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Du dépôt collectif des valeurs mobilières aux titres intermédiés : un saut épistémologique

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Du dépôt collectif des valeurs mobilières aux titres intermédiés : un saut épistémologique

THÉVENOZ, Luc

THÉVENOZ, Luc. Du dépôt collectif des valeurs mobilières aux titres intermédiés : un saut épistémologique. In: Wirtschaftsrecht zu Beginn des 21. Jahrhunderts : Festschrift für Peter Nobel zum 60. Geburtstag. Bern : Stämpfli, 2005. p. 681-712

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4820

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Du dépôt collectif des valeurs mobilières aux titres intermédiés: un saut épistémologique

L

UC

T

HEVENOZ*

En remettant, en janvier 2003, au Conseiller fédéral Kaspar Villi- ger un projet de loi entièrement rédigé sur la conservation des papiers- valeurs (Wertpapierverwahrungsgesetz)1

«Es soll das seit 1936 unveränderte Wertpapierrecht der Schweiz im Blick auf die weltweiten Entwicklungen des Effektengeschäfts er- gänzen. […] Das vorliegende Projekt unterzieht die gesetzlichen Re- geln der Verwahrung und Verwaltung von Effekten einer 'Nachfüh- rung' und will so die Rechtssicherheit im Effektengeschäft verbessern.

Damit erhält unser Finanzmarktrecht einen längst fälligen Moderni- sierungsschub und der Finanzplatz Schweiz eine Attraktivitätssteige- rung.»

, l'Association suisse des banquiers motivait ainsi sa démarche:

2

Convaincu de la nécessité d'examiner l'opportunité d'une réforme du droit en cette matière, le Département fédéral des finances institua sans retard un petit groupe de travail3. Celui-ci remit à son mandant, en juin 2004, un projet de loi sur les titres intermédiés (Bucheffektengesetz) accompagné de la pro- position de ratifier la convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire financier4

* Docteur en droit, professeur à l'Université de Genève, directeur du Centre de droit bancaire et financier, membre de la Commission fédérale des banques.

.

1 Ce projet a été préparé par un groupe de travail dirigé par le Prof. H.C. VON DER CRONE, qui comprenait des représentants des milieux intéressés ainsi que de la Banque nationale suisse et de la Commission fédérale des banques. Il est publié sur www.vondercrone.ch sous Projekte.

2 Lettre du 16 janvier 2003.

3 Ce deuxième groupe comprenait notamment quatre personnes ayant participé au groupe de travail de l'ASB (note 1), ainsi que l'auteur de cet article. Son rapport, Entwurf und Bericht zu einem Bundesgesetz über die Verwahrung und Übertragung von Bucheffekten und Bericht zur Ratifikation des Haager Übereinkommens über die auf bestimmte Rechte an Intermediärverwahrten Wertpapier anzuwendende Rechtsordnung (ci-après: Rapport explicatif LTI), a été publié en décembre 2004 sur www.dff.admin.ch sous Doc, Rapports d'experts.

4 Cf. Rapport explicatif LTI (n. 3), chapitre 2.2; D. GIRSBERGER, «Revolution des Internationalen Wertpapier-Sachenrechts? Dynamik der Rechtsvereinheitlichung durch die Haager Konferenz», in Festgabe für Anton K. Schnyder zum 50. Geburtstag, Zurich: Schulthess, 2002; D. EINSELE,«Das

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Dans une période marquée par le débat sur la sur-réglementation, la pro- position par une organisation professionnelle de nouvelles règles juridiques ne surprend qu'en apparence. Elle rappelle que la loi est nécessaire pour ga- rantir la sécurité des transactions juridiques, leur opposabilité aux tiers et leur exécution.

Pourquoi la place financière suisse, qui a développé une infrastructure de pointe en se fondant sur un Code civil et un Code des obligations inchangés, éprouve-t-elle soudain le besoin urgent de réformer les bases légales de cette activité stratégique? Pourquoi deux projets, apparemment aussi différents, ont-ils été élaborés en moins de deux ans? Quels sont les enjeux dogma- tiques du débat qui sous-tendent ces deux projets?

Comme conseiller privilégié des plus grands acteurs des marchés finan- ciers, mais aussi comme membre de la Commission fédérale des banques, Peter Nobel a beaucoup contribué à mieux intégrer la place boursière suisse dans son environnement international. De l'autre côté du rideau, loin du gla- mour des émissions, du négoce des valeurs mobilières et des OPA, dans les sous-sols du back office, cette contribution souhaite rendre hommage au visionnaire en examinant les enjeux qui façonnent la sécurité juridique de ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'infrastructure des marchés financiers.

§ 1 Status quo: des vertus du droit privé suisse

C'est au cours des années 1960 que le volume croissant des tran- sactions sur papiers-valeurs a rendu nécessaire leur immobilisation auprès de dépositaires centraux et, dans une mesure croissante, leur dématérialisation.

La Suisse ne fut pas en retard dans cette évolution. La fondation de SEGA

Haager Übereinkommen über das auf bestimmte Rechte im Zusammenhang mit zwischenverwahrten Wertpapieren anzuwendende Recht», WM Zeitschrift für Wirtschafts- und Bankrecht 2003 2349;F.

REUSCHLE, «Grenzüberschreitender Effektengiroverkehr, die Entwicklung des europäischen und internationalen Wertpapierkollisionsrechts», Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht 2004 687; idem, «Haager Übereinkommen über die auf bestimmte Rechte in Bezug auf Intermediärverwahrte Wertpapiere anzuwendende Rechtsordnung», Praxis des Internationalen Privat- und Verfahrensrechts 2003 495; A.V.M. STRUYCKEN, «Convention on the Law Applicable to Certain Rights in Respect of Securities Held with an Intermediary», Netherlands International Law Review 2003 103.Voir l'utile documentation des travaux préparatoires sur le site de la Conférence:

www.hcch.net.

Pour une analyse du régime actuel en droit international privé suisse, cf. O. FAVRE, Die Berechtigung von Depotkunden an auslandsverwahrten Effekten, Zurich: Schulthess, 2003; C. BERNASCONI /D.

KÄNZIG /N.P.VOGT, «Switzerland», in Cross Border Collateral: Legal Risk and the Conflict of Laws, Londres: Butterworths, 2002, p. 568-590; D. GIRSBERGER /F. GUILLAUME, «Aspects de droit international privé du transfert et du nantissement des papiers-valeurs et des droits-valeurs détenus dans un système de dépôt collectif», in Journée 2003 de droit bancaire et financier, Zurich: Schul- thess, 2004, p. 15-54.

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Schweizerische Effektengiro AG en 1970 a permis la rationalisation des activités de conservation et de règlement-livraison des valeurs mobilières par le truchement d'une œuvre commune (Gemeinschaftswerk) des banques suisses. Lorsqu'en 1996, une année après la fusion des bourses de Zurich, Genève et Bâle, la Bourse suisse a réalisé, l'un des premiers marchés entiè- rement électroniques du monde5

Bien que l'ordre juridique suisse ne connût alors que le droit des papiers- valeurs (art. 965 ss du Code des obligations, art. 899 à 906 du Code civil) pour appréhender le phénomène de l'immobilisation et de la dématérialisa- tion des titres

, une interconnexion directe de la plateforme de marché avec le système de règlement-livraison (aujourd'hui SIS SegaIn- tersettle AG) d'une part, avec le système de paiement en temps réel (SIC Swiss Interbank Clearing) d'autre part, elle a marqué l'aboutissement d'un rêve technologique, le straight-through processing.

6, la modification nécessaire des règles par des réseaux de con- trats7, en dehors de toute modification législative, témoigne du caractère []

étonnamment flexible et libéral de notre droit privé. Ce qui est naturel pour les aspects contractuels, caractérisés par le principe d'autonomie de la volon- té, est plus surprenant pour les problèmes relevant du droit des biens, gou- verné par le principe fondamental, mais non intangible, du numerus clausus des droits réels8. Or les papiers-valeurs sont des choses mobilières qui se transfèrent comme tout autre meuble, sous réserve de l'exigence d'un endos- sement pour le transfert des papiers-valeurs à ordre9

5 Le Swiss Options and Futures Exchange (Soffex, aujourd'hui Eurex) fut le pionnier absolu des marchés entièrement électroniques. À la différence des dérivés standardisés échangés sur les bourses de valeurs mobilières, les options et les futures créés dans l'activité des bourses de dérivés telles qu'Eurex sont des contrats individuels conclus, exécutés ou résolus avant terme entre le négociant et la bourse (ou son organisation de clearing, Eurex Clearing AG) qui ne sont pas transférés à des tiers.

Ils échappent aux procédures de conservation et de règlement-livraison discutés dans la présente contribution.

. Il est donc intéressant d'examiner de quelle manière les acteurs de la place financière, sans le con- cours du législateur, ont réalisé un système d'immobilisation des papiers- valeurs permettant le transfert des droits réels qui s'y rapportent sans circula- tion physique des titres, puis développé en parallèle un système de titres entièrement dématérialisés (droits-valeurs).

6 La loi fédérale du 21 septembre 1939 sur le livre de la dette de la Confédération (RS 612.1) consacre une forme de dématérialisation des emprunts obligataires sans intermédiation: les créanciers sont directement enregistrés auprès de l'émetteur.

7 Les principaux textes sont les contrats standardisés de SIS SegaIntersettle SA, accessibles sur Swisslex/Westlaw via www.bfonline.ch.

8 Cf. B. FOËX,Le numerus clausus des droits réels en matière mobilière, Lausanne: Payot, 1987.

9 Les papiers-valeurs nominatifs, qui se transmettent par cession, sont impropres à servir de valeurs mobilières. Les actions dites nominatives sont en réalité des titres à ordre transmissibles par endossement, art. 684 al. 2 CO.

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I. Conception juridique du système suisse de dépôt col- lectif

Les concepteurs du système avaient principalement le souci de pré- server trois caractères fondamentaux des valeurs mobilières traditionnelles.

1. Le propriétaire du titre (l'investisseur) est et reste personnellement titu- laire des droits (créances, droits sociaux) créés par l'émetteur et documen- tés par («incorporés dans»10

2. L'investisseur n'est pas exposé au risque de faillite des dépositaires. Si son dépositaire, un sous-dépositaire ou le dépositaire central fait l'objet d'une procédure collective, l'investisseur dispose d'un droit de distraction qui soustrait ses titres à la procédure collective.

) les titres émis. S'il le désire, il peut exercer ces droits personnellement et directement, par exemple en participant en son propre nom à l'assemblée générale.

3. Pour les actions nominatives11, les restrictions légales ou statutaires au transfert des droits sociaux12

Tout en respectant ces trois contraintes, il s'agissait de permettre à l'inves- tisseur de mobiliser ses titres (conservés en dépôt collectif) par des écritures en comptes de titres qui tiennent lieu de la remise de la possession nécessaire au transfert de la propriété mobilière ou à la création de sûretés. Le même objectif valait également pour les valeurs émises sous forme d'un certificat global

ne doivent pas être paralysées ou contour- nées par le dépôt collectif.

13 ainsi que pour les émissions qui ne sont plus représentées par aucun titre matériel14

10 Art. 965 CO: «Sont des papiers-valeurs tous les titres auxquels un droit est incorporé d'une manière telle qu'il soit impossible de le faire valoir ou de le transférer indépendamment du titre.»

.

11 Qui sont en réalité des titres à ordre transmissibles par endossement, cf. supra note 9.

12 Art. 685 à 687 CO.

13 Voir surtout R. RICKENBACHER, Globalurkunden und Bucheffekten im schweizerischen Recht: Ein Beitrag zur Rationalisierung des Wertpapiergeschäfts, Zurich: Schulthess, 1981.

14 Les valeurs dématérialisées sont appelées droits-valeurs (Wertrechte) par la législation boursière, qui les définit comme «les droits ayant la même fonction» que «les papiers-valeurs standardisés, susceptibles d'être diffusés en grand nombre sur le marché», art. 2 lettre a de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (RS 954.1). Cf. surtout Ch.

BRUNNER, Wertrechte – nicht verurkundete Rechte mit gleicher Funktion wie Wertpapiere: Ein Beitrag zur rechtlichen Erfassung des Effektengiroverkehrs, Berne: Stämpfli, 1996.

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II. Analyse juridique

La littérature juridique a analysé avec rigueur et finesse les institu- tions juridiques mises en œuvre pour parvenir à ces fins15

L'investisseur conclut avec son dépositaire (banque, négociant en valeurs mobilières) un contrat de dépôt par lequel celui-ci s'oblige à conserver lui- même ou à faire conserver par un sous-dépositaire les titres dans un dépôt collectif des titres de même genre (même émetteur, mêmes droits, même échéance). Le dépôt collectif des titres de même genre est fondé sur leur fongibilité. Il repose sur un contrat de dépôt d'un type particulier (cf. art. 484 CO). Le droit de propriété, qui portait sur des titres individualisés, est rem- placé par un droit de copropriété sur tous les titres de même genre en dépôt collectif pour une quote-part correspondant au nombre ou à la valeur nomi- nale des titres apportés. Comme dans toute copropriété, chaque coproprié- taire peut disposer de sa part sans le concours des autres. Cette copropriété s'écarte cependant des règles ordinaires à deux égards au moins (modifiziertes und labiles Miteigentum). D'une part, elle existe en l'absence de tous rapports juridiques entre les copropriétaires, et a fortiori de toute communauté. D'autre part, chaque copropriétaire peut exiger du dépositaire qu'il lui remette des titres correspondant, en genre et nombre, à sa quote-part sans provoquer le partage qui entraînerait la dissolution de la copropriété

. On peut les résu- mer ainsi.

16

Enfin, bien que titulaire d'un droit réel – qui est par définition opposable erga omnes – l'investisseur se trouve en pratique contraint à ne pouvoir exer- cer ses droits qu'en s'adressant à son dépositaire direct car il est inconnu du dépositaire central et d'autres sous-dépositaires. Cette contrainte est opéra- tionnelle, et non juridique. Elle résulte du fait que, dans un système d'inter- médiation tel que réalisé en Suisse (comme presque partout ailleurs

.

17

15 L. DALLÈVES, «La dématérialisation des papiers-valeurs», Société anonyme suisse 1987 43; B. FOËX,

«Transfert et engagement des valeurs mobilières 'intermédiées' en droit suisse», in Journée 2003 de droit bancaire et financier, Zurich: Schulthess, 2004, p. 55-75; P. FORSTMOSER / T. LÖRTSCHER,

«Namenaktien mit aufgeschobenem Titeldruck: Ein Konzept zur Rationalisierung der Verwahrung und des Handels von Schweizer Namenaktien», Société anonyme suisse 1987 50; A. MEIER-HAYOZ,

«Abschied vom Wertpapier?», Revue de la Société des juristes bernois 1986 385; D. ZOBL,

«Internationale Übertragung und Verwahrung von Wertpapieren (aus schweizerischer Sicht)», Revue suisse de droit des affaires 2001 105; D. ZOBL / C. LAMBERT, «Zur Entmaterialisierung der Wertpapiere», Revue suisse de droit des affaires 1991 117; A. MEIER-HAYOZ / H.C. VON DER

CRONE, Wertpapierrecht, 2e éd., Berne: Stämpfli, 2002, § 25; D. ZOBL / S. KRAMER, Schweizerisches Kapitalmarktrecht, Zurich: Schulthess, 2004, § 5;. Cf. aussi BRUNNER (n.

),

14), FAVRE (n. 4)et RICKENBACHER (n. 13).

16 Comme on le verra, ce second droit est limité par le fait que, de plus en plus souvent, les émissions prennent la forme d'un certificat global permanent ou de droits-valeurs (titres dématérialisés), ce qui ne permet pas à l'investisseur de se faire délivrer des papiers-valeurs.

17 La Chine constitue une exception notable.

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chaque dépositaire (y compris le dépositaire central) ne tient de compte que pour ses propres clients, qu'il s'agisse d'un autre dépositaire ou d'un investis- seur. SIS, dépositaire central suisse, ne peut identifier que les titres inscrits au compte de ses participants. Il n'a aucun moyen de regarder au travers de ceux-ci pour identifier l'investisseur qui se trouve un ou plusieurs étages en dessous dans ce réseau en forme de pyramide.

Les éléments essentiels étant posés, les particularités sont (relativement) aisément expliquées. Pour acquérir la fongibilité nécessaire au dépôt collec- tif, les valeurs mobilières à ordre sont endossées en blanc. Si l'identification des investisseurs par l'émetteur est souhaitée, l'information relative aux transferts de titres sera transmise par les dépositaires à l'émetteur, moyennant l'accord des acquéreurs. Plutôt que faire l'objet de coupures individuelles, une émission peut être représentée par un certificat global, temporaire ou durable. La copropriété des investisseurs porte alors sur le certificat global, dont ils ne peuvent cependant pas obtenir la remise physique, sauf à acquérir l'intégralité de l'émission. Enfin, dans la mesure autorisée par le droit appli- cable à la société et à l'émission, les conditions d'émission peuvent renoncer à l'émission d'un certificat. Les droits-valeurs (titres dématérialisés) sont alors représentés par une écriture dans les comptes du dépositaire central ou d'un dépositaire qui en tient lieu.

III. Appréciation critique

Avec un peu de recul, on est frappé par trois particularités de la construction juridique adoptée.

a) La propriété mobilière n'y tient en réalité (presque) plus aucun rôle.

Par des opérations comptables, des jeux d'écritures dans leurs «comptes de titres», les investisseurs acquièrent, grèvent ou aliènent des droits patrimo- niaux et sociaux contre des émetteurs. Ils ne se soucient généralement plus du support matériel de ces droits, trop coûteux, trop lent et trop malcom- mode à utiliser. Les papiers-valeurs n'ont pas disparu, mais les certificats globaux ont presque entièrement remplacés les titres individuels18

18 Le Rapport explicatif LTI (n.

. La fonc- tion principale du droit de propriété consistait à fonder un droit de distraction (Aussonderung) en cas de faillite d'un dépositaire. Mais cette fonction a dis- paru pour les dépositaires suisses: la législation applicable aux banques et

3) relève que les certificats globaux représentent, en valeur nominale, 90% des obligations et 99,6% des actions déposées auprès de SIS (2003).

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aux négociants en valeurs mobilières assure désormais la distraction automa- tique des «valeurs déposées» en cas de faillite19

b Comme le Professeur B. FOËX l'a relevé, l'application des règles sur la propriété mobilière (ou sur la cession de créances en ce qui concerne les droits-valeurs) aux titres ainsi détenus repose sur un certain nombre de fictions

.

20

Le débit des titres au compte du vendeur et leur crédit au compte de l'ac- quéreur représentent ensemble (avec toutes les écritures dans les comptes intermédiaires) le transfert de la possession exigé par le Code civil pour l'ac- quisition de la propriété mobilière. Cette délégation de possession (Besitzanweisung) est une vue de l'esprit: le dépositaire central, possesseur immédiat à titre dérivé, cesse de posséder pour un aliénateur dont il ignore l'identité et possède désormais pour un acquéreur (ou un gagiste) dont il ignore également l'identité. Il ignore d'ailleurs complètement ce changement de possesseur originaire si le transfert s'opère dans les livres d'un autre in- termédiaire, par exemple lorsque la banque acquiert un gage sur les titres dont elle est dépositaire.

.

Quant aux droits-valeurs, qui ne sont pas des choses mobilières, il con- viendrait en principe d'appliquer les règles sur la cession de créances. Mais on cherche avec difficulté la déclaration écrite du cédant exigée par l'art. 165 al. 1 CO21. Si l'on veut éviter la fiction que cette déclaration se trouve dans le contrat de dépôt signé, une fois, par l'aliénateur, il faut alors admettre qu'un droit coutumier s'est développé, qui déroge au Code des obligations en autorisant le transfert des droits-valeurs par des opérations comptables qui reposent sur des instructions unilatérales (et pas nécessairement écrites) de l'aliénateur22

c) Enfin, et c'est tout le mérite du droit privé suisse, on ne peut man- quer d'être frappé par l'étonnante flexibilité de notre ordre juridique. Sans aucune modification législative, sans notamment changer une virgule au droit des papiers-valeurs, il fut possible de concevoir une construction juri- dique qui permette le fonctionnement d'un système technologique et opéra- tionnel où, contrairement à l'état de fait réglé par le législateur, les valeurs mobilières sont immobilisées, et parfois totalement dématérialisées. La tar- dive reconnaissance de leur soustraction à la faillite des dépositaires dans la

.

19 Art. 16 et 37b de la loi sur les banques du 8 novembre 1934 (RS 952.0); art. 36a de la loi sur les bourses du 24 mars 1995 (RS 954.1).

20 FOËX (n. 15),p. 67 s.

21 Idem, p. 66.

22 BRUNNER (n. 14), p. 201-221.

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législation financière23

Cette extraordinaire adaptabilité de notre droit privé, y compris en ce qui concerne les droits réels, atteste de son caractère profondément libéral. Et pourtant, l'absence de toute intervention du législateur pour fonder ce nou- veau système, qui fut une force lors de sa conception, en est aujourd'hui de- venu le talon d'Achille.

ne fit qu'apporter une sécurité additionnelle. Trente ans auparavant, lorsque le système fut conçu, il paraissait évident que le droit de propriété des investisseurs, aussi «labile» et «modifié» qu'il fût, dût nécessairement être reconnu par les liquidateurs d'une banque.

§ 2 Défis: les changements de l'environnement in- ternational

Ce qui précède ne paraît pas indiquer que, à moins d'une nouvelle révolution technologique, la construction juridique sur laquelle le système actuel repose dût être réexaminée et consolidée par une intervention du légi- slateur. C'est pourtant avec la conviction d'une certaine urgence que les mi- lieux bancaires s'adressèrent aux autorités fédérales et que celles-ci se saisi- rent du problème. Pour quelles raisons?

Comme en bien d'autres matières, ce sont essentiellement les change- ments de l'environnement international qui mettent la Suisse dans un Zugzwang. Mais ces fortes interpellations, qui émanent de l'industrie elle- même (principalement des grands dépositaires et opérateurs sur titres inter- nationaux) bien plus que des autorités de surveillance, trouvent leur raison d'être dans les limites intrinsèques de la solution suisse actuelle.

On peut les résumer en deux phrases. La forte croissance du volume des titres en circulation dans le monde – par l'effet de la globalisation des mar- chés, de la diversification internationale des portefeuilles institutionnels et privés et de la croissance exponentielle des nouveaux instruments de place- ment tels que les dérivés standardisés et les placements collectifs – a, au cours des années 1990, sensibilisé les principaux acteurs des marchés finan- ciers internationaux, leurs surveillants et les banques centrales au risque opérationnel, au risque juridique et au risque systémique relatifs à la déten- tion et au transfert des valeurs mobilières par delà les frontières. Cette prise de conscience les a amenés à réexaminer les arrangements opérationnels et juridiques par lesquels les participants au marché conservent et administrent

23 Les art. 16 et 37b LB sont entrés en vigueur le 1er janvier 1997; l'art. 36a LBVM, qui en étend les effets aux négociants en valeurs mobilières, est entré en vigueur le 1er juillet 2004 (RO 2004 2767).

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leurs titres, réexamen qui a fait prendre conscience aux dépositaires suisses (SIS et principales banques) que, en l'absence de bases légales suffisantes, l'intransparence et l'insécurité du cadre juridique actuel contrastent fâcheu- sement avec la fiabilité et l'efficience des dispositifs opérationnels qui carac- térisent l'infrastructure financière suisse.

Cette prise de conscience internationale et les pistes de solution exami- nées sont largement documentée par une série de rapports et de travaux qui ont mobilisé une forte attention. Il convient de mentionner le travail fonda- teur de RANDALL D.GUYNN24,les travaux conjoints du Comité sur les sys- tèmes de règlement et de paiement (CPPS) et de l'Organisation internationale des commissions de valeur (IOSCO)25, ceux du Group of Thirty26, les deux rapports du «Groupe Giovannini» institué par la Commission européenne27 ainsi que les Standards for Securities Clearing and Settlement in the Euro- pean Union adoptés en septembre 2004 par le Comité européen des régula- teurs de valeurs mobilières et par la Banque centrale européenne28

Cette longue série de rapports identifie un nombre significatif de para- mètres opérationnels et juridiques dont dépendent la sécurité et l'efficience des systèmes de conservation et de règlement-livraison de titres. Les aspects qui nous intéressent ici – parce qu'ils forment la raison d'être des deux avant- projets discutés dans cette contribution – sont la sécurité des transactions, la protection des droits des investisseurs et la compatibilité des dispositifs juri- diques nationaux.

.

Ces problèmes sont d'ailleurs au cœur de deux projets d'harmonisation in- ternationale du droit.

Le premier, mené sous les auspices de la Conférence de droit internatio- nal privé à La Haye, est achevé. La Convention sur la loi applicable à cer- tains droits sur des titres détenus auprès des intermédiaires a été adoptée à l'issue d'une conférence diplomatique en décembre 200229

24 Modernizing Securities Owenership, Transfer and Pledging Laws: A Discussion Papier on the Need for International Harmonization, Londres: Capital Markets Forum, International Bar Association, 1996.

. Pour l'essentiel, elle applique à la constitution ou au transfert d'un droit sur ces titres la loi désignée dans la convention entre le titulaire du compte et son intermédiaire

25 Notamment les Recommandations pour les systèmes de règlement de titres de novembre 2001, cf.

www.iosco.org sous Library.

26 Le plus récent rapport est intitulé: Global Clearing and Settlement – A Plan of Action, Washington DC: Group of Thirty, 2003.

27 Cross-border clearing and settlement arrangements in the European Union, novembre 2001, et Second Report on EU cross-border clearing and settlement arrangements, avril 2003, tous deux disponibles sur http://europa.eu.int/comm/economy_finance/giovannini/clearing_settlement_en.htm.

28 Document CESR/04-561 disponible sur www.cesr-eu.org.

29 Cf. les références citées supra note 4.

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(l'intermédiaire pertinent) pour autant que l'intermédiaire en question dis- pose, dans le pays dont la loi est désignée, d'un établissement exerçant l'acti- vité de teneur de comptes de titres. Comme on l'a vu plus haut, le groupe de travail institué par le Département fédéral des finances propose de signer et ratifier cette convention, qui ne nous occupera pas davantage dans le con- texte de cette contribution.

Le deuxième projet, dont l'objet substantiel coïncide complètement avec les deux avant-projets discutés ici, a été lancé par l'Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) à Rome en automne 2002. En mai 2005, une première réunion d'experts gouvernementaux entamera la discus- sion de l'avant-projet de convention sur l'harmonisation des règles de droit matériel applicables aux titres détenus auprès d'un intermédiaire30

Même si l'on ne connaît pas encore les résultats matériels de ce proces- sus, il est d'une importance primordiale, pour la place financière suisse que la loi fédérale qui est actuellement en cours de préparation soit compatible avec une convention qui fixera probablement les standards internationaux en la matière. En gardant cet impératif présent à l'esprit, on renoncera ici à comparer les deux avant-projets qui forment l'objet de la présente contribu- tion pour centrer le propos sur leurs fondements conceptuels.

. Il est vraisemblable qu'une convention sera adoptée à l'issue d'une conférence diplomatique qui devrait se tenir en 2006 ou en 2007.

§ 3 Réforme du droit: objectifs et contraintes

Le seul désir de codifier à droit constant les règles applicables à la conservation et au transfert des titres détenus auprès d'intermédiaires finan- ciers ne saurait justifier la nécessité d'une intervention du législateur suisse.

Une réforme du droit suppose des objectifs clairement établis et l'identifica- tion des contraintes.

a) Il convient d'abord et avant tout d'améliorer la sécurité des transactions31

30 L'avant-projet de convention (Unidroit 2004, Etude LXXVIII, Doc. 18) et ses notes explicatives (idem, Doc. 19) sont publiés sur www.unidroit.org. On y trouvera également un important rapport mis en consultation par le comité d'étude au début de son travail: UNIDROIT Study Group on Harmonised Substantive Rules Regarding Indirectly Held Securities, Position Paper, August 2003.

en garantissant que les procédures et moyens technologiques employés pour la détention et le transfert des titres déploient bien les effets que l'on en attend. Ainsi, investisseurs et intermédiaires considèrent que les

31 Le projet lancé par la Commission européenne en cette matière porte d'ailleurs le titre de Legal Certainty Project, voir http://europa.eu.int/comm/internal_market/financial- markets/clearing/certainty_en.htm.

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droits sur des titres sont en principe créés, éteints ou transférés par des écri- tures passées au crédit et au débit des comptes de titres des intéressés. Les règles applicables doivent donc faire de ces écritures l'opération matérielle déterminant l'acquisition ou l'aliénation recherchée par les parties. Elles doi- vent aussi déterminer sans ambiguïté le moment auquel l'acquisition et l'alié- nation sont effectives et les conditions auxquelles une ou plusieurs inscrip- tions peuvent être remises en cause en raison d'un défaut juridique (ordre non autorisé, erreur d'exécution, etc.).

b) La sécurité juridique ne suffit pas. Il faut encore que les règles qui la garantissent soient transparentes, c'est-à-dire qu'elles puissent être com- prises et vérifiées de manière raisonnablement facile par les participants au marché. À l'exception de la protection des avoirs déposés dans la faillite des banques et des négociants en valeurs mobilières, les règles actuellement applicables en Suisse au transfert des droits sur les titres immobilisés ou dématérialisés ne se trouvent pas dans des lois ou des ordonnances, mais dans des avis de droit, relativement anciens et qui n'ont jamais été publiés32. Une seule décision publiée du Tribunal fédéral adopte la notion de copro- priété «modifiée et labile» qui est la clé de voûte de tout l'édifice33

c) Le phénomène à régler est fondamentalement transnational. Les chaînes de détention enjambent de nombreuses frontières et, pour le même titre, sont soumises au droit applicable à chaque degré de la pyramide

. Encore cet arrêt concernait-il des titres non cotés, non diffusés dans le public et dé- posés en bloc par l'actionnaire unique auprès d'une société industrielle, et non d'un intermédiaire financier.

34

32 Il s'agit de deux avis de droit de PETER LIVER de 1963 et 1969, deux autres de ROBERT PATRY de 1985, puis enfin de celui de PETER FORSTMOSER de 1986. Références complètes in Rapport explicatif LTI (n.

. La compatibilité du droit suisse avec les autres ordres juridiques est donc d'une importance cruciale. Cette compatibilité est difficile à réaliser, car les fon- dements juridiques des divers systèmes nationaux restent encore très diffé- rents. L'avant-projet Unidroit de convention sur l'harmonisation des règles de droit matériel applicables aux titres détenus auprès d'un intermédiaire repré- sente la première tentative globale d'assurer la compatibilité («intercon- nexion») en même temps que la qualité substantielle (internal soundness) des ordres juridiques. Quel que soit le sort futur de cet instrument internatio- nal – qui ne devrait pas être adopté avant 2006 – on peut estimer qu'il ex-

3), notes 45, 56 et 57.

33 ATF 112 II 406, JdT 1987 I 347, Ems-Chemie.

34 L'approche adoptée par la convention de La Haye (supra note 4) détermine le droit applicable à chaque échelon concerné par un acte de disposition. La notion d'intermédiaire pertinent, sur laquelle repose toute la convention, est une notion relative et non absolue. Pour un acte de disposition donné qui entraîne des écritures dans les comptes de trois dépositaires, il faut identifier autant de lois appli- cables!

692

(13)

prime d'ores et déjà l'état actuel des standards internationaux relatifs au cadre juridique de ces opérations. Pour une place financière qui, comme la nôtre, est à ce point dépendante de ses relations avec les autres pays, la réforme du cadre juridique passe nécessairement par le suivi le plus attentif du processus Unidroit, ainsi d'ailleurs que du Account Certainty Project lancé par la Communauté européenne35

d) Quant aux objectifs substantiels d'une réforme du droit suisse, il faut mentionner au tout premier rang la protection des droits des investis- seurs, qui sont autant les propriétaires des titres que les titulaires de sûretés.

Sous leur forme matérielle, les valeurs mobilières sont des choses mobilières corporelles, objets de propriété et protégées comme tels. Immobilisées ou dématérialisées, elles doivent fondamentalement offrir la même protection à leurs titulaires. Parce qu'ils sont détenus dans des structures pyramidales où les dépositaires des étages supérieurs ne peuvent identifier les investisseurs, parce qu'ils circulent autrement que par transfert de la possession, les titres immobilisés ou dématérialisés requièrent des règles qui, en visant substan- tiellement les mêmes buts, diffèrent du régime de la propriété mobilière cor- porelle. Par exemple, la protection de l'acquéreur de bonne foi prend un sens différent: l'ignorance non fautive de certains vices entachant l'acte de dispo- sition repose sur des circonstances reconnaissables à l'acquéreur qui sont très différentes dans un contexte dématérialisé.

.

e) En Suisse, la garantie des droits des investisseurs passe (encore) par le maintien d'un rapport juridique direct entre l'investisseur et l'émet- teur. Le propriétaire d'une obligation d'emprunt est personnellement créan- cier de l'émetteur et il se légitime au moyen du titre pour exercer son droit. Il souhaite manifestement le rester lorsque cette même obligation est immobili- sée, remplacée par un certificat global ou complètement dématérialisée. Les investisseurs d'Europe continentale semblent rester encore très attachés à ce lien direct, quand bien même il n'est pas conceptuellement indispensable, ainsi que le montrent les exemples états-unien (fondé sur le concept de securities entitlement) et anglais (fondé sur l'institution du trust). La sagesse veut donc qu'une réforme du droit applicable à la conservation et au transfert des valeurs mobilières affecte aussi peu que possible le droit des sociétés et la position des actionnaires et des obligataires.

f) La protection des investisseurs ne doit pas être réalisée au détri- ment des émetteurs, qui ont un intérêt prépondérant à l'intégrité de l'émis- sion. La constatation et la mobilisation des droits émis par des écritures en compte plutôt que par des papiers-valeurs ne doit pas permettre leur multi-

35 Cf. supra note 31.

693

(14)

plication. Les droits émis constituent une quantité fixe que le système d'in- termédiation ne doit pas compromettre. Admettre leur multiplication revien- drait soit à pénaliser l'émetteur, soit à diluer les droits des investisseurs.

Néanmoins, les pratiques du marché indiquent que la liquidité du marché impose d'admettre certaines écritures ayant un caractère provisoire, soumises à une condition suspensive ou résolutoire. En Suisse, cette pratique prend la forme du contractual settlement: le dépositaire accepte contractuellement de porter des titres au crédit du compte de son client sans encore en avoir reçu la couverture. Renoncer à cette possibilité péjorerait la mobilisation des titres acquis et aggraverait les coûts. Les règles, complexes, qui encadrent ces écritures doivent garantir qu'il n'en résulte pas un excédent de titres en circu- lation. Le droit privé matériel est une composante nécessaire de ce dispositif.

Les règles prudentielles et la surveillance exercée par la Banque nationale suisse sur les systèmes de règlement d'importance systémique sont des ga- ranties indispensables à l'intégrité du système. Il convient de maintenir entre les règles matérielles et les règles prudentielles la distinction qui s'impose.

La réforme dont il est ici question concerne les premières. Les deux projets de loi dont il est ici question concernent le régime matériel des opérations;

ils ne modifient pas le cadre prudentiel qui leur est applicable.

g) Une double contrainte reste à prendre en considération. Dans toute la mesure possible, les investissements technologiques déjà consentis doi- vent être préservés. La réforme du régime juridique ne vise pas à modifier le cadre opérationnel et à provoquer ainsi de nouveaux investissements. La neutralité technologique des nouvelles règles est donc importante pour la pérennité des investissements déjà réalisés. Les règles doivent opérer de la même manière quelle que soit la forme de conservation des titres: papiers- valeurs en dépôt collectif, certificat global ou droits-valeurs. Tout en facili- tant la dématérialisation (aujourd'hui entravée par certaines dispositions), elles ne doivent pas l'imposer, car il s'agit d'un choix qui doit résulter des préférences des investisseurs et des opérateurs.

Comme on le voit, la liste des objectifs et des contraintes est considé- rable. Si l'on ajoute à cette équation la complexité de la réalité opération- nelle, on ne s'étonnera pas que les solutions législatives possibles soient plu- rielles. C'est effectivement ce que l'on constate en comparant les deux projets qui nous intéressent ici: la Wertpapierverwahrungsgesetz (WVG) conçue par le Prof. VON DER CRONE et la Bucheffektengesetz, c'est-à-dire la loi sur les titres intermédiés (LTI), issue des travaux du groupe de travail mandaté par le Département fédéral des finances. Ce qui frappe dans leur examen, ce n'est pas que l'un des textes est plus libéral, l'autre plus restrictif. Ce n'est pas que l'un marque une préférence pour certaines formes de titres ou certaines 694

(15)

formes de détention. La différence se trouve dans l'approche sur laquelle repose chacun de ces projets. Elle s'exprime déjà dans leurs intitulés. Le premier fixe l'attention sur la conservation des papiers-valeurs, le second annonce la reconnaissance législative d'un bien juridique nouveau, les titres intermédiés (Bucheffekten).

La présentation comparative de ces deux projets qui suit ne prétend à au- cune exhaustivité. Elle n'a pour ambition que de mettre en évidence et d'éva- luer ces deux approches différentes afin de montrer le changement de para- digme que propose le projet de loi sur les titres intermédiés.

§ 4 Conservation des papiers-valeurs:

if it ain't broke…

Le projet élaboré par HANS CASPAR VON DER CRONE, FRANZ J.

KESSLER et ANDREAS GERSBACH sur mandat de l'Association suisse des banquiers est intitulé Wertpapierverwahrungsgesetz (WVG), que l'on peut rendre en français par loi sur la conservation des papiers-valeurs36. Le choix des mots traduit l'approche adoptée: les papiers-valeurs37

• adapter le droit suisse des papiers-valeurs aux développements mondiaux du commerce des papiers-valeurs;

restent au centre de la réglementation proposée. C'est ce que confirme son art. 1er, qui énonce quatre objectifs dans cet ordre:

• mettre les droits-valeurs dont l'émission est enregistrée auprès d'un dépo- sitaire central sur pied d'égalité avec les papiers-valeurs;

• garantir le bon fonctionnement des systèmes de conservation (custody) et de règlement-livraison (clearing and settlement) des titres;

• promouvoir la sécurité juridique sur la place financière suisse.38

36 En l'absence d'une traduction française agréée par ses auteurs, on utilisera ici l'abréviation allemande

«WVG» pour désigner ce projet.

37 Cf. supra note 10.

38 «Art. 1 Zweck: Dieses Gesetz bezweckt die Anpassung des schweizerischen Wertpapierrechts an die weltweiten Entwicklungen im Wertpapierhandel und stellt unverbriefte Wertrechte in Gestalt von Bucheffekten den Werpapieren gleich. Es soll das Funktionieren von Verwharungs- und Verwaltungssystemen («Custody») sowie von Abrechnungs- und Abwicklungssystemen («Clearing and Settlement») gewährleisten und dadurch die Rechtssicherheit auf dem Finanzplatz Schweiz fördern.» L'auteur a renoncé à proposer une traduction française de certaines citations du fait de la grande difficulté d'établir une concordance terminologique satisfaisante et du risque de créer une con- fusion avec la terminologie bilingue du projet de loi sur les titres intermédiés.

695

(16)

I. L'approche du projet WVG

Le commentaire de l'art. 1er relève certes que le rattachement du droit au titre, qui caractérise le papier-valeur, est largement devenu une fic- tion39. Il constate l'évolution inexorable vers l'immobilisation et la dématé- rialisation des titres40. Néanmoins, pour garantir le bon fonctionnement et la praticabilité du système tout en rendant possible une «transition organique»

vers la dématérialisation des titres41

La réalité opérationnelle est caractérisée par la coexistence de trois formes d'intermédiation des titres diffusés dans le public, entre lesquels le projet maintient une parfaite neutralité

, le projet WVG prend pour point d'an- crage tant la réalité opérationnelle d'aujourd'hui que son analyse juridique traditionnelle, exposée plus haut (§ 1 II).

42

• le dépôt collectif de papiers-valeurs fongibles entre eux (Sammelver- wahrung von Wertpapieren, objet du chapitre 2 du projet),

:

• le remplacement (initial ou subséquent) de tout ou partie des titres consti- tuant une émission par un (éventuellement plusieurs) certificat global dé- posé auprès d'un intermédiaire (Globalurkunde, objet du chapitre 3)

• l'émission entièrement dématérialisée sous la forme de droits-valeurs inscrits dans un registre public tenu par un dépositaire (Bucheffekten, que l'on traduira ici par droits-valeurs enregistrés43

La réglementation proposée complète et prolonge l'analyse juridique ac- tuelle du dépôt collectif des papiers-valeurs en lui assimilant, autant que faire se peut, le régime juridique des certificats globaux et des droits-valeurs enregistrés.

, objet du chapitre 4).

39 N 2 ad art. 1er WVG.

40 N 1 idem.

41 N 4 idem.

42 Cf. art. 12, 13 et 20 WVG.

43 Les deux projets utilisent le mot Bucheffekten pour désigner deux choses différentes. Dans le projet WVG, il s'agit des droits-valeurs introduits dans le système d'intermédiation par leur enregistrement dans un registre public d'un dépositaire central, art. 14 WVG. Je les appellerai ici droits-valeurs enregistrés. Dans le projet LTI, le mot Bucheffekten (en français titres intermédiés) désigne l'en- semble des droits qui résultent des titres immobilisés ou dématérialisés introduits dans le système d'intermédiation, quelle que soit leur forme matérielle. Les droits-valeurs enregistrés du projet WVG constituent une partie de l'ensemble que forment les titres intermédiés du projet LTI.

696

(17)

II. Le transfert des droits de l'investisseur par le transfert des droits réels sur les titres qui les représentent

Le projet WVG repose sur la primauté conceptuelle des papiers- valeurs individuels comme véhicule d'émission, de documentation et de transmission des droits des investisseurs. Son chapitre 2 est consacré à cette forme de détention et à la situation juridique qui en résulte pour le déposant (Einlieferer44). Les autres formes, certificats globaux et droits-valeurs enre- gistrés sont réglées aux deux chapitres suivants, autant que possible par as- similation et par renvoi45. Les droits-valeurs enregistrés sont mis sur pied d'égalité (Gleichstellung46

a) Le régime juridique des papiers-valeurs en dépôt collectif est réglé au chapitre 2. Il n'est pas énoncé de manière complète. Les règles du projet complètent dans la mesure nécessaire les règles existantes du Code des obli- gations (papiers-valeurs) et du Code civil (droits réels sur les choses mobi- lières). Les art. 4 à 6 traitent de l'autorisation légale de conserver en dépôt collectif, de conserver auprès d'autres dépositaires, et le cas échéant à l'étranger. L'art. 7 confirme la copropriété sui generis des investisseurs sur les titres fongibles en dépôt collectif: outre l'absence de rapports juridiques entre copropriétaires et le droit de chacun de se faire délivrer un nombre de titres correspondant à sa quote-part

) avec les papiers-valeurs en dépôt collectif.

47, il établit que la prétention réelle de l'investisseur est certes dirigée contre celui qui est le possesseur immédiat des papiers-valeurs48, mais qu'elle doit être exercée au travers du dépositaire direct de l'investisseur. L'art. 8 réserve les prétentions contractuelles de chaque déposant contre son dépositaire. L'art. 9 statue que le dépôt collectif ne modifie pas la titularité des droits constatés dans les papiers-valeurs, n'af- fecte donc pas le lien direct entre l'investisseur et l'émetteur si celui-ci existe avant le dépôt collectif. L'art. 10 étend la distraction automatique des titres des déposants à la faillite de tous les dépositaires soumis à cette loi49

b) Le chapitre 3 établit le régime juridique des certificats globaux, dont la qualité de papier-valeur est confirmée. La règle centrale en est

.

44 Le projet a renoncé à définir cette notion, cf. N 18 ad art. 3 WVG. Le terme même, qui décrit la personne qui a livré des titres dans le système (sans en être nécessairement le propriétaire), confirme l'ancrage «matérialisé» (par opposition à dématérialisé) du projet. Son pendant dans le projet LTI est le titulaire de compte (Kontoinhaber), art. 6 lit. b LTI.

45 «Sinngemäss», cf. art. 11 al. 3 et 18 al. 1, 2e phrase, WVG.

46 Le mot est utilisé à l'art. 1er et, comme titre, à l'art. 18 WVG.

47 Copropriété «modifiée» et «labile», cf. supra § 1 II.

48 Art. 7 al. 3 WVG: «gegen denjenigen, bei dem die Wertpapiere liegen.» Il s'agit le plus souvent du dépositaire central.

49 En l'état actuel, cette distraction n'est statuée, en Suisse, que pour les banques et les négociants en valeurs mobilières, cf. supra note 19.

697

(18)

l'art. 11. L'alinéa 2 statue une copropriété de tous les investisseurs sur le certificat global à hauteur de leurs quotes-parts respectives. L'alinéa 3 assi- mile alors la position juridique des investisseurs à celle qui résulte du dépôt collectif de titres individuels, décrite au paragraphe précédent. Les art. 12 et 13 déterminent les conditions auxquelles l'émetteur peut, à ses frais, rempla- cer des titres en dépôt collectif par un certificat global et celles auxquelles un déposant peut, en principe à ses frais, exiger la remise de titres individuels.

c) Les sept articles du chapitre 4 sont consacrés aux droits-valeurs enregistrés dans un registre public tenu par un dépositaire central. Des droits-valeurs peuvent exister sans cette formalité. Celle-ci, qui poursuit un but de publicité, transforme ces droits-valeurs (Wertrechte) en droits-valeurs enregistrés50 (Bucheffekten) et les soumet à la WVG. Inspiré des Uncertificated Securities Regulations 1995 anglais51, les art. 14 à 17 règlent ce registre public (Hauptregister), les registres (comptes) de participants (Teilnehmerregister) tenus par le dépositaire central et par tous les déposi- taires de cette émission, les mécanismes de réconciliation entre ces registres et, partiellement, ceux opérant le transfert de ces titres entre investisseurs52

Les trois derniers chapitres du projet WVG sont communs aux différentes formes de titres réglés par le projet. Cette contribution n'est pas le lieu d'en faire l'inventaire, encore moins la description. Ce qui intéresse notre propos se trouve aux art. 21 à 23, qui contiennent les principales règles applicables aux actes de disposition sur ces titres. En accord avec l'approche fondée sur les droits réels décrite plus haut, les art. 21 et 22 al. 1 WVG ne parlent que du transfert des droits sur les titres. Ce qui intéresse l'investisseur, c'est-à- dire les créances et les droits sociaux qui sont constatés par ces titres, n'est

. L'art. 18 du projet est la disposition centrale réalisant le postulat législatif énoncé à l'art. 1er: il assimile le régime des droits-valeurs enregistrés et la position juridique des investisseurs qui en résulte aux règles applicables aux papiers-valeurs en dépôt collectif. En d'autres termes, il fixe le régime juri- dique des titres dématérialisés par assimilation aux titres immobilisés. Les deux dernières dispositions du chapitre régissent l'attestation des droits des déposants et les conversions entre droits-valeurs enregistrés et papiers- valeurs individuels.

50 Cf. supra note 43 sur la terminologie française.

51 Statutory Instruments 1995 No. 3272, fondé sur la section 207 du Companies Act 1989, qui a délégué au Trésor la compétence de créer les règles nécessaires à permettre l'émission et le transfert de titres dématérialisés.

52 Matériellement, l'art. 17 qui concerne l'enregistrement (Registereinträge) du transfert des titres comptables entre investisseurs et l'art. 22 (Buchung als Verfügungsgeschäft) qui s'applique à tout acte de disposition portant sur les trois formes de titres se complètent. En particulier, le mécanisme décrit à l'art. 17 est également nécessaire aux actes de disposition portant sur des titres en dépôt collectif ou sur des parts de certificat global.

698

(19)

pas expressément réglé. Comme en matière de papiers-valeurs, les droits incorporés au titre (Recht aus dem Papier) suivent le droit sur le titre (Recht am Papier).

Ainsi, alors que le commentaire du projet constate que «le lien entre droit et titre caractéristique des papiers-valeurs est largement devenu une fic- tion»53

III. Principe de causalité

, le projet lui-même continue néanmoins de rattacher la situation de l'investisseur à cette fiction ébranlée par les pratiques opérationnelles, fiction qu'il érige en principe légal. Le législateur n'est pas invité à adopter un ré- gime qui reflète les pratiques effectives, il est prié de confirmer, par un fiat, que le droit continue de faire «comme si» des papiers-valeurs changeaient encore physiquement de mains.

Conformément à la règle énoncée à l'art. 974 al. 2 CC pour la pro- priété foncière et reconnue depuis longtemps pour la propriété mobilière54, l'art. 21 WVG soumet les actes de disposition au principe de causalité (Kausalitätsprinzip): le transfert de droits (y compris la constitution de sûre- tés55

Le principe de causalité a pour but principal de permettre à l'aliénateur de revendiquer

) sur ces titres suppose une cause juridique valable.

56 la propriété de ses titres auprès de l'acquéreur lorsqu'il s'avère que l'acquisition repose sur une cause défectueuse (par exemple sur un con- trat entaché de nullité ou invalidé en raison d'un vice du consentement).

Cette action, dite réelle, est imprescriptible. Ce n'est pas le cas des préten- tions fondées sur l'enrichissement illégitime57 que l'aliénateur devrait exercer si l'acte de disposition était soumis au principe d'abstraction. Ces dernières sont soumises à une prescription relativement brève58 et à diverses objec- tions qui tendent notamment à protéger l'acquéreur de bonne foi59

53 N 2 ad art. 1er WVG, traduction de l'auteur.

.

54 ATF 55 II 302, JdT 1930 I 535.

55 L'art. 2 al. 2 WVG assimile la constitution de sûretés au transfert (Übertragung). Le projet ne se prononce pas sur la constitution d'autres droits réels limités, en particulier sur l'usufruit. Cf.

également art. 24 et N 3 ad art. 22 WVG.

56 Conformément à l'art. 641 al. 2 du Code civil, le propriétaire d'une chose «peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation.»

57 Art. 62 al. 1 du Code des obligation: «Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution.»

58 Un an à compter du jour où l'appauvri a eu connaissance de son droit de répétition, mais au plus dix ans depuis son appauvrissement, cf. art. 67 al. 1 CO.

59 Art. 63 à 65 CO.

699

(20)

Or le régime de la revendication n'est pas adapté aux titres et aux droits qui nous intéressent ici.

La revendication au sens propre, celle qui est statuée à l'art. 641 al. 2 CC, s'exerce contre celui qui possède sans droit. Or l'art. 7 al. 3 WVG statue que la prétention fondée sur le droit réel (dinglicher Anspruch) doit être exercée contre celui qui détient les titres physiquement60. Dans notre hypothèse, la règle désigne le dépositaire central (qui n'est pas un possesseur sans droit et qui est d'ailleurs complètement étranger à la transaction défectueuse), et non l'acquéreur, qui seul peut se défendre contre cette prétention. Encore l'inves- tisseur devrait-il d'abord «annoncer» sa prétention à son dépositaire, tenu de la faire valoir contre son sous-dépositaire61

En réalité, il faut distinguer la revendication des papiers-valeurs chez leur dépositaire physique (qui concerne principalement l'hypothèse de sa faillite) de la revendication d'une part de copropriété sur des titres transférée sans cause valable à un acquéreur. Comme les titres fongibles compris dans le dépôt collectif, les parts de copropriété ne peuvent être individualisées qu'au travers de la chaîne des intermédiaires qui les détiennent pour l'investisseur.

Un transfert de titres augmente la part de copropriété de l’acquéreur et dimi- nue ou éteint celle de l’aliénateur. Retracer un tel mouvement à toutes les étapes de la chaîne de transactions est une opération compliquée, qui peut être interrompue par un netting. Il est artificiel de décrire le résultat de cette opération de traçage comme représentant «les titres de l'acquéreur». La fon- gibilité des papiers-valeurs et des parts de copropriété qui s’y rapportent permet tout au plus d'établir un rapport de connexité entre les titres débités au compte de l'aliénateur et ceux crédités, sans cause juridique valable, au compte de l'acquéreur. Or la revendication repose sur l'identification du bien revendiqué chez un possesseur sans droit (ubi rem meam invenio, ibi vindi- co). Ce sont les règles sur l'enrichissement illégitime qui font de la connexité une condition de leur exercice

!

62

Le principe de causalité statué à l'art. 21 WVG s'applique aussi au trans- fert des droits-valeurs enregistrés. Son affirmation résout une controverse de longue date relative à la nature, abstraite ou causale, de la cession de créances. On sait que les opinions sont toujours partagées sur la question

.

63

60 Cf. supra note

. Une règle légale a certes le mérite de la trancher, mais elle se heurte ici aux mêmes objections que pour les titres en dépôt collectif. Le principe de causa-

48, également applicable aux certificats globaux par le renvoi de l'art. 11 al. 3 WVG.

61 Art. 7 al. 2, 2e et 3e phrases, WVG.

62 La condition de connexité (l'enrichissement est le corollaire de l'appauvrissement) est déduite des mots «aux dépens d'autrui» figurant à l'art. 62 al. 1 CO, cf. G.PETITPIERRE, Commentaire romand Code des obligations I, Bâle: Helbing & Lichtenhahn, 2003, N. 11 ad art. 62, avec références.

63 Cf. H.C. VON DER CRONE, «Zession: kausal oder abstrakt?», Revue suisse de jurisprudence 1997 249.

700

(21)

lité est inadéquat en matière de droits fongibles dont l'attribution aux inves- tisseurs est réalisée par des quotes-parts.

On relèvera enfin que le principe de causalité fait subir un risque à l'émet- teur, qui s'expose à payer coupons et dividendes sans effet libératoire à l'ac- quéreur sans cause parce que celui-ci n'aura jamais acquis la titularité des droits revendiqués, pas même à titre temporaire.

IV. Ecritures en compte et protection de l'acquéreur de bonne foi

Après avoir soumis les transferts de titres au principe de causalité, le projet WVG règle les modalités de l'acte de disposition. Sous le titre

«Buchung als Verfügung», les deux premiers alinéas de l'art. 22 énoncent la règle centrale qui met l'analyse juridique en harmonie avec la réalité opéra- tionnelle: les droits sur les titres sont transférés par des écritures en compte de titres effectuées par le ou les dépositaire(s) impliqué(s) dans ce transfert, l'acquisition étant parfaite lorsque l'écriture nécessaire est portée, sans condi- tion, au compte de l'acquéreur.

Cette norme essentielle64

La règle qui nous intéressera ici figure aux art. 22 al. 2, 2e phrase, et 23 WVG. Lorsqu'une écriture s'avère défectueuse (fehlerhaft), l'acquéreur dis- pose contre son dépositaire d'une prétention tendant au remplacement (Realersatz) des titres qui lui ont été crédités à tort. Dans certains cas, cette prétention en nature est remplacée par une compensation en espèces (Wertersatz). Cette responsabilité du dépositaire est stricte, indépendante de toute faute

est complétée par une série de règles acces- soires. L'art. 24 précise les formalités nécessaires à la constitution de sûretés suivant qu'il s'agit de créer un gage ou de transférer la propriété au preneur de sûretés. L'art. 25 statue un droit de rétention sans inscription en faveur du dépositaire.

65

64 Cf. notamment le Position Paper d'UNIDROIT d'août 2003 (n.

. La faute éventuelle l'étend aux dommages-intérêts supplémen- taires. Le dépositaire ne peut se libérer de toute responsabilité qu'en prouvant que l'acquisition repose sur une cause juridique nulle (renvoi au principe de

30), p. 19, qui identifie la nécessité de reconnaître la validité des crédits et des débits en comptes de titres fondés sur des instructions adres- sées par un titulaire de compte à son intermédiaire financier. «Clearly, there are powerful arguments of market efficiency that support the desirability of such a rule; in the opinion of the Study Group, however, such as rule is also desirable on systemic grounds…»

65 Le commentaire (N 6 ad art. 23) établit une analogie avant la garantie du vendeur. La faute du dépositaire étend cette responsabilité aux dommages-intérêts supplémentaires, art. 23 al. 3 WVG.

701

(22)

causalité), une preuve qui lui est difficile puisque la transaction entre aliéna- teur et acquéreur est, pour le dépositaire, une res inter alios acta.

La question des écritures défectueuses s'inscrit dans celle, plus large, des actes de disposition défectueux. La principale contrainte d'un système de dépôt centralisé des titres – quelle que soit la forme de ceux-ci – tient à la nécessité de maintenir l'intégrité des émissions. Les procédures de transfert, qui comprennent notamment des écritures provisoires, conditionnelles («sauf bonne fin»)66, ou simplement erronées, ne doivent pas «créer» au profit des investisseurs un nombre de droits dépassant celui que l'émetteur a émis. Une réconciliation permanente des comptes à tous les échelons de la pyramide est nécessaire67. Réciproquement, les investisseurs doivent être protégés contre le risque opérationnel, voire les fraudes68, qui peuvent intervenir tout au long de la chaîne d'intermédiation. Le commentaire du projet WVG parle à juste titre d'une protection de la confiance de l'investisseur69

De toutes les questions qui doivent être réglées dans un système d'inter- médiation, il s'agit probablement de la plus délicate

.

70

En matière de titres immobilisés ou dématérialisés, trois de ces quatre éléments sont absents ou ne peuvent pas être vérifiés par l'acquéreur: le titre matériel n'existe pas nécessairement; lorsqu'il existe, sa possession par un dépositaire central n'entraîne aucune présomption quant à sa titularité; son énoncé n'est pas vérifiable, mais les conditions d'émission (prospectus) font foi. Néanmoins, un régime de protection de l'acquéreur de bonne foi est nécessaire. En particulier, dans la plupart des transactions ordinaires, l'ac-

. Pour s'en convaincre, il suffit de penser aux grands problèmes que plusieurs siècles de pratique ont dû résoudre en matière de papiers-valeurs. À quelles conditions l'acquéreur est-il protégé alors que l'aliénateur n'avait pas le pouvoir de disposer des titres remis (acquisition de bonne foi)? À quelles conditions l'acquéreur peut- il se fier aux inscriptions du titre (purge des exceptions)? L'acquéreur est-il protégé lorsque le titre est un faux ou a été falsifié? En droit des papiers- valeurs, les règles nuancées qui répondent à ces questions et à d'autres sont fondées sur quatre éléments: l'existence d'un titre matériel, son énoncé, sa possession (cas échéant légitimée par un endossement) et la bonne foi de l'acquéreur.

66 Cf. supra § 3 (f).

67 Ce que, curieusement, l'art. 16 WVG ne prévoit que pour les droits-valeurs. Mais la matière relève davantage du droit de la surveillance prudentielle que du droit privé.

68 Cf. spécialement l'art. 22 al. 3 WVG.

69 Cf. N 4 ad art. 22 WVG: «Demgegenüber verlangt die Praktikabilität des Systems nach einem Vertrausenschutz in dem Sinne, als die 'letzte Buchung' beim Erwerber für diesen gewissermassen verbindlich ist.»

70 Cf. surtout F. NIZARD, Les titres négociables, Paris: Revue Banque et Economica, 2003, p. 253-293;

comp. D.EINSELE, Wertpapierrecht als Schuldrecht, Tubingue: Mohr, 1995, p. 97-114

702

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En effet, les principaux revenus des rentiers français, dont la fortune est placée en totalité ou en partie sur des valeurs mobilières, sont fournis par les rentes, les emprunts

D'autre part, si les bons de jouissance ne sont pas acquis par la société en vue de leur annulation, mais à titre de placement, les titres sans valeur nominale

Il faut donc pour le calcul de la valeur actualisée d'une action tenir compte uniquement de la valeur actualisée des flux des dividendes.. Théorie des anticipations