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Le droit du nom suisse : état des lieux et plaidoyer pour un droit "libéré"

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Le droit du nom suisse : état des lieux et plaidoyer pour un droit

"libéré"

BADDELEY, Margareta

BADDELEY, Margareta. Le droit du nom suisse : état des lieux et plaidoyer pour un droit

"libéré". La pratique du droit de la famille , 2020, vol. 21, no. 3, p. 613-643

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142843

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Le droit du nom suisse : état des lieux et plaidoyer pour un droit « libéré »

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Margareta Baddeley, professeure honoraire, Université de Genève

Mots-clés : Nom des époux, nom des enfants, nom de célibataire, double nom, nom d’alliance, immuabilité du nom, art. 160 CC, art. 270 et 270a CC, art. 119 CC, art. 30a CC, art. 30 al. 1 CC, art. 8a Tit.fin. CC.

Stichwörter: Name der Eheleute, Kindername, Ledigname, Doppelname, Allianz­

name, Unabänderlichkeit des Names, Art. 160 ZGB, Art. 270 und 270a ZGB, Art. 119 ZGB, Art. 30a ZGB, Art. 30 Abs. 1 ZGB, Art. 8a Schlusstitel ZGB.

I. Le contexte historique du droit actuel

Le droit du nom (de famille)2, dans sa version initiale du Code civil entré en vi- gueur en 1912 (CC1912),3 est resté inchangé jusqu’en 1988. Il consacrait la primauté du nom du mari et du père et se caractérisait par ailleurs également par une diffé- rence de traitement marquée entre enfants nés du mariage et ceux nés hors mariage.

Il n’accordait aucun choix en matière de nom aux époux et aux parents. Dès l’après- guerre, ce droit était de plus en plus en décalage avec l’évolution de la société vers plus d’individualité, l’égalité des sexes et des enfants de parents mariés ou non. Deux réformes significatives du droit du nom, entrées en vigueur en 1988 et 1994 respec-

1 Je remercie mes collègues, les prof. Papaux van Delden et Steinauer de leur précieuse aide par la relecture et la discussion de cet article.

2 Le présent article traite du nom, aussi appelé nom de famille de la personne, mais pas du prénom.

Le terme nom de famille a largement été éliminé dans la loi, au profit du simple mot « nom », mais l’Ordonnance sur l’état civil du 28 avril 2004 (RS 211.112.2, OEC) l’emploie toujours ; cf. p. ex.

art. 8.c.1 et 8 l et m.

3 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210, CC). Les développements qui suivent se référeront aux différentes versions du Code civil en utilisant les abréviations CC1912, CC1988 et CC2013 en référence à leurs années d’entrée en vigueur. Il en va de même d’autres textes légaux mentionnés, notamment de l’OEC, s’il est nécessaire pour en distinguer les versions ; si tel n’est pas le cas, réfé- rence est faite à la version actuellement en vigueur.

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tivement4, ont infléchi cette tendance, en particulier par l’introduction d’un choix de noms pour les personnes mariées qui tenait compte des droits de la personnalité des hommes et des femmes. Toutefois, l’égalité parfaite entre hommes et femmes, comme l’égalité aussi parfaite que possible des enfants sans égard au statut marital de leurs parents, n’ont été atteintes que par la dernière réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2013.5

Entre 1994 et 2011, lors d’un processus législatif difficile et tortueux par mo­

ments, deux projets de réforme consécutifs ont été rejetés, mais ont néanmoins for­

tement influencé l’esprit qui se concrétise dans la loi finalement adoptée en 2011.6 Les textes élaborés sur les initiatives des Conseillères nationales S. Sandoz, pour le premier, et S. Leutenegger Oberholzer, pour le second, ont été vivement débattus, parfois avec virulence, au parlement, dans les milieux politiques, parmi les juristes et dans le public et ont permis de poser les jalons du droit du nom actuel. En parti­

culier, le résultat des discussions ne laissait aucun doute sur la nécessité de réaliser l’égalité la plus parfaite possible en matière de nom des sujets de droit. Butant néan­

moins sur certains points sur des positions irréconciliables au Parlement, ces projets

4 La première réforme du droit du nom, depuis le CC1912, faisait partie de la grande réforme du droit des effets du mariage, votée en 1984 et entrée en vigueur en 1988. La deuxième réforme du droit du nom se matérialisait par l’introduction, en 1994, de l’art. 177a dans l’OEC, complétant l’art. 30 al. 2 CC1988. Dès lors, les hommes mariés qui prenaient le nom de leur femme, pouvaient aussi porter un double nom. L’art. 177a OEC1994, devenu l’art. 12, 2e phrase, de l’OEC2004, a été aboli en rai­

son de l’introduction de l’art. 160 CC2013. Pour les détails de ces réformes et les réformes suivantes jusqu’en 2013, cf. Deschenaux/Steinauer/Baddeley, Les effets du mariage, 3e éd., Berne 2017, 108 ss, avec les références aux documents officiels, à la jurisprudence et à la doctrine qui ont inspiré les différents textes légaux (adoptés ou non).

5 Sauf indication contraire, les développements dans cet article au sujet des personnes mariées s’ap­

pliquent tels quels aux partenaires enregistrés et il n’est donc pas fait référence spécialement au nom de ces derniers. L’identité du droit du nom des deux types de couple a été consacrée par l’art. 3a LPart (Loi sur le Partenariat du 18 juin 2004, RS 211.231), introduit par la réforme de 2013. Jusque­

là, les partenaires enregistrés ne pouvaient pas porter un nom commun. Les questions traitées se rapportant aux noms acquis lors d’une union précédente ne s’appliquent aux partenaires enregis­

trés avant 2013 que si l’un d’eux ou les deux avaient été marié­s avant leur partenariat enregistré. À défaut, les partenaires portaient nécessairement leurs noms de célibataire au moment de l’enregis­

trement. Notons également que la réforme en cours du droit du mariage devrait aboutir à la créa­

tion du mariage pour tous et l’abandon du partenariat enregistré en soi. Le droit du nom des parte­

naires enregistrés ne serait alors plus qu’un sujet du droit antérieur et du droit transitoire.

6 Ces réformes ont été initiées par les conseillères nationales S. Sandoz, en 1994 (cf. https://www.par­

lament.ch/fr/ratsbetrieb/suche­curia­vista/geschaeft?AffairId=19940434), et S. Leutenegger Ober­

holzer, en 2003 (cf. n. 7). Cf. aussi n. 4. Pour des analyses approfondies des projets soumis, ainsi que des indications sur les jurisprudence suisses et de la Cour européenne des droits de l’homme qui étaient à l’origine des réformes, voir Lamesta/Baddeley, Au nom du père et de la mère, FamPra.ch 2012, 570 ss, et in : Baddeley/Foëx/Papaux van Delden/Leuba (éds), Le droit civil dans le contexte international : Journée de droit civil 2011, Genève 2012, 77 ss ; Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), 108, 110 ss, et les chapitres topiques des 1re et 2e éditions de cet ouvrage.

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ont été rejetés en 2001 et 2009 respectivement, anéantissant dans chaque cas le tra­

vail de longues années. Par la suite, un certain essoufflement s’est fait jour dans tous les milieux. Sans trouver autant d’intérêt qu’auparavant dans le public et même dans les cercles politiques, les travaux parlementaires sur la nouvelle loi ont néanmoins été maintenus. Un projet de loi, élaboré par la Commission des affaires juridiques du Conseil des États – largement sur la base du projet de la Commission sœur du Conseil national présenté au Conseil national et rejeté par celui­ci en 2009 !7 – a été adopté par les Chambres le 30. 9. 2011. Malgré une certaine opposition au texte proposé,8 les délibérations dans les deux Chambres ont eu lieu dans une ambiance plus calme, empreinte aussi d’une certaine lassitude de cette réforme qui aura oc­

cupé les esprits – et le temps – des parlementaires et du public pendant 17 ans.

L’abdication générale devant le droit du nom explique peut­être que des nou- veautés de la loi insuffisamment étudiées et discutées au préalable sont, de surcroît, passé inaperçues ou ont été incomprises, et que l’impact de certaines modifications par rapport à la loi antérieure a été sous-estimé, comme la suite l’a prouvé. En effet, les options pour le nom des personnes mariées et à la disposition des parents pour leurs enfants sont multiples, mais leur utilisation est strictement cadrée – peut­être trop strictement – créant, dans tous les cas, une réglementation complexe. Par ail­

leurs, l’abolition du double nom légal, soit du nom prévu par le Code civil et inscrit au Registre d’état civil, qui existait entre 1988 et 2012, et la recommandation offi­

cielle aux personnes désireuses d’adopter un double nom de se replier sur le nom d’al­

liance semi­officiel et inscrit seulement sur certaines pièces d’identité, ont causé de la confusion et des frustrations. Une initiative parlementaire demandant la réintro- duction du double nom légal est pendante depuis 2017. D’autres aspects de la loi ap­

pellent également des clarifications et peut­être encore des adaptations législatives.

Les développements qui suivent entendent présenter l’essentiel du droit du nom actuel : les caractéristiques principales de ce droit au chapitre II, le nom de l’enfant au chapitre III, et le nom des personnes mariées, ainsi que le sort de ce nom après le

7 Commission des affaires juridiques du Conseil national, Rapport sur l’initiative Nom et droit de cité des époux. Egalité (initiative parlementaire Leutenegger Oberholzer), du 22 août 2008, FF 2009 365, 379 (ci­après Rapport 2008 ; https://www.admin.ch/opc/fr/federal­gazette/2009/365.pdf). Était aussi soumis aux Chambres : Conseil fédéral, Avis à propos du Rapport de la Commission des af­

faires juridiques du Conseil national sur l’initiative Nom et droit de cité des époux. Egalité, du 12 décembre 2008, FF 2009 389 (ci­après Avis du Conseil fédéral 2008 ; https://www.admin.ch/opc/

fr/federal­gazette/2009/389.pdf), 390, pt  2.1.  Pour la documentation complète, cf. Curia vista n. 03.428 ; https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche­curia­vista/geschaeft?AffairId=20030428.

Le nombre de projets et rapports soumis, dont certains à l’occasion des débats des projets 2009 et 2011 rend la recherche de documentation difficile, mais les prémisses appliquées ont été largement semblables entre 1994 et 2011.

8 Cf. n. 7. La loi a été acceptée par 117 contre 72 voix au Conseil national et par 32 contre 6 voix, avec 6 abstentions, au Conseil des États.

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mariage, au chapitre IV. Les développements se limiteront aux hypothèses les plus courantes et tenteront de faire ressortir des difficultés et questions irrésolues du droit actuel. Le régime introduit par l’art. 30 al. 1 CC2013 en matière de changement de nom est résumé, pour l’essentiel, au chapitre V, suivi au chapitre VI par une esquisse de l’initiative parlementaire de 2017 mentionnée ci­dessus. Au chapitre VII nous ti­

rons les leçons de l’analyse des chapitres précédents et formulons des propositions concrètes de dispositions légales souhaitables.

II. Caractéristiques principales du droit actuel : des nouveautés et une constante

1. L’égalité de traitement enfin réalisée

Le droit entré en vigueur le 1er janvier 2013 gomme les inégalités dont le droit antérieur était entaché. Pendant le mariage, chaque époux peut conserver son nom d’avant le mariage (art. 160 al. 1 CC2013) ou revenir à son nom de célibataire à tout moment (art. 8a Tit.fin. CC2013). Le couple peut aussi adopter, au moyen d’une simple déclaration faite à l’officier de l’état civil, un nom commun qui peut être le nom de célibataire du mari ou celui de l’épouse (art. 160 al. 2 CC2013).9 Les choix ouverts aux articles 270 et 270a CC2013 pour le nom de l’enfant sont les mêmes pour les pa­

rents mariés et non mariés qui portent des noms différents, pour autant que, s’agis­

sant des parents non mariés, ceux­ci exercent l’autorité parentale conjointement.10 L’égalité de traitement de l’épouse et de l’époux a été la raison et le but premier de la réforme. Le Rapport 2008 et les intervenants lors des débats au Parlement le soulignent à de multiples reprises et justifient, par cette même maxime, la « simplifi­

cation de la réglementation », dont sont victimes le double nom légal et la transmis­

sibilité du nom acquis lors d’un mariage.11

9 Sous le CC1988, la procédure était aussi simple si le couple avait choisi de porter le nom du mari (art. 160 al. 3 CC1988), mais pour adopter le nom de l’épouse comme nom commun, il fallait de­

mander l’autorisation du gouvernement du canton de domicile, en invoquant des motifs légitimes (art. 30 al. 2 CC1988).

10 Le régime actuel contraste avec celui de l’art. 270 CC1988 qui prévoyait le nom des conjoints pour les enfants de conjoints (al. 1) et le nom de la mère pour les enfants de parents non mariés (al. 2).

11 Voir en particulier le Rapport 2008 (n. 7), pt 5.1.1. Cf. aussi Curia vista n. 03.428 pour les autres do­

cuments pertinents ; les mentions sont trop nombreuses pour pouvoir être citées spécifiquement.

Plusieurs intervenants lors des débats aux Chambres ont toutefois aussi exprimé l’opinion que le texte proposé n’était pas simple. Le prétendre (Rapport 2008 [n. 6], pt 5.1.4) n’était pas réaliste, car des choix impliquent inévitablement une certaine complexité du texte légal. À notre avis, le souhait de produire une loi aussi simple que possible doit cependant être distingué de la question de savoir s’il était justifié d’éliminer certains choix.

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2. La nouvelle prédominance du nom de célibataire

Le droit actuel donne un rôle central au nom de célibataire : le nom commun d’un couple marié ne peut être que le nom de célibataire de l’un des époux et seul un tel nom peut être transmis aux enfants par un parent marié ou non (art. 160 al. 2 et 3, 270 et 270a CC2013). L’Ordonnance sur l’état civil définit le nom de célibataire à l’art. 24 al. 2 comme « le nom porté immédiatement avant la conclusion du premier mariage … » ou celui « acquis en tant que nouveau nom de célibataire sur la base d’une décision de changement de nom », selon l’art. 30 al. 1 CC2013.12

Ces nouvelles règles rendent le nom acquis par le mariage intransmissible et res- treignent de ce fait l’éventail des noms portés par les membres d’une famille.13 Elles appellent les remarques suivantes :

Le nouveau régime légal résulte plus fréquemment que le droit antérieur en des situations où les membres d’une famille changent de nom ou portent des noms diffé- rents, notamment à la suite de divorces et dans des familles recomposées. Citons l’exemple d’époux qui, avant leur mariage, portaient des noms acquis lors de mariages antérieurs et qui ont opté pour un nom commun : ce nom est différent, pour les deux, de leurs noms d’avant le mariage. Un autre exemple est celui de l’enfant dont les pa­

rents portent, chacun, un nom acquis lors d’un mariage antérieur : l’enfant acquiert le nom de célibataire de l’un d’eux et n’a donc de nom commun avec aucun de ses pa­

rents.14

L’accent mis sur le nom de célibataire ne pose peut­être pas de problème à de jeunes personnes pour qui ce nom fait encore partie de leur vécu récent. Les débats aux Chambres ainsi que les explications dans le Rapport 2008 semblent indiquer que c’était l’hypothèse de travail. Mais l’attachement au nom de célibataire peut être bien moindre pour de personnes plus âgées, lors de deuxièmes, troisièmes … mariages,

12 Les art. 8 et 12 OEC, en revanche, emploient le terme ambiguë de nom d’avant le mariage et ren­

voient aux al. 2 et 3 de l’art. 160 CC2013. Il est intéressant de relever qu’une disposition analogue dans le Code civil allemand (BGB) a été déclarée inconstitutionnelle et remplacée par le § 1355 (2) permettant la transmission, à choix, du nom de célibataire ou d’un nom acquis lors d’un mariage antérieur ; cf. CHK/Zeiter/Schlumpf, art. 160 CC, n. 3. Voir aussi chap. VI.

13 Sous le droit antérieur, le nom porté avant le mariage concerné devenait le nom de l’un des époux.

Il pouvait s’agir du nom de célibataire de cet époux ou de son nom acquis lors d’un mariage anté­

rieur (art. 160 al. 2 et 3 CC1988 et art. 12 al. 1 OEC1994). Le nom de l’enfant était, comme il l’est sous le droit actuel, dérivé du nom d’un parent (cf. n. 10), mais contrairement au droit actuel, il pou­

vait aussi s’agir du nom de ce parent acquis lors d’un mariage antérieur ou de son nom de céliba­

taire.

14 Allant plus loin encore : TA Zurich, décision VB.2018.00414, 19. 12. 2018. Dans ce cas, l’autorité zu­

richoise a refusé le double nom du père comme nom de l’enfant, alors que le nom du père, certes composé comme le nom d’alliance suisse, était néanmoins un double nom officiel obtenu par chan­

gement de nom en France et reconnu en Suisse (cf. consid. 4.2 de la décision).

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où le retour au nom de célibataire ne fait pas de sens, surtout en présence de descen­

dants d’unions antérieures.15

Le motif sous­tendant cette nouveauté légale, qui n’était d’ailleurs pas prévue dans le projet de la première réforme de 2000, n’est pas explicité dans les documents soumis aux Chambres. Le Rapport 2008 se contente d’indiquer que « .. le nom ac­

quis par mariage ne doit plus pouvoir être transmis à une nouvelle ou à un nouveau partenaire et aux futurs enfants communs » et que c’est pour cette raison également que les personnes divorcées et veuves peuvent revenir après la fin de leur union seu­

lement à leur nom de célibataire (pt 5.1.3). Il précise en plus que, globalement, « la réglementation juridique doit être simple et transparente » (pt 5.1.4). Lors des débats aux Chambres, l’importance de l’immutabilité du nom qui doit permettre aux femmes, comme traditionnellement aux hommes, de porter le même nom de la naissance à la mort a été soulignée par de nombreux intervenants.16 À notre avis, cet argument peut expliquer l’introduction de la possibilité du retour au nom de célibataire, mais ne jus­

tifie pas la réduction du choix, dans les situations visées, à deux solutions : conserver le nom acquis lors du mariage terminé ou reprendre le nom de célibataire. L’impos­

sibilité qui en résulte pour les personnes divorcées ou veuves de reprendre un nom légal antérieur, partagé précédemment avec les membres d’une autre famille, ne semble pas avoir été perçue lors des délibérations parlementaires. En consacrant ce nouveau principe, le législateur a également ignoré les règles en matière de nom lé­

gal : le nom qu’une personne adopte lors d’un mariage sur la base des dispositions du Code civil devient son nom légal, à l’exclusion d’autres noms (antérieurs).17 Il appar­

tient à son titulaire au même titre que le nom acquis à la naissance (qui n’est plus son nom légal !). Le principe qu’il ne peut y avoir qu’un nom légal est d’ailleurs confirmé par l’art. 24 al. 2 OEC, selon lequel un nom acquis par changement de nom est, dès lors, son « nom de célibataire ». Il n’y a donc pas de justification pour rendre le nom légal acquis lors d’un mariage intransmissible et de le déclasser, de ce fait, en une ca­

tégorie inférieure à celle du nom de célibataire.

La loi actuelle étant ce qu’elle est, ces constats méritent d’être pris en compte en tout cas dans l’appréciation d’éventuelles requêtes en changement du nom afin de pou­

voir porter comme nom légal le nom acquis lors d’un mariage antérieur (art. 30 al. 1 CC2013). En effet, au plus tard après avoir été porté un certain temps, le nom fait partie de la personnalité de son titulaire. L’atteinte à la personnalité de la personne

15 Dans ce sens aussi Hausheer/Aebi­Müller, Das Personenrecht des Schweizerischen Gesetzbuches, 4e éd., Berne 2016, n. 16.18b.

16 Cf. Curia vista n. 03.428 pour les références dans les documents pertinents ; les mentions sont trop fréquents pour pouvoir être citées spécifiquement.

17 Cf. ATF 100 II 290, consid. 3.b) qui en tire toutefois une conclusion par rapport à la transmissibi­

lité du nom légal modifié par rapport aux enfants « illégitimes » qui ne serait plus acceptable au­

jourd’hui. Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), n. 96 ss. Voir aussi les suggestions au chap. VI.

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qui, pour pouvoir transmettre son nom, doit abolir un nom acquis selon la loi pour revenir à un nom avec lequel elle ne s’identifie plus est manifeste.18 Il est vraisem­

blable que de telles actions seront intentées quasi­exclusivement par des femmes.

3. L’illusion de l’immutabilité du nom

Contrairement aux droits de 1912 et 1988, l’actuel droit du nom est généralement décrit comme ayant consacré l’immutabilité du nom.19 Toutefois, cette affirmation s’est révélée non réaliste, car elle ne correspond pas à la situation réelle de nombreuses personnes.

Le CC2013 abolit, en effet, l’exigence du droit antérieur d’un nom de famille commun – qui était d’ordinaire celui du mari –, et de ce fait permet théoriquement le maintien, par chacun des époux, de son nom de célibataire, tant au premier ma­

riage qu’aux éventuels mariages subséquents.20 Dans cette hypothèse, comme dans celle de la personne qui ne se marie jamais, le nom est véritablement immuable.

Mais les situations où la loi prévoit un changement de nom au cours de la vie d’une personne sont nombreuses. Il s’agit principalement des cas suivants :

– Si le couple marié opte pour un nom commun, l’un des époux abandonne son nom porté avant le mariage, comme sous les CC1912 et 1988 ; son nom n’est donc pas immuable. Le choix d’un nom commun implique éventuellement même un changement de nom pour les deux époux, si l’époux dont le nom est choisi ne porte pas son nom de célibataire avant le mariage. Notons qu’environ 75% des couples mariés en Suisse depuis 2013 ont adopté un nom commun, presque tou­

jours le nom du mari.21 Cf. chap. IV.1 et VI.

– Lors de la dissolution du mariage par un divorce ou le décès d’un des époux, l’époux qui a changé de nom peut revenir à son nom de célibataire ; comme le nom acquis à la naissance, celui acquis par mariage n’est donc pas immuable. Cf.

chap. IV.

18 Dans ce sens au sujet des noms d’usage (Rufname) : ATF 143 III 3, consid. 3.4.

19 ATF 145 III 49, consid. 3.1 ; ATF 140 III 577, consid. 3.2. Steinauer/Fountoulakis, Droit des per­

sonnes physiques et de la personnalité, Berne 2014, n. 409. Voir aussi Rapport 2008 (n. 7), pt 3.2, et Avis du Conseil fédéral 2008 (n. 7), pt 2.

20 Commbâlois/Bühler, art. 160 CC, n. 1, avec références ; Tuor/Schnyder/Schmid/Jungo, ZGB – Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 14e éd. 2015, § 28, n. 11.

21 Cf. Statistique des noms de famille des personnes mariées 1998­2018 publiée par l’Office fédéral de la statistique (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/mariages­partenaires­

divorces/nuptialite.assetdetail.8926520.html). Pour plus de détails chiffrés, cf. n. 59 et 62. Le phé­

nomène est semblable pour les quelques 5000 couples mariés à l’étranger chaque année, mais d’autres modalités pour le nom existent pour cette catégorie qui n’a donc pas été prise en compte dans cet article.

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– Quant aux enfants, le nom déterminé à leur naissance peut être modifié dans certaines hypothèses non rares par l’effet d’une simple déclaration des parents.

L’enfant change donc son nom. Cf. chap. III.

– Un changement du nom peut être obtenu, comme le stipule l’art. 30 al. 1 CC2013, pour des motifs légitimes, donc à des conditions moins sévères que sous les droits antérieurs. Cf. chap. V.

Force est ainsi de constater que le nom du droit actuel est, en fait, moins im­

muable que sous les CC1988 et CC1912, notamment sous l’empire de ce dernier qui consacrait une véritable immutabilité du nom … de l’homme.

En dépit des bonnes intentions du législateur, la loi actuelle n’a pas changé les mentalités, ce qui prouve, si besoin était, que la loi doit suivre l’évolution de la société et qu’elle ne peut pas imposer de changements radicaux, ni aller à son encontre. Grâce à la nouvelle loi, le mariage ne devait pas avoir d’incidence sur le nom des époux, ren­

dant le double nom légal superflu. Mais les rédacteurs du Rapport 2008 et les parle­

mentaires ont ignoré ou fortement sous­estimé le vœu de la majorité des couples d’ex­

primer leur union par le nom : ce qui devait être l’exception aux yeux du législateur est, dans la réalité, la règle, avec la majorité des couples mariés optant chaque année pour un nom de famille commun.

4. Le nom d’alliance : roue de secours du législateur

La constante en matière de droit du nom suisse, depuis 1912, est le nom d’al- liance. Ce double nom relève de la coutume, n’est pas réglementé par le Code civil et a donc échappé aux différentes réformes du droit du nom.22 Le nom d’alliance a existé et a été utilisé parallèlement aux noms légaux, avant 1988 et depuis 2013 comme seul double nom de personnes mariées, et entre 1988 et 2012, à côté du double nom prévu par la loi. Largement utilisé, aujourd’hui comme par le passé, le nom d’alliance représente donc, malgré son caractère extra­légal, la constante à travers les diffé­

rentes versions du droit du nom. Et ce au point que le législateur de 2011 a renvoyé au nom d’alliance comme substitut du double nom légal aboli.23 Pour le détail, voir chap. IV.2 et VI.

22 ATF 143 III 3, consid. 3.3.2.

23 Rapport 2008 (n. 7), pt 2.1.

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III. Le nom de l’enfant

Il découle des art. 270 et 270a CC2013,24 que le nom de l’enfant dépend de sa fi­

liation et se détermine selon le nom d’au moins l’un de ses parents.25 Les options et solutions sont multiples et impliquent, dans de nombreuses situations, un changement du nom initial de l’enfant. Sont présentées ci­après les hypothèses le plus usuelles s’agissant d’enfants de parents non mariés (ci­dessous 1.) et mariés (ci­dessous 2.), ainsi que quelques situations particulières (ci­dessous 3.) et une conclusion intermé­

diaire (ci­dessous 4.).26 Un double nom de l’enfant, composé des noms différents de ses deux parents, n’est autorisé dans aucun cas (voir chap. VI).27

1. Le nom de l’enfant de parents non mariés

Le nom de l’enfant de parents non mariés dépend de l’exercice de l’autorité pa­

rentale par un seul ou ses deux parents, ainsi que du moment de l’instauration de l’au­

torité parentale conjointe. L’autorité parentale conjointe des deux parents non ma­

riés est acquise, dans la majorité des cas, sur la base de la reconnaissance de l’enfant par son père et d’une déclaration des parents au sens de l’art. 298a al. 1 et 4 CC2013, par laquelle ils déclarent vouloir exercer l’autorité parentale conjointe.

Lorsqu’un seul parent non marié est investi de l’autorité parentale, l’enfant porte le nom de célibataire de ce parent (art. 270a al. 1 CC, 1re phr.). Ce nom n’est pas né­

cessairement le nom que ce parent porte à la naissance de l’enfant (ci­dessus II. 2).

Exemple 1 : Antoine, qui vient de naître comme fils de Delphine Dufour, non mariée et seule détentrice de l’autorité parentale, porte son nom de famille qui est aussi son nom de céliba­

taire, soit Dufour.

Exemple 2 : Si, toutefois, Delphine, née Dufour, porte le nom de Gétaz acquis lors d’un ma­

riage antérieur à la naissance de son fils, Antoine s’appelle Dufour, alors que Delphine conti­

nue de porter le nom Gétaz.

24 Nous incluons dans le terme CC2013 la modification des dispositions concernant le nom de l’enfant intervenues en raison du nouveau droit de l’entretien avec effet au 1. 7. 2014. Pour des détails, Cf.

Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6e éd., Genève/Zurich/Bâle 2019, n. 827 ss.

25 Pour l’effet de l’adoption sur le nom de l’enfant, renvoi est fait à la doctrine. L’enfant adopté prend le statut de l’enfant né du ou des parents adoptif(s), selon l’art. 267 al. 1 CC2013, et son nom se dé­

termine, en vertu de l’art. 267a al. 2 et 3 CC2017 qui renvoie aux dispositions relatives aux effets de la filiation ; sous réserve du cas évoqué à l’al. 4 de cet article, les règles expliquées ci­après s’ap­

pliquent donc à lui au moment de son adoption. Voir aussi Meier/Stettler (n. 24), n. 855 ss.

26 Pour plus de détails, cf. Meier/Stettler (n. 24), n. 835 ss.

27 Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), n. 92.

(11)

Les père et mère non mariés investis, au moment de la naissance de leur premier enfant, de l’autorité parentale conjointe choisissent l’un de leurs noms de célibataires comme nom de leur enfant (art. 270a al. 1 CC, 2e phr.).28

Exemple 3 : Dès sa naissance, Antoine est placé sous l’autorité parentale conjointe de Del­

phine Dufour et Matthieu Weber. Chacun de ses parents porte son nom de célibataire. Leur fils s’appelle soit Antoine Dufour, soit Antoine Weber, au choix de ses parents.

Exemple 4 : Dans la même situation familiale que celle de l’exemple 3, Delphine porte le nom de Gétaz (exemple 2). Matthieu et Delphine ont comme choix pour le nom de leur enfant Du­

four ou Weber, mais pas Gétaz.

Exemple 5 : La constellation familiale est la même que celle de l’exemple 4, à l’exception du nom de Matthieu qui, lui aussi, est un nom acquis lors d’un mariage précédent. Le nom de cé­

libataire de Matthieu est Rougemont. Antoine peut donc s’appeler Dufour ou Rougemont, mais ni Gétaz, ni Weber.

Dans les cas où l’autorité parentale conjointe est instituée après la naissance du premier enfant, l’enfant porte le nom du parent seul investi de l’autorité parentale jusque­là (art. 270a al. 1 CC2013, 1ère phr. ; cf. 1.1). L’art. 270a al. 2 CC2013 autorise alors les parents à déclarer, dans le délai d’une année à partir de l’institution de l’au­

torité parentale conjointe, à l’officier de l’état civil que leur enfant porte le nom de l’autre parent.

Lorsque l’autorité parentale conjointe n’est instaurée que sous le droit actuel, mais que l’enfant est né avant 2013, le nom de l’enfant peut également être modifié en application de l’art. 270a al. 2 CC2013.29 L’enfant aura pris le nom de sa mère à sa naissance, qui peut être le nom de célibataire de celle­ci, son nom acquis lors d’un mariage antérieur ou le premier d’un double nom également pris lors d’un mariage précédent (art. 270 al. 2 CC1988). Le nom de l’enfant peut donc être changé en le nom du père, mais pas au nom de célibataire de la mère qui nécessite une procédure en changement de nom (art. 30 al. 1 CC2013). L’art. 270a al. 2 CC2013 n’est pas non plus applicable si l’autorité parentale appartenait, sous le droit antérieur, au père ou conjointement aux deux parents. Dans ces cas, le changement du nom de l’enfant en le nom de célibataire de l’autre parent, par une simple déclaration des parents, était autorisé, selon l’art. 13d al. 2 Tit.fin. CC2013 jusqu’au 31. 12. 2013, et ne peut être re­

quis, depuis lors, que par le biais d’une procédure de changement de nom selon l’art. 30 al. 1 CC2013.

Exemple 6 : L’autorité parentale, initialement exclusivement celle de Delphine, est instaurée lorsqu’Antoine a quelques mois. Antoine Dufour (exemples 1 et 2) ne change pas automati­

quement de nom. Les parents peuvent toutefois, dans le délai d’un an à partir de l’instaura­

tion de l’autorité conjointe, déclarer à l’officier de l’état civil qu’Antoine s’appelle dorénavant Antoine Weber (exemple 4) ou Antoine Rougemont (exemple 5).

28 Voir n. 30 pour les cas où les parents ne font pas ou ne peuvent pas faire ce choix.

29 Pour le droit brièvement applicable entre le 1. 1. 2013 et le 31. 6. 2014, cf. Meier/Stettler (n. 24), n. 837.

(12)

Exemple 7 : Antoine est né en 2012. En vertu du droit du nom en vigueur à ce moment, il a pris le nom de sa mère divorcée, soit Gétaz (exemple 2). L’instauration récente de l’autorité parentale conjointe de Delphine et de Matthieu ouvre la voie à une déclaration de change­

ment de nom d’Antoine à Weber (exemple 4) ou Rougemont (exemple 5), ou encore, à la suite d’une procédure en changement de nom, à Dufour (exemple 2).

Les choix énumérés concernant le nom sont soumis à la condition du consente­

ment de l’enfant de 12 ans révolus, cf. ci­dessous 3.1. Ils s’appliquent à tous les en­

fants ultérieurs communs de ce couple (art. 270a al. 1, 2e phr. et al. 2, 2e phr. CC2013).

Pour l’enfant reconnu qui n’est pas le premier enfant commun du couple, cf. ci­des­

sous 3.

2. Le nom de l’enfants de parents mariés

Les parents qui adoptent un nom commun à leur mariage (art. 160 al. 2 CC2013) transmettent ce nom à leur premier enfant né après leur mariage et à tous ceux qui suivent (art. 270 al. 3 CC2013).

Exemple 8 : À leur mariage, Delphine et Matthieu prennent comme nom commun le nom de célibataire de Matthieu : Rougemont. Antoine qui naît après leur mariage s’appelle Antoine Rougemont ; les futurs autres enfants de Delphine et Matthieu s’appelleront également Rou­

gemont.

L’enfant commun né avant le mariage et dont les parents choisissent un nom com- mun à leur mariage prend également ce nom (art. 270 al. 3 CC2013). Cela peut en­

traîner un changement du nom de l’enfant (art. 259 CC2013). Il faut, toutefois, que la paternité juridique du père soit établie par une reconnaissance ou un jugement. Pour le changement du nom de l’enfant de 12 ans révolus, cf. ci­dessous 3.

Exemple 9 : Matthieu et Delphine ont eu trois enfants avant de se marier : les jumeaux Solène et Patrick, et Antoine, tous dûment reconnus par leur père à la naissance. En tant que couple marié, ils portent comme nom commun Rougemont, soit le nom de célibataire de Mat­

thieu (exemple 5). Les trois enfants s’appellent Rougemont dès le mariage de leurs parents et perdent le nom porté antérieurement, en principe le nom de la mère (ci­dessus, les exemples donnés sous 1.).

Les époux qui conservent leurs noms pendant leur mariage choisissent en prin­

cipe au moment de la conclusion de leur mariage le nom de célibataire de l’un d’eux qui sera celui de leurs futurs enfants (art. 160 al. 3 et 270 al. 1 CC2013).

Exemple 10 : À leur mariage, Delphine et Matthieu qui portent leurs noms de célibataire de Dufour et Rougemont, conservent leurs noms. Ils choisissent le nom de Rougemont pour leurs futurs enfants. Antoine, leur premier enfant, naît peu de temps après leur mariage. Il prend le nom de Rougemont, comme ce sera le cas de ses futurs frères et sœurs, enfants communs de Delphine et Matthieu. Le choix du nom de Delphine aurait mené à ce que le nom des en­

fants soit Dufour.

(13)

Exemple 11 : Si, pendant son mariage avec Matthieu, Delphine conserve le nom de Gétaz ac­

quis lors de son mariage antérieur (exemple 4), et que le choix des époux au moment de leur mariage est celui du nom de célibataire de Matthieu (exemple 10), Antoine s’appelle Rouge­

mont, comme ce sera le cas des futurs enfants communs du couple. Dans le cas où le choix des époux tombe sur le nom de célibataire de Delphine, tous les enfants porteront le nom de Dufour, bien que Delphine puisse conserver le nom Gétaz (art. 160 al. 2 CC2013). Les en­

fants ne porteraient alors aucun des noms actuels de l’un de leurs parents.

Exemple 12 : Il y aura également trois noms dans la famille dans l’hypothèse où Matthieu maintient, comme Delphine, son nom acquis lors de son mariage antérieur : Delphine Gétaz et Matthieu Weber (exemple 5) n’ont de choix pour Antoine et ses futurs sœurs et frères qu’entre Rougemont et Dufour.

Les parents qui ont choisi le nom de leurs futurs enfants au moment de leur ma- riage « peuvent demander conjointement, dans l’année suivant la naissance du pre­

mier enfant, que l’enfant prenne le nom de célibataire de l’autre conjoint » (art. 270 al. 2 CC2013).

Exemple 13 : Antoine est né quelques mois après le mariage de ses parents. Selon le choix de ses parents opéré au moment de leur mariage, il prend le nom de célibataire de son père, sans égard au nom actuel de Matthieu, soit Rougemont (exemple 5). Le couple peut demander dans l’année suivant sa naissance qu’Antoine prenne le nom de célibataire de sa mère. Il s’appel­

lera, dans ce cas, Antoine Dufour (exemple 1). Le fait que, pendant son mariage avec Mat­

thieu, Delphine porte le nom de Gétaz, alors que son nom de célibataire est Dufour, ne mo­

difie pas ce choix. Les trois membres de la famille porteront simplement trois noms différents.

Les parents mariés qui ne portent pas le même nom et qui n’ont pas fait le choix du nom de leurs futurs enfants au moment de leur mariage (dispense de l’officier de l’état civil, mariage antérieur à 2013 ou à l’étranger) décident au moment de la nais­

sance de leur premier enfant entre le nom de célibataire de l’épouse et celui de l’époux.

Dans le silence du CC2013, cette éventualité est réglée par l’art. 37 al. 2 OEC2014.

En effet, l’enfant a droit à un nom à sa naissance, selon l’art. 7 al. 1 de la Convention sur les droits de l’enfant30 et les art. 15a al. 1 et 19 OEC. Les parents sont donc, en principe, obligés de faire un choix au plus tard à ce moment ; à défaut, le choix du nom du père ou de la mère pour l’enfant doit être fait par l’Autorité de protection de l’enfant, à titre de mesure protectrice de l’enfant (art. 307 CC2013).31 Ce nom sera également le nom des futurs autres enfants communs. Ce choix est définitif ; les pa­

rents ne bénéficient pas de l’option de l’art. 270 al. 2 CC2013.32

30 Convention relative aux droits de l’enfant, 20. 11. 1989 (CDE ; RS 0.107).

31 Steinauer/Fountoulakis (n. 19), n. 391. Tel est aussi le cas si des parents non mariés investis de l’au­

torité parentale conjointe ne procèdent pas à ce choix ou ne peuvent pas le faire (cf. 1.2 ci­dessus).

32 Meier/Stettler (n. 24), n. 869 ss.

(14)

Exemple 14 : Antoine qui naît deux ans après le mariage de ses père et mère qui n’ont pas fait le choix de son nom précédemment s’appellera Antoine Dufour ou Antoine Rougemont se­

lon le choix des parents.

3. Les situations spéciales

Une des normes les plus intéressantes du Code civil actuel est sans doute l’art. 270b CC2013, une nouveauté introduite par la réforme de 2013. Cette disposi­

tion légale exige le consentement de l’enfant dès ses 12 ans révolus pour une modifi- cation de son nom sur la base des dispositions citées ci­dessus et sur celle de l’art. 30 al. 1 CC2013 ; la capacité de discernement d’un enfant de cet âge est à cet égard pré­

sumée. L’art. 270b CC2013 témoigne du respect du législateur pour l’identité que s’est formée, entre autres à travers son nom, l’enfant approchant l’adolescence. Un éven­

tuel changement du nom peut, en effet, avoir un impact considérable sur la person­

nalité d’un jeune de cet âge. Si l’enfant refuse le changement de nom souhaité par ses parents ou prévu par la loi dans certaines situations (mariage des parents, adoption, désaveu par le père33) – il conserve, contrairement à ses frères et sœurs de moins de 12 ans, le nom porté jusqu’alors et il n’y a plus d’identité des noms des enfants des mêmes parents.34

Exemple 15 : Antoine Gétaz a 13 ans au mariage de ses parents qui ont choisi comme nom commun le nom de célibataire de Matthieu, Rougemont. Les enfants de Delphine et de Mat­

thieu s’appellent, en principe, Rougemont et doivent changer de nom si leur nom avant le ma­

riage de leurs parents était différent (voir ci­dessus 2). Antoine peut s’y refuser et conserver son nom de Gétaz, contrairement à ses frères et sœurs qui n’ont pas encore 12 ans révolus. Il n’y aura donc pas d’unité de nom dans la fratrie.

Selon l’art. 11a OEC2014, l’enfant reconnu qui n’est pas le premier enfant com­

mun de parents non mariés obtient le nom de célibataire du parent que portent les autres enfants de ce couple en application de l’art. 270a CC, indépendamment de l’exercice conjoint ou exclusif de l’autorité parentale.

L’hypothèse où l’enfant antérieur de parents non mariés est né avant l’entrée en vigueur du droit actuel et porte le nom de sa mère au moment de sa naissance (art. 270 al. 2 CC1988) n’est pas réglée dans le CC2013 ou dans l’OEC2014. Ce nom pouvait être le nom de célibataire de la mère ou un nom acquis par un mariage antérieur.35 Or, la transmission d’un nom de ce dernier type n’est plus prévue dans le CC2013 et

33 Pour les détails de la situation en cas de désaveu et de la contestation de la reconnaissance d’un en­

fant par son père, cf. Meier/Stettler (n. 24), n. 854.

34 Le même souci de préserver l’identité d’un garçon de 15 ans ressort de la décision TF 5A_624/2010, 17. 3. 2011, consid. 3.3.2. et 3.3.3 (adoption définitive d’un nom d’usage, à la place du nom légal ja­

mais utilisé depuis sa naissance).

35 Commromand/Sandoz, art. 270 CC, n. 18.

(15)

le changement de nom de cet enfant antérieur non plus. Il convient d’en conclure, à notre avis, que le principe de l’unité du nom de la fratrie n’est pas applicable à de tels cas et que l’enfant né avant 2013 conserve son nom, alors que le premier enfant né après l’introduction du droit actuel acquiert son nom selon l’art. 270a al. 1 CC2013 et que ce nom sera également celui des enfants ultérieurs du même couple non ma­

rié. Seul un changement de nom de l’enfant né sous le droit antérieur peut alors abou­

tir à l’unité des noms de la fratrie (art. 30 al. 1 CC2013 ; ci­après V).

Exemple 16 : Antoine, deuxième enfant de Delphine et de Matthieu après Léonie, née en 2018, acquiert ainsi dès sa reconnaissance par Matthieu le nom que porte déjà Léonie, soit Dufour, le nom de célibataire de sa mère à la naissance de Léonie.

Exemple 17 : Léonie (exemple 16) est née en 2012 alors que sa mère était déjà divorcée, mais avait conservé le nom de Gétaz acquis lors du mariage. Le nom de Léonie n’a pas été déter­

miné sur la base de l’art. 270a CC2013, mais sur celle de l’art. 270 CC1988 ; elle s’appelle Gé­

taz. Antoine s’appelle Dufour et Léonie continue de s’appeler Gétaz (respect de l’intransmis­

sibilité d’un nom autre que le nom de célibataire, mais appliquée au seul enfant né sous l’empire du CC2013).

Parmi les hypothèses spéciales, évoquons également le cas où aucun des parents non mariés n’est investi de l’autorité parentale et dont il découle que l’enfant obtient à sa naissance le nom de célibataire de la mère (270a al. 3 CC2013). L’enfant porte aussi le nom de la mère dans les cas, où une paternité juridique n’existe pas (art. 270 al. 1, 1ère phr. CC2013).

Selon l’art. 270a al. 4 CC2013, le nom étant déterminé selon les règles indiquées ci­dessous ne change pas à un moment ultérieur en raison d’un éventuel changement dans l’exercice de l’autorité parentale. Pour aboutir à un changement du nom de l’en­

fant, dans ces cas, les parents peuvent entamer une procédure en changement de nom aux conditions de l’art. 30 al. 1 CC2013 (ci­après V).

4. En guise de conclusion intermédiaire 

Le Code civil de 2013, en prévoyant à ses art. 270 al. 2 et 270a al. 2, le droit des parents, qui avaient fait le choix initial du nom de l’enfant, de changer ce nom sur la base d’une déclaration commune crée une inégalité de traitement : ces options ne sont pas données lorsque le nom de l’enfant n’est choisi qu’à sa naissance par les pa­

rents mariés (cf. art. 160 al. 3 CC2013) et dans les cas où les parents non mariés sont investis de l’autorité parentale conjointe à la naissance de l’enfant.

La différence de traitement n’est pas anodine : une simple déclaration pour les uns, une procédure plus complexe basée sur l’art. 30 al. 1 CC2013 pour les autres (ci­dessous V). La justification de cette différenciation entre enfants selon la date et l’occasion du choix de leur nom n’est pas apparente dans tous les cas. Les possi­

bilités de changement du nom de l’enfant prévues dans le CC2013 paraissent moti­

(16)

vées par l’éventuelle longue période entre le choix du nom de l’enfant au mariage et la naissance du premier enfant, pour la première hypothèse, et pour donner un pouvoir décisionnel au parent non marié qui ne l’avait pas avant l’institution de l’au­

torité parentale conjointe, dans l’hypothèse de l’art. 270 al. 2 CC2013. Or, la pre­

mière hypothèse n’est souvent pas celle qui se produit dans la réalité. Un couple marié qui a choisi le nom de l’enfant lors du mariage peut devenir parents dans les mois ou semaines suivant leur mariage – un cas de figure fréquent ! – et profite du délai d’une année pour éventuellement décider du nom de l’autre parent pour l’en­

fant. Mais il n’y a alors guère de différence entre la situation de ce couple et celle du couple qui choisit le nom de l’enfant à sa naissance peu après le mariage. Or, ce dernier n’a pas la possibilité de changer le nom de l’enfant par une simple déclara­

tion. Deux situations familiales semblables sont traitées différemment.36 Par ail­

leurs, quoiqu’il en soit du moment ou de l’occasion du choix du nom de l’enfant, ce choix peut s’avérer inadéquat ou malheureux dans différentes situations. Ces argu­

ments militent à notre avis pour l’option d’un changement du nom de l’enfant dans l’année qui suit sa naissance aux mêmes conditions en toute hypothèse,37 voire pour le double nom de l’enfant.

Il convient de souligner que, globalement, le droit du nom 2013, malgré la li­

mitation aux seuls noms de célibataires des parents, permet une variété de noms des enfants et tient ainsi compte de la réalité vécue dans les relations familiales. Le prix à payer pour une telle flexibilité est l’éventuelle accumulation de noms dans une famille, entre les noms des parents et ceux des enfants. De lege lata, une réduc­

tion des noms dans une famille peut être obtenue par le biais d’un changement de nom selon l’art. 30 al. 1 CC qui, toutefois, entraîne des complications souvent pu­

rement formelles et de l’incompréhension des personnes concernées. De lege fe- renda, ces problèmes pourraient être évités en permettant aux parents de trans- mettre leurs noms actuels même s’il ne s’agit pas de noms de célibataire. Tel était le régime sous le Code civil 1988. Il en va de même du double nom de l’enfant. Le double nom de l’enfant ôterait le danger que le nom de l’enfant soit dégradé en ob­

jet de négociations entre futurs époux38. Il laisse l’enfant se forger son identité propre sans influence préalable d’une des deux lignes parentales, que ce soit dans le contexte multi­relationnel d’une famille recomposée, mais aussi dans les cas où l’en­

fant vit avec ses deux parents.

36 Meier/Stettler (n. 24), n. 869, suggèrent un délai de réflexion de quelques jours si le nom de l’en­

fant n’a pas été déterminé par les parents au moment de leur mariage et qu’à la naissance, les pa­

rents ne sont pas décidés, mais réfutent la possibilité d’une application de l’art. 270 al. 2 CC2013.

37 Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), n. 109b.

38 Pittner, Am fairsten und am schönsten wären Doppelnamen für alle, NZZ 20. 5. 2018, 17.

(17)

Notons enfin que, comme les lois antérieures, le Code civil 2013 ne répond pas explicitement39 à la question de savoir si un changement de nom des parents qui, d’or­

dinaire, a des répercussions sur le nom des enfants, déploie ses effets également par rapport aux descendants majeurs (et par conséquent également aux personnes dont le nom dépend de ceux­ci). Vu son impact sur un adulte, il paraît justifié qu’un chan­

gement de nom ne puisse pas lui être imposé par les parents qui décident de modifier leur nom, p. ex. en se mariant sur le tard. L’application ou une interprétation (par ana­

logie) de l’art. 270b CC2013,40 ou, mieux encore, une disposition spécifique dans le futur Code civil aboutirait à ce résultat sans que le descendant ne doive intenter une procédure en changement de nom de l’art. 30 al. 1 CC2013 dans une telle situation.

IV. Le nom en cas de mariage et de démariage

Le nom acquis selon les règles exposées au chapitre III ou par changement de nom selon l’art. 30 al. 1 CC2013 (ci­dessous chap. V) reste le même tant que la per­

sonne concernée ne se marie pas, mais peut changer en raison d’un mariage, d’un di­

vorce ou de la dissolution du mariage à la suite du décès du conjoint.41

La philosophie qui sous­tend le droit actuel se distingue nettement de celle du Code civil de 1912. Ce dernier consacrait l’immuabilité du nom des hommes et la prédominance du nom du mari et la transmissibilité du seul nom du père aux enfants de couples mariés (cf. ci­dessus II.2). Depuis la réforme de 1988 et grâce aux modi­

fications législatives ultérieures, une nouvelle conception régit le droit du nom. Au­

cun des noms des époux ne jouit d’un privilège consacré par la loi, le régime par dé­

faut ancré dans l’art. 160 al. 1 CC2013 prévoit, en effet, que chaque époux garde son nom. Le couple désireux de porter un nom commun a le choix entre le nom de la femme et le nom de l’époux moyennant les mêmes formalités dans l’une et dans l’autre hypothèse. Depuis 2013 et contrairement aux règles en vigueur jusque­là depuis 1988, ce choix est toutefois limité aux noms de célibataire des personnes concernées et n’in­

clu plus celui du double nom.

39 A l’exception du droit de l’adoption selon l’art. 267a al. 3 CC2013 ; voir à ce sujet, Meier/Stettler (n. 24), n. 864. Il en va de même pour la requête en changement de nom qui ne peut être soumise par les parents qu’au nom d’enfants mineurs, et son succès ne devrait donc pas se répercuter sur le nom des descendants majeurs ; Steinauer/Fountoulakis (n. 19), n. 420. Pour les références à la doctrine et une discussion détaillée de cette question, cf. Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), n. 130 s.

40 Les explications du Rapport 2008 (n. 7), 17 s., se concentrent entièrement sur les mineurs. Pour les références, cf. n. 7, ainsi que Meier/Stettler (n. 24), nbp 2012.

41 La dissolution du mariage par l’annulation du mariage n’est pas traitée dans cet exposé ; l’effet sur le nom des (non­)époux est le même qu’en cas de divorce (art. 105 ss, en particulier art. 109 al. 2 CC2008).

(18)

1. Le détail des solutions légales dans les hypothèses courantes est le suivant : Lors de son premier mariage, les deux époux peuvent conserver leurs noms qui sont forcément des noms qualifiés de « célibataire » (art. 160 al. 1 CC2013) ou choi­

sir, d’un commun accord, un des deux noms des époux comme nom commun (art. 160 al. 2 CC2013).

Exemple 18 : Caroline Cordier et Sébastien Senn peuvent s’appeler après leur mariage : Caro­

line Cordier et Sébastien Senn, ou Caroline et Sébastien Cordier, ou Caroline et Sébastien Senn.

À la dissolution d’un mariage par le divorce, chaque époux conserve le nom porté jusqu’alors. Celui des époux qui a changé de nom lors de ce mariage peut re­

venir à son nom de célibataire, sans limitation dans le temps, au moyen d’une décla­

ration à l’officier de l’état civil, sur la base de l’art. 119 CC2013, en cas de divorce, ou de l’art. 30a CC2013, après la dissolution de l’union par le décès de l’un des époux.

Pour les personnes dont le mariage a pris fin avant 2013, cf. développements ci­des­

sous conc. art. 8a Tint.fin.

Exemple 19 : Dans les hypothèses évoquées dans l’exemple 18, Caroline Cordier et Sébastien Senn conserveront ces noms après leur divorce ou le décès du conjoint. Caroline Senn peut aussi reprendre son nom de Cordier et Sébastien Cordier peut revenir à son nom de Senn après la dissolution de l’union.

Les principes de l’art. 160 CC2013 s’appliquent également en cas de remariage, mais la situation peut être plus complexe si l’un ou les deux époux portent un nom acquis lors d’un mariage antérieur, conclu sous l’empire du CC1988.

Comme lors d’un premier mariage, chaque époux peut conserver le nom qu’il ou elle portait avant le mariage, même s’il ne s’agit pas de son nom de célibataire (art. 160 al. 1 CC2013). Le choix d’un nom commun selon l’art. 160 al. 2 CC2013 leur reste également ouvert, mais est restreint à l’un des deux noms de célibataire des époux. Il n’est donc pas impossible que, pour adopter un nom commun, les deux époux doivent changer de nom. Même si les deux époux ne souhaitent pas porter un nom commun, chacun d’eux peut à tout moment revenir à son nom de célibataire par une déclaration au sens de l’art. 119 ou 30a CC2013, ou encore de l’art. 8a Tit.fin.

CC2013 (cf. ci­après). Comme explicité dans le chapitre précédent III, un éventuel changement du nom des époux peut se répercuter sur le nom de leurs enfants com­

muns.

Exemple 20 : Caroline Souza, née Cordier, peut ainsi garder le nom Souza lors de son deu­

xième mariage ; il en va de même pour son mari, Sébastien Steiner, né Senn. Toutefois, le nom commun du couple ne peut être que Cordier ou Senn.

L’art. 8a Tit.fin. CC2013, ouvre l’option de reprendre son nom de célibataire éga­

lement aux personnes mariées avant l’entrée en vigueur de la loi actuelle, que leurs unions aient été dissoutes ou pas, et sans égard à la cause de l’éventuelle dissolution.

(19)

Ce choix appartient à chacun des époux indépendamment du même choix ou de l’ab- sence d’un tel choix par le conjoint. Il s’agit donc d’une possibilité supplémentaire à celles prévues aux art. 119 et 30a CC2013.

Exemple 21 : En l’absence d’un nom commun dans leur mariage qui est le deuxième mariage pour chacun d’eux, Caroline Souza peut déclarer vouloir reprendre son nom de Cordier et Sébastien Steiner celui de Senn. Le couple pourrait donc s’appeler Caroline Cordier et Sé- bastien Steiner, Caroline Souza et Sébastien Senn, ou encore Caroline Cordier et Sébastien Senn.

Exemple 22 : L’art. 8a Tit.fin.CC2013 s’appliquant sans limitation dans le temps, la mère de Caroline Cordier, née Murielle Chevalier, mariée sous l’empire du CC1912 et qui devait prendre le nom de son mari, ainsi que la sœur de Caroline, mariée en 2010 et qui a pris le double nom composé de celui de son mari et du sien s’appelant ainsi Miranda Cordier Kempf, en bénéficient également. Elles peuvent toutes les deux reprendre leurs noms (uniques) de cé- libataire, soit Murielle Chevalier et Miranda Cordier.

Le Code civil de 2013 ne prévoit aucune possibilité pour les personnes mariées d’adopter un double nom « légal », soit un double nom inscrit au Registre d’état civil.

Pour l’alternative extra-légale du nom d’alliance, voir ci-dessous 2.

Exemple 23 : La sœur de Caroline (exemple 22) peut, lors de son remariage avec Pirmin Zur- cher, conserver son nom de Cordier Kempf. Elle ne peut pas, en revanche, composer son nom de ce mariage de l’un de ses noms antérieurs et du nom Zurcher. Sont ainsi exclus pour Pir- min et Miranda les noms de Cordier Zurcher et de Kempf Zurcher.

2. L’alternative extra-légale : le nom d’alliance

Comme esquissé ci-dessus au point II.4, le nom d’alliance est un double nom, adopté par son titulaire en raison de son mariage, qui n’est pas inscrit au Code civil, mais est issu de la coutume.42 Ce nom jouit néanmoins d’une large reconnaissance officielle, car il peut être inscrit sur des diplômes, le permis de conduire, les docu- ments d’identité (art. 2 al. 4 LDI)43 et au Registre du commerce (art. 944 ss CO), voire même plus généralement dans les rapports avec l’autorité.44 Vu l’ancrage de cette cou-

42 Voir aussi, en bref, ci-dessus au chap. II. Le nom d’alliance, comme le double nom légal de l’art. 160 al. 2 CC1988, doit être distingué du « vrai double nom », soit le nom composé acquis par filiation, qui est transmissible ; cf. Deschenaux/Steinauer/Baddeley (n. 4), n. 93, 115 et 135 ss.

43 Loi sur les documents d’identité des ressortissants suisses (LDI ; RS 143.1), ainsi que l’art. 14 al. 1 et 6, et art. 61bis de l’Ordonnance (OLDI ; RS 143.11). D’autres noms non officiels peuvent être ins- crits sur les documents d’identité (art. 2 al. 4 LDI), mais sur la carte d’identité, seul le nom d’alliance peut figurer, à côté des données officielles (art 1 al. 6 OLDI).

44 Cf. ATF 120 III 60, consid. 2, pour l’utilisation du nom d’alliance par l’autorité de poursuite, et ATF 110 II 97, rendu sous le CC1912. Ces décisions ne reflètent pas, à notre avis, la sensibilité à la per- sonnalité du titulaire du nom (d’alliance) qui s’est développée plus récemment. Voir aussi ATF 143 III 3, consid. 3.3.2.

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tume dans la culture suisse et l’inscription de ce nom dans les documents d’identité les plus importants, il n’étonne pas que le législateur de 2011 ait renvoyé les couples désireux d’utiliser un double nom au nom d’alliance pour combler le vide laissé par l’abolition du double nom légal qui avait existé entre 1988 et 2012.45

Le nom d’alliance se compose de deux noms joints par un trait d’union.46 Le pre­

mier des deux noms est le nom légal, soit celui inscrit au Registre d’état civil sur la base des dispositions du Code civil (en particulier l’art. 160 CC2013). La deuxième partie du nom d’alliance est pour l’époux qui a changé de nom en raison du mariage un des noms portés par il ou elle avant son mariage, le plus souvent le nom de céliba­

taire.47 Pour l’époux qui a conservé son nom, le deuxième nom formant son nom d’al- liance est le nom (antérieur) du conjoint.

Exemple 24 : Caroline ayant pris le nom de Sébastien (exemple 18), peut donc adopter le nom d’alliance Senn­Cordier. Pour documenter sa situation maritale, cette option serait également ouverte à Sébastien dont le nom n’a pas changé en raison du mariage et dont le nom d’alliance serait alors Senn­Cordier. Les compositions inverses s’appliqueraient si le couple avait choisi Cordier comme nom commun.

Exemple 25 : Caroline et Sébastien n’ont pas adopté un nom commun lors de leur mariage (exemple 19). Leurs noms d’alliance sont de ce fait : Caroline Cordier­Senn et Sébastien Senn­

Cordier.

L’abolition du double nom légal devrait avoir favorisé le nom d’alliance ; à notre connaissance il n’existe toutefois pas de statistiques. Le droit actuel pose toutefois une nouvelle question même par rapport à ce nom non légal, en raison de sa focali­

sation sur le nom de célibataire : est­ce que le nom adjoint au nom officiel doit être un nom de célibataire ou peut­il également être le nom acquis lors d’un mariage an­

térieur (même un double nom au sens de l’art. 160 al. 2 CC1988) ? Les auteurs qui

45 Rapport 2008 (n. 7), commentaire de l’art. 160 PCC, p. 15, et Avis du Conseil fédéral 2008 (n. 7), pt 2.1.

46 Sous le droit en vigueur entre 1988 et 2012, ce trait d’union et l’ordre des noms distinguaient les doubles noms. Le nom légal de l’art. 160 al. 2 CC1988 était composé du nom d’avant le mariage suivi du nom de famille commun, sans trait d’union (p.ex. Caroline Cordier Senn) ; le nom d’alliance était composé avec les mêmes noms dans l’ordre inverse liés par un trait d’union (Caroline Senn­Cor­

dier). Cf. aussi n. 48. L’ordre des noms et l’utilisation ou non du trait d’union n’étaient toutefois ja­

mais très clairs dans l’esprit des gens…. et ne le sont toujours pas.

47 ATF 120 III 60, consid. 2.a), précise qu’il ne s’agit pas d’un nom officiel (amtlich) et qu’il n’y a donc pas règles légales pour déterminer la composition du nom d’alliance ; il ajoute que d’ordinaire, le nom d’alliance est composé du nom de famille commun (soit celui du mari ou exceptionnellement celui de l’épouse – l’arrêt date de 1994) suivi du nom de célibataire de l’autre époux. Dans ce sens aussi ATF 110 II 97 consid. 2 et 3, sans toutefois préconiser un choix lorsque le nom de la femme avant le mariage n’était pas un nom de célibataire. En l’absence de réglementation légale, la deu­

xième partie du nom d’alliance devrait pouvoir être soit le nom de célibataire soit un autre nom porté par son titulaire avant le mariage.

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