• Aucun résultat trouvé

Des hommes et des dieux en prison

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Des hommes et des dieux en prison"

Copied!
486
0
0

Texte intégral

(1)

5

Céline BERAUD, Claire de GALEMBERT et Corinne ROSTAING

Des hommes et des dieux en prison

Mai 2013

Recherche subventionnée

par la DAP-Ministère de la Justice et le GIP Mission de recherche Droit et Justice

Convention de recherche entre le Ministère de la Justice-DAP et le CNRS-ISP (UMR 7220) n°210.09.15.34

(2)

6

(3)
(4)
(5)

Remerciements

Cette recherche constitue une réponse à l’appel d’offre de la Direction de l’Administration Pénitentiaire. Nous tenons à remercier les personnes qui nous ont accompagnées tout au long de l’enquête : Emmanuel Brillet, Annie Kensey et Perrine Vandenbussche. Elle a également bénéficié d’un financement couplé du GIP Mission de recherche « Droit et Justice ». Nous sommes reconnaissantes à son équipe, Georges Garioud en particulier, pour leur confiance et leur très grande patience. Enfin, la finalisation du rapport a bénéficié du soutien financier de l’Institut Universitaire de France.

Ce rapport est aussi le fruit d’un beau travail d’équipe sans lequel il n’eut pas été ce qu’il est. Un grand merci à Dalila Boukacem, Philippe Gaudin, Romain Juston, Sabrina Pastorelli et Caroline Touraut.

Nos collègues Jim Beckford et Philippe Combessie nous ont fait l’amitié de relire tout ou partie de ce rapport.

Nos plus vifs remerciements vont à celles et ceux (personnes détenues, personnels, aumôniers) qui ont accepté de participer à l’enquête, en nous accordant des entretiens et en nous laissant les accompagner dans leurs activités. L’anonymat promis ne nous permet pas de nous adresser à chacun d’entre eux mais qu’ils soient ici chaleureusement remerciés. Qu’ils puissent trouver dans cet écrit le juste retour de la disponibilité qui fut la leur et de la confiance qu’ils ont placée en nous. Qu’ils sachent surtout que nos intérêts sociologiques furent peu de chose en comparaison de l’intensité exceptionnelle des rencontres humaines que nous avons faites.

Une pensée aussi, toute particulière, pour ceux qui nous ont quittés pendant ce travail et ceux qui sont arrivés en cours de route.

(6)
(7)

7

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES UTILISÉS

- AP : Administration pénitentiaire.

- CD : Centre de détention : il accueille les condamnés présentant les meilleures perspectives de réinsertion ; leur régime de détention est principalement orienté vers la resocialisation des détenus.

- CEF : Conférence des évêques de France ; - CFCM : Conseil français du culte musulman ;

- CGLPL : Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;

- CP : Centre pénitentiaire : établissement qui comporte au moins deux quartiers à régimes de détention différents (maison d'arrêt, centre de détention et / ou maison centrale) ;

- CPIP : Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ; il a une fonction de travailleur social en prison ; - CPP : Code de Procédure Pénale

- CPU : Commission pluridisciplinaire unique, au cours de laquelle se réunit l’ensemble des professionnels (gradés, personnel médical, personnel social, personnel enseignant, contremaître, formateurs, et aumônier). Sa composition est variable selon les établissements. Les aumôniers ne sont pas toujours invités à y participer ou ne le souhaitent pas toujours ;

- Condamné : personne détenue dans un établissement pénitentiaire en vertu d'une condamnation judiciaire définitive ;

- CRCM : Conseil régional du culte musulman ; - DAP : Direction de l’administration pénitentiaire ;

- DI : Direction interrégionale de l’administration pénitentiaire ; - DPS : Détenu particulièrement signalé ;

- EMS : État-Major de la Sécurité, au sein de la direction de l’administration pénitentiaire ; - ENAP : École nationale d'administration pénitentiaire ;

- ERIS : Équipes régionales d’intervention et de sécurité ;

- Établissement à gestion mixte : désigne l'un des 21 établissements issus du programme de construction lancé en 1987 dont la gestion courante – maintenance, nettoyage, hôtellerie, restauration – ainsi que certaines fonctions liées à la prise en charge des personnes placées sous main de justice – travail, formation et santé – sont assurées par des groupements privés. La direction, la garde, l'insertion et le greffe restent de la responsabilité de l'administration pénitentiaire et de son personnel ;

- Établissement pour peine : reçoit exclusivement des condamnés dont le reliquat de peine est au moins égal à un an. Les centres de détention et les maisons centrales sont des établissements pour peine ;

- FPF : Fédération protestante de France ;

- MA :Maison d'arrêt : reçoit les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an ; - MC :Maison centrale : reçoit les condamnés les plus difficiles dans le cadre d'un régime de détention essentiellement axé sur la sécurité ;

- Milieu fermé : désigne les maisons d'arrêt, les centres de détention, les maisons centrales, les centres pénitentiaires, les centres de semi-liberté, par opposition aux CPAL ;

(8)

8

- Mitard : ancienne dénomination des cellules du quartier disciplinaire ; - Pointeurs : prévenus ou condamnés pour affaires de mœurs ;

- Prétoire : ancienne appellation de la commission de discipline ;

- Milieu ouvert : vise les activités des CPAL et les mesures non privatives de liberté telles que le travail d'intérêt général, le sursis avec mise à l'épreuve avec obligation d'effectuer un TIG, l'ajournement avec mise à l'épreuve, le contrôle judiciaire ;

- Prévenu : personne détenue dans un établissement pénitentiaire qui n'a pas encore été jugée ou dont la condamnation n'est pas définitive en raison de l'exercice de voies de recours ;

- Programme 13 000 : programme de construction de 25 établissements pénitentiaires lancé en 1987, dont la construction et la gestion courante, pour 21 d'entre eux, ont été confiées à des entreprises privées ;

- QD : Quartier disciplinaire ;

- RCP : réclusion criminelle à perpétuité ;

- Régie directe : quatre établissements du programme 13 000 sont en régie directe, c'est-à-dire entièrement gérés par des agents de l'administration pénitentiaire ;

- RIEP : Régie industrielle des établissements pénitentiaires : organisme de l'administration pénitentiaire qui développe des activités de travail pour les détenus dans les établissements ;

- RPE : Règles pénitentiaires européennes;

- Semi-liberté : modalité d'exécution d'une peine permettant à un condamné d'exercer, hors d'un établissement pénitentiaire, une activité professionnelle, de suivre un enseignement ou une formation, ou de bénéficier d'un traitement médical ; le condamné doit rejoindre le CSL à l'issue de ces activités ;

- Service général : emplois occupés par des détenus dans les établissements pénitentiaires au service de la maintenance, de la restauration et de l'hôtellerie ;

- SMPR : Service médico-psychologique régional : service de psychiatrie implanté en milieu pénitentiaire ayant une vocation régionale et comportant une unité d'hospitalisation offrant des soins diversifiés incluant l'hospitalisation volontaire ;

- SPIP : Service pénitentiaire d'insertion et de probation : service ayant pour mission auprès des établissements pénitentiaires, et du milieu ouvert, de favoriser l'accès aux droits et aux dispositifs d'insertion de droit commun des détenus et des personnes placées sous contrôle par les autorités judiciaires ; chaque département comporte un SPIP suivant les personnes qui leur sont confiées selon un principe de continuité de leur prise en charge ;

- RMF : Rassemblement des musulmans de France ; - UBF : Union bouddhiste de France ;

- UCSA : Unité de consultations et de soins ambulatoires : unité hospitalière implantée en milieu pénitentiaire assurant les soins somatiques et psychiatriques incluant la prévention, l'organisation des soins en milieu hospitalier ainsi que la continuité de soins en fin de détention ;

- UMD : Unité pour malades difficiles ;

- UOIF : Union des organisations islamiques de France ; - UVF : Unités de vie familiale.

(9)

9

Sommaire

Remerciements ...5

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES UTILISÉS ... 7

Introduction ... 15

1. La religion en prison : un nouveau champ de recherche en cours d’exploration ... 17

1.1. La religion : le parent pauvre de la sociologie carcérale ... 17

1.2. La prison, laboratoire pour la sociologie des religions en Europe ... 18

2. Une recherche à la croisée des sociologies carcérale, de l’action publique et de la religion ... 19

2.1. La religion, quel(s) problème(s) pour l’administration pénitentiaire? ... 20

2.2. Quelle place pour la religion dans l’épreuve carcérale ? ... 21

2.3. Les aumôniers : instrument de régulation du religieux ?... 21

3. Présentation de l’enquête ... 22

4. Plan du rapport ... 24

PARTIE I LES GÉOMETRIES VARIABLES DE LA LAÏCITÉ ... 27

Chapitre 1 Laïcité carcérale ... 31

1. Une laïcité pragmatique et ouverte ... 32

1.1. Un sens commun bureaucratique sur « la religion qui apaise » ... 32

1.2. Le reflet de l’ambivalence de la loi de séparation ... 33

1.3. La singularité de la laïcité carcérale au regard de la laïcité scolaire et hospitalière ... 34

1.4. L’empreinte du christianisme sur l’institution carcérale ... 36

2. Au regard d’une comparaison internationale, les effets cependant limitatifs de la laïcité pénitentiaire 40 2.1. Des équipements cultuels aléatoires ... 4141

2.2. Des aumôniers simples collaborateurs occasionnels du service public ... 43

2.3. Un mode spécifique d’action des acteurs religieux dans le domaine de la réinsertion ... 45

2.4. Le tabou des statistiques religieuses ... 46

Chapitre 2 Reproblématisation en administration centrale ... 57

(10)

10

1. Une nouvelle impulsion donnée par des entrepreneurs de réformes ... 58

1.1. Du changement dans les rapports d’activités et notes administratives ... 58

1.2. Un DAP réformateur sensible à la problématique religieuse ... 59

1.3. Une directrice adjointe PMJ militant en faveur d’une égalité des cultes... 62

2. Les axes du repositionnement de la DAP en matière cultuelle ... 62

2.1. Formalisation de la place des aumôniers et revalorisation du culte ... 63

2.2. Politique de rattrapage à l’égard de l’islam ... 64

2.3. Une politique de formation à l’adresse des personnels ... 67

3. Une politique religieuse impactée par la lutte contre l’islam radical ... 68

3.1. « Les prisons nids d’islamistes » : construction d’une évidence médiatico-politique ... 68

3.2. Création d’une politique de détection des « prosélytes » ... 70

3.3. L’aumônerie musulmane : un vecteur de lutte contre la radicalisation ... 74

4. La pression accrue des droits ... 76

4.1. De la juridicisation du monde carcéral… ... 76

4.2. …à la désanctuarisation juridictionnelle des prisons ... 78

Chapitre 3 Laïcités locales ... 83

1. Variations locales pour la religion ... 84

1.1. Une offre cultuelle inégale ... 85

1.2. Des signes religieux plus ou moins visibles ... 89

1.3. Règle stricte en deçà, tolérance au-delà ... 91

1.4. La religion dans la gamelle : des régimes locaux ... 93

1.5. Des exceptions locales ... 96

2. Paramètres de la négociation des laïcités locales ... 100

2.1. Le directeur, un paramètre déterminant ? ... 101

2.2. Perméabilité des établissements à l’environnement local ... 102

2.3. Le pouvoir de négociation variable des aumôneries locales ... 105

2.4. Initiatives individuelles ... 109

2.5. Types de l’établissement et problématiques religieuses ... 111

3. Trois types idéaux de modes de gestion du fait religieux ... 117

3.1. Le mode de gestion déléguée ... 118

3.2. Le mode de gestion régulée ... 120

3.3. Le mode de gestion défensive... 121

Chapitre 4 La religion, un outil de travail des surveillants ... 125

1. « La religion, elle est là, faut faire avec ! » ... 127

1.1. L’aumônier, un tiers qui dérange ? ... 128

(11)

11

1.2. Des surveillants entre routines et pratiques discrétionnaires ... 134

2. La religion : objet de suspicion ... 144

2.1. L’authenticité religieuse des détenus en question ... 144

2.2. Fausse religiosité et altérité morale ... 148

2.3. De l’altérité morale à l’altérité culturelle ... 149

2.4. Des pratiques discriminatoires à l’égard des musulmans ... 152

3. La religion : une ressource pour le travail ... 159

3.1. « Tout ce qui peut aider et calmer le détenu nous aide… »... 160

3.2. La religion, une ressource de maintien de l’ordre ... 161

3.3. Jouer de ses origines... 167

3.4. Les limites du jeu sur les origines ... 169

PARTIEIILARELIGIONDANSL’ÉPREUVECARCÉRALE ... 173

Chapitre 5 Des usages pluriels ... 177

1. La religion pour soi : une planche de salut identitaire ... 178

1.1. Le rétablissement d’un soi blessé ... 179

1.2. Virtualité d’évasion par la religion ... 189

2. La religion par rapport aux autres : se protéger et / ou s’imposer ... 194

2.1. « La religion, ça protège » ... 195

2.2. S’imposer aux autres ... 202

3. Des usages tactiques du religieux ... 209

3.1. Ces petits riens qui font tout ... 210

3.2. Adaptations secondaires, stratégies ou tactiques ? ... 213

3.3. Des adaptations intégrées ... 216

Chapitre 6 Prison et carrière religieuse : rupture ou continuité ? ... 221

1. Stabilité des ancrages non religieux ou religieux ... 223

1.1. Des « sans-religion » qui restent sans religion ... 223

1.2. Continuités confessionnelles des affiliés ... 226

1.3. Croyances flottantes et syncrétismes : dedans comme dehors ... 232

2. L’expérience carcérale : un catalyseur de conversion ? ... 237

2.1. Des conversions de l’extérieur : une affaire de continuité ... 238

2.2. En comparaison des conversions de l’intérieur ... 245

Chapitre 7 Religion et carrière carcérale ... 253

1. « On n’a jamais été aussi religieux ! » ... 253

(12)

12

1.1. L’intensification de la pratique ... 254

1.2. Le « juste retour des oublis » ... 257

2. Quand l’intensification devient « radicalisation »… ... 261

2.1. Neutraliser le stigmate ... 262

2.2. Assumer et revendiquer le stigmate ... 267

3. Une pratique fluctuante au cours de l’incarcération ... 271

3.1. « À l’entrée, on a d’autres problèmes » ... 273

3.2. Un recours intensifié lors du procès ... 277

3.3. Une pratique régulière « pour tenir » ... 280

PARTIEIIIDESAUMÔNIERSPOURQUOIFAIRE ? ... 287

Chapitre 8 L’aumônerie au défi du changement religieux... 291

1. L’aumônerie frappée d’obsolescence ? ... 292

1.1. Le rétrécissement du périmètre d’intervention des aumôniers ... 292

1.2. Un « service minimum » du culte et de l’assistance spirituelle pris en charge par les aumôniers chrétiens 297 1.3. Un regain d’actualité avec l’institutionnalisation de l’aumônerie musulmane ... 301

2. L’empreinte catholique ... 303

2.1. Un chemin de dépendance pour les « nouveaux » cultes ... 304

2.2 Un référentiel implicite de la gestion publique des aumôneries ... 308

3. Vers une professionnalisation renforcée des aumôniers de prison ? ... 313

3.1. Un engagement bénévole ou quasi-bénévole remis en cause ... 313

3.2. « On ne veut pas non plus d’imams au rabais ! » ... 318

4. Rivalités entre aumôneries et réaffirmation des frontières confessionnelles ... 323

4. 1. Faire de la place aux entrants ... 323

4.2. Tensions et différenciations entre catholiques et protestants ... 325

Chapitre 9 : Aumôniers et détenus ... 329

1. À la recherche du travail de l’aumônier ... 330

1.1. Écouter, enseigner, « remettre sur le droit chemin » ... 330

1.2. Les territoires professionnels en question ... 340

2. Un cadre interactionnel spécifique ... 346

2.1. Une forme de neutralisation de la condition pénale ... 346

2.2. Une neutralisation qui n’est jamais totale ... 356

Chapitre 10 : Les aumôniers : ministres des dieux ou agents de l’AP ? ... 365

1. Les aumôniers, de possibles partenaires de l’AP ... 366

(13)

13

1.1. Une présence bien acceptée voire attendue ... 366

1.2. La normalisation en cours des rapports aux aumôniers musulmans ? ... 367

2. Des rôles attendus par l’AP ... 371

2.1. La prise en charge liturgique ... 372

2.2 Une expertise ... 374

2.3. Un symbole de la diversité ... 376

2.4. Une neutralisation de la violence ... 377

2.5. Une contribution à la lutte contre le radicalisme ... 379

2.6. La prévention du suicide ... 381

3. Les dilemmes de l’aumônier ou jusqu’où collaborer avec l’AP ? ... 383

3.1. Aumôniers des détenus ou de l’établissement ? ... 383

3.2. Participer ou pas à la CPU ? ... 385

3.3. Être ou ne pas être des contrôleurs des consciences ... 387

4. « Petites » veilles et timides prises de paroles ... 389

4.1. En détention, une attitude de vigie ... 389

4.2. Lever le voile social qui recouvre la détention ... 390

4.3. Aller au-delà : mobilisation voire protestation ? ... 391

4.4. La promotion de la justice restaurative ... 395

5. Les logiques d’action des aumôniers, essai de typologie ... 396

5.1. L’action du liturge (à distance de l’AP) ... 396

5.2. L’action du partenaire (assumant le rôle d’interface entre les détenus et l’AP) ... 396

5.3. L’action de l’agent (au service des missions de l’AP) ... 397

5.4. L’action du militant (développant un rôle critique de l’AP au profit des détenus) ... 397

Conclusion du rapport ... 399

Bibliographie ... 409

Annexe 1 MÉTHODOLOGIQUE ... 425

Annexe 2 LES TERRAINS D'ENQUÊTE ... 439

Annexe 3 L'ENQUÊTE QUALITATIVE ... 453

Annexe 4 L'ENQUÊTE QUANTITATIVE ... 459

Annexe 5 LES DIRECTIVES DE LA DAP RELATIVES À LA RELIGION ... 481

(14)

14

(15)

15

Introduction

Le présent rapport résulte d’un appel à projets de recherche émis par l’AP en septembre 2009.

La publication de cet appel d’offre, de même que les premiers contacts que nous avons eus avec les personnels chargés du lancement de l’étude quelques mois plus tard, témoignent alors d’une demande de connaissance sur le fait religieux en prison. Un peu plus d’un an après, fin février 2012, lors d’une rencontre à la DAP pour discuter de l’avancement de notre recherche, l’intérêt de l’AP pour cette question semble moins pressant. Le contexte n’est plus celui des années 2006-2010, période de gestation de l’appel d’offre, durant lequel quelques porteurs de réforme ont soutenu ce dossier, encouragés entre autres par un débat public sur les dérives radicales fustigeant des prisons françaises, qui seraient devenues un creuset de vocations terroristes. Un projet interne d’enquête quantitative sur les pratiques religieuses des sortants de prison, qui participaient lui aussi de cette demande de connaissance, se trouve alors mis en suspens. Une telle enquête semble alors jugée superfétatoire. À peine un mois plus tard, l’affaire Merah remet sur le devant de la scène médiatique la question de l’islam en prison. Il est de nouveau question des inquiétudes suscitées par l’islam, réputé première religion carcérale. Les phénomènes de conversions et de radicalisations, dont la prison serait devenue le terreau par excellence, se trouvent une nouvelle fois sous les feux de la rampe médiatique.

Les plus hautes instances de la République insistent alors sur l’ardente obligation de lutter contre ces phénomènes et font du recrutement d’aumôniers musulmans1 une des pièces majeures du dispositif de lutte contre les dérives radicales, lesquelles selon les termes dramatisants de certains quotidiens « gangrènent » les prisons françaises. Des anciens détenus et quelques aumôniers musulmans viennent authentifier par leurs déclarations publiques ces discours alarmistes. Et la question religieuse refait surface. Ces oscillations au gré de l’événement sont caractéristiques d’une question qui, selon un témoin de l’AP, est « toujours en bouillonnement et d’actualité sans être jamais prioritaire ».

Le traitement médiatique et politique de la religion en prison – principalement axé sur les dimensions problématiques – contraste cependant avec la démarche de recherche qui a été la nôtre, dont on souhaite d’emblée rappeler les principales orientations. Notre travail de terrain, réalisé entre février 2011 et octobre 2012, s’est tout d’abord inscrit dans la durée. Il s’est intéressé à un religieux ordinaire, tel qu’il se déploie dans les établissements pénitentiaires le plus souvent loin du sensationnel et de l’événementiel, même si nous avons parfois été rattrapées par l’actualité et ses drames.

1 Michel Mercier, alors Garde des Sceaux, déclare souhaiter davantage d’officiers de renseignement et d’aumôniers musulmans dans les prisons « pour contrer les phénomènes de radicalisation islamique » (Dépêche AFP du 29 mars 2012).

(16)

16

Une enquête sans cesse rattrapée par l’événement

Nous arrivons en taxi de la gare. Le chauffeur à qui nous avons indiqué la destination, nous demande si nous intervenons en prison. On lui explique que nous sommes sociologues et que nous faisons une recherche sur la religion en prison. « C’est d’actualité », répond-il. (…) Lorsque nous arrivons pour la première fois dans l’établissement, Merah a déjà perpétré ses crimes (trois militaires, trois enfants et un adulte devant une école juive). La radio est allumée. Il a été cerné par le RAID qui continue, tandis que nous roulons vers la centrale, de négocier sa rémission. La piste néo-nazie évoquée un temps a été abandonnée au profit de celle du terrorisme islamique. Alors que nous nous acheminons vers la prison, la radio évoque cette figure de « loup solitaire » : un processus de radicalisation qui opérerait de manière individuelle et non plus en réseau. Le jeune homme est passé par le Pakistan. On apprendra ensuite que Mohammed Merah été repéré par la DCRI. Blacklisté par les États-Unis. On apprend aussi qu’il a fait de la prison. Pendant l’enquête, un major nous parlera des déclarations de Nicolas Sarkozy faites le jour même au sujet de la lutte contre l’endoctrinement religieux en prison…

Certains surveillants penseront même que nous sommes envoyées de Paris à ce sujet… Difficile de les convaincre que ce n’est pas le cas et qu’on peut s’intéresser à la religion sans se focaliser sur l’islam radical.

(Extrait du journal de terrain, 22 mars 2012)

En mai 2012, alors que nous sommes désormais au CD2, l’on se désole de ne pas rencontrer de jeunes femmes musulmanes en entretien. Finalement, Chaïma, la première qui accepte de s’entretenir avec nous, explique les réticences de certaines : « Quand Mme H. (gradée) nous a parlé de votre enquête, c’était peu de temps après l’affaire Merah. Avec une copine, qui est partie maintenant, on s’est posé des questions. On s’est dit : si c’est pour ça qu’on vient nous interroger, c’est un peu bête. On s’est demandé si on allait y aller. Bon, moi, par curiosité, je me suis dit que j’allais dire oui. » (CD2 De17)

Autre particularité, notre enquête ne s’est pas limitée à l’islam. Si sa prise en compte apparaît incontournable, nous avons cependant refusé d’entrée de jeu de nous enfermer dans une problématique surdéterminant a priori l’importance du fait islamique. L’enquête ne s’est pas davantage restreinte à enquêter sur les dimensions institutionnelles du religieux, c’est-à- dire les aumôniers agréés des cultes autorisés à intervenir en détention. Enfin, nous avons souhaité faire toute leur place aux personnes ne se reconnaissant aucune affiliation confessionnelle. Comme à l’extérieur, les sans-religion représentent une part importante de la population carcérale. Nous avons été attentives à la place comme à l’absence du religieux dans les interactions que nous avons observées. Enfin, la façon dont nous avons constitué l’équipe pour répondre à l’appel d’offre de la DAP souligne notre volonté de conduire une recherche à la croisée de la sociologie des religions et de la sociologie carcérale. Lorsque deux d’entre nous (une sociologue des religions et une sociologue de la gestion publique de l’islam) ont cherché à faire alliance avec un(e) spécialiste de sociologie carcérale, les premiers contacts ont cependant d’emblée mis en évidence la place secondaire de la religion en prison.

Ainsi, une collègue connue pour ses travaux ethnographiques en prison se montrant dubitative sur le sujet affirme « ne pas avoir beaucoup vu la religion en prison ». Une autre spécialiste, qui en une vingtaine d’années a réalisé de nombreux terrains dans des établissements pénitentiaires, nous a dit partager le même constat, même si elle a trouvé une légitimité suffisante à l’objet pour se lancer avec enthousiasme dans le projet. Si la genèse de cette recherche nous paraît mériter d'être évoquée à ce stade introductif, c'est qu'elle témoigne d'une réalité que pourraient bien faire oublier les pages qui suivent : la religion, pour être présente en prison est loin de constituer un fait majoritaire. On serait même tenté de dire sur la base de nos propres constats empiriques et à défaut de statistiques officielles, que c'est un phénomène somme toute assez minoritaire. Suffisamment minoritaire en tout cas pour que la sociologie carcérale française ne lui ait guère accordé d'intérêt.

(17)

17

1. La religion en prison : un nouveau champ de recherche en cours d’exploration Un état des publications en sciences sociales révèle un décalage entre une sociologie carcérale qui s’est jusque-là peu intéressée au phénomène religieux malgré sa persistance et l’effervescence de la sociologie des religions qui a très largement investi au cours de ces dernières années ce terrain de recherche aussi bien en France, que dans le reste de l’Europe ou aux États-Unis.

1.1. La religion : le parent pauvre de la sociologie carcérale

Si l’on dispose en France de nombreux travaux relatifs au monde carcéral, notamment aux acteurs qui la composent (personnels2 et détenus3), la religion demeure le plus souvent un point aveugle de la sociologie de la prison4. Cette absence d’intérêt peut s’expliquer par le fait que la sociologie carcérale soit un domaine de spécialité récent en France qui se développe à partir du milieu des années 1980, contrairement aux États-Unis (au début des années 1940) et par le caractère secondaire que représente l’étude du phénomène religieux à côté d’autres sujets autrement plus centraux tels l’analyse organisationnelle de l’institution, sa relation avec son environnement, les rapports du pouvoir et de l’autorité, les relations entre personnels et détenus, les conditions de travail des personnels, les conditions de vie des détenus, la question de la violence, etc. Il a cependant quelque chose d’étonnant si l’on pense à l’empreinte historique de la religion chrétienne sur le système pénitentiaire et à la persistance du phénomène religieux que manifeste d’ailleurs l’existence d’une abondante littérature de témoignages d’aumôniers5.

Notons que la religion, pour ne pas y être totalement ignorée, reste aussi aux États-Unis le parent pauvre d’une sociologie carcérale pourtant plus ancienne. On y repère une thématique majeure relative à la question des Black Muslims6 et à son amplification à partir des années 1960 avec la thématique des droits civiques. Jacobs (1977) a été l’un des premiers sociologues à s’intéresser à leur traitement discriminatoire et à la formation d’une opposition véhémente aux gardiens au sein de la prison de Stateville dans l’Illinois. Il s’est intéressé aux paramètres de la race et de la religion dans la stratification de la « prison community » chère à Clemmer (Jacobs, 1977, 1979)7. Hormis les incursions de cette figure de la sociologie carcérale américaine, la plupart des autres références s’ancrent dans le domaine de la

2 Voir notamment (Casadamont, 1984 ; Chauvenet, Orlic, Benguigui, 1994 ; Combessie ,1994 ; Rostaing, 1997 ; Lhuilier, Aymard, 1997 ; Carlier, 1997 ; Marchetti, 1997 et 2001 ; Milly, 2000 ; Malochet, 2004).

3 Voir notamment (Seyler, 1988 ; Bourgoin, 1994, Fabiani, Soldini, 1996 ; Marchetti, 1997 ; Le Caisne, 2000 ; Chantraine, 2004 ; Guilbaud, 2008 ; Salane, 2010).

4 Tout au plus peut-on signaler le chapitre qu’Anne-Marie Marchetti (2001) lui a consacré dans son ouvrage sur les condamnés à perpétuité.

5 Par exemple Gustave Moreau sur la petite Roquette pendant la Commune ; Jean Popot (1962) sur la prison de Fresnes, Paul Panici (1965) sur les prisons de femmes ou plus récemment Raymond Brehamet (1989) et la religieuse Isabelle Le Bourgeois (2006).

6 Les prisons auraient servi de base de recrutement des Black Muslims dès la seconde guerre mondiale durant laquelle des leaders étaient enfermés pour refus de servir les forces armées (March, 1984).

7 Dans cette perspective, il a souligné l’importance de ce qu’il nomme les « unconventional religions » telles que les Témoins de Jéhovah, les Black Muslims ou the Church of the New Song (Jacobs, 1975, p. 478 et suiv.) dans la structuration des logiques collectives et la construction des leaderships au sein du monde carcéral.

(18)

18

criminologie. Ces recherches behaviouristes et non exemptes de considérations normatives s’attachent à saisir l’impact de la variable religieuse sur la délinquance et le comportement des détenus pendant et après leur peine.

1.2. La prison, laboratoire pour la sociologie des religions en Europe

Si la sociologie carcérale n’est pas venue à la religion, la sociologie des religions s’est en revanche progressivement emparée de ce terrain de recherche. Les publications ayant trait à la religion en prison relèvent en effet, pour la plupart, de ce domaine de spécialité (Beckford et Gilliat, 1996 ; Beckford et Gilliat, 1998 ; Furseth, 2000, Beckford, Joly et Khosrokhavar 2005, Khosrokhavar 2007, Archives des Sciences Sociales des Religions 2011 ; Becci, 2012)8. Les premiers travaux sur l’islam en prison réalisés en France par Farhad Khosrokhavar9 ont pour partie résulté, comme nombre de travaux disponibles, d’une coopération européenne impulsée par le sociologue des religions britannique James Beckford.

Cette filiation commune confère ainsi une certaine cohérence à ces différentes recherches qui portent sur des situations nationales contrastées tant du point de vue reconnaissance formelle des droits des détenus à pratiquer leur religion, de la mise en œuvre de moyens matériels à cet effet que du statut des aumôniers.

L’ouvrage de James Beckford et Sophie Gilliat (1998) sur l’Angleterre et le Pays de Galles constitue un livre pionnier en Europe. Cette première recherche sur la prison pose de front la question des ajustements de l’institution pénitentiaire aux transformations du paysage religieux et au rôle joué dans ces ajustements par le partenaire historique qu’est l’Église anglicane. Les travaux sur la Norvège et l’Église luthérienne d’Inger Furseth (2000, 2001 et 2003) s’inscrivent dans une perspective très proche. L’enquête réalisée sous la gouverne d’Irene Becci, Claude Bovay et André Kuhn (2007-2010) sur la Suisse10 révèle que seules les confessions chrétiennes disposent d’aumôniers, en dépit de la diversification du paysage religieux (mais avec d’importantes disparités locales). D’où l’implication en détention d’intervenants musulmans, qui ne sont ni aumôniers ni même imams, aux profils variés (Schneuwly Purdy, 2011). Si elles font ressortir les contrastes entre cas nationaux, ces différentes recherches très largement focalisées sur l’offre religieuse institutionnelle via un centrage sur la question de l’aumônerie ne s’en rejoignent pas moins pour souligner l’ampleur

8 Deux thèses en cours, celle de Rachel Sarg (Pratiques, cohabitations et pluralité religieuses en milieu carcéral, Université de Strasbourg, sous la dir. d’Anne-Sophie Lamine et Pratick Colin , 2007- …), l’autre d’Aurélie La Torré (Laïcité et prosélytisme religieux en milieu carcéral. Sociologie comparative de deux associations chrétiennes de visiteurs de prison en France et aux États-Unis, EHESS, Paris, sous la dir. de Danièle Hervieu- Léger, 2005-…) sont également illustratives de ce que cette effervescence éditoriale doit à la sociologie des religions.

9 Pour ce qui est plus spécifiquement de la France, les travaux de Farhad Khosrokhavar sur l’islam en prison sont d’autant plus incontournables qu’il s’agit encore à ce jour des seuls ouvrages sociologiques disponibles sur la religion en monde carcéral. Ses premières investigations en collaboration avec James Beckford et le Centre d’études ethniques de l’Université de Warwick, ont été réalisées entre 2001 et 2003. Les résultats font l’objet de deux livres, le premier publié en 2004 (Khosrokhavar, 2004) exclusivement centré sur la France, le second collectif dressant une comparaison avec la Grande-Bretagne.

10 En septembre 2010 s’est tenu à Lausanne un colloque intitulé « Enjeux de la pluralisation religieuse de la population carcérale. Perspective croisée sur les usages du religieux en milieu carcéral ».

(19)

19

des bouleversements en cours et les questions, sinon les problèmes que la diversification religieuse des détenus soulève pour l’institution pénitentiaire dans nombre de pays européens.

À cet égard, il est significatif que la plupart des recherches tendent à se resserrer sur la question de l’islam. Les musulmans, en s’imposant comme la deuxième religion européenne et en étant sur-représentés en prison, constituent de fait le principal « challenger » des équilibres en vigueur (Beckford, Joly et Khosrokhavar, 2005 ; Gilliat-Ray, 2008, 2010, 2011 ; Hunt, 2011 ; Furseth et Khüle, 2011 ; Schneuly Purdie, 2011). Le second axe de recherche concernant l’islam en prison porte sur la place qu’il occupe dans la construction identitaire en contexte carcéral. Outre les travaux pionniers de James Beckford et Farhad Khosrokhavar, plusieurs enquêtes ethnographiques ont été réalisées sur ce sujet : en Angleterre et en Ecosse (Marranci, 2009) et en Italie (Rhazzali, 2010)11. Notons également l’intérêt que quelques chercheurs outre-Atlantique ont porté depuis les années 2000 à la question (Dammer, 2002 ; Ammar, Weawer et Saxon 2004).

Pour la sociologie des religions, le monde carcéral s’est donc indubitablement imposé comme un nouveau champ de recherche et un lieu privilégié d’observations et d’analyses des transformations du religieux dans nos sociétés contemporaines. Il s’avère un excellent observatoire pour examiner à la fois les mutations des rapports entre États et religion et les transformations des pratiques et identités religieuses. Si la problématique de notre recherche s’appuie sur les acquis de ces premières recherches, elle s’est attachée toutefois à élargir la perspective de la réflexion en tirant davantage partie des savoirs de la sociologie carcérale et en mobilisant la boîte à outils de l’analyse des politiques publiques.

2. Une recherche à la croisée des sociologies carcérale, de l’action publique et de la religion

Tirant partie des apports de ces différents travaux, notre recherche exclusivement centrée sur le cas de la France s’est fixée pour double objectif, d’une part de prendre la question de la religion en prison dans sa globalité en travaillant sur l’ensemble des religions et non pas exclusivement sur l’une d’elles, d’autre part de traiter le sujet aussi bien du point de vue de l’institution et des personnels qui travaillent en son sein que des détenus et de celui des aumôniers et leurs auxiliaires. On a cherché, ce faisant, à se prémunir contre le risque d’essentialisation conduisant à considérer la religion comme un donné a priori et non comme le produit d’interactions sociales dans des contextes précis. Il s’est agi, de plus, de se donner les moyens de comprendre, ce qu’est et représente la religion en prison pour les détenus, ce que recouvre la question pour l’administration pénitentiaire et les multiples acteurs qui composent le monde carcéral. L’objectif a été en somme de saisir comment la religion se construit comme une dimension importante ou non dans la vie en prison, comme ressource individuelle ou collective, question, problème, enjeu dans le système d’action que constitue ce monde.

11 Signalons aussi la recherche conduite dans la région du Latium par Massimo Rosatti est en cours.

(20)

20

Cette recherche s’inscrit donc dans une sociologie de l’action croisant sociologie des religions, sociologie carcérale et sociologie de l’action publique. Dans cette perspective, notre projet se structure à partir de trois axes de questionnements qui, pour être fortement intriqués les uns dans les autres, méritent toutefois d’être exposés et traités en partie de manière distincte.

2.1. La religion, quel(s) problème(s) pour l’administration pénitentiaire?

Étudier les pratiques et les trajectoires des détenus, les modes de gestion du fait religieux par l’institution et les diverses catégories de personnels qui y interviennent, ne peut faire l’économie d’une réflexion préalable visant à cerner la place et le rôle qu’occupe la religion dans ce monde social, qu’on lui fait jouer, qu’on lui assigne.

Un premier questionnement a concerné l’existence ou non d’une pensée administrative sur la question de la religion et des cultes en prison et les modes de déclinaisons de la laïcité dans cette administration. Un second s’est attaché à saisir pourquoi et comment la religion (ou plus exactement ce que les acteurs comprennent comme relevant de ce terme) se constitue comme objet ou dimension problématique pour l’AP. On s’est interrogé sur la manière dont la question s’est imposée comme méritant une étude en retraçant la généalogie du problème et ce à partir d’une première campagne d’entretiens avec les personnes de la DAP et de l’examen systématique des documents officiels ou des notes internes susceptibles de faire référence à la question. Comment s’est cristallisée la question ? Dans quels contextes émerge- t-elle ? À partir de quels types d’événements ou de demandes ? Quels sont les acteurs à l’origine de l’émergence de ces questions ? Dans cette perspective, nous nous sommes attachées à saisir l’impact à la fois du discours médiatique et politique sur la radicalisation religieuse en prison et la lutte contre la discrimination, ce qui nous a conduit aussi bien à analyser le discours médiatique à partir d’une revue de presse qu’à tenter de cerner l’influence de la montée des droits à travers une revue de la littérature juridique, des entretiens avec les bureau droits de l’AP et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), lequel a produit au cours de l’enquête un avis relatif à l’exercice du culte dans de tels lieux.

Cette enquête au niveau central a été évidemment complétée par une investigation aux différents échelons territoriaux en allant du siège de la DAP aux acteurs investis sur le terrain localement qu’il s’agisse des directeurs des établissements, des personnels de surveillance, des personnels des SPIP, des personnels non pénitentiaires (les aumôniers, les psychiatres, les médecins, les enseignants, les assistantes sociales, les contremaîtres, etc.), les intervenants extérieurs (bénévoles des aumôneries, intervenants culturels, visiteurs de prisons) et des détenus. Nous nous sommes efforcées à chaque fois de déplier les différents aspects du problème religieux et de cerner les modes de gestion locaux de ce dernier et de comprendre comment les acteurs sur le terrain s’approprient les réglementations et directives concernant la religion, le cas échéant les interprètent. Il s’est agi notamment de tenter d’identifier les paramètres pesant sur les réponses locales et d’identifier les modes de production et de diffusion des normes et règles pratiques de gestion du fait religieux.

(21)

21

2.2. Quelle place pour la religion dans l’épreuve carcérale ?

Si la religion a longtemps été une obligation en prison12, elle est aujourd’hui une ressource possible pour les personnes incarcérées soumises à l’épreuve carcérale. En quoi la religion constitue-t-elle pour les détenu(e)s un dispositif de soutien, dans une situation de remise en cause identitaire ? Quels sont les usages – aussi bien individuels que collectifs, les deux niveaux étant étroitement liés – qui peuvent en être faits et le sens que revêt ces usages : la religion constitue-t-elle plutôt une ressource pour redéfinir le sens de sa vie, un espace de liberté dans un monde contraignant et / ou une capacité d’action pour résister à l’ordre carcéral voire le contester ? Le phénomène religieux, s’il s’inscrit dans un processus individuel, celui de la croyance intime, s’étend aussi à un niveau collectif (solidarités, sentiment d’appartenance communautaire, formes de contrôle sur les pratiques, pressions, etc.), dans un espace clos où la promiscuité est aggravée par le caractère « total » de l’institution (Erving Goffman, 1968). Si habituellement les détenus forment moins un groupe qu’une collection d’individus, cela n’exclut pas la constitution éventuelle de groupes à partir de l’appartenance religieuse, avec ce qu’ils représentent comme force de résistance possible ou danger du point de vue de la sécurité interne. Comment, par l’intermédiaire de quels médiums, dans quels espaces, via le truchement de quels acteurs (aumôniers, leaders ou caïds) s’élaborent concrètement ces solidarités ? Comment se manifestent-elles (habits, codes langagiers, comportements alimentaires, fréquentation du culte, etc.) ?

L’analyse de la pluralité des usages a été complétée par une approche plus biographique visant à appréhender l’effet de l’incarcération sur la carrière religieuse des personnes incarcérées. Le rapport à la religion – que l’on se reconnaissance ou non une affiliation confessionnelle – s’inscrit-il dans un processus de rupture ou de continuité entre les pratiques antérieures, celles du dehors, et les pratiques du dedans, suite à l’incarcération ? Cette approche longitudinale a également permis, dans une perspective compréhensive, de donner du sens aux pratiques religieuses et à leur éventuelle transformation (intensification, fluctuation par exemple) tout au long de la trajectoire carcérale.

2.3. Les aumôniers : instrument de régulation du religieux ?

Le troisième pan de la recherche se focalise sur les acteurs religieux institutionnels, tout particulièrement les aumôniers13. Ces derniers bénéficient incontestablement d’une attention nouvelle de la part des pouvoirs publics, comme en témoignent le rapport Stasi (2003) 14, le rapport Machelon (2006)15 et l’avis du CGLPL (2011). Dans les établissements pénitentiaires, le nombre de « personnels cultuels » (titulaires et auxiliaires ; rémunérés et bénévoles) a connu une augmentation substantielle. Il est passé de 638 en juin 1995 à 926 en janvier 2006

12 À partir de 1816, les prisonniers étaient tenus à la pratique religieuse. La Monarchie de Juillet exige que, des leur entrée en Centrale, les condamnés déclarent leur religion (Petit, 1991, p. 159).

13 Institutions méconnues, les aumôneries sont parfois perçues comme une entorse à la laïcité alors qu’elles en sont partie prenante. Certes, l’article 2 de la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 dispose que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Ce principe de neutralité de l’État par rapport au religieux doit cependant se trouver concilié avec ceux de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes proclamés dans l’article 1 de la même loi, « sous les seules restrictions édictées (...) dans l’intérêt de l’ordre public ». L’État se doit donc d’offrir à « toutes les personnes qui se trouvent être retenues dans des établissements dont il a la charge, l’occasion de satisfaire, d’une façon ou d’une autre, à leurs devoirs religieux, si elles le désirent » (Metz, 1977, p. 78). Cette exigence peut se traduire de différentes façons : libre accès et circulation des aumôniers dans les établissements, possibilité d’y célébrer le culte éventuellement dans des lieux spécifiquement aménagés pour cet usage, et enfin l’éventuelle rémunération des chapelains.

14 La Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, dite « Stasi » du nom de son président, a été mise en place par Jacques Chirac en juillet 2003. Après avoir procédé à une centaine d’auditions, ses membres ont rendu leurs conclusions le 11 décembre 2003.

15 Cette commission qui a traité des « relations des cultes aux pouvoirs publiques » s’est réunie afin de juger de l’opportunité d’une révision de la loi de 1905. Le professeur Machelon s’est vu confier cette mission en octobre 2005 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.

(22)

22 et 1168 en janvier 2009.

Comment expliquer ce regain d’intérêt pour la fonction des aumôniers ? N’est-il pas paradoxal alors que la proportion des sans-religion ne cesse d’augmenter dans la population totale et que la pratique religieuse est désormais minoritaire (quelle que soit la confession considérée) ? N’est-elle pas contradictoire alors que la sociologie des religions ne cesse de souligner les pertes de contrôle institutionnel sur le religieux ? Dans un tel contexte, le rôle des aumôniers n’est-il pas devenu désuet, voire superfétatoire ? L’hypothèse qui a été faite est que l’administration pénitentiaire pense y trouver des instruments de régulation d’un religieux parfois perçu comme « sauvage ». Ce regain d’intérêt n’est pas étranger à la volonté politique d’institutionnaliser les relations avec l’islam.

Dans le sillage de ces questionnements, l’objectif de cet axe de recherche a consisté à mieux cerner les profils, les modalités d’intervention des aumôniers ainsi que les représentations qu’ils se font de leur activité, afin d’interroger la pertinence d’une solution du problème religieux qui mise sur de tels acteurs et de faire éventuellement ressortir les différences entre les cultes. Dans une perspective qualitative, des entretiens ont été menés, sur le mode du récit de vie, avec l’ensemble des aumôniers des établissements de notre échantillon. Une enquête par questionnaire adressée à l’ensemble des aumôniers des établissements pénitentiaires de métropole nous a permis de compléter le tableau. Nous avons en outre observé les aumôniers en contexte et en action. Ainsi, dans une perspective de division du travail (Hughes, 1996), il s’est agi d’analyser leurs interactions avec l’ensemble des acteurs du monde carcéral. De quel(s) rôle(s) les détenus investissent-ils les aumôniers ? Quelle place tiennent-ils au sein de l’organisation ? Comment gèrent-ils le « dilemme de pouvoir » (O’Dea, 1961) résultant de leur double inscription institutionnelle ?

3. Présentation de l’enquête16

Nous avons ainsi enquêté pendant presque deux ans à la fois « en haut » (en administration centrale et au sommet des appareils religieux) et « en bas » (dans huit établissements), à l’intérieur et à l’extérieur de la prison, du côté de l’administration pénitentiaire et de celui des institutions religieuses. Notre recherche nous a ainsi conduites des couloirs feutrés de la DAP à certains établissements pénitentiaires parmi les plus vétustes de la République. Elle a été l’occasion de rencontres riches, souvent émouvantes, parfois inhabituelles (on ne dîne pas tous les soirs avec un imam, un prêtre et un pasteur, comme l’a fait l’une de nous lors du Congrès des aumôniers catholiques à Lourdes !).

La façon dont nous avons construit notre rapport à l’objet a très largement orienté notre méthodologie d’enquête. Ainsi, loin de nous limiter aux acteurs religieux ou considérés comme tels (les aumôniers en particulier), nous avons pris en compte une grande diversité d’acteurs afin de saisir leurs représentations, leurs pratiques et leurs interactions. De même, nous nous sommes efforcées de saisir la religion partout où elle est susceptible d’être présente

16 Les questions méthodologiques et la présentation des établissements font l’objet d’une annexe. Il ne s’agit ici que d’en présenter les très grandes lignes.

(23)

23

au sein des établissements pénitentiaires, que ce soit en salle de culte, en cellule, dans les cuisines, en bibliothèque, etc.

L’enquête institutionnelle s’est déroulée essentiellement à Paris au niveau des aumôneries nationales et de la DAP mais aussi, en province, de celui des aumôneries régionales et dans les directions interrégionales. L’enquête ethnographique a principalement eu lieu dans huit sites choisis afin de diversifier au maximum l’échantillon du point de vue des types d’établissement (maisons d’arrêts, centres de détention, maisons centrales ; établissements pour hommes et pour femmes) et des spécificités régionales. La régularité de nos visites a permis de mieux connaître l’ambiance de chaque établissement, de gagner la confiance des uns et des autres afin de favoriser les discussions informelles sur les pratiques collectives, les solidarités, les adaptations secondaires, les tensions et de participer aux cultes, activités ou réunions. L'accueil réservé au sein des établissements a été globalement bon, même si le sujet semble avoir surpris certains membres du personnel pénitentiaire s’étonnant parfois du caractère peu problématique de la question religieuse par rapport à d'autres enjeux plus cruciaux tels que la surpopulation, la sécurité, le suicide ou la santé des personnes incarcérées.

Si l’ouverture des terrains a été bien souvent justifiée par le caractère national d'une enquête commanditée par la DAP, il n’en demeure pas moins que l’accès aux personnes et aux lieux a été le plus souvent facilité, nous permettant de produire un matériau particulièrement abondant, dont l’analyse à elle seule constituait une véritable gageure. Plus de 500 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des personnes détenues (avec ou sans religion), des aumôniers, des personnels de l'AP (membres de la direction, gradés, personnels de surveillance, CPIP) ou travaillant en prison (psychiatres, médecins, enseignants, formateurs, cuisiniers, contremaîtres...). L’anonymat de ces personnes a été strictement préservé. Seuls quelques acteurs clés (hauts fonctionnaires et aumôniers nationaux) sont parfois désignés par leur véritable nom pour trois raisons : par souci d'intelligibilité de notre propos, parce qu'il aurait été illusoire de masquer leur véritable identité et parce que leur parole (lorsqu’elle est citée dans un verbatim) est une parole publique sur le sujet qui nous intéresse.

Un anonymat strictement garanti

Afin de garantir la confidentialité des échanges avec les enquêté(e)s et leur anonymat, leurs prénoms (et, le cas échéant, leurs noms) ont été changés. Ils n’ont pas été choisis au hasard, nous avons pris soin de garder la consonance, les prénoms doubles ou encore l’origine culturelle ou la nationalité de l’interviewé. Étant donné le nombre important d’entretiens, chacun a été codé de façon à préciser l’établissement où il a été réalisé (MA pour maison d'arrêt, CD pour centre de détention ou MC pour maison centrale suivi du numéro de l’établissement) ainsi que la catégorie à laquelle appartient l’individu (D pour détenu, S pour surveillant, G pour gradé, A pour aumônier, etc.) suivi d’un « e » pour les femmes (soit De pour une femme détenue et Se pour une femme surveillante par exemple). Ainsi, MA2 De4 est une femme détenue à la maison d'arrêt 2.

Notre corpus est également composé de près de 80 observations (principalement de cultes, d’activités de groupes proposées par les aumôniers, de visites en cellule, de réunions, de sessions de formation d’aumôniers). Enfin, nous avons reçu 448 réponses à l’enquête quantitative adressée à l’ensemble des aumôniers des établissements pénitentiaires de France métropolitaine. Le taux de retour (légèrement supérieur à 4 sur 10) est très satisfaisant. Au

(24)

24

terme de ce travail, il nous semble qu’une partie seulement de ce matériau, à la fois qualitatif et quantitatif, a été entreprise.

4. Plan du rapport

Ce rapport se compose de trois parties. La première, intitulée les géométries variables de la laïcité carcérale, est centrée sur la prise en compte institutionnelle de la religion. Elle comporte quatre chapitres réduisant peu à peu la focale d’analyse. Le chapitre 1 met en évidence les spécificités de la laïcité dans l’espace carcéral en comparaison de ses déclinaisons dans d’autres administrations publiques, puis en regard d’autres configurations nationales. Si l’on a affaire à une laïcité de reconnaissance et non pas d’ignorance des cultes, la prise en charge du religieux apparaît cependant limitée. Le chapitre 2 s’intéresse à la reproblématisation de la question religieuse en administration centrale, sous la double contrainte de la peur de l’islam radical et de la pression accrue du droit. Le chapitre 3 s’attache à décrire les laïcités locales en soulignant les contrastes que fait ressortir la comparaison entre les différents établissements sur lesquels a porté l’enquête. Enfin, le chapitre 4 fait apparaître l’antagonisme dans les discours qui sont tenus par les surveillants sur la religion présentée, alternativement, comme une menace pour l’ordre carcéral et un outil de travail.

La deuxième partie est centrée sur les rapports à la religion dans l’épreuve carcérale. Le chapitre 5 analyse en détails les usages pluriels que les détenus peuvent faire de la religion.

Cette dernière peut être mobilisée comme une ressource pour soi, dans le rapport aux autres, mais également par les tactiques qu’elle rend possible dans une institution totale. Le chapitre 6 examine comment la carrière religieuse (ou non) du détenu est impactée par la prison. L’importance de la continuité biographique permet de relativiser l’idée selon laquelle la prison serait favorable à la découverte de l’expérience religieuse et de nuancer l’ampleur des phénomènes de conversions. Le chapitre 7 souligne qu’en revanche l’expérience carcérale est propice à l’intensification des pratiques religieuses des personnes détenues, ce qui peut parfois poser la question de la radicalisation. Cette analyse longitudinale permet en outre de montrer comment le rapport à la religion se recompose selon les différentes phases de l’incarcération.

Dans la troisième partie, on s’interroge sur le devenir des aumôniers, dont la présence discrète a résisté aux différentes vagues de laïcisation et au processus de sécularisation. Le chapitre 8 montre comment l’aumônerie façonnée par une matrice chrétienne s’est trouvée bousculée par le changement religieux et en particulier par l’institutionnalisation de l’aumônerie musulmane. Le chapitre 9 s’intéresse aux modalités d’intervention, difficiles à qualifier mais parfois très sécularisées, des aumôniers auprès des détenus et plus particulièrement à leur spécificité par rapport aux autres acteurs du monde carcéral. Les aumôniers permettent dans le cadre d’un espace-temps donné de neutraliser en partie la condition pénale des détenus. Enfin, le chapitre 10 pose la question suivante : les aumôniers sont-ils des ministres des dieux ou des agents de l’AP ? Au-delà de la célébration du culte et de l’assistance spirituelle dont parle le CPP, les aumôniers peuvent être sollicités pour contribuer à l’exercice d’un contrôle social sur les détenus, leurs pratiques religieuses et leur

(25)

25

état psychologique. Or, ce type de collaboration peut remettre en question la position d’entre- deux des aumôniers, à partir de laquelle se construit la confiance des détenus à leur égard, mais également leur capacité à développer un regard critique ou du moins exigeant sur les conditions de détention.

(26)

26

(27)

27

PARTIE I

LES GÉOMETRIES VARIABLES DE LA LAÏCITÉ

Christ au rebut dans les caves d'un établissement au milieu des dossiers de détenus à archiver.

(28)

28

Nulle mieux que la prison ne témoigne des géométries variables d’une laïcité française prise dans une oscillation constante entre une fiction légale de cécité à l’égard de la religion et une reconnaissance de fait à son endroit imposée par les obligations qui reviennent à l’État en matière de liberté de culte et de religion. Principe de référence en matière de rapports entre les pouvoirs publics et la religion, la laïcité connaît des inflexions sensibles selon les espaces auxquels elle s’applique. Chacun de ces espaces, parce qu’il est régi par des logiques et des histoires propres, lui confère une tournure et des modes de déclinaison particuliers.

L’universalité théorique du principe juridique ne résiste pas aux appropriations concrètes dont il fait l’objet en contexte et en action.

Composée de quatre chapitres, cette partie vise à souligner ce caractère mouvant et flexible d’une laïcité sans cesse travaillée par cette dialectique entre principe et ajustement aux contraintes de l’action. Procédant par réduction de focales successives, elle conduit d’une mise en perspective générale de la laïcité pénitentiaire à l’analyse de ses mises en œuvre concrètes par les surveillants.

Le chapitre 1 insiste sur les spécificités de la laïcité carcérale. Il le fait par comparaison avec l’application de ce principe dans d’autres administrations publiques d’une part, avec d’autres configurations nationales d’autre part. Laïcité de reconnaissance plus que d’abstention voire d’exclusion, la laïcité pénitentiaire se distingue par une forme d’apaisement et de pragmatisme qui l’éloignent des débats et crispations idéologiques qui ont cours dans d’autres arènes. Non seulement la religion bénéficie d’une légitimité mais encore se voit reconnaître une utilité sociale explicite. En atteste notamment le topos de « la religion qui apaise ». Cette expression récurrente dans les propos des personnels de l’AP manifeste, en creux d’une absence de véritable pensée administrative sur le religieux, une forme de sens commun bureaucratique le concernant. Ce caractère atypique de la laïcité carcérale n’empêche cependant pas que la prise en compte du religieux se révèle souvent plus restrictive en comparaison de ce qui prévaut dans d’autres pays européens ou aux États-Unis.

Équipements cultuels aléatoires, statut des aumôniers moins avantageux et absence de statistiques religieuses et ethniques sont bien à cet égard des marques de fabrique républicaine.

Le chapitre 2 resserre la focale dans le temps et l’espace et s’intéresse à la repro- blématisation de la question religieuse à laquelle on a assisté en administration centrale à partir de 2006. Cette reprise en main du dossier contraste avec l’attentisme institutionnel qui prévalait jusque-là au sein d’une administration centrale qui s’en remettait très largement au pragmatisme des gestions locales en établissement. Fruit de l’impulsion donnée par quelques acteurs clefs, qualifiables d’entrepreneurs de réformes, cette montée en charge de la question religieuse ne peut être toutefois dissociée d’un contexte plus général prédisposant, voire contraignant, l’institution carcérale à des réajustements. Outre les effets de la pluralisation religieuse et d’écarts croissant entre l’offre et demande cultuelle qu’elle induit, deux facteurs contribuent à ce repositionnement : la pression de l’islam radical d’une part, celle de la référence aux droits d’autre part.

Le chapitre 3 poursuit le rétrécissement de focale en passant de l’administration centrale aux établissements. Exposant les contrastes et hétérogénéités que fait ressortir la comparaison

Références

Documents relatifs

Ce manège se présente en tant que concurrent face au "Booster" de Fabbri, et contrairement à ce que l'on peut penser en regardant les photos, la motorisation du bras

Comme ci comme

fråga varandra om lite olika väderuttryck räkna upp dagarna

Expliquez comment vous êtes en utilisant ce que vous avez appris dans cette unité : votre physique, votre personnalité, vos goûts, les activités que vous faites pendant votre temps

Alexandrie ce soir je danse dans tes draps Je te mangerai crue si tu n'me retiiens pas Les sirèn's du port d'Alexandrie. Chantent encore la même mélodie wowo La lumière du

C'est comme ça depuis que le monde tourne Y a rien à faire pour y changer. C'est comme ça depuis que le monde tourne Et il vaut mieux ne pas

chambre (f) = rum; valise (f) = resväska; sac (m) = väska; clé (f) = nyckel; stylo (m) = bläckpenna; crayon (m) = blyertspenna; poche (f) = ficka, trousse (f) = pennfodral;

Comme nous n’étions que deux pour former les aumôniers à l’animation de groupes d’écoute et que nous voulions qu’ils puissent vivre le groupe dans une langue locale, il nous