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Situation du touladi au lac du Missionnaire après ensemencements

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Direction de l’aménagement de la faune de la Mauricie

Situation du touladi au lac du Missionnaire après ensemencements

Par Louis Houde

Ministère des Ressources naturelles et de la Faune Juillet 2005

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Référence à citer

Houde, L. 2005. Situation du touladi au lac du Missionnaire après ensemencements. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Faune Québec. Direction de l'aménagement de la faune de la Mauricie. Rapport technique. 30 pages et annexe.

Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec ISBN : 2-550-45121-X

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Résumé

Le lac du Missionnaire fait partie du réseau de suivi du touladi et il a fait l’objet de quatre pêches scientifiques normalisées depuis 1988, parallèlement à un programme de restauration de sa population par ensemencements depuis 1987. Dans l’habitat estival du touladi, seuls le grand corégone et le touladi ont été capturés en nombres significatifs. Les ensemencements se sont traduits par une augmentation de plus du double des captures scientifiques de touladi de 1988 à 1993. Les CPUE ont diminué par la suite (1998 et 2003).

Les poissons sauvages et ensemencés ont pu être distingués et ont fait l’objet d’une analyse séparée. Les pêches successives ont montré une diminution graduelle du nombre de touladis sauvages et une augmentation de leur âge moyen. Les dernières pêches révèlent que le recrutement est pratiquement absent dans la population. Malgré une baisse de la densité après 1993, la croissance, mesurée chez les touladis sauvages, a systématiquement ralenti de 1988 à 2003 et l’âge à la maturité sexuelle, calculée avec des effectifs très faibles cependant, aurait augmenté. Le touladi du lac du Missionnaire est piscivore, tant par sa taille que par l’analyse de ses contenus stomacaux. En 2003, 74% des estomacs contenaient du poisson. La population de grand corégone, dont les individus ont été pesés en lot, a aussi connu des changements. La masse moyenne est passée de moins de 300 g à plus de 500 g entre 1993 et 1998. A part cette espèce pélagique, les touladis peuvent aussi s’alimenter sur la perchaude en zone littorale, avec un rendement moindre. On considère que la population de touladi du lac du Missionnaire est en transition vers le type planctonophage.

Le lac du Missionnaire présente un littoral pentu qui limite sa productivité, mais les conditions sont bonnes pour le touladi. L’oxygène en particulier est abondant même près du fond. Les zones plus profondes servent généralement de refuge aux jeunes touladis, ce ne semble pas être le cas ici. On pose l’hypothèse que le confinement des jeunes touladis dans les eaux froides et profondes, pour échapper au cannibalisme, a ralenti leur croissance et augmenté leur vulnérabilité. Le régime alimentaire des adultes aurait changé et expliquerait pourquoi le succès de la pêche sportive a chuté des deux tiers de 1993 à 2000 malgré que la baisse de densité du touladi, selon les CPUE, ne fut que d’environ 15%. On croit que les ensemencements, en particulier ceux de 1993 et 1995, qui ont nettement excédé les normes ministérielles, ont nui à la fois au recrutement naturel et au rétablissement qu’on pouvait escompter d’une augmentation de la densité de population du touladi. La survie des premiers touladis ensemencés était bonne, elle fut beaucoup plus faible pour les derniers, en particulier ceux de 1995.

Les proies accessibles au touladi semblent limitées au lac du Missionnaire. L’éperlan arc-en-ciel, une proie recherchée par le touladi, n’a pas été capturé depuis la campagne de pêche scientifique de 1988. Avant de songer à restaurer cette population, il faudrait que le touladi puisse assurer son recrutement naturel par l’aménagement déjà proposé de sites de reproduction adéquats. D’autre part, une population de touladis planctonophages présente cependant des avantages en termes de rendement et de qualité de la chair.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ...iv

Liste des figures...v

Liste des tableaux...v

Introduction ...1

Historique ...1

Ensemencements ...1

Enquêtes de pêche ...1

Autres travaux biologiques...2

Méthodes ...3

Pêches scientifiques ...3

Lectures d’âge...3

Traitement des données ...3

Résultats...4

Espèces présentes et abondance...4

Pêches historiques ...4

Pêches normalisées ...4

Distribution des âges ...5

Rapport des sexes ...7

Croissance et condition...7

Croissance des touladis sauvages...7

Croissance des touladis ensemencés... 12

Condition ... 13

Mortalité ... 15

Maturité sexuelle ... 15

Alimentation ... 16

Discussion ... 17

Conclusion ... 21

Remerciements... 22

Références ... 23

Annexe. Rétrocalculs... 25

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Liste des figures

Figure 1. Distribution des âges des touladis sauvages et ensemencés ...6

Figure 2. Longueur moyenne à l’âge des touladis sauvages par campagne de pêche...8

Figure 3. Croissance selon le modèle de Von Bertalannfy selon les campagnes de pêche ... 10

Figure 4. Longueur à l’âge des touladis sauvages à la capture par campagne de pêche... 11

Figure 5. Longueur rétrocalculée moyenne à l’âge des touladis ensemencés par campagne de pêche... 12

Figure 6. Condition des jeunes et vieux touladis par campagne de pêche... 14

Figure A1. Relations entre la longueur totale des touladis et celle de l’otolithe selon l’origine des touladis (1998 et 2003)... 25

Liste des tableaux

Tableau 1. Historique des ensemencements ...1

Tableau 2. CPUE par espèce des pêches de 1970 et 1981 ...4

Tableau 3. CPUE par espèces et provenance des touladis capturés de 1988 à 2003...4

Tableau 4. Âge moyen des touladis capturés ...5

Tableau 5. Nombre et proportion des touladis par sexe ...7

Tableau 6. Longueurs moyennes rétrocalculées à l’âge des touladis sauvages par campagne de pêche...8

Tableau 7. Résultats de la comparaison multiple de Dunnett sur les longueurs rétrocalculées à l’âge des touladis par campagne de pêche...9

Tableau 8. Paramètres de l’équation de Von Bertalanffy pour les touladis sauvages... 10

Tableau 9. Résultats de la comparaison multiple de Dunnett sur les longueurs à l’âge à la capture des touladis par campagne de pêche ... 11

Tableau 10. Année de provenance et taille rétrocalculée moyenne à un an des touladis ensemencés capturés par campagne de pêche ... 13

Tableau 11. Coefficient de condition de Fulton par campagne de pêche, âge et maturité... 14

Tableau 12. Survie des touladis ensemencés par campagne de pêche... 15

Tableau 13. Contenu stomacal des touladis capturés ... 16

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Introduction

Historique

Dès le début des années 1980, on a rapportait une diminution du succès de pêche au touladi au lac du Missionnaire (Archambault, 1983), présumée reliée à une surexploitation par la pêche. En 1985, l’Association des propriétaires du lac du Missionnaire et la municipalité de Boucher (maintenant Trois-Rives) ont demandé au ministère de l’époque d’y rétablir le touladi. Un plan de restauration a été mis en œuvre avec l’aide des partenaires avec ensemencements, brochures d’information et fermeture temporaire de la pêche. Dans le cadre du plan tactique sur le touladi (MLCP, 1989), une série de mesures ont été adoptées pour réduire la récolte en territoire libre au sud du Québec. En 1993, une gamme de taille protégée a été instaurée (i.e. remise à l’eau des touladis de 35 à 50 cm) et un programme de suivi a été mis en place pour en mesurer les effets sur les populations de touladi, connaître la satisfaction des pêcheurs et évaluer le respect de cette nouvelle réglementation. Le lac du Missionnaire a été choisi pour faire partie du programme de suivi. Depuis, il a fait l’objet de deux enquêtes de pêche (1993 et 2000) et de trois pêches scientifiques (1993, 1998 et 2003).

Ensemencements

Les ensemencements de repeuplement ont débuté en 1987. Dans tous les cas, les poissons étaient âgés d’un an au moment de l’ensemencement. Les produits sexuels provenaient du lac des 31 Milles au début, du lac aux Sables en 1990 et du lac du Missionnaire de 1991 à 1995.

Dans le cas de ces derniers ensemencements, les poissons étaient significativement plus gros au moment de la livraison (voir le nombre par kilogramme) que les autres années. Le nombre par kilogramme et la gamme de tailles des poissons ensemencés sont approximatifs et obtenus par échantillonnage dans les lots d’élevage.

Tableau 1. Historique des ensemencements

Année Mois Quantité Taille (cm) Nb/kg Provenance

1987 Juin 6000 14-16 53,1 Lac 31 Milles

1988 Mai 6000 12-14 61,1 Lac 31 Milles

1990 Juin 3933 16-18 31,4 Lac aux Sables

1991 Mai 6000 16-18 34,6 Lac Missionnaire

1993 Juin 12110 14-16 34,8 Lac Missionnaire

1995 Mai 10000 12-15 51,7 Lac Missionnaire

2002 Septembre 4500 Réservoir Manouane

Enquêtes de pêche

L’enquête de 1993 a révélé un bon succès de pêche dans ce lac, mais on ne pouvait distinguer les captures provenant d’ensemencements dans la récolte (Houde et Benoît, 1994). Le rendement fut de 3,69 touladis à l’hectare, le plus élevé des trois lacs étudiés cette année-là (les autres étant les lacs Sacacomie et aux Sables), dont 37,4% furent conservés. En présumant la mortalité de remise à l’eau nulle, le prélèvement réel était de 1,38 touladis à l’hectare. Le rendement horaire était 0,238 touladis par pêcheur. La seconde enquête en 2000 a révélé une forte dégradation de la qualité de pêche (Houde, 2002). La fréquentation et l’effort de pêche ont diminué de 80% dans l’intervalle et le succès de pêche des deux tiers; le prélèvement de touladis aurait diminué de 90% dans ce lac, il n’était plus que de 0,14 touladi à l’hectare. Les réponses à

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l’enquête postale montrent que la proportion des pêcheurs satisfaits du nombre de prises est passée de 73% à 17%.

Autres travaux biologiques

La décharge du lac du Missionnaire passait sous un pont avant que ce dernier soit remplacé par deux ponceaux en 1996 (Lucien Mongrain, comm. pers.). Le niveau d’eau de la portion nord du lac du Missionnaire est maintenant assuré par un petit seuil en amont des ponceaux. Des modifications à cette structure en 2000 ont amené certains utilisateurs du plan d’eau à s’interro- ger sur les effets potentiels de la baisse du niveau d’eau sur la reproduction du touladi. Les sites de reproduction ont été visités en plongée à l’été 2001. Ce travail a révélé que les sites de fraye se résument à une mince bande près de la ligne de rivage, tant au-dessus qu’en dessous de l’eau. La faible superficie des sites propices est due aux fortes pentes du rivage et à la configuration du lac qui limite l’ampleur des vagues. La faible profondeur des sites propices était reliée à la baisse récente du niveau du plan d’eau, puisque l’aspect du rivage montrait que ce niveau avait déjà été plus élevé. La conclusion de ce travail était que les sites étudiés n’assuraient pas la stabilité et la protection des œufs dans les heures et jours suivant la ponte.

On recommandait alors d’assurer la stabilité du niveau de l’eau et d’augmenter la superficie des aires propices à la fraye (Scrosati et Houde, 2002).

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Méthodes

Pêches scientifiques

Le lac Missionnaire a fait l’objet de nombreux travaux biologiques depuis 1970. Deux campagnes de pêches scientifiques ont eu lieu en juillet- août 1970 et en mai 1981 (Archambault, 1983). En 1970, les filets de pêche utilisés sont dits « mono-mailles » et exercent donc une plus grande sélectivité que les engins actuels. Les filets mesuraient 100 pieds de longueur (30 m) et 4 pieds de hauteur (1,2 m). La taille des mailles varie de un pouces (2,54 cm) à 4 pouces (10,2 cm); pour quelques-unes des onze stations, plusieurs filets de mailles différentes ont été assemblés. Les profondeurs pêchées vont de 2 à 18 mètres. En 1981, des filets de 100 pieds de long (30 m) et deux mètres de hauteur comportant quatre panneaux (mailles de 1½, 2, 3 et 4 pouces) ont été utilisés. Dix stations ont été échantillonnées. Les profondeurs pêchées vont de 3 à 12 mètres.

Des bourrolles complètent l’échantillonnage des petites espèces.

La technique de pêche normalisée pour le touladi a été utilisée depuis 1988; elle est décrite dans le Guide des méthodes utilisées en faune aquatique au MEF (MEF, 1994). Cette technique se limite à l’échantillonnage dans l’habitat préférentiel du touladi à la fin de l’été, avant la déstratification thermique, à l’aide de filets multi-mailles (huit panneaux) de 60 mètres. L’habitat préférentiel correspond aux couches d’eau froides comprises entre celles de 12°C en surface et celles dont la concentration d’oxygène dissous en profondeur est égale ou supérieure à 5 ppm.

Ce sont principalement les données depuis 1988 qui seront utilisées pour l’analyse. Cette méthode ne permet cependant pas de suivre l’évolution de la communauté piscicole en dehors de l’habitat du touladi (eaux de surface).

Lectures d’âge

Depuis le début des pêches normalisées dont les résultats seront utilisés pour la comparaison de l’âge et de la croissance, l’âge des touladis a toujours été déterminé par la même personne (Jean Scrosati, technicien de la faune), sur les mêmes structures (otolithes) et sur les mêmes instruments (loupe binoculaire Wild, modèle M5A). Les otolithes sont lus directement ou après un léger sablage de la surface bombée pour augmenter la transparence. Les contours des otolithes et des annuli ont été tracés à la chambre claire. Les mesures ont été prises sur ces dessins, le plus souvent à l’aide d’une tablette graphique.

Deux critères sont utilisés pour différencier les touladis ensemencés des touladis sauvages lors des lectures d’âge sur les otolithes. La marque de la première année est plus diffuse chez les touladis élevés en pisciculture, la croissance est moins affectée grâce à l’alimentation continuelle et à la température plus élevée de l’eau. Ensuite, le choc de l’ensemencement crée une interruption de croissance visible sur l’otolithe.

Traitement des données

Voir l’annexe 1 pour la méthodologie retenue pour les rétrocalculs. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels NCSS (édition 1997), SYSTAT et EXCEL.

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Résultats

Espèces présentes et abondance Pêches historiques

Les pêches historiques ont révélé la présence de dix espèces au lac du Missionnaire. Pour le calcul des captures par unité d’effort (CPUE), l’effort de pêche est considéré en fonction de la longueur de filets normalisés actuels (60 mètres), on n’a pas tenu compte de la hauteur plus faible de ceux-ci en 1970. Cette année-là, 18 filets ont été utilisés pour 11 stations de pêche. Les données présentées au tableau 2 regroupent l’ensemble des profondeurs pêchées en 1970 et 1981. Toutefois, la température de l’eau en 1970 était d’environ 12°C à 8 mètres et les résultats des quatre filets ayant pêché en deçà de cette profondeur sont indiqués. Leurs mailles étaient de 1, 2, 3 et 3 pouces. Rappelons que la pêche a eu lieu en mai en 1981, période où les poissons d’eau froide sont susceptibles de fréquenter l’ensemble du plan d’eau. Selon Archambault (1983), on aurait rapporté la présence du grand brochet et du méné à nageoires rouges dans ce lac en 1970. Ces mentions n’ont pas été validées par la suite.

Tableau 2. CPUE par espèce des pêches de 1970 et 1981

1970 1981 Espèce Tous filets Filets<8 m Tous filets Bourrolles

Meunier noir 12,4 1,5 9,4 -

Grand corégone 1,7 - 0,6 -

Touladi 0,6 - 3,0 -

Ouitouche 0,3 - 2,6 -

Perchaude 0,2 - 4,6 9,7

Éperlan arc-en-ciel 0,2 0,5 - -

Barbotte brune 0,1 - - -

Lotte - - 0,4 -

Mulet à cornes - - - 2,4

Méné jaune - - - 0,3

Pêches normalisées

Le lac a fait l’objet de pêches scientifiques normalisées depuis 1988, avec dix stations de pêche à chaque fois. Le tableau ci-dessous indique les captures par unité d’effort et la proportion des poissons ensemencés dans les captures pour chaque campagne.

Tableau 3. CPUE par espèces et provenance des touladis capturés de 1988 à 2003 Captures par unité d’effort (CPUE)

Espèce 1988 1993 1998 2003

Grand corégone 3,9 4,9 4,9 3,6

Meunier noir 0,5 0,2 0,2 0,9

Éperlan arc-en-ciel 0,6 0 0 0

Perchaude 0,1 0 0 0

Omisco 0,1 0 0 0

Touladi 2,4 5,3 4,9 4,2

% touladis sauvages 100% 43,4% 28,6% 26,2%

CPUE touladis sauvages 2,4 2,3 1,5 1,1

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Dans l’habitat du touladi, les principales espèces sont le grand corégone et le touladi; le meunier noir est peu présent. Il n’y a pas de différence d’une campagne à l’autre quant aux captures de grand corégone. Les captures de touladi ont augmenté suite aux ensemencements, mais celles des poissons sauvages ont diminué graduellement depuis 1993. Déjà faible en 1988, la densité aurait chuté de plus de la moitié en 2003. En 2003, les touladis sauvages ne forment plus que 26,2% des captures totales pour cette espèce.

La diversité est beaucoup plus faible en profondeur, alors que la plupart des données historiques concernent l’habitat de surface. Lors des quatre campagnes de 1988 à 2003, on n’a capturé de l’éperlan arc-en-ciel qu’en 1998 et aucune lotte, des espèces typiques des eaux froides échantillonnées à ces occasions. Les filets en profondeur en 1970 ne représentent que l’équivalent de 2 nuits-filets, ce qui est insuffisant pour comparer les données avec celles des pêches plus récentes. Ces données indiquent toutefois que la densité semblait faible à l’époque, pour toutes les espèces susceptibles d’être capturées en profondeur, sauf le meunier noir.

Archambault rapporte les résultats d’un tournoi de pêche en juin 1979, alors que seulement un grand corégone a été capturé pour 215 heures de pêche. Le touladi est donc en faible densité de longue date au lac du Missionnaire.

Distribution des âges

L’âge moyen des touladis a augmenté dans la période de 1988 à 2003. L’introduction de jeunes touladis depuis 1987 a amené une réduction temporaire de l’âge moyen de la population en 1993, mais cet effet s’est estompé par la suite. Par contre, l’âge moyen des touladis indigènes a continuellement augmenté dans la même période.

Tableau 4. Âge moyen des touladis capturés Âge moyen

1988 1993 1998 2003

Tous les touladis 7,7 6,0 9,1 13,1

Touladis sauvages 7,7 9,0 11,1 14,4

La figure 1 montre la distribution des âges des touladis sauvages et ensemencés à chaque campagne de pêche. Celle de 1988 révélait la présence de jeunes poissons, ceux âgés de 4 et 5 ans représentaient la moitié des captures. En 1993, les classes d’âge les plus abondantes sont celles des touladis de 6 et 7 ans, ceux de 4 et 5 ans étant relativement plus rares. En 1998, à l’exception d’un seul très âgé, les touladis indigènes ont entre 8 et 13 ans. En 2003, ces poissons ont entre 12 et 16 ans, on a capturé un seul touladi plus jeune, soit 6 ans. Le nombre de classes d’âge différentes chez les poissons sauvages tend à diminuer, passant de 11 en 1988 à 4 et 7 en 1998 et 2003. Toutefois cet indicateur est biaisé par la faible densité des touladis.

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Figure 1. Distribution des âges des touladis sauvages et ensemencés

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20+

Fréquence 1988

Ensemencés Sauvages

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20+

Fréquence 1993

Ensemencés Sauvages

0 5 10 15 20 25

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20+

Fréquence 1998 EnsemencésSauvages

0 2 4 6 8 10 12 14

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20+

Âge à la capture

Fréquence 2003

Ensemencés Sauvages

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Rapport des sexes

A part les touladis capturés en 1991 lors de la fraye, l’échantillonnage des autres campagnes de pêche a eu lieu à un moment où la distribution de ceux-ci n’est théoriquement pas influencée par le sexe des individus.

Tableau 5. Nombre et proportion des touladis par sexe Sauvages

(% par sexe)

Ensemencés (% par sexe) Année

Mâles Femelles Ind. Mâles Femelles Ind.

1988 16

(84%) 3

(16%) 4 - - -

1991 (fraye) 38

(95%) 2

(5%) 0 - - -

1993 11

(55%) 9

(45%) 0 12

(48%) 13

(52%) 2

1998 5

(56%)

4

(44%) 5 9

(35%)

17

(65%) 9

2003 1

(14%) 6

(86%) 4 6

(26%) 17

(74%) 8

On a identifié significativement plus de mâles que de femelles en 1988 (Ҳ2=4,38; P=0,036 si on ne considère pas les individus de sexe indéterminé, non significatif autrement) et au moment de la fraye en 1991 (Ҳ2=20,3; P<0,001). Au moment de la fraye, les mâles se présentent souvent plus tôt que les femelles sur les frayères (martin et Olver, 1980). Il n’y a pas de différences dans les proportions des sexes pour les campagnes de 1993 à 2003, ni chez les poissons sauvages (Ҳ2=3,78; P=0,15), ni chez les poissons ensemencés (Ҳ2=2,54; P=0,28). Notons la difficulté d’identifier le sexe de poissons relativement âgés lors des campagnes de 1998 et 2003.

Croissance et condition

L’étude de la croissance est compliquée par l’absence de petits spécimens, en particulier dans les dernières campagnes de pêche. Pour compenser cette absence d’information et détecter des changements dans la croissance entre les campagnes de pêche, celle-ci a été estimée à partir des longueurs rétrocalculées. Les mesures prises sur les otolithes ont été normalisées pour toutes les campagnes de pêche et la méthode de rétrocalculs est la même (voir annexe).

Les résultats indiquent que la longueur rétrocalculée à l’âge 1 est systématiquement plus élevée pour les touladis ensemencés que pour les touladis sauvages. Ceci s’explique par des conditions plus propices (température d’eau) et l’alimentation continuelle des touladis au cours de l’année d’élevage. Comme les résultats indiquent que cet avantage semble durer toute la vie du poisson, les deux groupes seront donc étudiés séparément.

Croissance des touladis sauvages

Le tableau 6 montre la longueur totale moyenne des touladis sauvages à chaque âge, selon les campagnes de pêche. Les valeurs extrêmes ont été retirées du calcul des valeurs moyennes dans le tableau, mais non dans la figure 2. Cette figure montre la longueur totale moyenne des touladis sauvages à chaque âge, selon les campagnes de pêche, pour l’ensemble des âges disponibles. Les différences dans les courbes de croissance sont visibles pour les âges 5 à 13 ans.

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Tableau 6. Longueurs moyennes rétrocalculées à l’âge des touladis sauvages par campagne de pêche

1988 1991 1993 1998 2003 Âge N Long

(mm) N Long

(mm) N Long

(mm) N Long

(mm) N Long (mm) 1 22 94.7 39 97.0 18 98.7 14 95.7 11 103.6 2 22 160.4 39 169.4 18 156.3 14 148.4 11 151.6 3 21 209.5 39 218.1 18 197.7 14 187.4 11 185.6 4 21 248.3 39 260.6 18 231.6 14 219.6 11 211.7 5 17 288.1 39 305.4 17 268.8 14 250.2 11 238.0 6 9 312.1 39 357.3 15 307.8 14 281.1 11 261.6 7 7 364.6 38 402.9 11 337.2 14 308.4 10 283.0 8 5 405.3 33 435.6 5 398.9 14 334.5 10 301.2 9 5 460.9 26 472.1 5 429.1 10 384.4 10 319.0 10 5 505.2 12 511.3 5 460.7 9 420.8 10 336.9

11 3 530.4 9 534.6 4 503.5 6 444.8 10 355.6

12 3 560.4 9 555.8 4 531.9 6 463.7 10 374.8

13 2 560.5 7 582.2 4 557.4 2 492.8 8 399.0 14 2 587.7 6 600.2 4 576.3 1 476.1 7 411.7 15 1 581.9 5 623.2 4 593.2 1 489.1 6 435.6

Figure 2. Longueur moyenne à l’âge des touladis sauvages par campagne de pêche

0,0 100,0 200,0 300,0 400,0 500,0 600,0 700,0 800,0 900,0

0 5 10 15 20 25 30

Age

Longueur totale (mm)

S-1988 S-1991 S-1993 S-1998 S-2003

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Les touladis capturés sur la fraye en 1991 sont systématiquement plus gros pour les âges 2 à 10 ans que les touladis des autres campagnes. Cet échantillon pourrait être biaisé car il ne concerne que des touladis capturés sur les frayères. Tel que noté plus haut, il s’agit presque exclusivement de mâles, lesquels se présentent avant les femelles sur les frayères. Toujours selon Martin et Olver (1980), les touladis les plus jeunes et les plus petits se reproduisent plus tôt que les autres.

Il est probable que la croissance des jeunes touladis sexuellement matures ait été plus rapide que la moyenne et qu’ils ne soient pas représentatifs de l’ensemble de la population. En effet, la longueur moyenne à l’âge de ces touladis est systématiquement plus élevée que ceux capturés aux campagnes précédente (1988) et suivante (1993).

On a comparé les longueurs moyennes à chaque âge (de 1 à 15 ans) par une analyse de variance, sans considérer les touladis de la campagne de 1991 pour les raisons mentionnées plus haut. Pour assurer la validité du test, il a fallu éliminer quelques valeurs extrêmes afin de respecter l’égalité des variances. L’analyse de variance rejette l’égalité des médianes pour tous les âges sauf pour les très jeunes (âges 1 et 2 ans) et l’âge 15 ans. Avec l’hypothèse que la longueur à l’âge a diminué entre 1988 et 2003, on a effectué un test de comparaisons multiples de Dunnett pour détecter à quelles campagnes les longueurs moyennes sont plus petites que les autres (tableau 7). Ce test tient compte du nombre de comparaisons simultanées pour ajuster le seuil de détection d’une différence statistique entre les groupes. Les résultats montrent que la croissance des individus capturés au cours des campagnes de pêche a ralenti entre 1988 et 2003. Pour les âges 3 à 15 ans, la longueur à l’âge des touladis capturés en 1988 est toujours plus grande que celle des touladis capturés en 2003 (P=0,95), elle est aussi plus grande que celle des touladis capturés en 1998 pour les âges 3 à 5 ans et 7 à 12 ans. Il est en de même des touladis capturés en 1993, qui sont plus grands que ceux de 2003 pour les âges 5 à 14 ans, et plus grands que ceux de 1998 à l’âge 8. Enfin les longueurs rétrocalculées des touladis capturés en 1998 étaient plus grandes que celles des touladis de 2003 pour les âges 9 à 12 ans.

Tableau 7. Résultats de la comparaison multiple de Dunnett sur les longueurs rétrocalculées à l’âge des touladis par campagne de pêche

Âge où la longueur rétrocalculée des touladis de l’année de référence est plus grande Année de

référence Année de comparaison

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15

1988 1993

1998 2003

- - -

- - -

- X X

- X X

- X X

- - X

- X X

- X X

- X X

- X X

- X X

- X X

- - X

- - X

- - X

1993 1988

1998 2003

- - -

- - -

- - -

- - -

- - X

- - X

- - X

- X X

- - X

- - X

- - X

- - X

- - X

- - X

- - -

1998 1988

1993 2003

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - X

- - X

- - X

- - X

- - -

- - -

- - -

2003 1988

1993 1998

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

- - -

Les termes de l’équation de Von Bertalanffy sont obtenus par régression non-linéaire de la longueur rétrocalculée sur l’âge, ils sont donc affectés par la composition de l’échantillon analysé, en particulier la présence de gros individus. Les sexes ont été regroupés pour augmenter les échantillons avec les touladis de sexe indéterminé. Les termes de l’équation sont la longueur à l’infini (L) ou longueur asymptotique et le cœfficient de Brody (K) ou coefficient de croissance, et la régression permet de calculer leurs intervalles de confiance. Le résultat des équations est détaillé dans le tableau 8 et représenté sur la figure 3. Les valeurs estimées (tableau 8) indiquent que la longueur à l’infini est significativement plus faible pour l’échantillon de 1998, alors que le

(15)

coefficient de Brody est significativement plus faible en 2003. Comme les deux valeurs sont liées, la représentation graphique des équations est plus crédible et en accord avec les conclusions obtenues plus haut. La taille attendue à l’âge pour les touladis de moins de 15 ans est plus faible pour ceux capturés lors des campagnes les plus récentes.

Tableau 8. Paramètres de l’équation de Von Bertalanffy pour les touladis sauvages Longueur à l’infini Cœfficient de Brody (K) Année N Linfini Intervalle de

confiance (P=0,95) K Intervalle de confiance (P=0,95) 1988 23 791,4 716,2 – 866,7 0,099 0,085 - 0,113 1993 20 789,0 744,6 – 833,5 0,091 0,083 - 0,100 1998 14 640,5 606,9 – 674,0 0,102 0,093 - 0,111 2003 11 821,8 651,0 – 992,7 0,058 0,041 - 0,076

Figure 3. Croissance selon le modèle de Von Bertalannfy selon les campagnes de pêche

0 100 200 300 400 500 600 700 800

0 5 10 15 20 25 30 35

Âge

Longueur totale (mm)

1988 1993 1998 2003

L’âge moyen des touladis capturés lors des campagnes de pêche 1988 à 2003 a pratiquement doublé, passant de 7,7 ans à 14,4 ans (tableau 4). Ces poissons plus âgés pourraient avoir une croissance plus lente et expliquer les différences observées entre les campagnes. La figure 4 met en relation la longueur et l’âge des touladis sauvages à la capture. Cette figure semble indiquer que la taille des poissons pour un âge donné est plus petite lors des campagnes de pêche plus récentes.

(16)

Figure 4. Longueur à l’âge des touladis sauvages à la capture par campagne de pêche

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900

0 5 10 15 20 25 30

Âge à la capture

Longueur à la capture (mm)

1988 1993 1998 2003

On a comparé les longueurs à la capture à chaque âge où des données étaient disponibles par une analyse de variance. Avec l’hypothèse que la longueur à l’âge a diminué entre 1988 et 2003, on a effectué le même test de comparaisons multiples de Dunnett (tableau 9). Les effectifs sont très faibles et ne permettent pas la comparaison âge par âge pour toutes les campagnes entre elles. Pour tous les âges où la comparaison est possible, la longueur des touladis à la capture est significativement plus petite lors des campagnes plus récentes. Ces résultats confirment ceux obtenus par rétrocalculs et indiquent que le ralentissement de la croissance n’est pas dû aux différences d’âge des effectifs des campagnes successives.

Tableau 9. Résultats de la comparaison multiple de Dunnett sur les longueurs à l’âge à la capture des touladis par campagne de pêche

Âge où la longueur rétrocalculée des touladis de l’année de référence est plus grande

Année de référence

Année de

comparaison 4 5 6 7 8 9 10 12 13 14 15 16 23

1988 1993

1998 2003

X X -

- X

X - X X

X X

X X - X

1993 1988

1998 2003

- - - -

- - X -

-

X - X -

1998 1988

1993

2003 - -

- - - -

X

2003 1988

1993 1998

- -

- -

- -

- -

- - -

(17)

Croissance des touladis ensemencés

La figure 5 illustre la longueur rétrocalculée moyenne à l’âge par campagne de pêche pour les touladis ensemencés. Cette figure montre que pour les touladis provenant d’ensemencements, ceux récoltés en 1993 avaient une croissance supérieure à ceux récoltés en 1998 et 2003.

Toutefois, la longueur rétrocalculée moyenne aux âges 1, 2 et 3 des touladis récoltés en 1998 était plus faible que celle des touladis récoltés en 2003. La croissance fut cependant plus rapide pour les touladis capturés en 1998, puisque la longueur rétrocalculée moyenne était plus grande que pour les touladis capturés en 2003 aux âges supérieurs à 5 ans. Théoriquement, la taille rétrocalculée à un an est plus ou moins celle au moment de l’ensemencement; elle dépend donc du lot ensemencé.

Figure 5. Longueur rétrocalculée moyenne à l’âge des touladis ensemencés par campagne de pêche

0,0 100,0 200,0 300,0 400,0 500,0 600,0

0 2 4 6 8 10 12 14 16 1

Âge

Longueur totale (mm)

8 E-1993

E-1998 E-2003

Les touladis capturés à chaque campagne de pêche, tant sauvages qu’ensemencés, proviennent de différentes cohortes. Les poissons étaient significativement plus gros (31,4 à 34,8 touladis par kg) lors des déversements de 1990, 1991 et 1993 que lors des déversements de 1987, 1988 et 1995 (51,7 à 61,1 par kg). Ce facteur devrait expliquer les différences observées dans la longueur aux jeunes âges de la figure précédente. Le tableau 10 identifie le nombre de touladis récoltés par année d’ensemencement selon leur âge à la capture. En 1993, 74% des poissons capturés provenaient des dépôts de 1991 et 1990. En 1998, 91% des poissons capturés provenaient des dépôts de 1993, 1991 et 1990. En 2003, 84% des touladis capturés provenaient de ces mêmes ensemencements. Selon ces proportions, la longueur moyenne rétrocalculée à l’âge 1 aurait dû être la plus grande chez les touladis récoltés en 1998 et la plus faible chez ceux récoltés en 1993, alors que c’est le contraire qui a été observé. Cependant un test de rang (Krukall-Wallis) ne distingue pas les années d’ensemencement quant à la longueur des touladis à

(18)

l’âge d’un an. Comme la survie des poissons ensemencés peut être reliée à leur taille, il est possible que les plus gros du lot aient mieux survécu que les plus petits.

Tableau 10. Année de provenance et taille rétrocalculée moyenne à un an des touladis ensemencés capturés par campagne de pêche

Campagne de pêche

1993 1998 2003 Année

d’ensemencement

Nombre

capturé Taille

(mm) Nombre

capturé Taille

(mm) Nombre

capturé Taille (mm)

1987 3 158,5 1 147,0 - -

1988 4 108,4 2 99,7 1 141,51

1989 - - - - 32 -

1990 7 182,0 10 104,1 7 138,9

1991 13 166,0 16 130,5 7 142,9

1993 - - 6 131,0 12 152,7

1995 - - - - 1 141,2

Condition

Les valeurs individuelles du coefficient de condition (Fulton) varient du simple au double, soit de 0,622 à 1,370. Ces valeurs extrêmes caractérisent deux femelles, âgées respectivement de 13 et 23 ans. Les différences dans la condition des poissons peuvent être liées au sexe, à la saison ou au lieu de capture (Ricker, 1980). Pour l’ensemble des touladis capturés, la condition des poissons matures est plus élevée que celle des immatures (test de comparaison de Kruskall- Wallis sur les médianes, P<0,01). Pour les touladis matures, la condition est plus élevée chez les poissons sauvages que chez les poissons ensemencés (même test, P<0,01); ce n’est pas le cas pour les touladis immatures (P=0,62). Cependant, l’échantillon des touladis sauvages est nettement plus âgé que celui des touladis ensemencés, de sorte que ce facteur pourrait expliquer cette différence chez les poissons matures. En effet, même si une analyse de rang ne distingue pas la condition des touladis matures en fonction de l’âge (sauf pour le groupe d’âge 23 ans où le coefficient est le plus élevé), la relation entre la condition et l’âge est positive et significative (P<0,001; R2=0,41). Enfin, il n’y a pas de différence dans la condition des mâles et des femelles chez les touladis matures (test de Kruskall-Wallis, P=0,69) ou les touladis immatures (même test, P=0,22).

Il faut tenir compte des résultats ci-dessus pour l’analyse de la condition par campagnes de pêche. Nous avons considéré séparément les poissons matures et immatures, sans égard au sexe (tableau 11). Vu l’incertitude entourant la détermination de la maturité sexuelle et l’incidence de celle-ci sur la condition des poissons, les mêmes analyses ont aussi été faites en classant les touladis en « jeunes » (8 ans et moins) et « vieux » individus (plus de 8 ans), en se basant sur un âge approximatif de 8 ans pour la maturité sexuelle. Il est intéressant de noter que les effectifs de jeunes et immatures, de même que ceux de vieux et matures concordent sensiblement en 1988 et 1993. En 1998 et 2003, il y a de grandes différences entre les effectifs qui indiqueraient un changement dans l’âge à la maturité.

Pour les touladis immatures, les résultats indiquent que la condition varie selon les campagnes de pêche (test de Kruskall-Wallis, P<0,001) et qu’elle était significativement plus élevée en 1988 et 1998 qu’en 1993 et 2003 (test de comparaisons multiples de Dunnett). Pour les touladis matures, les résultats indiquent aussi que la condition varie selon les campagnes de pêche (Kruskall-Wallis, P<0,001), mais elle est significativement plus élevée en 1988 et 2003 qu’en

1 Moyenne des touladis provenant des ensemencements de 1988 et 1989.

2 Il n’y aurait pas eu d’ensemencement en 1989. On présume qu’il s’agit d’erreurs de lecture.

(19)

1998. Sur la base de l’âge (jeunes et vieux), les résultats indiquent une différence significative d’une campagne à l’autre, sauf pour les jeunes en 2003 où l’effectif est de un touladi. Ce sont ces résultats qui sont illustrés sur la figure 6.

Tableau 11. Coefficient de condition de Fulton par campagne de pêche, âge et maturité Année Maturité

ou classe N F Intervalle de confiance (P=0,95)

Immatures

Jeunes 17 0,897 0,761 – 1,033

Matures 1988

Vieux 7 1,018 0,934 – 1,102

Immatures 49 0,784 0,670 – 0,898

Jeunes 43 0,784 0,670 – 0,899

Matures 4 0,927 0,648 – 1,206

1993

Vieux 7 0,876 0,637 – 1,116

Immatures 36 0,864 0,545 – 1,183

Jeunes 26 0,918 0,615 – 1,221

Mature 13 0,810 0,589 – 1,030

1998

Vieux 23 0,772 0,568 – 0,976

Immature 29 0,783 0,662 – 0,904

Jeunes 1 0,772 N.A.

Mature 13 0,931 0,626 – 1,237

2003

Vieux 41 0,831 0,599 – 1,062

Figure 6. Condition des jeunes et vieux touladis par campagne de pêche

0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1 1,2

1988 1993 1998 2003

Campagne de pêche

Facteur de condition (Fulton)

Vieux Jeunes

(20)

Il semble exister une variation cyclique dans la condition des immatures, laquelle n’est pas en phase avec les variations observées chez les touladis matures. Ces résultats suggèrent que les touladis matures et les touladis immatures n’utilisent pas la même niche alimentaire.

Mortalité

Les échantillons sont insuffisants pour calculer la mortalité qu’on peut soupçonner variable selon les campagnes de pêche. Le recrutement artificiel ne doit pas être considéré, d’autant plus que ces apports furent irréguliers (pas à toutes les années et en quantité variable). Toutefois, la survie de ces poissons ensemencés peut renseigner sur les conditions dans lesquelles ils ont vécu. Avec le temps, le nombre de survivants d’un ensemencement diminue à cause de l’effet combiné de la mortalité naturelle et de la mortalité par la pêche. Dans le tableau 12 par exemple, les touladis ensemencés capturés en 1993 montrent une tendance normale : plus l’ensemence- ment est récent, plus la survie augmente, passant de 5,0 à 21,7 par 10000 poissons ensemencés de 1987 à 1991. Il s’agit ici d’un indice relatif et non absolu, puisqu’il dépend de l’effort de pêche.

Tableau 12. Survie des touladis ensemencés par campagne de pêche Campagne de pêche

1993 1998 2003 Année

d’ensemencement

(nombre) Nombre

capturé Survie

(*10000) Nombre

capturé Survie

(*10000) Nombre

capturé Survie (*10000)

1987 (6000) 3 5,0 1 1,7 - -

1988 (6000) 4 6,7 2 3,3 1 6,73

1989 - - - 34 -

1990 (3933) 7 17,8 10 25,4 7 17,8

1991 (6000) 13 21,7 16 26,7 7 11,7

1993 (12110) - - 6 5,0 12 9,9

1995 (10000) - - - - 1 1

En 1998, la tendance est normale (i.e. le nombre de captures de touladis ensemencés augmente) jusqu’à l’ensemencement de 1991, mais la survie de l’ensemencement de 1993 est nettement inférieure à la valeur attendue. Le phénomène est plus critique en 2003, la survie diminue dès qu’on considère les touladis ensemencés en 1991 et un seul des 10000 touladis ensemencés en 1995 a été capturé. La sélectivité des engins de pêche et l’habitat échantillonné peuvent expliquer une partie des résultats, car les plus petits poissons sont moins susceptibles à la capture et les jeunes touladis ne fréquentent pas le même habitat que les adultes (Sellers et al, 1998). Néanmoins, les touladis de l’ensemencement de 1993 avaient 6 ans en 1998 et ceux de l’ensemencement de 1995 avaient 9 ans en 2003.

Maturité sexuelle

Tel que mentionné plus haut (voir la section sur la condition), l’âge à la maturité sexuelle semble avoir augmenté. Pour compenser l’absence d’identification du sexe dans plusieurs cas, les sexes ont été regroupés pour les calculs. L’âge où 50% et plus des touladis étaient matures était respectivement de 10, 10, 9 et 14 ans en 1988, 1993, 1998 et 2003. Dans le même ordre, l’âge à la maturité sexuelle selon la méthode de Lysak (1980) est respectivement de 10, 15, 23 et 17,5 ans. De même, l’âge moyen des immatures était de 4,9 et 5,2 ans en 1988 et 1993. Il est passé à 8,5 et 12,3 ans en 1998 et 2003. Notons cependant que le faible nombre de captures et l’échantillonnage manquant de plusieurs groupes d’âge selon les campagnes faussent l’évaluation de l’âge à la maturité sexuelle.

3 Cumul des touladis provenant des ensemencements de 1988 et 1989, attribués à 1988.

4 Il n’y aurait pas eu d’ensemencement en 1989. On présume qu’il s’agit d’erreurs de lecture.

(21)

Alimentation

Le contenu des estomacs n’est pas disponible pour les campagnes de pêche de 1988 et 1993.

L’alimentation est essentiellement piscivore, on a noté la présence de plancton chez un seul touladi en 2003. En 1998, la plupart des touladis capturés avaient l’estomac vide; cette proportion diminue à 24% en 2003. Ces proportions sont significativement différentes (Ҳ2=7,975; P=0,005).

En 1998, on a identifié seulement trois des contenus stomacaux : de la perchaude dans deux cas et du touladi dans un cas. Les poissons ingérés n’ont pas été identifiés en 2003.

Tableau 13. Contenu stomacal des touladis capturés Contenu stomacal

Année N Poissons Plancton Vide

1998 48 43,8% - 56,3%

2003 42 73,8% 2,4% 23,8%

(22)

Discussion

Le touladi n’a jamais été abondant depuis le début des pêches scientifiques en 1970 au lac du Missionnaire. Dans une étude sur l’évaluation de l’état de certaines populations de touladis en Mauricie, Lapointe (1986) avait réparti les lacs en cinq groupes en fonction de leur CPUE, le lac du Missionnaire faisant partie du groupe médian. L’âge moyen était déjà élevé en 1981, alors que le plus jeune spécimen capturé avait 11 ans. La comparaison des rendements des pêches normalisées (depuis 1988) avec celui de la pêche printanière de 1981 est malaisée. Puisque l’habitat fréquenté au printemps est plus vaste que celui de fin d’été, on peut supposer que la densité était légèrement plus élevée en 1981 qu’en 1988, et donc que la population de touladis sauvages décroît lentement depuis ce temps, malgré la mise en place d’un programme de restauration par ensemencements dès 1987.

Tel que mentionné plus haut, un problème de recrutement était manifeste en 1981. Pourtant, les jeunes (7 ans et moins) formaient 71% des captures de touladis sauvages en 1988 et 65% en 1993. Les campagnes suivantes ont des résultats très différents, aucun jeune en 1998 et un seul en 2003. En 1993, les touladis ensemencés depuis 1987 comptaient pour 70% des jeunes touladis capturés. Malgré la poursuite régulière des ensemencements, on n’a capturé en 1998 que quelques poissons de l’ensemencement de 1993, aucun de celui de 1995. Ces résultats indiquent que la difficulté de recrutement pourrait être due aux conditions dans lesquelles évoluent les jeunes touladis, lesquelles pourraient être cycliques puisqu’elles étaient manifeste- ment bonnes entre 1981 et 1988.

La croissance a ralenti au cours de la période 1988 à 2003 chez les touladis sauvages. Il en est de même pour les touladis ensemencés (de 1993 à 2003), quoique la tendance soit plus difficile à mesurer à cause de la taille variable des poissons au moment de l’ensemencement. Parallèle- ment, l’âge de la maturité sexuelle a augmenté. Malgré le fait que la population étudiée à chaque campagne de pêche est composée de nombreuses cohortes, l’analyse montre que la longueur à l’âge est de plus en plus petite dans les campagnes de pêche les plus récentes, un phénomène qui n’est pas dû au vieillissement de la population. La croissance repose sur la disponibilité relative de la nourriture, laquelle dépend de nombreux facteurs. La proportion d’estomacs vides, moindre en 2003 qu’en 1998, n’est pas incompatible avec la baisse de la croissance. Chez les ouananiches du lac Saint-Jean, la croissance a diminué bien avant que la proportion des contenus stomacaux pleins ne diminue (Michel Legault, comm. pers.). De par la taille des touladis, la population du lac du Missionnaire est considérée piscivore. La longueur maximale dépasse rarement 500 mm dans les populations de touladis planctonophages (Lapointe, 1987).

L’identification des proies n’a malheureusement pas été faite à toutes les campagnes de pêche, mais les notes indiquent que les poissons forment l’essentiel des contenus stomacaux en 1998 et 2003.

A part le grand corégone, on n’a capturé aucune autre espèce que le touladi en nombre significatif dans son habitat estival. Même si le grand corégone n’est pas strictement une espèce pélagique, il est considéré comme tel dans la littérature et le touladi s’en nourrit quand il est présent (Vander Zanden et Rasmussen, 1996). Nous avons évalué la relation entre le grand corégone et le touladi dans les captures par filet. Cette relation est positive (coefficient de corrélation de Spearman = 0,321) et significative (P=0,0456) quand on considère l’ensemble des campagnes de pêche. La densité du grand corégone n’a pas changé entre les campagnes de pêche, ce n’est toutefois pas le cas de sa masse moyenne. Elle était de 292 g et 264 g respectivement en 1988 et 1993; elle était de 500 g et 535 g en 1998 et 2003. Les données individuelles ne sont pas disponibles pour cette espèce, mais on peut croire que l’augmentation de la masse moyenne traduit un changement dans la structure de sa population. Dans l’habitat échantillonné, cette ressource serait donc devenue moins disponible par rareté des plus petits individus entre 1993 et 1998, intervalle à partir duquel la survie des touladis ensemencée fut plus faible.

(23)

L’éperlan arc-en-ciel, une proie recherchée par le touladi, n’a pas été capturé depuis 1988 dans les filets de pêche scientifique. En 1998, on a identifié les proies comme de la perchaude dans deux cas et du touladi dans un autre. La perchaude peut cependant être une proie plus facile à distinguer, partiellement digérée, que d’autres espèces de poissons. La perchaude est un poisson d’eau fraîche, et le littoral escarpé du lac du Missionnaire n’offre pas un habitat étendu à cette espèce. L’éperlan arc-en-ciel et la perchaude sont plus rares maintenant dans ce plan d’eau. Selon M. René Brouillette, actuel président de l’Association des propriétaires de chalet du lac du Missionnaire qui fréquente le lac depuis près de 40 ans, on n’observe plus, comme il y a longtemps, des éperlans échoués sur les plages après des épisodes de fortes vagues. Quant à la perchaude, il semble qu’on n’en voit plus comme avant et que les pêcheurs qui s’y intéressent n’en capturent plus.

Dans une étude portant sur l’impact de l’invasion de l’achigan sur le touladi, Vander Zanden et Rasmussen (2002) ont noté que, en présence de proies d’espèces pélagiques (éperlan arc-en- ciel, cisco de lac, grand corégone), le touladi s’en nourrirait presque exclusivement. En l’absence de ces espèces, la chaîne alimentaire du touladi se composerait à 60% de poissons du littoral et 40% de zooplancton. La disparition de l’éperlan arc-en-ciel et la diminution d’abondance des petits corégones ont pu forcer le touladi à s’alimenter sur les espèces du littoral. Comme le littoral du lac du Missionnaire est considéré peu productif, cette pression est probablement suffisante pour entraîner une raréfaction de la perchaude. Le ralentissement de la croissance traduit le passage d’une population de touladis piscivores à une population de type planctonophage.

La proportion d’estomacs vides était significativement plus grande en 1998 qu’en 2003, et la condition des touladis matures était moins bonne en 1998 qu’en 2003. Au contraire, la condition des immatures était meilleure en 1998 qu’en 2003. Malgré des effectifs relativement faibles pour détecter les différences dans la condition des poissons, les résultats indiquent que la condition des touladis matures et immatures n’est pas synchronisée. Sachant que les très jeunes touladis peuvent fréquenter les eaux profondes et peu oxygénées de leur habitat pour échapper à la prédation des adultes (Evans et al, 1991; in Sellers et al, 1998), il est probable que l’abondance relative des adultes et des immatures ait une influence sur leur répartition dans l’habitat et sur la compétition pour la nourriture à l’intérieur de chacun de ces groupes. La très faible survie des touladis ensemencés massivement en 1993 et surtout en 1995, alors que la condition des adultes était faible en 1998, suggère que l’interaction se situerait chez les immatures. Même peu nombreux, les adultes pourraient créer, sur les immatures, une pression qui les confine et force cette interaction. Cela n’explique cependant pas pourquoi la condition des touladis matures aurait augmenté, quoique très légèrement, de 1998 à 2003. Notons que les touladis capturés en 2003 sont significativement plus âgés que lors des campagnes précédentes (pas plus grands ou plus gros), et qu’ils pourraient s’alimenter différemment.

Le niveau du lac du Missionnaire a connu des changements importants au cours des années. A l’époque où il s’y faisait du flottage de bois, un barrage rehaussait son niveau d’environ deux mètres (René Brouillette, comm. pers.). Plus récemment, le pont qui enjambe la décharge aurait été remplacé par deux ponceaux en 1996 et un seuil de roche en amont a été régulièrement modifié depuis par des propriétaires qui désiraient un niveau plus ou moins haut du lac. Le retrait du seuil par de la machinerie en 2000 et sa reconstruction temporaire ont aussi un effet sur le niveau de l’eau. Le seuil temporaire est perméable et le niveau de l’eau s’abaisse jusqu’à 45 cm en hiver, selon M. Brouillette. Ces changements récents affectent principalement l’habitat de ponte et de développement des œufs, lequel se résume à une mince bande près de la ligne de rivage, et des actions pour en minimiser les effets sont recommandées dans Scrosati et Houde (2002). Ces mêmes changements peuvent aussi affecter le grand corégone, qui se reproduit à la même période que le touladi. Une baisse de recrutement, et donc une rareté relative de petits individus, pourrait aussi expliquer l’augmentation de la masse moyenne des grands corégones.

A première vue, ces changements de niveau d’eau devraient avoir peu d’effet sur l’habitat des juvéniles et des adultes du touladi, lequel est beaucoup plus profond, mais l’abaissement du niveau d’eau se traduit par une réduction de l’habitat préférentiel qui est délimité par la

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température de l’eau et l’oxygène dissout. Dans les petits lacs du centre et de l’est de l’Ontario sujets à une eutrophisation « culturelle » (i.e. due à l’action de l’homme), Marshall (1996) rapporte que les lacs dont l’habitat utilisable (strates <15,5°C et >4 mg/l d’oxygène dissout (OD)) fait moins de 40% du volume ou dont l’habitat optimal (strates <10°C et > 6 mg/l OD) fait moins de 20% du volume sont limitants pour le touladi. Dans les lacs proches de ces conditions limites, une petite augmentation de la charge nutritive ou des petits changements dans le régime thermique peuvent les rendre peu propices pour le touladi. Le lac du Missionnaire est profond; à partir des conditions de physico-chimie du 24 août 1998 et du 21 août 2003, on estime que l’habitat utilisable formait 100% du volume sous la thermocline, et l’habitat optimal 91% du même volume. L’oxygène dissout était à près de 90% de saturation au fond du lac (43 mètres), preuve que l’eutrophisation n’est pas un problème au lac du Missionnaire. Les tests du 18 août 1993 ne couvraient que la zone 0-14 mètres seulement, mais la concentration était encore de 10,4 mg/l OD à cette dernière profondeur. L’habitat n’était donc pas limitant pour le touladi ces années-là, peut-être en partie à cause de sa faible densité.

Evans et al (1991) discutent longuement de l’habitat d’élevage du touladi, lequel est distinct de celui des adultes pour échapper au cannibalisme. Plusieurs groupes d’âge sont confinés dans cet habitat, puisqu’il serait utilisé par les jeunes touladis jusqu’à l’âge de deux à quatre ans selon leur taux de croissance. La taille de l’habitat d’élevage serait même un des principaux facteurs affectant la productivité des populations de touladis. Dans leur revue de littérature, Evans et al (1991) ont constaté que la profondeur moyenne des juvéniles en été était de 39 mètres; ils ont défini leur habitat estival a partir des bornes de l’intervalle de confiance (P=0,95) de cette moyenne, soit entre 27 et 50 mètres. Dans les lacs qui offrent de telles profondeurs, l’habitat des adultes et des juvéniles a été divisé à partir des exigences en oxygène dissout. L’habitat préféré des juvéniles serait situé sous l’habitat préféré des adultes, soit entre 6 et 4 mg/l OD, et leur habitat tolérable sous l’habitat vital des adultes, soit entre 4 et 2 mg/l OD. La température plus froide des eaux profondes peut aussi offrir un refuge aux juvéniles dont la température optimale pour la croissance est sensiblement la même que celle recherchée par les adultes (10°C). Dans le cas du lac du Missionnaire, l’oxygène dissout en profondeur n’étant pas limitant (au moins depuis qu’on le mesure, en 1993), seule la température plus basse de ces eaux peut offrir une protection aux juvéniles mais elle est peut-être moins efficace que le manque d’oxygène dissout.

Evans et al (1991) notent que les juvéniles ensemencés trouvent aussi refuge dans l’habitat des juvéniles et que si leur nombre est important, ces poissons ensemencés peuvent être des compétiteurs ou des prédateurs sérieux des poissons sauvages. Powell et Carl (2004) ont rapporté que la survie initiale de touladis ensemencés dans des lacs qui ont une faible densité naturelle peut être élevée, mais que la survie et la croissance des ensemencements subséquents peuvent décroître significativement à cause des interactions avec les premiers. Toutefois, si l’importance du cannibalisme semble varier d’un lac à l’autre, il est probable, selon ces auteurs, que les touladis ensemencés subissent une plus grande mortalité que les touladis sauvages du même âge. Nombre d’études ont aussi démontré que la survie après ensemencement de touladis indigènes à un secteur était supérieure à celle de touladis non-indigènes. Rappelons que l’origine des touladis ensemencés a varié au cours des années : du lac des 31 Milles en 1987 et 1988, du lac aux Sables en 1990 et du lac du Missionnaire par la suite. Ce sont cependant ces derniers qui ont eu la survie la plus faible.

L’ensemble de ces considérations supporte l’hypothèse que les ensemencements ont débalancé un système fragile. De 1988 à 1993, on a doublé la densité de population de touladis (sur la base des CPUE) avec pour résultat une diminution de la croissance. En 1998, la poursuite des ensemencements a maintenu cette densité élevée (les touladis ensemencés forment alors plus de 70% de la population), mais les touladis maintenant plus âgés (9,1 ans en moyenne VS 6,0 ans en 1993) ont augmenté à la fois le cannibalisme et la prédation sur le grand corégone. Ces proies ne semblent pas des plus profitables, puisque la croissance diminue toujours et que la proportion d’estomacs vides est élevée. La population en 2003 est surtout composée de poissons ensemencés et âgés qui, au cours des années précédentes, ont maintenu une forte pression sur les derniers poissons ensemencés et par ricochet sur les poissons sauvages dont la densité n’est

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plus que de 46% de celle de 1988. La croissance est la plus faible de celles mesurées au cours des années. D’une part l’habitat profond du lac du Missionnaire (fortement oxygéné) n’offre peut- être pas un refuge efficace aux jeunes poissons qui subissent un fort cannibalisme, d’autre part ces derniers y sont peut-être confinés plus longtemps et plus profondément, en compétition pour des ressources alimentaires limitées, ce qui ralentit leur croissance et augmente encore leur vulnérabilité. Les aptitudes des poissons ensemencés, en particulier ceux en provenance du lac des 31 Milles, en font peut-être des prédateurs plus efficaces; malheureusement, ceux-ci ont été ensemencés avant les touladis de souche locale qui ont subi cette prédation. Le fort taux de cannibalisme aurait donc nui à la fois au recrutement naturel et à la survie des touladis ensemencés de souche locale. Quant au ralentissement de la croissance de ces poissons, l’hypothèse qu’il soit dû principalement au confinement des juvéniles plutôt qu’à la rareté de la nourriture des adultes est appuyée par la proportion élevée d’estomacs pleins chez ces derniers en 2003. L’évolution du succès de pêche sportive n’est pas en contradiction de cette hypothèse.

De 1993 à 2000, ce succès a diminué des deux tiers (Houde, 2002), alors que la densité du touladi (selon les CPUE) aurait baissé de moins de 15% dans cet intervalle. Il est probable qu’un changement dans le régime alimentaire du touladi explique sa susceptibilité plus faible à la capture.

Les impacts potentiels des ensemencements de touladi ont été bien documentés (Kerr et Lasenby, 2001) et les plus importants sont probablement ceux sur les populations sauvages dont ils peuvent parfois causer la perte. Le guide des déversements de poissons (MLCP, 1988) pour le repeuplement du touladi est basé sur une évaluation de l’état de la population sauvage. Les quantités recommandées passent du simple au double selon que le stock de reproducteurs et de recrues peut assurer ou non le rétablissement naturel de la population. Dans le cas du lac du Missionnaire, pour une superficie d’habitat propice évaluée à 345 ha (superficie où la température estivale de l’eau est inférieure à 12°C et l’OD supérieure à 5 ppm), ces taux sont de 10 et 20 poissons à l’hectare, soit 3450 ou 6900 touladis d’un an. Les premiers ensemencements respectaient cette dernière norme (6000 touladis), mais ceux de 1993 et 1995 l’excédaient nettement (12110 et 10000 touladis). Comme les touladis de ces ensemencements sont de la souche du lac du Missionnaire, on peut supposer que la densité des juvéniles était trop élevée et que cela a affecté leur survie.

La disparition de l’éperlan arc-en-ciel et la baisse de densité de la perchaude, telle que rapportée par des résidents, obligent probablement le touladi du lac du Missionnaire à un fort cannibalisme, ce qui pourrait limiter tout effort d’augmenter sa densité de manière soutenue. On ignore la cause de la disparition de l’éperlan, mais elle est plus vraisemblablement due à la destruction de son habitat de reproduction qu’à une pêche abusive, laquelle aurait laissé des traces dans la mémoire des résidents. La restauration de l’éperlan arc-en-ciel n’est cependant pas nécessairement souhaitable. Vander Zanden et al (2004) rapportent que l’introduction de l’espèce peut avoir des impacts négatifs sur la communauté de poissons indigènes. En effet, en tant que compétiteur ou prédateur possible des jeunes touladis, il importe d’assurer le recrutement du touladi avant d’entreprendre des actions de restauration de l’éperlan arc-en-ciel.

D’autre part, une population de touladi planctonophage offre un rendement plus élevé qu’une population piscivore, et la chair des touladis planctonophages est plus appréciée (D. Nadeau, comm. pers.). Enfin, les espèces piscivores sont les plus contaminées par le mercure, à cause du mécanisme de concentration de ce métal dans la chaîne alimentaire.

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Conclusion

Dans l’habitat estival du touladi, les pêches normalisées indiquent une rareté grandissante de touladis juvéniles. L’habitat de reproduction semble problématique et expliquerait la rareté ou l’absence de jeunes individus sauvages dans la population, autant avant qu’après ensemencements. Les recommandations déjà émises (Scrosati et Houde, 2002) concernant l’aménagement de sites de reproduction propices pour le touladi sont maintenues et devraient être suivies avant d’entreprendre d’autres actions.

Parallèlement, on observe un ralentissement de la croissance des touladis depuis 1988, malgré leur faible densité globale. Comme la condition des touladis matures et immatures n’est pas synchronisée, on présume que l’abondance relative des adultes et des immatures a une influence sur leur répartition dans l’habitat et sur la compétition pour la nourriture à l’intérieur de chacun de ces groupes. L’augmentation de la taille moyenne des grands corégones évoque une rareté grandissante des jeunes de la seule espèce proie dans l’habitat estival du touladi. Malgré que les estomacs des touladis contiennent encore majoritairement des poissons en 2003, le ralentissement de la croissance depuis 1988 trahit le passage d’une population de type piscivore à une population de type planctonophage.

La première évaluation de la population de touladis du lac du Missionnaire, en 1981, justifiait une action comme le programme de restauration par ensemencements qui y a été réalisé de 1987 à 1995. Les dernières quantités de touladis ensemencés, le double des précédentes, ont excédé les normes ministérielles. Malgré des conditions excellentes en termes d’oxygène dissout dans l’habitat profond du lac où les juvéniles sont confinés, leur abondance et la compétition qu’elle entraîne sont probablement responsables de la faible survie des derniers touladis ensemencés.

Cette densité trop élevée nuit tout autant aux juvéniles sauvages, qui ont pratiquement disparu du lac du Missionnaire. Ces observations montrent que les normes actuelles d’ensemencement sont appropriées et ne devraient pas être dépassées.

Dans l’optique de recréer la communauté de poissons d’origine, la restauration de la population d’éperlan arc-en-ciel ne pourrait être envisagée avant que le recrutement naturel de la population de touladi ne soit assuré. Cependant comme le rendement d’une population de touladi planctonophage est plus élevé que celui d’une population piscivore, même si les poissons sont de plus petite taille, une offre de pêche supérieure peut être préférable dans un plan d’eau relativement petit pour le touladi.

Les méthodes de pêche normalisées ont l’avantage de permettre la comparaison des résultats entre les campagnes de pêche, mais n’offrent pas d’information en dehors de leur champ d’application. Pour une espèce comme le touladi, dont l’habitat préférentiel est très limité (eaux froides et profondes), les résultats de pêche ne renseignent pas sur la communauté de poissons des plans d’eau étudiés. Les renseignements qu’on peut tirer des autres espèces capturées, même si la méthode est biaisée en ce qui les concerne, peuvent expliquer les variations observées chez le touladi. Le changement dans la structure de la population du grand corégone, par exemple, est présumé plutôt que déduit, parce que les poissons n’ont pas fait l’objet de mesures individuelles. Malgré l’énergie additionnelle requise pour ces mesures, elles devraient être systématiques dans les plans d’eau qui font partie d’un réseau de suivi. Enfin, la description sommaire des contenus stomacaux limite l’analyse qu’on peut en faire. Toutefois le coût d’une meilleure description, soit l’analyse en laboratoire des contenus prélevés et conservés, serait beaucoup plus élevé et probablement pas justifié si on ne soupçonne pas une problématique liée à l’alimentation de l’espèce ciblée.

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Remerciements

De nombreuses personnes ont collaboré à la réalisation des pêches scientifiques au cours des années : Michel Lafleur, Jacques Archambault et Jean Benoît (biologistes), Côme Garceau, Jean Scrosati, Daniel Dolan et Denis Bourbeau (techniciens de la faune). Certaines de ces personnes ont aussi collaboré aux ensemencements. Des travaux ont aussi été effectués lors de la fraye en 1989 et 1991, auxquels ont collaboré André Gervais (technicien de la faune), Pierre Lefèbvre (biologiste), Jean Benoît et Jean Scrosati.

Les enquêtes de pêche ont été réalisées par Messieurs Jean Gervais et Marcel Émard.

Messieurs Richard Gingras, René Brouillette et Léo Rivard, présidents de l’Association des propriétaires de chalet du lac du Missionnaire, ont facilité ces enquêtes et fourni des renseignements précieux sur la situation du touladi au lac du Missionnaire.

Les lectures d’âge ont été réalisées par Jean Scrosati surtout et Jean Benoît. La qualité constante de la détermination des âges et des mesures sur les otolithes a permis une analyse poussée de la croissance des poissons.

Messieurs Henri Fournier, Michel Legault et Daniel Nadeau, tous biologistes au ministère des Ressources naturelles et de la Faune, ont fourni des commentaires sur le manuscrit.

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