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Master

Reference

Pour une critique du droit Suisse dans une perspective féministe. Le parcours de transition d'une jeune femme trans* "

GRESET, Cécile

Abstract

Pour une critique du droit Suisse dans une perspective féministe. Le parcours de transition d'une jeune femme trans*

GRESET, Cécile. Pour une critique du droit Suisse dans une perspective féministe. Le parcours de transition d'une jeune femme trans* ". Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:122288

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Mémoire de maîtrise en études genre – Cécile Greset Sous la direction des Professeures Michelle Cottier et Lorena Parini

21 janvier 2019

POUR UNE CRITIQUE DU DROIT SUISSE DANS UNE PERSPECTIVE FEMINISTE

Crédits photo : MDLSX, spectacle de la Cie MOTUS

LE PARCOURS DE TRANSITION D’UNE JEUNE

FEMME TRANS*

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RESUME

« Il existe un modèle culturel, idéologique et social de ce qu’il ne faut pas être, qui est, dans chaque société, conçu comme normal (un terme perçu comme synonyme de naturel, ne l’oublions pas). La plupart des gens survivent parce qu’ils se conforment à ces modèles, c’est-à-dire qu’ils se comportent normalement.

Cependant, tous ne se conduisent pas “normalement“ et ces personnes ont du mal à survivre, à cause de leur rejet du système et de tout ce qui le sous-tend, et habituellement elles s’enfoncent. On les qualifie alors d’“anormales“ ou de

“mésadaptées“ ou d’autres adjectifs péjoratifs au regard de la norme. Puis surgit une personne déviante mais qui survit. […]

Etant donné que la voie normale est la seule possible, la simple existence d’un autre ordre capable de fonder la vie représente une menace et une source potentielle de destruction. Ainsi, ils ont peur : si nous ne saurions survivre sans notre ordre, comment peut-elle y parvenir, dans sa solitude ? Son ordre des choses doit être remarquablement puissant pour exister par lui-même, sans s’appuyer sur toute la coopération et tous les comportements individuels auxquels les normaux doivent souscrire pour rester en vie. Et puisque cet ordre des choses semble si fort, pourrait-il nous détruire ? Nous devons essayer de le détruire en premier. »1

Ce mémoire s’attache à développer une critique féministe du droit suisse (qui sous-tend cette normalité) et à esquisser quelques principes qui pourraient être à la base d’une nouvelle façon de l’appréhender.

Merci jonAs !

1 DEREN M., p. 2 et 8.

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION p. 4

II. POUR SITUER MA RECHERCHE p. 7

1. Intérêt pour la recherche p. 7

2. Le sujet de ma recherche et mes questionnements p. 8 3. Mon positionnement et les difficultés qui en découlent p. 8

III. MON APPROCHE METHODOLOGIQUE p. 12

IV. LE DROIT APPLICABLE A LA SITUATION D'ESPECE p. 15

1. Généralités p. 15

2. Le changement de prénom et de sexe à l'état civil p. 17

3. La prise en charge des soins p. 21

4. La spécificité des « −18 ans » p. 22

V. LE RECIT DU PARCOURS DE TRANSION D'UNE JEUNE FEMME TRANS* p. 27

1. Les séquences p. 27

2. Les actants p. 36

3. Les arguments p. 39

VI. MON ANALYSE p. 42

1. Rupture sociale - réalité sociale p. 44

2. Rupture juridique - réalité juridique p. 53

a. Intérêt public/sécurité juridique p. 53

b. Interventionnisme des assurances-maladie et du médical p. 61

c. Le protocole p. 69

d. L'âge p. 72

3. Maintien de l'ordre hétérosexuel p. 79

4. Nancy FRASER p. 82

a. Remèdes correctifs p. 84

b. Remèdes transformateurs p. 91

VII. CONCLUSION p. 99

VIII. BIBLIOGRAPHIE p. 103

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I.

INTRODUCTION

Très jeune, dans le cadre de ma scolarité obligatoire, j’ai fait l’expérience de l’exclusion et de la catégorisation. Cette expérience, pour le meilleur et pour le pire, a eu un impact significatif dans la personne que je suis aujourd’hui. L’exclusion et la catégorisation, subies ou agies (puisque moi-même j’ai aussi été autrice de ces procédés), m’ont d’ailleurs suivie tout au long de mon existence. Mon intention, en disant cela, n’est pas de comparer mon vécu à celui des personnes touchées par la thématique que j’aborde dans ce travail, mais de partager un sentiment d'avoir été, par moment, arrachée à ce que j’imaginais être, à ce que je me racontais être, pour être racontée par d’autres2. Une sensation de dépossession qui a toujours généré en moi un profond sentiment d’injustice et d’indignation3, qu’elle soit exercée à mon endroit ou auprès de quelqu’un d’autre d’ailleurs.

Le choix d’entamer des études de droit n’est sans doute pas étranger à ce qui précède.

Derrière une prétention vague de vouloir défendre les injustices, je pense que ma motivation reposait (bien que demeurant tout aussi nébuleuse) plus particulièrement sur un souhait de protéger les individus de l’exclusion et de m’en protéger moi-même par la même occasion. Je ne me rendais pas compte à quel point le droit est lui-même porteur et forgeur d’exclusion. A quel point, il peut lui-même créer et maintenir des injustices.

La découverte du concept genre et d’une partie de la littérature féministe/queer et postcoloniale m’a permis de mettre à jour ces points aveugles contenus dans le droit. Et que, contrairement à ce qui m’avait été enseigné à l’université, le droit n’est pas un domaine objectif, constitué de règles neutres, générales et abstraites. En effet, le droit n’est pas indépendant d’un sujet pensant et celui-ci n’a pas le pouvoir de s’abstraire de la société et du contexte social dans lesquel-le-s il se situe. Les normes juridiques sont produites, appliquées et portées par des subjectivités, qui ne peuvent se défaire, sans critique du moins, des stéréotypes et des constructions sociales qui les entourent. Leur production et leur application sont donc situées, tant sur un plan géographique que social et politique.

Ainsi, le droit agit comme dispositif de pouvoir et de normalisation sur les individus auxquels il s'adresse.

Et c’est cela que j’aimerais mettre en avant. Autrement dit, rendre intelligible le social qui se loge dans la production et l’application du droit, dans les contours des notions et des définitions juridiques, mais aussi dans les représentations que les individus se font du droit.

Et ce pour en questionner ses fondements, sa pertinence, son utilité, mais aussi pour voir, par exemple, si des individus ou des situations sont rendues inintelligibles pour le droit. Il

2 ERIBON D., p. 27.

3 Ce terme me vient de l’anthropologue Laura NADER,Citée dans : CLAIR I., p. 71.

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me paraît important de ne jamais considérer le droit comme un « allant de soi » et de toujours tenter de questionner, de critiquer, les catégories juridiques qui permettent l’exclusion, en essayant de comprendre de quoi elles sont faites et comment elles opèrent.

Il est essentiel également de rendre compte du fait que le droit échoue à prendre en compte la spécificité des individus à qui il s’adresse et à l’endroit desquels il s’applique. Il échoue parce qu’il n’arrive pas, selon moi, à prendre en compte toute la complexité des comportements et des expériences individuelles auxquel-le-s il est confronté. Le droit s’éloigne de manière considérable des réalités et des expériences humaines. Alors qu’au contraire, il me paraît essentiel de continuellement faire des allers et retours, mais des allers et retours critiques, entre les lois et les expériences vécues afin de garantir une plus grande reconnaissance de ces expériences et de leur multiplicité. Raison pour laquelle, la méthodologie des récits de vie m’est apparue être un outil pertinent puisqu’elle me permet de partir de la parole des individus concernés. En effet, il s’agit d’une forme particulière de l’entretien individuel, qui consiste à demander à une personne de raconter son expérience, ou seulement une partie, dans le but de comprendre le fonctionnement, les tensions et les dynamiques d’une situation vécue et de tenter d’élaborer ensuite un modèle ou un schéma de ce récit. Cette méthodologie me permet donc de partir des expériences vécues par les individus et d’observer le rapport entre le droit et le social pour ensuite étendre ma réflexion à des considérations d’ordre plus philosophique.

Mon travail s’attache donc à développer une critique du droit suisse, et ce dans une perspective féministe. J’entends ici le droit en tant que système global, c'est-à-dire non seulement le droit positif (tel qu’il est vigueur) et son application, mais aussi dans sa production, dans sa pratique et dans les représentations qu’il véhicule ou qui sont véhiculées. De manière générale, cette critique, je souhaite la mener avec les individus qui sont exclus de ce système, qui sont inintelligibles pour lui ou rendus inintelligibles par lui.

En d’autres termes, élaborer une critique avec et par ceux qui se situent à la marge du champ juridique. A l’instar de Donna HARAWAY, il me semble important de fonder notre capacité de voir à partir des marges et des profondeurs4.

Comme première tentative de critique du droit, je me suis intéressée à la thématique trans*

et, plus spécifiquement, à la situation de jeunes trans*. Dans ce sens, je me suis focalisée sur le parcours d’une jeune femme trans* en particulier et effectué son analyse. J’ai ensuite établi un état du droit à propos des questions qui me paraissaient pertinentes en l’espèce et je me suis rendue compte d’un décalage important entre les difficultés juridiques rencontrées par la personne interviewée et le droit tel qu’il est en vigueur. Rupture que j’ai également pu identifier dans le récit de trois autres jeunes et dans les discours d’organisations actives au sein de cette thématique. Afin de comprendre les raisons de ce

4 HARAWAY D., p. 119.

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décalage, je me suis basée sur les différents entretiens effectués et le matériau juridique récolté et j’ai procédé à une analyse des résistances rencontrées tant sur un plan social que juridique. Cette analyse m’a permis de faire émerger la norme hégémonique rendant possible l’existence d’une telle rupture, mais aussi de rendre compte des injustices auxquelles les personnes trans* doivent faire face. A partir de là, je me suis penchée sur les possibilités de remédier à ces injustices et sur l’élaboration de principes devant, selon moi, guider la production, l’application et la pratique du droit.

S’agissant de mon cadre théorique, je me suis focalisée sur quelques auteur-trice-s en particulier. Tout d’abord, Alecs RECHER5 pour la partie juridique. Didier DEMAZIERE et Claude DUBAR pour la méthodologie des récits de vie. J’ai ensuite fait appel à Judith BUTLER pour son concept de la matrice d’intelligibilité hétérosexuelle. Celui-ci m’a permis de mettre en avant le modèle culturel et de valeurs qui prévaut au sein de notre société et les manières dont celui-ci s'exprime, consciemment ou non, à travers les gestes de chacun-e. Puis, Nancy FRASER, philosophe féministe, qui mène une réflexion sur la justice sociale, pas seulement au niveau du genre, m’a aidée à réfléchir aux moyens et aux transformations qui pourraient être apporté-e-s à l’ordre social tel qu’il est institutionnalisé et qui crée des injustices sociales. Finalement, j’ai convoqué plusieurs auteur-trice-s à l’instar notamment du COLLECTIF DE FEMMES DE MILAN, Paul B. PRECIADO, Sam BOURCIER ou encore Dean SPADE afin de penser l’élaboration de ma critique du droit.

Mais, avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaite commencer par situer ma recherche et mon positionnement à ce propos, ainsi qu’expliquer quelle a été mon approche méthodologique.

5 Alecs RECHER est notamment responsable du service juridique du l’association suisse des personnes trans* (TGNS).

(8)

II.

POUR SITUER MA RECHERCHE

1. Intérêt pour la recherche

Pour débuter ce travail critique du droit, j’ai souhaité m’intéresser à la thématique trans* et, plus particulièrement, aux personnes trans* qui n’ont pas encore 18 ans, à leurs parcours et aux difficultés que ceux-ci rencontrent tant dans le cadre privé qu’institutionnel. Pour définir ce que recouvre le terme trans*, je reprendrai les mots d’Alecs Recher : « une personne qui se sent trans*, est une personne qui ne s’identifie pas entièrement [ou pas du tout] au sexe qui lui a été assigné à la naissance »6. Il y a donc une différence ressentie entre le sexe attribué à la naissance et l'identité de genre d'une personne ; identité qui peut-être binaire ou non binaire7. Par cadre institutionnel, j’entends les autorités administratives et judiciaires auxquelles ces personnes ont à faire, mais aussi le milieu médical (psych-ologue-iatre, chirurgien, endocrinologue et assurance-maladie) extrêmement présent au sein de cette thématique.

Mon intérêt pour cette thématique trouve ses racines dans le travail de recherche que je menais au sein de la faculté de droit concernant la représentation légale de l’enfant sous autorité parentale et la répartition des compétences décisionnelles qui en découlaient.

Ainsi, je m’intéressais à des notions juridiques telles que la capacité de discernement, les droits strictement personnels et le bien de l’enfant. Celles-ci n’étant pas définies de manière stricte dans la loi, il s’agit de notions indéterminées que la doctrine, mais surtout la jurisprudence, se doit de concrétiser. Toutefois, dans la doctrine ou les décisions judiciaires que je pouvais lire, il me semblait qu’elles étaient souvent traitées de manière légère quand elle n’était pas caricaturale ou stéréotypée. Puis, alors que je connaissais encore très peu le sujet, j’ai visionné un reportage à la télévision dans lequel des enfants trans* faisaient part de leurs ressentis. Partant dès le départ d’un a priori qu’à mon sens ces enfants devaient attendre d’avoir 18 ans avant d’entamer des démarches liées à leur transition, j’ai été très surprise du mal-être dont ils témoignaient et de la clairvoyance dont ils faisaient preuve à ce niveau. Ainsi, j’ai pu prendre conscience de la complexité de cette thématique, mais aussi de mes propres limites et résistances à la saisir et à l’appréhender. Et c’est de cette prise de conscience qu’a commencé à se dessiner l’amorce de ma critique.

En ce sens, la thématique trans* m’est apparue intéressante pour tenter d’approcher les notions précitées de manière plus complexe et moins conventionnelle. Parce que le caractère « hors-norme » de cette thématique permet de rendre palpable ce qui relève non plus du droit, mais de l'application « idéologique » de celui-ci. En effet, ce sujet touchant des points sensibles notamment dans notre rapport à la différence des sexes et à sa

6 RECHER A., p. 105.

7 Issu de l’entretien que j’ai eu avec Alecs RECHER le 14 août 2018.

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naturalisation, à la masculinité et la féminité, ainsi qu’à la sexualité, il me paraissait intéressant de voir comment la capacité de discernement ou le bien de l’enfant, par exemple, étaient perçu-e-s et compris-e-s par les individus touchés par ce sujet. Et ceci, dans le but de tenter de comprendre de quoi ces notions sont faites, d’en définir leur contour et de questionner leur utilisation.

2. Le sujet de ma recherche et mes questionnements

Cependant, au contact du terrain et des lectures juridiques effectuées en parallèle, je me suis rendue compte que ces notions étaient soit très peu traitées, soit qu’elles ne faisaient pas questions. En revanche, ce qui m’est apparu de façon assez frappante, c’est d’une part, le décalage existant entre un droit positif, qui au premier abord me paraissait plutôt souple et suffisant. Et d’autre part, les injustices subies par les personnes trans* et leur difficulté à faire valoir et respecter leurs droits. J’ai donc élargi le thème de ma recherche pour essayer de comprendre, en analysant leurs parcours de transition et les étapes suivies pour accéder à la reconnaisse légale de leurs nouveaux prénom et/ou sexe légal, a quel endroit se situent les résistances rencontrées par les jeunes trans* interviewés ? Quelles sont les raisons des injustices vécues ? Sur quoi, elles reposent ? Comment sont-elles justifiées par les acteur- trice-s qui les commettent ? Quelles sont les demandes/propositions des individus concernés pour réduire ces injustices ? Quel autre fonctionnement du juridique pourrions- nous imaginer ?

3. Mon positionnement et les difficultés qui en découlent

Personnellement, si je reprends la définition d’Alecs Recher, je ne m’identifie pas particulièrement au sexe qui m’a été assigné à la naissance, mais je ne m’identifie pas non plus au sexe masculin. Toutefois, mon absence d’identification se situe plutôt au niveau de la représentation du féminin véhiculée par la société et le milieu dans lesquel-le-s j’évolue (éduqué, bourgeois, blanc). Je n’arrive pas à me reconnaître dans les codes ou les injonctions de la féminité propre à mon milieu et je me suis, par exemple, toujours sentie en décalage vis-à-vis des autres filles de mon entourage. Je n’ai donc pas de problème particulier avec mon corps assigné « femme ». Mais les concepts de féminité et de masculinité n’ont pas de sens et n’évoquent rien chez moi, si ce n’est des représentations stéréotypées imposées par notre société.

Ainsi, je ne me situe pas à l’endroit ou dans la même position que les personnes trans* que j’ai pu interviewer. La question de ma légitimité à produire un travail à propos de cette thématique et la manière de le faire sont donc des éléments auquel je me dois de réfléchir.

Donna HARAWAY explique très bien ce point :

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« [T]enter de voir depuis la marge comporte le sérieux danger d’idéaliser et/ou de s’approprier la vision des moins puissants alors qu’on revendique de voir à partir de leur position. Voir d’en bas ne s’apprend pas facilement et n’est pas sans problème, même si ʺnousʺ habitons ʺnaturellementʺ le grand terrain souterrain des savoirs assujettis. Les positionnements des assujettis ne sont pas dispensés de réexamen critique, de décodage, de déconstruction et d’interprétation ; […]. »8

Un des risques est ainsi l’appropriation de la parole des personnes concernées. Tomber dans le piège qui consiste à se servir des expériences de vie des individus qui acceptent de se raconter à la seule fin de répondre à mes questionnements ou d’arriver à la démonstration souhaitée ; ou encore, ne me situant moi-même pas à la marge, de les utiliser comme un faire-valoir ou un assouvissement d’une curiosité mal placée. Il y a toujours quelque chose d’attirant à aller vers la marge. Pour moi, elle représente une certaine idée de liberté, la possibilité de faire autrement et d’échapper aux contraintes fixées, notamment vis-à-vis d’une société qui est de plus en plus normative. J’ai donc une certaine fascination pour les individus se situant à la marge puisque moi-même je ne m’y situe pas et que je ne vis pas les difficultés qui en découlent ou, en tous les cas, pas avec la même intensité.

Ainsi, consciente de ce qui précède, je n’étais pas très à l’aise vis-à-vis des acteurs avec lesquels je me suis entretenue. J’ai souvent eu la crainte d’utiliser des mots ou de tenir des discours blessants sans même que je ne m’en rende compte. Il y a d’ailleurs eu des fois où j’en ai eu conscience et où je n’ai pas toujours eu l’humilité de m’excuser. En retranscrivant les entretiens, je me suis rendue compte de mes nombreuses interventions ponctuant le discours de l’autre. Celles-ci m’ont certainement permis de surmonter mon sentiment de malaise, mais je pense aussi que je voulais éviter qu’il naisse également chez l’autre personne. Ainsi, elles ont parfois été faites au détriment de l’écoute et du déroulement du récit. J’ai également eu beaucoup de difficultés à sortir de ma position d’universitaire (scolaire) que ce soit au niveau du vocabulaire utilisé, de la manière de me mettre en rapport avec la personne interviewée ou encore de mener l’entretien. Alors que justement, pour moi, il est fondamental de créer et de mettre en place des méthodologies, des manières de s’organiser et de produire du savoir qui soit une alternative à l’université telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Je me suis rendue compte d’à quel point il est difficile de sortir de nos logiques internes et de notre zone de confort. Ainsi, je me demande quels dispositifs il serait possible de mettre en place afin d’éviter un tel écueil ? Comment faire pour que la parole circule ? Pour ne pas être dans un rapport de questions-réponses, mais

8 HARAWAY D., p. 119.

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un véritable partage d’expériences ? Pour éviter l’instauration d’une hiérarchie ? Comment créer les conditions favorables à l’émergence d’une intelligence collective ? En outre, réfléchir autour du travail émotionnel9 qui s’accomplit au sein d’un entretien m’intéresserait également.

Un autre point auquel il m’est apparu important de réfléchir est celui de la manière dont il fallait que je traite le matériau recueilli. Je me suis posée beaucoup de questions concernant la façon dont je pouvais rendre compte de la parole des personnes qui m’ont accordé du temps, mais aussi comment je pouvais m’associer à elles afin de minimiser l’appropriation de leur parole. La méthodologie des récits de vie est intéressante à ce niveau puisqu’elle permet d’élaborer un modèle et, ensuite, d’en discuter avec la personne concernée afin notamment qu’elle le critique, le précise, dise s’il correspond au vécu de son expérience. Mais, par manque de temps, je n’ai malheureusement pas pu le faire avec tous les entretiens effectués et, pour ceux-ci, j’ai décidé de reproduire un maximum d’extraits tels quels et de m’en servir comme points d’appui pour mon écriture. En outre, je souhaitais pouvoir faire relire mon travail aux différentes personnes rencontrées afin qu’elles le critiquent et l’amande avant que j’y mette un point final, mais là aussi par manque de temps, je ne le ferai que dans un deuxième temps. Cependant, bien que je n’ai pas eu le temps de pousser jusqu’au bout la manière dont j’allais faire avec ces récits de vie pour impliquer un maximum les personnes concernées, j’ai tenté de compenser au mieux ce manque en faisant exister les voix, à l’intérieur de ce mémoire, de toutes les personnes avec qui j’ai eu un entretien.

S’agissant de l’analyse que j’ai pu apporter, j’aurais souhaité avoir du temps pour en faire part aux acteur-trice-s concerné-e-s, en discuter avec eux-elles et l’élaborer avec eux-elles, mais là aussi le temps n’a pas été mon allié. Il m’aurait paru intéressant de rentrer en dialogue avec ils-elles n’ont pas forcément pour invalider les points de mon analyse, mais pour faire exister des contrepoints, des avis divergents à celle-ci. Pour complexifier ma grille d’analyse et son contenu.

Finalement se pose la question du rendu. Il me paraît également important de mener une réflexion à ce propos. Comment faire pour que le travail produit dépasse l’université et ceux qui la composent ? Comment faire pour que celui-ci devienne utile aux personnes concernées, pour qu’elles puissent s’en (re)saisir ? Quel langage/vocabulaire adopter pour que le contenu de mon propos ne soit pas compris que par les initiés ? A ce stade de ma recherche, ces questionnements n’ont pas encore trouvé de réponses satisfaisantes.

Si j’ai souhaité exposer les points précédents, même à l’état d’ébauche, c’est parce qu’il est important pour moi d’en faire mention explicitement dans mon travail. En effet, ne les ayant

9 HOFFMANN E.A., p. 318-346.

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pas suffisamment traités ou pratiqués dans cette recherche, ils ne peuvent pas être lus, ou ils n’apparaissent pas, ne serait-ce qu’implicitement dans mon mémoire. Par ailleurs, dans la suite de ma démarche et dans ma volonté de « voir depuis la marge », ce sont des réflexions/questions qu’il me faut avoir et auxquelles je tiens puisque sans elles ma démarche n’aurait pas de sens et ne serait pas cohérente. Ainsi, cette première tentative d’élaboration d'une approche critique du droit m’a permis de mettre en avant plusieurs difficultés, s’agissant de mon positionnement et des dispositifs méthodologiques à mettre en place notamment, qui me serviront pour mes futurs travaux et réflexions.

« Les féministes ont intérêt à projeter une science de relève qui donne une traduction plus juste, plus acceptable, plus riche du monde, pour y vivre correctement et dans une relation critique et réflexive à nos propres pratiques de domination et à celle des autres ainsi qu’aux parts inégales de privilège et d’oppression qui constituent toutes les positions. Dans les catégories philosophiques traditionnelles, c’est peut-être plus une question d’éthique et de politique que d’épistémologie. »10

10 HARAWAY D., p. 112 ss.

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III.

MON APPROCHE METHODOLOGIQUE

Ma démarche a tout d’abord consisté à prendre contact avec des organisations impliquées dans cette thématique soit, pour Genève, l’association du Refuge et la Fédération genevoise des associations LGBT et, pour Lausanne, la Fondation Agnodice. Le but de ces premiers contacts était de pouvoir avoir une vision globale de la situation, mais aussi qu’elles puissent me mettre en contact avec des jeunes trans* n’ayant pas encore 18 ans. Le fait de vouloir parler avec des personnes qui n’étaient pas encore majeures a posé beaucoup de difficultés. D’une part, parce que je suis tombée dans une période où ce thème était plutôt médiatisé donc ces organisations étaient très sollicitées et, d’autre part, parce que ces dernières souhaitent préserver ces jeunes au maximum. J’ai donc été forcée d’élargir mes critères et d’abandonner celui du « moins de 18 ans » en ne parlant plus que de jeunes.

J’ai eu d’abord la possibilité de participer à une soirée d’un groupe « jeunes trans* » organisée mensuellement par l’association le Refuge lors de laquelle j’ai pu laisser mes coordonnées pour ceux et celles qui accepteraient de me rencontrer. Cette démarche n’a rien donné. En parallèle, une personne de la Fédération genevoise des associations LGBT a accepté de diffuser un appel à témoignage au travers de son réseau et par ce biais, j’ai pu rencontrer une fille et un garçon trans*. L’appel à témoignage, je l’ai rédigé moi-même et d’une manière très universitaire, formelle11. L’explication qui précède me sert à mettre en avant le fait que ma manière de procéder a d’elle-même dû sélectionner un certain type de profil de jeunes qui ont accepté de me rencontrer. Ils ne sont donc pas représentatifs des

« jeunes trans* ». Par la suite, j’ai également pu rencontrer deux garçons trans* par l’intermédiaire d’une personne qui m’est proche.

Après avoir interviewé les deux premiers jeunes, j’ai effectué des recherches autour des questions juridiques soulevées par leur récit. Pour cela, je me suis basée essentiellement sur l’article d’Alecs RECHER,que j’ai par ailleurs rencontré, et pris connaissance des références contenues dans cet article qui étaient en lien avec les questions posées. C’est donc là que je me suis rendue compte du décalage qui existait entre le récit des difficultés qu’ils-elle avaient pu rencontrer dans leur parcours de transition et le droit en vigueur.

J’ai continué en parallèle mes autres entretiens. J’ai donc rencontré des personnes des associations TGNS, Checkpoint Vaud, Vogay ainsi qu’une psychothérapeute ayant de jeunes patients trans* et pratiquant principalement dans le canton de Genève. J’ai revu des personnes d’Agnodice et du Refuge et j’ai également interviewé les deux autres garçons qui avaient accepté de me rencontrer. Ces organisations sont toutes très actives au niveau de la

11 Cf. reproduit en annexe 5.

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thématique trans* notamment. Si l’association TGNS se situe plus à un niveau national, juridique et politique, les autres, dont Le Refuge et Agnodice, s’attèlent plus à des problèmes d’ordre médical, social et psychologique, essentiellement dans les cantons de Vaud et Genève. Au total, j’ai donc effectué quinze entretiens d’une durée variant entre 1h et 1h45.

Pour ce qui est des entretiens avec les jeunes, mon outil méthodologique a été celui des récits de vie tel qu’élaboré par DEMAZIERE et DUBAR12. Cet outil me paraît pertinent pour ma démarche dans le sens où je souhaite me tenir au plus proche de la parole des individus avec lesquels je m’entretiens. Non pas pour les comprendre eux en particulier, mais pour considérer leur parole comme une source de connaissances, pour comprendre le fonctionnement et les dynamiques internes aux situations sociales dont ils sont acteur-trice-s13. Et à partir de là, tenter de « faire émerger ce qui est pertinent pour ce domaine »14. Encrer et fonder mes réflexions à partir des récits des individus concernés par la thématique15. En comprendre leur logique, leur mécanisme, ce qui les sous-tend. En effet, selon moi, les individus et leurs interactions se fondent sur des récits. Le monde social est composé d’une multitude de récits et ce sont nos récits qui donnent sens au réel. Paul RICOEUR a montré dans ses écrits le lien intime entre l’action et le récit16. Il me paraît donc important de procéder à leur analyse afin de mettre à jour les différents points de vue sur le monde et les pratiques/logiques qui s’en dégagent17. Toutefois, cette méthodologie est principalement utilisée dans un contexte biographique, ainsi il me manque encore une véritable méthodologie pour analyser et traiter les discours qui ne se situent pas directement ou hors de ce contexte biographique.

J’ai donc commencé l’entretien, avec les quatre personnes rencontrées, en leur demandant qu’elles me racontent leur parcours de transition. Puis, au cours de l’interview, je suis revenue avec elles sur certains points particuliers. Comme je l’ai déjà indiqué, mon intention au départ était d’analyser et de comparer ces quatre récits, mais en raison du temps que j’avais à ma disposition, j’ai pris la décision de me concentrer sur un seul récit, celui de la fille trans*18. Si j’ai choisi ce récit en particulier, c’est pour les questions juridiquement intéressantes qu’il soulève et aussi parce que je me suis sentie à l’aise et en empathie avec elle. Ainsi, je pense que cet entretien est mieux « réussi » que les autres. En effet, de mon point de vue, il m’a été plus facile d’interagir avec elle et de comprendre la logique, le

12 DEMAZIERE D./DUBAR C., Analyser les entretiens biographiques – L’exemple de récits d’insertion, Les Presses de l’Université Laval (2009).

13 BERTAUX D., p. 50.

14 DEMAZIERE D./DUBAR C., p. 49.

15 DEMAZIERE D./DUBAR C., p. 49.

16 BERTAUX D., p. 26 et référence à l’ouvrage de P. Ricoeur, Temps et récit.

17 DEMAZIERE D./DUBAR C., p. 7 ; BERTAUX D., p. 13.

18 Que je nommerai, dans la suite de mon mémoire, par le prénom fictif de Justine afin de faciliter la compréhension.

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déroulé de son récit. Les autres récits de vies m’ont été très utiles pour comparer et compléter mon analyse, mais aussi pour peupler ce travail d’autres voix.

Concernant les entretiens des autres acteur-trice-s, ils m’ont également été indispensables pour fonder et élaborer mes réflexions à partir de l’analyse du récit de vie de cette jeune femme trans*. Mais, je n’ai pas fait appel à une méthodologie particulière les concernant. Ils m’ont servi de source de compréhension et pour appréhender ce monde social19 qui m’était jusque-là encore inconnu.

Même si cela ne correspond pas tout à fait à l’ordre dans lequel j’ai procédé, j’ai décidé de faire apparaître l’état du droit avant l’analyse du récit de vie plutôt que l’inverse. Pour avoir essayé les deux possibilités, la première est plus compréhensible, plus fluide à la lecture.

19 BERTAUX D., p. 13 et référence citée.

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IV.

LE DROIT APPLICABLE A LA SITUATION D’ESPECE

1. Généralités

Tout d’abord, il me semble important de relever que le droit, de manière générale, ne se limite plus à un simple modèle fondé sur l’interdiction. En effet, sa fonction, depuis plusieurs années maintenant, est de se prêter aux objectifs de normalisation (de l’individu) et de régulation (des comportements) des états nationaux20.

Plus spécifiquement à mon sujet, au niveau international, l’identité de genre est notamment définie par les Principes de Jogjakarta21. Ceux-ci ont été développés en 2006 par des experts en droits humains lors d’une réunion en Indonésie et concernent l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Même s’ils n’ont aucune force contraignante pour les états nationaux, ils sont une référence pour la reconnaissance et la mise en œuvre des droits des LGBT. L’identité de genre, selon ces principes, est « comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire »22.

La cour européenne des droits de l’ « homme » (ci-après : courEDH) a un impact important s’agissant de la reconnaissance des droits des individus trans*. Ainsi, dans un arrêt datant de 2003, la cour a estimé que l’identité sexuelle est d’une part, l’un des aspects les plus intimes de la vie privée de l’individu et, d’autre part, l’élément le plus essentiel du droit à l’autodétermination, dont la liberté de définir son appartenance sexuelle est l’un des éléments les plus essentiels23. En tant qu'élément constitutif de l'identité personnelle, l’identité sexuelle relève donc pleinement du droit au respect de la vie privée que consacre l’art. 8 CEDH et cela vaut pour tous les individus24. Par ailleurs, le droit à l’épanouissement personnel et à l’intégrité physique et morale des personnes trans* est également garanti par l’art. 8 CEDH25. Rappelons que l’art. 8 CEDH consacre le droit au respect de la vie privée et familiale et que la notion de « vie privée » est « une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive, qui recouvre non seulement l’intégrité physique et morale de

20 VORUZ V., p. 11.

21 Ils sont disponibles sur : https://yogyakartaprinciples.org/principles-fr/,

p. http://yogyakartaprinciples.org/wp-content/uploads/2016/08/principles_fr.pdf.

22 Les Principes de Jogjakarta, p. 6, note de bas de page 2.

23 AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 56, 69, 73 et 78 ; AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 93.

24 AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 95.

25 AIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 56 et 69.

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l’individu, mais aussi parfois des aspects de l’identité physique et sociale de celui-ci ; des éléments tels que, par exemple, l’identité ou l’identification sexuelle, le nom, l’orientation sexuelle et la vie sexuelle relèvent de la sphère personnelle protégée par l’art. 8 CEDH »26. En outre, « cette disposition protège également le droit au développement personnel et le droit d’établir et entretenir des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur »27.

Le but de l’art. 8 CEDH est non seulement de protéger tout individu d’ingérence arbitraire de la part de l’Etat, mais il peut aussi contraindre ce dernier à adopter des mesures afin d’assurer un respect effectif de leur vie privée28.

Pour ce qui est de la discrimination dont les personnes trans* peuvent être victimes, un arrêt datant du 30 novembre 2010 de la courEDH indique que le « transsexualisme » est couvert par l’art. 14 CEDH29.

En droit suisse, bien que cela ne soit mentionné nulle part explicitement, notre système juridique se fonde sur la binarité des sexes. Ainsi, il n’existe que deux genres : le féminin et le masculin. L’allant de soi de ce fondement renforce la naturalisation de la binarité sexuelle.

Notre droit de la famille est quant à lui hétéronormé. Par exemple, les modes d’établissement de la filiation se fondent sur la relation homme/femme en privilégiant encore celle maritale. La loi sur la procréation médicalement assistée est pensée de la même manière. L’accouchement sous X est interdit. Quant à l’adoption pour les couples du même sexe, elle est seulement possible s’agissant de l’enfant du conjoint.

Par ailleurs, les personnes trans* ou l’identité de genre ne sont mentionnées à aucun moment de manière spécifique dans le droit suisse30. Par exemple, la discrimination exercée à l’encontre des personnes trans* n’est pas condamnée pénalement. Au niveau des conditions de détention, la répartition dans les établissements pénitentiaires se fait au regard du sexe légal et rien n’est prévu spécifiquement pour les individus trans*. Pour ce qui est du droit d’asile, la persécution en raison de l’identité de genre n’est pas

26 AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 69 et références citées ; AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 92 et références citées.

27 AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 69 et références citées.

28 AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 70 et références citées ; AFFAIRE SCHLUMPF c. Suisse, requête no 29002/06, N 102.

29 AFFAIRE P.V. c. Espagne, requête n° 35159/09, N 30.

30 RECHER A., p. 110. Afin d’avoir une explication sur la situation juridique des personnes LGBT en Suisse, voir également la brochure établie par la Law Clinic unige, disponible sur https://www.unige.ch/droit/lawclinic/,

p. https://www.unige.ch/droit/files/1415/3975/9992/droits-lgbt-2018.pdf.

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expressément considérée comme un motif de persécution. Dans la doctrine, notamment francophone, et dans la jurisprudence, la thématique trans* est également très peu traitée.

Toutefois, même si les personnes trans* ou l’identité de genre ne sont pas rendues visibles au travers du droit suisse, il n’en demeure pas moins qu’elles sont bénéficiaires de sa protection au même titre que n’import quel individu. Ainsi, l’identité de genre fait partie du droit d’une part, à la vie et la liberté personnelle (art. 10 Cst) et, d’autre part, à la protection de la sphère privée (art. 13 Cst). L’al. 2 de l’art. 13 Cst consacre également l’autodétermination informationnelle, soit pour un individu de pouvoir garder la maîtrise sur ses informations personnelles31.

Concernant la problématique de la discrimination vis-à-vis des personnes trans*, celles-ci peuvent se prévaloir de l’art. 8 Cst32. Le tribunal fédéral indique que la discrimination au sens de cet article doit être comprise comme le fait pour un individu d’être désavantagé uniquement au motif de son appartenance à un groupe particulier qui historiquement et dans la réalité sociale actuelle est marginalisé ou traité comme inférieur33. Par ailleurs, l’interdiction de discriminer un individu s’applique tant aux administrations publiques qu’à des tiers privés (art. 35, al. 3 Cst.)34.

Finalement, face à des actes de transphobie, l’individu victime peut aussi se prévaloir des actions générales en protection de la personnalité prévues aux art. 28 ss CC, ainsi que de certaines infractions pénales protégeant le droit à la vie et à l’intégrité corporelle, à l’honneur ou encore à la liberté.

2. Le changement de prénom et de sexe à l’état civil

Les bases légales pertinentes concernant le changement de prénom et de « sexe » sont les art. 30, al. et 42 CC. Ces normes n’ayant toutefois qu’une portée générale, il appartient à l’administration ou aux tribunaux de concrétiser ces règles.

S’agissant de la modification du (pré)nom à l’état civil, la procédure est administrative (art.

30, al. 1 CC). L’utilisation d’un nouveau prénom avant son officialisation (prénom d’usage) est cependant possible sauf dans les relations avec l’état où celui-ci doit pouvoir identifier la personne à l’aide des informations inscrites dans les registres officiels à l’instar de l’état civil35. Par ailleurs, le changement de prénom peut se faire avant le changement de sexe

31 137 II 371, consid. 6.1.

32 AFFAIRE P.V. c. Espagne, requête no 35159/09, N 30.

33 ATF 126 II 377 (consid. 6.b).

34 RECHER A., p. 117.

35 RECHER A., p. 126.

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sans que cela ne porte atteinte à l’intérêt public à ce que la force probante des registres publics (art. 9 CC) et la sécurité du droit soient respectées36. Si la modification se fait en même temps que le changement de sexe alors c’est aux tribunaux que reviendra la compétence décisionnelle. Au niveau des conditions matérielles, la loi exige des motifs légitimes (art. 30, al. 1 CC). Selon la doctrine et une partie de la jurisprudence cantonale, la situation de transidentité constitue un motif légitime37.

Pour ce qui est du changement de sexe, je rappellerai encore une fois que notre système juridique suisse est binaire et qu’il s’en remet au corps médical pour décider quel sexe ont les individus à la naissance38. Ensuite, après avoir reconnu l’existence d’une lacune dans ce domaine, la jurisprudence a créé une action d'état civil sui generis à ce propos39. L'inscription du changement de sexe au registre de l’état civil (cf. art. 7 al. 2 let. o et 98 al. 1 let. h et al. 2, let. c OEC) suppose ainsi que la personne ait fait constater le nouveau sexe par la voie d'une action judiciaire (art. 40, al. 1, let. j OEC)40. Une des conditions pour accéder à un changement de sexe pour des individus trans* est celle de l’irréversibilité du changement de sexe41. Le tribunal fédéral a longtemps laissé ouverte l’interprétation de cette notion d’irréversibilité. Les juridictions inférieures l’ont souvent interprétée comme devant donner lieu à une opération de stérilisation ou de réassignation des organes génitaux.

Pourtant la loi sur la stérilisation interdit de pratiquer une stérilisation sur une personne n’ayant pas encore 18 ans sauf exception, mais qui ne rentre pas en considération ici. Et pour celle ayant atteint 18 ans, il faut obtenir son consentement libre et éclairé puisqu’il s’agit d’une atteinte à son intégrité physique. Or, si les tribunaux font dépendre le changement d’état civil de l’exigence qu’une stérilisation soit effectuée, il n’est alors pas possible d’affirmer que le consentement de la personne concernée ait été exprimé librement42. Pour le surplus, un droit fondamental comme celui du droit à l’intégrité physique peut subir une restriction sous réserve que les conditions de l’art. 36 Cst. soient

36 Arrêt du tribunal administratif du canton de Vaud, Arrêt du 18 octobre 2006 en la cause X. contre le Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud - GE.2005.0219, consid. 4, in FamPra.ch 2007, p. 369.

37 FOUNTOULAKIS CH./STEINAUER P.-H., N 414f et références citées.

38 BÜCHLER A./COTTIER M., p. 28.

39 TF 5A_390/2016 du 17 mai 2017, consid. 5.3 ; ATF 119 II 264.

40 TF 5A_390/2016 du 17 mai 2017, consid. 5.3.

41 L’ATF 119 II 264 daté du 3 mars 1993 exigeait un changement de sexe irréversible sans toutefois préciser la nature de l’irréversibilité : consid. 6.c « irreversiblen Geschlechtswechsel ».

42 RECHER A., p. 137. Voir également : AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 112 et 128 ss.

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remplies43, ce qui n’est pas le cas en l’espèce en raison notamment de l’absence de base de légale.

En 2011, le canton de Zürich a admis pour la première fois l’irréversibilité d’un changement de sexe sans que la personne n’ait à subir de stérilisation chirurgicale au préalable44. En effet, celui-ci a jugé qu’une telle intervention constituait une atteinte à l’intégrité corporelle de l’intéressé et au droit au respect de sa sphère privée dont l’une des composantes est le droit à l’autodétermination de chaque individu, y compris sur le plan de la sexualité45. Suite à un avis de droit rendu par l’office fédéral de l’état civil en février 2012 se prononçant également « contre l’exigence d’interventions chirurgicales visant la stérilisation ou la construction d’organes génitaux du sexe désiré comme préalable de la reconnaissance judiciaire du changement de sexe » 46, plusieurs cantons alémaniques ont adopté le même raisonnement juridique que le canton de Zürich.

Récemment, la courEDH a définitivement clarifié la situation en arrivant à la conclusion qu’aucun traitement hormonal, chirurgical ou tout autre acte de réassignation visant la stérilisation ne devait être exigé pour accorder un changement de sexe. Dans le cas contraire, une telle exigence entrainerait une violation de l’art. 8 CEDH, mais aussi de l’art. 3 CEDH visant l’interdiction de la torture ou de traitements inhumains ou dégradants47. Celle- ci a jugé qu’un traitement médical ne pouvait pas être véritablement consenti lorsqu’un refus avait pour conséquence de priver un individu du plein exercice de son droit à l’identité sexuelle et à l’épanouissement personnel48. Conditionner l’exercice du droit au respect de la vie privée et à l’intégrité physique à l’obligation de subir un traitement médical amenant à une stérilisation, ou produisant très probablement un effet de cette nature, mettait les personnes transgenres devant un dilemme insoluble créant une rupture du juste équilibre que les États partis sont tenus de maintenir entre l’intérêt général et les intérêts des personnes concernées49.

43 La restriction doit être fondée sur une base légale, justifiée par un intérêt public ou privé et proportionnée au but visé.

44 Jugement du canton de Zürich du 1er février 2011, n° NC090012/U.

45 Jugement du canton de Zürich du 1er février 2011, n° NC090012/U, consid. 3.4

46Avis de droit OFEC : Transsexualisme du 1er février 2012, p. 3. Cet avis est disponible sur https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home.html > société > état civil > documentation > pratique de l’OFCE ; RECHER A., p. 129 et références citées. A l’époque le terme de transsexualisme était utilisé, aujourd’hui, celui de transidentité est préféré pour signifier que le genre n’a pas forcément avoir avec la sexualité.

47 AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 131 et 135.

48 AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 130.

49 AFFAIRE A.P., GARÇON ET NICOT c. France, requêtes nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, N 131 ss.

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Finalement, en réponse à différents objets parlementaires déposés par des député-e-s depuis plusieurs années50, le Conseil fédéral a décidé d’adapter sa législation aux personnes transgenres et intersexes. Dans le communiqué du Conseil fédéral diffusé sur le site admin.ch à ce propos, on peut y lire que ce projet de modification législative à l’instar des réformes adoptées récemment concernant notamment l’autorité parentale, les contributions d’entretien et l’adoption « est une étape de plus d’une politique qui vise à ce que le droit civil reflète les réalités sociales et les besoins des individus »51.

Un avant-projet a donc été mis en consultation en mai 2018 concernant la révision du code civil (ci-après: CC) à propos du changement de sexe à l’état civil. Cet avant-projet prévoit une simplification de la procédure qui ne sera désormais plus judiciaire, mais administrative, à l’identique du changement de (pré)nom. Cette procédure sera donc rendue moins onéreuse et de surcroît plus rapide. Dans le rapport explicatif accompagnant cet avant- projet, il est également indiqué que cette déclaration pourra se faire sans intervention médicale ou autres conditions préalables52.

Cependant, la déclaration de changement de sexe devra se faire devant un officier d’état civil et si celui-ci a des doutes, il aura l’obligation de mener des investigations complémentaires et si ses doutes persistent alors il pourra refuser la déclaration53. En outre, le consentement du représentant légal sera nécessaire pour les personnes qui n’ont pas encore atteint l’âge de 18 ans54.

La mise en consultation de cet avant-projet étant terminée depuis septembre 2018, il ne reste plus qu’à attendre de voir la suite que le Conseil fédéral donnera aux différentes prises de position qui lui ont été communiquées.

50 Cf. notamment sur parlament.ch > Travail parlementaire > Curia Vista > recherche avancée : postulat Sandoz, « Mariage et changement de sexe » du 4 décembre 1997, n°97.3570 ; postulat Naef, « Rapport sur le droit à la protection contre la discrimination » du 14 juin 2012, n°12.3543 ; Interpellation Trede,

« Rapport de l'ECRI sur la Suisse. Critiques relatives aux droits des personnes LGBTI » du 11 décembre 2014, n°14.4159 ; postulat Reynard, « Collecter des données sur les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, en couvrant les discriminations multiples » du 8 décembre 2016, n°16.3961 ; postulat Arslan, « Inscription d'un troisième sexe à l'état civil » du 13 décembre 2017, n°17.4121 ; postulat Ruiz, « Introduction d'un troisième genre. Conséquences pour l'ordre juridique et pour Infostar » du 14 décembre 2017, n°17.4185.

51 https://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home.html > News > communiqué du 24 mai 2018.

52 Rapport explicatif relatif à l’avant-projet concernant la révision du Code civil suisse (changement de sexe à l’état civil), p. 2. Ce rapport est disponible sur admin.ch > procédures de consultation terminées > DFJP

> Modification du Code civil (CC): Changement de sexe à l’état civil.

53 Rapport explicatif relatif à l’avant-projet concernant la révision du Code civil suisse (changement de sexe à l’état civil), p. 11 ss.

54 Rapport explicatif relatif à l’avant-projet concernant la révision du Code civil suisse (changement de sexe à l’état civil), p. 12.

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3. La prise en charge des soins

Les prestations prises en charge par l’assurance-maladie obligatoire ne le sont que si l’assuré-e souffre d’une maladie (art. 1a, al. 2a LAMal). Selon la loi, « est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail » (art. 3 LPGA). En outre, les prestations doivent être jugées appropriées, efficaces et économiques (art. 32, al. 1 LAMal). Ces critères doivent être évalués par des professionnels de la santé55.

A propos de la transidentité, la jurisprudence indique, en se basant sur la définition d’un dictionnaire des termes de médecine, qu’il s’agit d’un « sentiment éprouvé par un individu normalement constitué d'appartenir au sexe opposé, avec désir intense et obsédant de changer d'état sexuel, anatomie comprise, pour vivre sous une apparence conforme à l'idée qu'il s'est faite de lui-même »56. Dans ce cadre-ci, la transidentité, désignée dans le manuel du DSM et la CIM, sous la catégorie « troubles mentaux » et du comportement, par les termes de dysphorie de genre, est considérée comme un phénomène pathologique auquel il est possible d’attribuer le caractère de maladie57.

Ainsi, notamment les frais d’une psychothérapie, d’un traitement pour bloquer la puberté ou encore d’une hormonothérapie, la chirurgie mammaire, la réduction de la pomme d’Adam sont des traitements qui seront pris en charge par l’assurance-maladie de base pour autant qu’ils soient prescrits par un médecin58.

Pour ce qui est de la prise en charge des coûts relatifs à un changement de sexe, cela est plus compliqué. A ce propos, deux arrêts du Tribunal fédéral rendus en 1988 ont fixé les conditions auxquelles un remboursement par l’assurance-maladie de base de l’opération en changement de sexe pouvait rentrer en compte : à partir de l'âge de 25 ans, après des investigations médicales très approfondies - psychiatriques et endocrinologiques - et une période d'observation d'au moins deux ans. L’argument du tribunal permettant l’exigence de telles conditions est que « ces opérations doivent être réservées au cas grave du transsexualisme vrai, dit "de haute intensité", qui échappe aux possibilités de traitement par la seule psychothérapie et l'hormonothérapie ; le diagnostic doit donc être posé très

55 TF 114 V 153, consid. 3a) ; AFFAIRE SCHLUMPF c. SUISSE, requête no 29002/06, N 46 et 53 ; AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 54 ss. La cour a constaté que la décision sur la nécessité d’une opération de conversion sexuelle devait s’appuyer sur des connaissances médicales spécialisées et sur une expertise en matière de « transsexualisme ».

56 ATF 114 V 153, consid. 2b). Voir également : ATF 114 V 162, consid. 1b).

57 ATF 114 V 153, consid. 2b) ; ATF 114 V 162, consid. 1b). La cour considère plutôt que [la transidentité]

constitue un état médical justifiant un traitement destiné à aider les personnes concernées : AFFAIRE CHRISTINE GOODWIN c. Royaume-Uni, requête no 28957/95, N 81.

58 RECHER A., p. 151.

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soigneusement, pour éviter toute confusion avec d'autres troubles psychiques analogues, non irréversibles » 59, mais aussi « toute décision prise hâtivement »60. Le respect d’un délai d’observation de deux ans permet ainsi, selon le tribunal fédéral, de garantir la sécurité juridique entre les intérêts divergents des intéressés d’une part et l’impératif d’éviter des opérations injustifiées de l’autre61.

Ainsi, en principe, l'opération de changement de sexe est considérée comme étant une prestation obligatoire dans le cas où on est en présence d’un « transsexualisme vrai », c’est- à-dire si au terme de tous les examens exigés par la science médicale, le diagnostic est certain, et dans la mesure où, faute d'autre thérapie efficace dans le cas particulier, l'intervention représente la seule méthode de traitement propre à améliorer notablement l'état de santé psychique de l'assuré62. Toutefois, jusqu'à un arrêt du tribunal fédéral daté du 7 juin 1994, « les actes de chirurgie plastique et reconstructive tendant à pourvoir l'assuré-e d'organes génitaux masculins ou féminins » n’étaient pas remboursés par la LAMal63.

En 2009, un arrêt de la courEDH est venu assouplir ces conditions et a conclu que le tribunal fédéral avait violé l’art. 8 CEDH en appliquant de manière trop stricte le délai de deux ans exigé par les deux arrêts du Tribunal fédéral précités. En effet, selon elle, le tribunal avait appliqué de manière mécanique cette jurisprudence et n’avait pas analysé les circonstances spécifiques du cas d’espèce notamment en ne tenant pas compte des réalités médicale, biologique et psychologique qui avaient été exprimées sans équivoque par l’avis des experts médicaux ; violant, par conséquent, le respect de la vie privée de la personne concernée64.

En outre, la courEDH a également jugé qu’il apparaissait disproportionné d’exiger d’une personne qu’elle prouve le caractère médicalement nécessaire d’un traitement alors que l’un des aspects les plus intimes de sa vie privée est en jeu65.

4. La spécificité des « −18 ans »

Un individu qui n’a pas encore 18 ans jouit des droits civils (art. 11, al. 1 CC), mais n’en a pas l’exercice (art. 13 CC a contrario). Cependant, il existe plusieurs exceptions à ce principe et

59 ATF 114 V 153, consid. 4a) ; ATF 114 V 162, consid. 4.

60 AFFAIRE SCHLUMPF c. SUISSE, requête no 29002/06, N 110.

61 AFFAIRE SCHLUMPF c. SUISSE, requête no 29002/06, N 27.

62 ATF 114 V 153, consid. 4c) ; ATF 114 V 162, consid. 4 ss.

63 ATF 114 V 153, consid. 4c), ATF 114 V 162, consid. 5 et ATF 120 V 463, consid. 5.

64 AFFAIRE SCHLUMPF c. SUISSE, requête no 29002/06, N 111 ss.

65 AFFAIRE VAN KÜCK c. Allemagne (2003), Requête no 35968/97, N 56.

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particulièrement concernant les personnes reconnues comme « capables de discernement ».

Un premier point important est donc de savoir si l’individu qui souhaite exercer un droit est capable de discernement en fonction de l’acte qu’il a accomplir (art. 16 CC). Si la réponse est affirmative, il faut ensuite déterminer la nature du droit en question afin de savoir s’il est nécessaire d’obtenir le consentement du représentant légal ou s'il peut agir seul. Pour le reste, le représentant légal agit en lieu et place de la personne n’ayant pas encore 18 ans.

Dans la négative, le représentant légal agira en son nom sauf pour certains droits qui en raison de leur nature ne souffrent aucune représentation comme le droit à l’intégrité corporelle ou à l’honneur66.

La capacité de discernement pour une personne est définie comme la faculté d’agir raisonnablement, faculté qui est elle-même constituée de deux éléments : l’élément volitif et l’élément intellectuel67. Ce dernier consiste à avoir la faculté de comprendre la portée et l’opportunité de ses actes68. Quant à l’élément volitif, il s’agit de la capacité pour une personne d’agir librement, conformément à sa compréhension69, sans qu’elle soit soumise à une quelconque contrainte, pression ou influence de la part d’événements ou des personnes extérieur-e-s70. En d’autres termes, il s’agit pour l’individu concerné de savoir et vouloir ce qu’elle fait71. Pour avoir la capacité de discernement, il est nécessaire que ces deux éléments soient remplis. Par ailleurs, ils s’évaluent en fonction de la situation ou de l’acte concret auquel la personne est confrontée. Le jeune âge peut être d’emblée une cause d’altération de la faculté d’agir raisonnablement. Ainsi, jusqu’à un âge proche de 18 ans, la personne est présumée ne pas l’avoir. C’est donc à celui qui s’en prévaut de le prouver, mais après cet âge la présomption est renversée72.

Si on arrive à la conclusion que la personne est capable de discernement alors le principe est qu’elle ne peut contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal (art. 19, al. 1 CC). Le représentant légal est la plupart du temps la ou les personnes qui détiennent l’autorité parentale, soit en général le ou les parents de l’enfant (304, al. 1 CC). Ainsi, la conclusion d’un contrat d’assurance- maladie de base ou complémentaire doit se faire avec le consentement du représentant légal.

66 BUCHER A., N 145 ss.

67 ATF 134 II 235, consid. 4.3.2.

68 ATF 134 II 235, consid. 4.3.2.

69 ATF 134 II 235, consid. 4.3.2.

70 Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé qu’un enfant qui avait sauté d’un train en marche par crainte d’arriver en retard à l’école n’avait pas la capacité d’agir conformément à sa compréhension de la situation : ATF 102 II 363, consid. 4 = JdT 1977 I 306, 310.

71 FOUNTOULAKIS CH./STEINAUER P.-H.,N 76.

72 ATF 134 II 235, consid. 4.3.3.

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