• Aucun résultat trouvé

Titres intermédiés : l'état de fait

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Titres intermédiés : l'état de fait"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

Proceedings Chapter

Reference

Titres intermédiés : l'état de fait

THÉVENOZ, Luc

THÉVENOZ, Luc. Titres intermédiés : l'état de fait. In: Journée 2003 de droit bancaire et financier . Berne : Stämpfli, 2004. p. 1-14

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:9646

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

TITRES 1 NTERMÉDI ÉS: L'ÉTAT DE FAIT

Luc Thévenoz*

Au cours des vingt dernières années, les marchés financiers, et particulièrement le négoce des valeurs mobilières en et hors bourse, ont occupé le devant de l'actualité en Suisse, dans les gazettes comme dans les établissements financiers et les cabinets d'avocats. L'infrastructure nécessaire à leur bon fonctionnement - systèmes de paiement, conservation des valeurs mobilières et règlement-livraison - n'exerce pas la même fascination. On recense certes quelques excellentes monographies et divers articles consacrés à ces thèmes. Ces contributions n'en restent pas moins ari- des et généralement méconnues par ceux qui n'ont pas besoin de s'y confronter. En particulier, l'intermédiation des titres, c'est-à-dire leur conservation et leur trans- fert au travers d'une chaîne parfois longue d'intermédiaires tels que banques, né- gociants en valeurs mobilières et dépositaires centraux, est connue de la plupart des juristes en des termes très généraux. Mais leur analyse juridique, qui s'écarte ra- dicalement du droit des papiers-valeurs figurant aux articles 965 et suivants du Code des obligations], est souvent très mal comprise,

1. Actualité des problèmes relatifs aux titres intermédiés

La solidité technologique et juridique de cette infrastructure de détention et de transfert des titres intermédiés (c'est-à-dire des titres détenus au travers d'un ou plusieurs intermédiaires financiers), sa fiabilité et son bon fonctionnement au-delà des frontières, là où les ordres juridiques se rencontrent, sont pourtant devenus des objets de préoccupation majeure pour les autorités (banques centrales et autorités de surveillance) comme pour les établissements financiers globaux actifs sur des dizaines de marchés autour du monde. Son bon fonctionnement est une condition nécessaire à celui des marchés boursiers et hors bourse,

De récents rapports du G30, du Groupe Giovanini et du Comité sur les systè- mes de paiement et de règlement appellent un ensemble d'actions, dont le volet ju-

Professeur à l'Université de Genève, directeur du Centre de droit bancaire et financier; membre de la Commission fédérale des banques.

L'auteur de cet article participe aux travaux des groupes de travail institués par le Département fédéral des finances et par UNI DROIT décrits à la fin du chapitre 1 de cette contribution.

Loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911. abrégée CO, RS 220.

(3)

ridique n'est qu'un aspect, pour améliorer la sécurité juridique et améliorer la sta- bilité systémique des systèmes de règlement de titres2

Par deux directives, l'Union européenne a harmonisé certaines règles relative- ment à deux problèmes (finalité des virements de monnaie et de titres) constitution de garanties financières entre certaines parties) où le besoin était le plus évident3.

En décembre 2002) au terme d'un processus très rapide puisqu'il aura pris deux ans, la Conférence de La Haye de droit international privé a adopté une convention sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermé- diaire afin d'unifier, entre tous les Etats contractants) les règles de rattachement re- latives principalement à l'acquisition de droits sur des valeurs mobilières, quelle que soit la forme de ces titres4

UNIDROIT, l'Institut international pour l'unification du droit privé, à Rome, a confié en automne 2002 à un groupe d'experts la mission d)examiner les moyens utiles à promouvoir une harmonisation matérielle des règles relatives au transfert en propriété et à la constitution de sûretés sur les valeurs mobilièress.

En janvier 2003 enfin, l'Association suisse des banquiers soumettait au chef du Département fédéral des finances un projet de loi sur le dépôt des papiers-valeurs (Wertpapierverwahrungsgesetz), élaboré par un groupe de travail dirigé par le Pro- fesseur Hans Caspar von der Crone) dont elle proposait qu'il serve de base à l'éla- boration d'un message à l'intention du Parlement fédéral6M. Villiger a alors chargé un groupe de travail d'examiner cet avant-projet, notamment quant à sa compatibilité avec l'ordre juridique suisse et avec la récente Convention de La Haye. La Banque nationale suisse et la Commission fédérale des banques ont ex- primé l'importance qu'elles attachent à l'avancement de ce projet1.

II. Enjeux pour le praticien

Le nombre de projets en cours, en Suisse comme à l'étranger, montre l'actualité des problèmes évoqués et suggère l'importance des enjeux micro- et macro-écono-

Group of Thirty (wv.'W.group30.org), Global Clearing and Settlement -A Plan for Action, Washing- ton, D.C. 2003; The Giovanini Group, Second Report on EU Clearing and Settlement Arrange- ments, Brussels, April 2003 (http://europa.cu.int/comm/economy_finance/giovanninilclearins...settle- mene en.htm); Comité sur les systèmes de paiement et de règlement & Comité technique de l'Organisation internationale des commissions de valeurs, Recommandations pour les systémes de règlement de titres, novembre 2001 (http://www.bis.orglpubl/cpss46fr.htm).

Directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, lOCE 1998 L 166, p.45; directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, JOCE 2002 L 168, p. 43.

Textes officiels en français et en anglais et état de cette convention sur www.hcch.net.

Un résumé de l'état des travaux est accessible sur wv .. w.unidroît.org.

Cf. ASB, 91ème Rapport annuel (200212003), p. 25; cet avant-projet est désormais disponible sur le site v.'WW.vondercrone.ch.

CFB, Rapport de gestion 2002, p. 17.

(4)

miques qui s'y rattachent. Les praticiens seront particulièrement sensibles aux en- jeux micro-économiques. Ceux-ci sont parfois discutés et examinés à l'occasion de transactions d'une complexité ou d'une importance particulière.

Les principaux problèmes concernent la constitution et l'opposabilité aux tiers des sûretés constituées sur des valeurs mobilières qui ne sont pas physiquement en mains du bénéficiaire de la sûreté. A quelles conditions le constituant du gage a-t- il suffisamment perdu la possession que lui procure la chaîne d'intermédiaires pour que ce gage soit valablement constitué (art. 884 al. 3 du Code civil')? A quel- les conditions un transfert fiduciaire de la propriété de ces titres à fin de sûreté est- il opposable aux tiers (art. 717 CCl? Quand et à quelles conditions le bénéficiaire de la sûreté peut-il la réaliser?

Ces problèmes ne sont pas simples dans un contexte purement domestique, en- tièrement soumis aux règles du droit suisse. Ils deviennent d'une très grande com- plexité lorsque le constituant de la sûreté, son bénéficiaire et les titres qui en sont

r

objet sont situés dans des ordres juridiques étrangers.

De la bonne réponse dépend, purement et simplement, la possibilité pour le créancier de réaliser en temps utile sa sûreté. Une erreur, et ceUe sûreté peut s'avé- rer sans valeur, avec les conséquences que l'on imagine pour les conseillers juri- diques de l'opération. Pire peut-être, même sans erreur, des mesures provisionnel- les peuvent venir paralyser l'exercice de la sûreté, imposant au bénéficiaire impuissant d'assister à la dépréciation de celle-ci jusqu'à droit connu. La validité de la sûreté ne suffit pas; il faut en outre qu'elle soit effective, c'est -à-dire qu'elle puisse être exercée en temps utile!

Il n'est pas besoin de plus longues explications pour montrer aux praticiens les enjeux éminemment pratiques des travaux qui sont actuellement en cours. Les or- ganisateurs de la Journée de droit bancaire et financier ont donc choisi d'en parler sous deux aspects. D'une part, Bénédict Foëx nous présente une synthèse de ces problèmes en droit suisse matériel9. D'autre part, Daniel Girsberger et Florence Guillaume exposent les difficultés actuelles des règles de rattachement de notre loi fédérale sur le droit international privé et expliquent dans les grandes lignes les so- lutions retenues par la convention de La Haye de décembre 200210Conformément à la logique, l'analyse de droit international privé précède celle du droit matériel, dont elle détermine les cas d'application. C'est le plan retenu pour les deux pro- chaines contributions.

Cette première contribution n'a qu'un seul but, celui de présenter en termes simples l'état de fait auquel ces analyses se rapportent. Elle le fait en décrivant suc-

8 Code civil suisse du 10 décembre 1907. abrégé CC, RS 210.

9 Voir la contribution de B. Fo~x dans le présent ouvrage.

10 Voir la contribution de D. GIRSBERGER et F. GUILLAUME dans le présent ouvrage.

(5)

cinctement les trois formes actuellement connues de titres intermédiés, puis en ex- posant leurs caractères communs.

III. Les trois formes de titres intermédiés

Les actions, les obligations d'emprunts et les autres papiers-valeurs envisagés par le législateur suisse en diverses dispositions du Code civil et du Code des obligations sont (précisément!) des papiers-valeurs, c'est-à-dire des titres comportant certai- nes clauses relatives à leurs transferts et à la légitimation de leurs titulaires". Les droits incorporés (créance, autres droits patrimoniaux, droits sociaux) sont trans- férés avec et au travers du papier-valeur. C'est d'ailleurs la définition que donne le droit suisse du papier-valeur12. Ce transfert a lieu selon les règles de la propriété mobilière pour les titres au porteur; il requiert en outre un endossement pour les titres à ordre. Les véritables papiers-valeurs nominatifs sont transférés par cession écrite13La foi publique attachée aux titres à ordre et au porteur limite l'opposabi- lité de certaines exceptions des obligés à l'égard de l'acquéreur de bonne foiL4

Cette organisation du commerce des titres négociables, et en particulier des va- leurs mobilières, a été inventée par la pratique des affaires (la lex mercatoria au sens historique du terme), reconnue par la jurisprudence, théorisée par la doctrine et confirmée par les législateurs nationaux. Elle crée un modèle remarquable où, afin de faciliter la circulation de biens juridiques immatériels (créances et autres droits), on incorpore ceux-ci dans des objets de propriété mobilière dont ils sui- vent le sort, attachant aux inscriptions des effets importants (mais pas illimités) de foi publique.

Ce modèle a servi de fondement juridique au commerce des valeurs mobilières jusqu'au début des années 1960. A cette époque, leur circulation est devenue pro- blématique en raison du volume considérable et toujours croissant des livraisons physiques qu'elle impliquait. Afm de réduire ces dernières et de les remplacer par des mouvements d'écriture, les acteurs ont développé des méthodes pour immobi- liser, voire complètement dématérialiser les valeurs mobilières.

On peut immobiliser des papiers-valeurs individuels de deux manières: en les conservant dans des dépôts collectifs, souvent auprès d'intermédiaires spécialisés (dépositaires centraux), ou en les remplaçant par des certificats globaux:. On peut

11 Cf. art. 966 CO al. 1: "Celui dont la dette est incorporée dans un papier-valeur n'est tenu de payer que contre la remise du titre."

12 Art. 965 CO: "Sont papiers-valeurs tous les titres auxquels un droit incorporé est incorporé d'une manière teUe qu'il soit impossible de le faire valoir ou de le transférer indépendamment du titre."

13 Art. 967 CO. Il convient de noter que les actions dites nominatives sont en réalité des papiers- valeurs à ordre qui se transmettent par endossement, cf. art. 684 al. 2 CO.

14 Art. 979, 1007 et 1146 CO.

(6)

J

aussi complètement les dématérialiser en annulant les papiers-valeurs, ou plus souvent en renonçant à les émettre ou en différant leur émission sous forme de titres physiques, les droits incorporés étant alors représentés par une inscription dans un registre tenu par un dépositaire central.

Par une loi du 30 décembre 1981 motivée par des considérations fiscaleslS, la France a imposé la dématérialisation complète des valeurs mobilières françaises. A l'inverse, les actions états-uniennes existent encore et toujours sous forme de titres physiques individuels conservés presque systématiquement par le Deposit Trust and Clearing Corporation. D'autres marchés, comme le marché suisse, connaissent un régime de co-existence des ces formes. Examinons-les de plus près.

A. Dépôt collectif de titres individuels

De nombreux titres existent encore sous forme de papiers-valeurs au porteur ou à ordre. Ils peuvent circuler comme tels. Ils peuvent aussi être conservés sous forme d'un dépôt collectif auprès d'un intermédiaire financier. Le dépôt collectif se ca- ractérise par le fait que tous les titres d'une même émission en mains d'un déposi- taire sont conservés ensemble sans que l'on distingue quel investisseur est titulaire de quel(s) titre(s). L'investisseur qui souhaite se faire restituer des titres physiques accepte que son dépositaire lui en rende autant de même espèce; il renonce donc à exiger la restitution des titres individuels qu'il a remis.

Cette procédure peut s'appliquer aux papiers-valeurs au porteur ainsi qu'aux papiers-valeurs à ordre endossés en blanc, qui circulent de la même manière que les premiers (art. 1004 al. 2 ch. 3 CO). Les titres sont donc considérés comme fon- gibles entre eux, malgré leur possible individualisation au moyen d'un numéro de série.

En droit suisse, comme le Prof. Foëx l'examinera plus en détail, cette forme de dépôt entraîne une transformation des droits de propriété: de propriétaire unique de titres individualisés, l'investisseur devient copropriétaire des titres en dépôt col- lectif à proportion de son propre apport. La persistance d'un droit réel de l'inves- tisseur le garantit contre le risque de faillite du dépositaire. En l'absence d'une autorisation légale, cette transformation des rapports de propriété suppose une autorisation expresse de chaque investisseur, autorisation que l'on trouve stipulée dans tous les règlements de dépôt des banques et négociants suisses en valeurs mo- bilières.

Le dépôt collectif des valeurs mobilières produit des économies d'échelle consi- dérables. C'est pourquoi, plutôt que de conserver eux-mêmes les dépôts collectifs de leurs clients (auxquels sont d'ailleurs mélangés les titres leur appartenant en propre), les intermédiaires financiers se font autoriser à (sous- )déposer ces mêmes

15 H. DE VAUPLANE/J.-P' BORNET, Droit des marchés financiers, 3ème éd., Paris 2001, p. 38.

(7)

titres auprès d'un dépositaire central (central securities depository ou CSD dans la terminologie internationale). En Suisse, il s'agit de la société SIS Segalntersettle SA, une filiale du groupe SIS Swiss Financial Services Group SA dont les actionnaires sont les banques et négociants établis en Suisse. Bien qu'elle ne pratique pas l'acti- vité bancaire proprement dite, SIS a obtenu une autorisation bancaire de la Com- mission fédérale des banques afin de garantir le respect d'exigences élevées en ce qui concerne son organisation et ses fonds propres et de faire bénéficier ses clients des règles de la loi sur les banques" (art. 16 et 37b LB) garantissant la ségrégation des avoirs déposés en cas d'insolvabilité du dépositaire17

)15

Segalntersettle

Figure 1: Titres conseNés en dépôt collectif

Les titres conservés en dépôt collectif sont physiquement immobilisés. Ils sont simultanément crédités sur les comptes de titres des investisseurs concernés, qui les transfèrent non plus par la livraison physique des titres immobilisés mais par un mouvement d'écriture au profit des acquéreurs subséquents.

16 Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. RS 952.0.

17 Ce privilège de faillite sera étendu aux négociants en valeurs mobilières lors de l'entrée en vigueur de la révision de la loi sur les banques du 2 octobre 2003. publiée à la Feuille fédérale 2003 6227 55.

(8)

L'immobilisation des papiers-valeurs n'est cependant pas définitive. En prin- cipe, chaque investisseur peut exiger de son dépositaire qu'il lui restitue la posses- sion physique de titres de la même émission dans la quantité correspondant à son dépôt. Ainsi, pour chaque émission existant sous cette forme, on trouve des titres qui circulent physiquement et d'autres qui sont immobilisés auprès d'un déposi- taire central, parfois même auprès de plusieurs dépositaires centraux.

En droit suisse, le dépôt de titres de tiers et la tenue des comptes correspon- dants à titre professionnel caractérisent l'activité de négociant en valeurs mobiliè- res pour le compte de clients au sens des art. 2 lit. cl de la loi sur les bourses (LBVM)" et 3 al. 4 de son ordonnance d'exécution (OBVM)I9. Elle est soumise à autorisation et surveillance par la Commission fédérale des banques. De nombreu- ses banques pratiquent l'activité de négociant à côté de leur activité bancaire spéci- fique et disposent donc d'une double autorisation à cette fin.

Pour les actions dites nominatives des sociétés anonymes soumises au droit suisse, qui sont en réalité des papiers-valeurs à ordre20, l'identification des action- naires dans le registre tenu par la société et les conséquences qui en résultent relè- vent de règles spéciales qui ne seront pas discutées icil]. De même, on ne discutera pas de l'offre faite par quelques grandes sociétés cotées à leurs actionnaires de conserver elles-mêmes et sans frais les titres de ceux-ci21 •

B. Certificats globaux

Tant qu'il existe des papiers-valeurs individualisés, l'investisseur peut choisir de les introduire dans ou de les retirer du système de dépôt collectif. Les droits des inves- tisseurs peuvent cependant être immobilisés d'une manière permanente lorsque, conformément aux conditions de l'émission, l'émetteur renonce à émettre des coupures individualisées et les remplace par un certificat global représentant l'en- semble des droits émis. Ce certificat est remis à un dépositaire global pour le compte de l'ensemble des souscripteurs.

18 Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995, RS 954.1.

19 Ordonnance sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 2 décembre 1996, RS 954.11.

20 Cf. supra note 13.

21 Cf. surtout art. 685 a 686a co.

n Tel est notamment le cas de Zurich Financial Services, dont le règlement de dépôt (édition de juin 2003) est accessible sur Internet à l'adresse http://www.sag.ch/sag/fr/zurich-depotreglement.pdf.

(9)

Intermédiaire

Émetteur

Figure 2: Emission représentée par un certificat global

Dans la mesure où le certificat global est un papier-valeur - cela est contro- versé23 et doit être vérifié de cas en cas, ce qui n'est bien sûr pas possible pour l'in- vestisseur à titre individuel-, il est un objet de propriété mobilière et procure donc aux investisseurs une position de copropriétaire comparable au dépôt collectif de papiers-valeurs. Comme il est cependant indivisible, aucun investisseur ne peut in- dividuellement obtenir de papier-valeur représentant son investissement, à moins que les conditions d'émission ne lui en reconnaissent le droit.

Les certificats globaux représentent une solution intermédiaire sur le chemin de la dématérialisation. En maintenant un objet de propriété mobilière, ils garan- tissent aux investisseurs un droit à obtenir leur distraction en cas de faillite du dé- positaire. L'existence d'une chose mobilière au sens des droits réels n'est cependant plus nécessaire pour garantir aux investisseurs que leurs droits ne tombent pas dans la masse du dépositaire si celui-ci venait à faire faillite. En Suisse, tous les dé- positaires professionnels de même que SIS SegaIntersettle sont au bénéfice d'une autorisation en tant que banque ou en tant que négociant en valeurs mobilières, ce

13 Cf. F. BOHNET, La théorie générale des papiers-valeurs, Passé, présent, futur, thèse Neuchatel, Bâle 2000, pp. 86 55, et la contribution de B. FOEX ci-après, section I.B.1.

-~---

(10)

qui, dans l'hypothèse où ils viendraient à tomber en faillite ou à faire l'objet d'une autre mesure de liquidation collective, garantit que les valeurs déposées sont dis- traites au profit des clients sans entrer dans la procédure de liquidation collective24, Les conditions sont donc réalisées pour permettre le franchissement de la dernière étape, celle de la dématérialisation complète des valeurs mobilières.

C. Titres dématérialisés: les droits-valeurs

La troisième forme que peuvent prendre les valeurs mobilières consacre leur dé- matérialisation complète puisque celles-ci sont créées et circulent entre les inves- tisseurs en l'absence de tout papier-valeur. La loi sur les bourses appelle droits- valeurs ces droits ayant la même fonction que "les papiers-valeurs standardisés, susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché"2s sans en avoir la forme matérielle.

Interm êdiaire

Figure 3: Emission et enregistrement de droits-valeurs

24 Cf. supra note 17 et le texte qui s'y rapporte.

25 Art. 2 lit. b LBVM.

Émetteur

(11)

Pour être conservée au profit et à la disposition des investisseurs, l'émission- l'intégralité des droits émis - est enregistrée dans les Iivres26 d'un dépositaire. En l'état actuel, ces registres ne sont pas publics. Les droits formant cette émission sont ensuite comptabilisés dans les comptes respectifs des intermédiaires formant la chaîne de dépôt pour chaque investisseur titulaire d'une partie des droits-valeurs de l'émission.

Si leur existence est reconnue par la législation boursière, la qualification juri- dique des droits-valeurs et leur régime en droit privé restent incertains. Les règles relatives au transfert de la propriété mobilière ne sauraient leur être appliquées puisqu'il n'y a pas de chose mobilière. Si leur transfert repose sur une cession, pour laquelle le droit suisse exige la forme écrite simple (art. 165 al. 1 CO), il n'est pas certain que celle-ci soit toujours réalisée, comme le montre plus loin le Prof. Foëx27

La pratique constante et incontestée consiste à soumettre leur transfert aux règles qui sont applicables aux autres valeurs mobilières. Le cas échéant, il faudrait y voir une coutume dérogeant à la loi, ce qui pose une question dogmatique délicate dont cette même pratique ne semble curieusement guère se préoccuper. Cette identité des procédures s'appliquant à des objets juridiques différents constitue l'une des caractéristiques communes aux trois formes de valeurs mobilières.

IV. Traits communs

A. Les droits d'un investisseur sur des titres intermédiés sont constatés (exclusivement) par des écritures en compte auprès d'un intermédiaire financier

Sauf s'il exige la délivrance de coupures, la forme d'une émission peut rester igno- rée de l'investisseur. Dans chacune des trois hypothèses, les droits acquis par l'in- vestisseur se traduisent par des écritures au crédit de son compte de titres auprès d'un intermédiaire financier. Dans chacune de ces hypothèses, l'investisseur dispose de ces droits comptabilisés en ordonnant à l'intermédiaire teneur de compte de les transférer au compte de leur acheteur ou, pour la création de droits réels limités (gage, usufruit ... ), en les faisant constater d'une manière ou d'une autre par des écritures comptables. Ces deux caractéristiques (droits de l'investis- seur constatés par une écriture comptable, acte de disposition opéré au moyen d'un mouvement comptable) résultent du fait que les droits de l'investisseur sont détenus et mouvementés au travers d'une chaîne d'intermédiaires qui, à chaque

26 Mais hors bilan - comme c'est d'ailleurs le cas pour l'ensemble des valeurs mobilières inscrites sur les comptes de tiers - puisque le dépositaire n'est ni créancier à l'égard de l'émetteur des droits émis, ni débiteur à l'égard des souscripteurs ou des acquéreurs subséquents,

27 FOEX, ci-après, Il C. 1 .

(12)

litres IntermedJes: l'etat de tait • 11

niveau, tiennent des comptes de titres pour leurs clients, que ceux-ci soient les in- vestisseurs finaux ou d'autres intermédiaires. Cette remarque vaut d'ailleurs autant pour la propriété des titres intermédiés que pour la titularité de droits réels limités tels qu'un gage ou une servitude.

_i~.

51'200XYZN Banque A

t111tTt1

/t

r '~

/nostro

Dupont Durand

II'

Figure 4: Comptabilisation des titres

Les titres XYZN détenus par la Banque A pour son compte propre {nostro: 450} et pour l'ensemble de ses clients (280) sont additionnés pour former le solde (730) du compte de la banque A auprès du dé- positaire central.

On parle parfois de "détention indirecte". L'expression est juste en ce qu'elle indique que l'investisseur ne "possède" pas directement et immédiatement les biens juridiques qu'il acquiert (pour les droits-valeurs, le mot posséder ne serait d'ailleurs qu'une métaphore, ce pourquoi le mot détenir paraît préférable), mais qu'il les détient au travers d'un ou plusieurs intermédiaires formant une chaîne in- interrompue. Ce qui apparaît comme une chaîne ou une pyramide de dépositaires pour l'investisseur constitue, si l'on regarde le système dans son ensemble et sur un plan transnational, un réseau, caractérisé par la co-existence de nombreux déposi- taires centraux, d'un nombre encore plus grand de dépositaires, et d'un nombre indéterminé d'investisseurs.

Par convention, on place le(s) dépositaire(s) ultime(s) d'une émission (pa- piers-valeurs, certificat global ou droits-valeurs) en haut d'une pyramide (upper

(13)

L.U'- "'O:YO:"UL

tier); au-dessous, on trouve un ou plusieurs dépositaires de rang inférieur avec, tout en bas, l'investisseur. Les droits de l'investisseur comptabilisés dans son compte de titres auprès de son dépositaire doivent en principe se retrouver tout au long de la pyramide jusqu'au niveau le plus haut. L'existence et l'étendue des droits de l'investisseur ne peuvent cependant être constatés qu'auprès de «son" déposi- taire, c'est-à-dire du dépositaire qui, sur la base d'un contrat, tient son compte de titres. Aux étages supérieurs, on retrouve des écritures qui indiquent combien de ti- tres de telle émission sont détenus par l'intermédiaire de niveau inférieur auprès de l'intermédiaire de niveau supérieur, mais sans indiquer qui en sont les propriétai- res. Ni la loi ni la pratique suisses n'ont imposé la ségrégation des titres nostro (dé- tenus pour compte propre) et loro (détenus pour compte de clients) des intermé- diaires auprès des intermédiaires de rang supérieur de sorte que la consultation des comptes titres tenus par SIS pour ses participants ne permet pas de savoir si et dans quelle mesure les titres détenus appartiennent à tel participant et peuvent être réa- lisés en satisfaction de ses dettes!

B. Les droits sur des titres intermédiés sont transférés ou créés par des écritures en compte auprès d'intermédiaires financiers

De la première caractéristique commune résulte une seconde, qui est son corol- laire. Si les droits sur des titres intermédiés ne sont constatés que par des écritures comptables auprès d'un intermédiaire financier, alors leur transfert ou la création de droits réels limités exige un jeu d'écritures comptables qui rende reconnaissa- bles les droits des acquéreurs. L'aliénation complète se traduit par un débit au compte de l'aliénateur et un crédit à celui de l'acquéreur. La création de droits ré- els limités peut être constatée par plusieurs méthodes comptables, sur lesquelles le Prof. Foëx reviendra dans sa contribution28

23 FOEX, ci-après, sections II.C2 et ilLe.

(14)

Titres intermédiés: J'état de fait

Banque A

Titres: XYZN

-~

Titres: XYZN Banque B 738 )(YZN

630Xi \

" . f 1588 *VZN

~ 1600 XYZN

1 1 1 1

Dupont ,

1 1 1 j

Figure 5: Virement de titres

• 13

Dupont vend 100 titres XYZN à Schmid. Par une série d'écritures successives dans la chaine de dépôt, les titres sont débités du compte de Dupont et crédités au compte de Schmid. Généralement, les né- gociants de l'acheteur et du vendeur interviennent en leur propre nom sur les marchés secondaires de sorte que les investisseurs ignorent leur identité respective. Les mouvements comptables relatifs aux ti- tres n'en sont cependant pas modifiés.

Si l'aliénateur et l'acquéreur sont clients du même intermédiaire dépositaire, ce jeu d'écritures se limitera aux comptes tenus par ce seul intermédiaire. Dans le cas contraire, si l'acquéreur et l'aliénateur ont leurs comptes auprès d'intermédiaires différents, le mouvement entraînera des écritures qui remonteront jusqu'à un intermédiaire commun aux deux dépositaires, généralement jusqu'au dépositaire central de l'émission. C'est la situation que représente cette dernière figure. On retrouve dans ces mouvements de titres les mêmes opérations que celles nécessai- res à réaliser le virement d'une somme d'argent. C'est bien l'effet de rationalisation recherché: l'immobilisation ou la dématéralisation des valeurs mobilières sous forme de titres intermédiés rend possible leur circulation par virement.

v.

Problèmes à résoudre

Quelques pays ont pris, dès les années 1980, la mesure des changements dogma- tiques et législatifs qui résultent de cette révolution technologique. C'est notam-

(15)

'" .

LUC 1 nevenoz

ment le cas des Etats-Unis d'Amérique, qui ont adopté un nouvel article 8 Uniform Commercial Code, du Luxembourg et de la Belgique, sièges historiques des deux principaux dépositaires centraux internationaux. La Suisse, qui est parmi les pion- niers technologiques indiscutés de la rationalisation que cette intermédiation a rendu possible - une rationalisation facilitée par la forte concentration des int~r­

médiaires financiers sur notre marché des capitaux et par la tradition bien établie de coopération et de normalisation mise en œuvre par des sociétés de services de type mutualiste - a marqué un grand conservatisme juridique jusqu'à l'orée du

XXlème siècle. Sans modifier aucun texte légal, par le jeu de réseaux de contrats sa- vamment conçus, l'on a continué de traiter les titres intermédiés et les droits qui s'y rattachent selon les règles de la propriété mobilière. C'est vrai autant pour le droit matériel que pour le droit international privé. Les analyses de Daniel Girsberger et Florence Guillaume et de Bénédict Foëx qui suivent montrent cependant les limi- tes de cette assimilation ... qui finit par relever de la fiction pure et simple.

Une réforme des textes est-elle nécessaire? C'est la démarche qui sous-tend l'adoption de la convention de La Haye en décembre 2002, laquelle retient un nou- veau rattachement, celui de la loi applicable à la convention de compte entre le ti- tulaire des droits et son intermédiaire. C'est aussi la proposition de l'Association suisse des banquiers qui, une fois n'est pas coutume, propose aux autorités fédéra- les un texte tout préparé comme base de discussion d'une nouvelle loi dans ce do- maine. Les deux contributions qui suivent confirment, du point de vue de la science juridique, la nécessité de ces deux réformes en prenant pour point de dé- part l'état de notre droit actuel. Il serait vain de croire que de nouveaux textes suf- firont à résoudre tous les problèmes existants, et encore plus à éviter l'apparition de problèmes qui n'auraient pas encore été identifiés. Mais le constat paraît in- contournable: si l'incorporation de droits immatériels dans des papiers-valeurs a donné naissance à un corpus et à une science juridiques nouveaux, leur désincor- poration - c'est-à-dire leur émission ou leur circulation sans le support de papiers- valeurs - crée aussi de nouveaux objets juridiques que les règles existantes ne per- mettent plus d'appréhender avec la cohérence et la sécurité juridiques nécessaires.

Références

Documents relatifs

En effet, du point de vue du droit matériel et également dans une pers- pective économique, le transfert de titres intermédiés ne réside pas dans l’extinction d’une créance

l) “identification” vise la désignation, dans un compte de titres, de titres intermédiés en faveur d’une personne (y compris l’intermédiaire perti- nent) autre que le

En pareil cas, l’instruction émise par l’investisseur est adressée au dépositaire qui, de son côté, va créditer les titres sur le compte Nostro qu’il tient pour lui-même,

Ces objectifs communs pour les prochaines années, il faudrait les énoncer dans une déclaration commune soumise à référendum dans les vingt-huit États

accroître l’interconnexion, l’harmonisation et l’automatisation des flux de titres entre les réserves de biens grevés au Canada, y compris avec le mécanisme de règlement

En effet, par souci de loyauté, le législateur a décidé de retenir comme fait « pivot » pour l’application des nouvelles règles non pas la cession elle-même (laquelle provoque

Cela vaut d’ailleurs aussi lors de la conversion d’un titre individuel ou d’un certificat global en droits-valeurs : cette conversion suppose la suppression des titres individuels ou

En outre, aucune raison d’intérêt général ne doit pouvoir être invoquée pour justifier une entrave à la libre circulation (par exemple des motifs de santé publique ou des