ses tâches à des entités privées. Par voie de conséquence, les créances étatiques se diversifient : bon nombre parmi elles correspondent à la contre-valeur d'une prestation fournie par l'Etat, ce qui était moins le cas auparavant

Or, l'article 43 LP a tant bien que mal pu s'adapter à cette évolution, empor- tant des conséquences insatisfaisantes (voir supra Ill. B). Celles-ci sont de deux ordres.

En premier lieu, Je privilège conféré par l'article 43 LP tend à s'appliquer à des situations non visées par la norme à l'origine. En effet, l'article 43 LP visait l'Etat créancier en tant qu'il agissait comme Etat policier, Etat taxa- teur. A cet égard, les exemples donnés pour qualifier les contributions de droit public sont éloquents : impôts, contributions, émoluments, droits, amendes80. En revanche, à notre sens, il n'entre pas dans le but poursuivi par la norme de conférer un avantage à l'Etat pour ses créances correspondant à la contre-valeur de prestations qu'il fonmit, lorsque celles-ci le sont en con- currence avec des privés. En effet, appliquer l'article 43, chiffre !, LP dans une telle hypothèse revient à créer une inégalité de traitement entre des prestataires ou fournisseurs de services; or, un traitement différent n'apparaît pas se justifier, la qualité de droit public de la personne du fournisseur n'étant, à nos yeux, pas un élément suffisant à cet égard.

En second lieu, certaines créances qui devraient être appréhendées par l'article 43 LP ne peuvent pas l'être. Nous pensons en particulier aux créan- ces dues à une entité de droit privé chargée d'accomplir, en monopole, une tâche publique. En effet, dans un tel cas, les entités privées chargées d'ac- complir une tâche publique apparaissent comme un « prolongement du bras» de l'Etat; leur seul statut de droit privé peine à justifier qu'on leur réserve un traitement différent de celui accordé à l'Etat si celui-ci accomplis- sait directement la tâche qu'il a préféré déléguer.

Au surplus, les critères utilisés pour appliquer la norme ne sont pas uni- formes, ce qui contribue à alimenter à une certaine incertitude.

Compte tenu des considérations qui précèdent, nous avons tenté de ras- sembler les critères qui pomrnient être retenus pour une application de la disposition qui correspondrait mieux au but qu'elle poursuit

Nous distinguons tout d'abord entre administration de police et adminis- tration de prestation. En effet, comme la fonction de l'administration de police était celle visée à l'origine par la disposition, et que l'administration de prestation s'est répandue après l'adoption de l'article 43 LP, il s'avère nécessaire de distinguer ces deux facettes de l'activité étatique.

1) Administration de police

79 MORAND Ch.-A., p. 240.

80 C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une partie de la doctrine a utilisé, comme critère décisif pour l'application de l'article 43 LP, celui du lien de subordination (voir supra III. A.

1 ).

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Dans le cadre de l'administration de police, il convient de déterminer à qui profite la créance à percevoir. Dans la majorité des cas, les créances profi- tent à la collectivité publique; elles sont instituées dans l'intérêt général.

C'est en fait le cas typique d'application de l'article 43, chiffre 1, LP, celui visé à l'origine, pour lequel on a conféré un avantage à lEtat. Pour le recouvrement de telles créances, l'article 43, chiffre 1, LP trouve son en- tière application.

Il arrive cependant que des créances prélevées par l'Etat dans le cadre de l'administration de police soient instituées dans l'intérèt de particuliers;

c'est l'hypothèse de l'arrêt relatif à la prestation de sûretés dues à la Com- mission des banques. (voir supra III. A. 1). Dans un tel cas, l'article 43, chiffre 1, LP ne s'applique pas.

2) Administration de prestation

Dans le cadre de l'administration de prestation, il nous semble que le critère de l'obligation d'usage est déterminant.

a) Obligation d'usage

L'existence d'une obligation d'usage a pour conséquence que les adminis- trés sont contraints, soit juridiquement, soit matériellement, de recourir aux services de l'établissement public considéré81 .

Une obligation d'usage peut en premier lieu découler d'un monopole de fait. Tel est le cas lorsque la collectivité publique se réserve une activité économique qui exige l'utilisation d'une ressource dont elle est seule à dis- poser, en raison de sa souveraineté sur le domaine public82. Le plus souvent, l'Etat concède ce monopole à un établissement public, qui est chargé de le gérer. C'est le cas par exemple dans les domaines de la production, du trans- port ou de la fourniture del' eau, du gaz, voire, pour quelque temps encore, de l'électricité.

L'obligation d'usage peut se fonder en second lieu sur un monopole de droit. Dans ce cas, c'est une norme qui réserve à l'Etat l'exercice exclusif d'une activité; cela oblige alors les administrés à recourir à ce service public pour obtenir une prestation déterminée83 . C'est le cas, notamment, et dans une certaine mesure, en matière de poste ou de transport ferroviaire.

En troisième lieu, un monopole dit virtuel impose également une obliga- tion d'usage. Dans cette hypothèse, la collectivité publique intervient sur un marché en principe libre ; cependant, les moyens dont elle dispose, en par- ticulier son financement par le moyen du budget, lui permettent d'offrir des

81 BELLANGER F., p. 160; MooR P. III, p. 338.

82 ATF 125/1999 1 209, JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA. BELLANGER F., p. 160;

HAFELIN U./MûLLER G., p. 509; MOOR P. III, p. 330.

83 ATF 125/1999 I 209, JC Decaux Mobilier Urbain Genève SA. BELLANGER F., p. 160;

HAFELTN U./MüLLER G., p. 508; MOOR P. III, p. 330. ATF 125/1999 I 209, JC Decaux A1obi- lier Urbain Genève SA.

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senrices à des prix inférieurs aux coûts engendrés, lui procurant dès lors un avantage de fait84.

Du moment où il existe une obligation d'usage, la relation entre l'établis- sement public et l'usager relève du droit public, sauf exception expressé- ment prévue85 .

Le corollaire de l'obligation d'usage est le droit d'accès conféré à l'admi- nistré: si celui-ci remplit les conditions légales d'accès à l'établissement, il peut prétendre bénéficier des prestations fournies par l'Etat86.

L'utilisation dn critère de l'obligation d'usage comme critère détermi- nant permet d'adapter au mieux l'application de l'article 43, chiffre 1, LP à l'évolution des structures de l'Etat, compte tenu du but poursuivi à l'origine par la disposition. En effet, à notre sens, le but de la norme était de favoriser l'Etat dans la mesure où il n'avait pas le choix de sa relation avec ses ad-ministrés. Tel est en fait le cas dans l'administration de po- lice. Tel est également le cas dans l'administration de prestation avec obligation d'usage, dans la mesure où l'administré peut prétendre à un droit d'accès à l'établissement en vue de bénéficier des prestations qui y sont offertes.

Ainsi donc, lorsqu'il existe une relation d'usage, l'article 43, chiffre 1, LP devrait trouver application lorsque l'Etat cherche à recouvrer les créances qui lui sont dues en relation avec cette activité.

Nous réservons cependant le cas dans lequel l'application du droit privé est expressément prévue entre l'établissement et les usagers; dans cette hypothèse, la créance perd son caractère de droit public. L'article 43, chiffre 1, LP n'est alors pas applicable. Nous nous référons à titre d'exemple au cas de la Poste : cet établissement public dispose d'un monopole de droit pour le transport du courrier de moins de 2 kilos87, mais ses conditions générales soumettent ses relations avec ses clients au droit privé; elle n'a donc plus à leur égard de créance de droit public88.

b) Absence d'obligation d'usage

Lorsqu'il n'existe pas d'obligation d'usage, à notre sens, l'Etat ne de- vrait pas pouvoir bénéficier du privilège conféré par l'article 43, chiffre

!, LP.

En effet, dans cette hypothèse, l'Etat est en droit de refuser de fournir ses prestations à certains administrés, étant donné que ceux-ci ne peuvent pas se prévaloir d'un droit d'accès. L'Etat a donc le choix de nouer ou non des relations avec les administrés. A cet égard, le fait que la relation nouée entre l'Etat et l'administré repose sur le droit public n'a pas d'incidence89. L'arrêt rendu par le Tribunal de district zurichois dans l'affaire du Tierspital (voir

84 BELLANGER F., p. 160; MooR P. III, p. 335.

85 Sur cette question, voir en particulier BELLANGER F., p. 160. Voir également MooR P. Ill, pp.

343 SS.

86 MooR P. III, pp. 341 et 353.

87 Article 3 de la Loi fédérale du 30 avril 1997 sur la poste (LPO), RS 783.0.

88 Voir, dans le même sens, PETER H., p. 203.

89 Dans ce sens, voir GTLLTÉRON P.-R. 1999, N° 39 ad art. 43 LP.

(17)

supra III. A 1) est l'illustration de cette hypothèse. En outre, l'Etat fournit ses prestations en concurrence avec des entités privées, ce qui permet d'autant moins de justifier qu'un avantage lui soit conféré (voir supra Ill. C.).

Si cette suggestion d'interprétation de l'article 43, chiffre 1, LP permet d'es- pérer une meilleure uniformité dans l'application de la norme, ainsi que la résolution de certaines incohérences, elle ne permet cependant pas de résoudre tous les problèmes liés à l'application de celle-ci.

En effet, en se fondant sur les critères retenus, on peut éviter d'appréhen- der des situations non visées à l'origine par la disposition, corurne le cas du recouvrement de créances correspondant à la contre-prestation d'une presta- tion étatique fournie sans obligation d'usage imposée au débiteur. Cette solution ne permet cependant pas d'étendre l'application de l'article 43, chiffre 1, LP aux cas des entités de droit privé chargées de l'exécution d'une tâche publique en monopole, lesquelles devraient, à notre sens, pouvoir bénéficier de l'avantage conféré par la norme.

III. Conclusion

Au vu de ce qui précède, nous constatons qu'un effort de précision et de synthèse de l'article 43, chiffre 1, LP s'impose. Cependant, celui-ci ne pour- ra pas aboutir sans que le Tribunal fédéral accepte une interprétation exten- sive de la notion de caisse publique, ou sans qu'une modification légale intervienne90.

Cette démarche devrait imposer une réflexion préalable au cours de la- quelle il conviendra de se demander s'il est toujours adéquat d'accorder un privilège à l'Etat créancier, d'une part, et si l'exclusion de la poursuite par la voie de faillite est un bon moyen pour ce faire, d'autre part.

90 La voie de la modification légale a été entamée : une initiative parlementaire Baumberger Peter (Iv. pa. 98.411) a été déposée dans le but d'exclure la poursuite par la voie de la faillite pour les primes de l'assurance-accidents obligatoire, que celles-ci soient dues à une caisse d'assurance publique ou à une caisse privée. Le Conseil fédéral a déposé en consultation le 22 novembre 2000 un avant-projet de révision de la loi, rédigé par la Com1nission des affaires juridiques du Conseil National. Il est projeté de pouvoir recouvrer toutes les prétentions fondées sur le droit public par la poursuite par voie de saisie, même si le créancier n'est pas une caisse publique. En d'autres termes, on propose au législateur de supprimer la seconde condition cumulative de l'article 43, chiffrel, LP.

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