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L'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire s'applique-t-il seulement au conflit armé international ?

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L'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire s'applique-t-il seulement au conflit armé international ?

KOLB, Robert

KOLB, Robert. L'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire s'applique-t-il seulement au conflit armé international ? Swiss Review of International and European Law, 2018, vol. 28, no. 4, p. 461-464

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135590

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FROM THE EDITORS

L'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire s'applique-t-il seulement au conflit armé international ?

Robert Kolb*

Est-ce que l'article l commun des Conventions de Genève de 1949 s'applique seule- ment aux conflits armés internationaux ou est-cc qu'ils' étend aux conflits armés non internationaux? Cette disposition célèbre est libellée comme suit: « Les Hautes Par- ties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances »1Une affaire jurisprudentielle (arrêt de première instance) ré- cente prend position sur cette question2L'affaire ici en cause concernait la contesta- tion d'une décision du ministre des affaires étrangères du Canada d'autoriser l 'expor- tation de certains véhicules militaires armés vers ! 'Arabie Saoudite. En matière d'article l commun, l'arrêt contient les affirmations suivantes. En premier lieu, l'ar- ticle l commun concerne les droits et obligations des Etats parties et ne touche pas directement aux positions juridiques des individus3• C'est dire qu'un individu n'a pas de locus standi pour se plaindre d'une violation de cette disposition devant un tribu- nal interne (ou international, faudra-t-il dire par extension). En second lieu, l'article l commun s'applique, selon la jurisprudence canadienne, dans le sillage de laquelle s'inscrit le présent arrêt, qu'à des conflits armés internationaux4C'est donc dire que les obligations et facultés qui y sont énoncées n'existeraient qu'au regard d'un conflit armé international, se déroulant donc entre Etats; ce qui ne serait pas le cas en l'es- pèce, le conflit armé au Yémen, dont il s'agissait en l'occurrence, n'étant qu'un conflit armé non international. Notons que ce considérant de la Cour fédérale est juridique- ment formulé en tant qu'obiterdictum. Notons aussi que laJuge unique mentionne à l'appui de cette dernière thèse un considérant de l'affaire Sinappu v. Canada de 1997, dont la teneur est la suivante : « Since Canada has no involvement whatsoever in that

Professeur de droit international à l'Université de Genève.

Sur cette disposition, voir ICRC (éd.), Commentary of the First Geneva Convention, Cambridge 2016, p. 35ss, avec une bibliographie étendue.

2 Affaire D. Turp v . .lvfinister of Foreign Ajfairs, arrêt de la Cour fédérale d 'Ontario (Canada) en date du 24 janvier 2017, Doc. 2017 FC 84.

3 § 58 del 'arrêt.

4 § 71 de l'arrêt.

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RobertKolb

dispute [en l'occurrence le conflit interne du Sri Lanka] common Article 1 of the Geneva Conventions of 1949 does not impose upon our country an obligation to ensure that the parties to that conflict respect common Article 3 ... »5. Il est mani- feste qu'il y a ici un non sequitur: la question de savoir dans quelle mesure l'article 1 commun crée et impose des obligations ou ne concède - en tout cas pour des Etats tiers au conflit armé - que des facultés6 est manifestement autre que celle relative à la question de savoir si l'article 1 commun s'applique uniquement aux cas de conflits armés internationaux ou s'il s'étend aux conflits armés non internationaux. C'est cette dernière question qu'il convient de serrer brièvement de plus près dans cette courte note.

S'il est vrai qu'il est souvent affirmé de manière lin peu sommaire que la seule disposition des Conventions de Genève (CG) de 1949 s'appliquant aux conflits armés non internationaux (CANI) est l'article 3 commun, il n'est pas dit que cette affirma- tion soit techniquement correcte. Elle provient sans doute du fait que l'article 3 com- mun est une disposition substantielle, qui prévoit des protections matérielles pour les belligérants dans le conflit armé. Elle tient donc nettement le devant de la scène. Tou- tefois, il n'en découle aucunement que l'article 1 commun ne s'appliquerait qu'au conflit armé international (CAI). A bien y regarder, le texte et le contexte de la dispo- sition suggèrent nettement le contraire. Les parties s'y engagent à respecter et à faire respecter la «présente Convention » en toutes circonstances. Cette Convention contient l'article 3 commun, qui s'applique à des conflits armés ne présentant pas un caractère international, c'est-à-dire à des CANI. Il semble s'ensuivre en toute logique que l'obligation de respect stipulée à l'article 1 commun porte aussi sur l'article 3 commun; celui-ci fait manifestement partie de la «présente Convention ». S'il en est ainsi, l'article 1 commun oblige les parties à assurer le respect du droit international humanitaire contenu dans la Convention pour les CAI et aussi, mutatis mutandis, le droit international humanitaire contenu dans la Convention pour les CAN!. Il y aurait en quelque sorte un parallélisme ou une dualité des obligations, tantôt portant sur le droit des CAI, tantôt cantonné au droit des CANI. Les travaux préparatoires de l'article 1 commun, point très prolixes, montrent en tout cas clairement que l 'ap- plication de cette disposition aux « guerres civiles » était envisagée sans y être rejetée7 C'est la raison pour laquelle, en toute conséquence, le récent Commentaire du CICR

5 lbirl.

6 Sur cette question distincte l'auteur de ces lignes a pris position dans R. Ko LB, «Commentaires icono- clastes sur l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire selon l'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949 », 46 Revue belge de droit international (2013), p. 513ss.

7 Cf. A. FRUTIG, Die PBicht von Drittstaatcn zur Durchsetzung des humaniraren Volkcrrcchts nach Art. 1 der Genfer Konventionen von 1949, Bâle 2009, p. 13ff

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L'article 1 commun des Conventions de Genève de 1949

accepte cette double applicabilité de l'article 1 commun8Il rappelle à cet égard aussi l'étude de droit coutumier du CICR, qui montre que l'obligation (ou les facultés, selon les cas) contenue dans l'article 1 commun n'est pas limitée aux Conventions de Genève mais s'étend à tout le droit international humanitaire applicable à un Etat, aussi bien dans les CAI que dans les CANI9• Il est inutile de résumer ici les matériaux très divers sur lesquels cette étude s'est appuyée pour établir cette conclusion. ~oi

qu'il en soit, la pratique internationale montre quel 'article 1 commun a été invoqué avec une fréquence certaine aussi dans des situations de CANI'0Cet exercice n'a pas donné lieu à des contestations quant au champ d'application matériel de notre dispo- sition.

A ce qui précède, il faut ajouter qu'une série de règles de la Convention sont appli- cables déjà en temps de paix, dès que les CG entrent en vigueur pour un Etat déter- miné. Ces dispositions portent par exemple sur la diffusion du droit, la formation des forces armées, la législation pour poursuivre des infractions graves, la création de zones sanitaires et l'organisation des services sanitaires, etc. L'article 1 communs' étend in- contestablement à ces obligations11Les parties s'engagent à les respecter et à les« faire respecter», par exemple en faisant les démarches nécessaires en cas de décentralisation ou de privatisation partielle de services y afférents. Dans ce cas, il faudra s'assurer que les prestataires accomplissent les devoirs de l'Etat en matière de CG. Il serait àce titre singulier que l'article 1 commun s'étendît aux obligations juridiques des Etats en temps de paix, mais qu'il ne trouvât pas à s'appliquer dans une situation de conflit armé, fusse-t-elle celle d'un CANl. Il faudrait ici au moins conclure que l'Etat concerné était grevé des obligations ex article 1 commun déjà avant que le CANI ne se manifes- tât. Et il serait inadéquat d'affirmer que ces obligations, qui existaient en temps de paix, cessassent de s'appliquer lorsque le conflit armé s'est manifesté, puisque telle n'est pas l'économie de ces dispositions. En effet, elles sont censées s'appliquer

des

le temps de paix tout en continuant à s'appliquer en temps de conflit armé. Le fait que ces dis- positions portent formellement sur le conflit armé international n'y change rien: la formation des armées, par exemple, ou

le

fonctionnement des services sanitaires, ne diffère pas selon que le conflit est un CAI ou un CANI. Et l'on peut même affirmer que ces obligations existent en « toute circonstance », que le conflit soit interne ou international : il faudra dans tous les cas former les armées, que ce soit à l'ensemble des dispositions contenues dans les CG ou que ce soit à l'article 3 commun.

8 Cf. ICRC, supra, n. 1, p. 38. Il faut souligner que le Commentaire du CICR des années 1950' était en revanche obscur sur la question: cf. par exemple J. Pictet (éd.), Commentaire de la Convention IV de Genève, Genève 1956, p. 21.

9 L. Doswald-Beck & ]. M. Henckacrts (éds.), ICRC Study on Customary International Humanitarian Law, Cambridge 2005, Rule 139.

10 Cf. Frutig, sup(a, n. 7, p. 88ss et Doswald-Beck &]. M. Hcnckacrts, supra, n. 9.

11 ICRC, supra, n. 1, p. 39.

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Robert Kolb

En tirant la somme de ce qui précède, il est possible d'affirmer qu'une interpréta- tion historique, textuelle et contextuelle, ainsi que téléologique, de la disposition ici en question, et ce dans l'économie générale des CG, montre très clairement que l'ar- ticle 1 commun est applicable aussi aux CAN!, bien que sa portée y soit nettement moindre, étant donné qu'il se réfère alors seulement à l'article 3 commun et aux autres obligations contenues dans les CG implicites à la mise en œuvre de cet article 3 commun. L'ampleur de l'article 1 commun a entre-temps certes augmenté, avec l'adoption du Protocole additionnel II de 1977 relatif aux CAN!, en tout cas pour les Etats qui sont liés par ce texte. Il en va de même, bien évidemment, en matière de droit coutumier, c'est-à-dire en dehors des CG en tant que traités. En conclusion, il faut donc dire que les CG contiennent pour le moins deux dispositions applicables aux CANI: les articles 1 et 3 communs.

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