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LES FONDAMENTAUX DU R..E..R..

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Academic year: 2022

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LES FONDAMENTAUX DU R.·.E.·.R.·.

Rappel : ci-dessous rassemblées 4 planches à l'origine éparses, tracées sur demande du VM

d'une RL qui avait été créée pour accueillir les FF du Rite Ecossais Rectifié de la GLNF en rupture de ban après la scission entre ladite GLNF et le GPDG, qui gérait jusque là pour son compte le 4ème grade du R.·.E.·.R.·. et son Ordre intérieur. Ayant découvert une réalité de leur nouvelle obédience qui ne correspondait guère à leur idéal, les FF en question demandèrent leur retour à la GLNF, d'où cette L.·. d'accueil.

Mais curieusement, cette L.·. avait été créée par des FF.·. du REAA, d'où l'utilité du présent résumé de ce qu'est le R.·.E.·.R.·., dans son historique (chapitre 1), mais surtout dans sa spiritualité judéo-chrétienne (chapitre 2), son ésotérisme chrétien (chapitre 3) et sa dimension chevaleresque (chapitre 4).

On me pardonnera certains raccourcis destinés à en faciliter la lecture, ainsi qu'un certain manque de références, ayant regroupé par facilité l'abondante bibliographie en 1 page de Fin.

1. LE R.·.E.·.R.·., TENTATIVE D'HISTORIQUE VM,

Vous m'avez fait le redoutable honneur de me confier un M.·.d'A sur l'historique du Rite qui nous réunit ici.

Redoutable parce que son histoire est foisonnante, semble parfois partir dans tous les sens, montre l'influence de courants contradictoires, influence elle-même la totalité de la M.·.erie française (voire plus), est encore aujourd'hui en train de se faire, avec des contestations d'interprétation et des soubresauts qui ne peuvent que susciter l'étonnement des FF.·. d'autres Rites, mais aussi parfois leur fascination.Ne serait-ce que parce que notre M.·.erie est à l'origine de l'obédience GLNF…d'aucuns diraient de la M.·.erie spéculative française: le Rite tel que nous le pratiquons aujourd'hui est, moyennant quelques traductions linguistiques, tel qu'il fut fixé en 1782. …Mais peut-être est-ce aussi parce que le R.·.E.·.R.·. a subi une éclipse de 60 ans –d'où l'emblème du Phénix-, échappant ainsi aux vicissitudes du siècle !

Une telle histoire ne peut se résumer en ¼ d'H. Certains lui ont consacré et encore aujourd'hui une partie de leur vie. Vous m'avez incité, convaincu que vous êtes de l'intérêt du sujet pour la compréhension de l'essence du Rite, à en répartir la présentation en plusieurs "épisodes". J'ai pensé, notamment à destination de nos FF.·.AA.·., que je devrais commencer par une vision globale, en tentant ce soir d'approcher l'essentiel de la spécificité du R.·.E.·.R.·., quitte à revenir ultérieurement dans le détail de ses phases de vie.

Premier rappel: R.·.E.·.R.·. peut se lire Rite Ecossais Rectifié ou Régime Ecossais Rectifié, qui désigne l’Ordre en tant que Constitution, organisation et gouvernement du Rite Écossais Rectifié, celui-ci étant, comme tout Rite, l'équivalent non confessionnel d'une liturgie.

C'est dans le Rite que l'on trouve les particularités les plus visibles aux FF des autres Rites, tant dans la gestuelle que dans son vocabulaire : par exemple,

- Au R.·.E.·.R.·. l’épée, signe avant-coureur de la Chevalerie, fait partie -comme le Chapeau et le tablier- de la vêture maçonnique -et non des décors- de tous les FF. L’épée que le Fporte au côté et le Chapeau, l’accompagneront dans toute sa vie maçonnique .

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Les AA et CC, ne bénéficiant pas de l’autorisation de se couvrir le Chef, glissent le Chapeau légèrement sous le tablier du côté gauche.

- Pour la même raison, lorsqu’un profane reçoit la Lumière, ainsi que lors des prestations de serment au cours du passage des grades, le Commandement “A l’Ordre” de notre Rituel s'entendait “En Garde” (=“Garde à vous”) dans les Rituels d’origine, que le souci de convergence des “Us et Coutumes” de la Maçonnerie ont fait évoluer.

Ainsi, “se mettre à l’Ordre”, lorsqu’on est debout à sa place ou entre les colonnes, consiste à se mettre au “Garde à vous”, donc au seul premier temps du signe.

- Ce Signe d’ Ordre n’est fait en entier que six fois : trois fois à l’Ouverture, et trois fois à la fermeture. L’ Ordre étant donc une position statique , tous les déplacements en loge ne se font qu’après l'avoir quitté.

- Le Maître des Cérémonies, gardien de l'ordonnancement, ne se met donc jamais à l’Ordre . - Lorsqu'un F, sur ordre du V.M., sort, précédé du M. des C., il se place devant les colonnes, se met à l’Ordre, salue l’Orient par une profonde inclinaison , quitte l’Ordre en abaissant

simplement la main droite devant soi , puis sort à main gauche.

- L’entrée en Loge des FF attardés ou rentrant après couverture du temple, se fait au Pas d’Apprenti, c’est à dire le pied Gauche en avant ( éventuellement à pas libres, selon prescription du VM) : en partant du pied Gauche, on dégage la droite du corps, donc on inonde le flanc droit des rayons provenant de l'Orient, symbolisme que nous retrouvons dans le sens

“dextrocentrique” de la Circambulation . C’est la prédominance “ Solaire”

- dans une loge du Rite Écossais Rectifié, nous ne sommes pas devant la chaire du roi Salomon, mais devant l’ Autel d'Orient

- Le F Eléemosynaire -titre issu de l’Ordre Hospitalier de Saint Lazare de Jérusalem (1120)- fait circuler l’aumônière, et le don doit être fait avec la main gauche, celle du Coeur.

- Les FF. Surv. rentrent avec le Cortège, derrière le M.D.C., l’épée main droite pointe en bas, écartée sur la droite, et on ne les salue ni en entrant ni en sortant .

- Il n’y a aucune acclamation, ni -rituelliquement- d'accompagnement musical, sans doute peu compatibles avec le hiératisme quasi-militaire du Rite.

- un profane est reçu dans l'Ordre -et non "initié", après une méditation dans La Chambre de Préparation -et non le Cabinet de Réflexion-, pour devenir mon Bien Aimé Frère -et non mon Très Cher Frère. Trois pas Maçonniques au dessus du Tapis de Loge -et non du Tableau de Loge- l'amèneront à l'Orient où les Dignitaires de l’Ordre -et non les Grands Officiers de l'obédience- parmi lesquels l' Ex-Maître -et non Passé Maître- lui remettront les insignes de son Grade -et non de son degré .

Tous ces particularismes -et d'autres moins évidents ou relevant d'autres Grades- s'expliquent;

et je dirais même s'expliquent dès la réception au Régime, où -autre particularisme- la globalité de la démarche du Rite est déjà présente, même si elle se cache sous le voile des symboles. Ce qui en fait, dans sa forme comme dans son fond, un système d'une rare cohérence.

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Tout s'explique disais-je par l'histoire du régime, en l'espèce indissociable de son essence.

Je tenterai de n'en retenir que les faits marquants: il est en effet facile d'en connaître le détail au travers de l'abondante littérature inspirée par les archives municipales de Lyon, fonds

documentaire là encore unique dans toute l'Histoire de la Maçonnerie.

Tout d'abord, le Régime comme son Rite sont essentiellement l'œuvre -le grand œuvre ?- d'un homme, pur produit du "siècle des Lumières" : Jean-Baptiste Willermoz, au prénom prédestiné, qui né à Lyon en 1730, bâtit sa fortune -et son réseau relationnel- sur la soierie. Homme

d'affaires plus qu'avisé, il montre cependant très tôt un intérêt évident aux "choses de l'esprit", puisqu'il se fait initier (privilège alors du nom ou de la fortune) à l'âge de 20 ans et se retrouve quelques mois après "affublé de tous les cordons et de toutes les couleurs possibles"(dixit lui- même), V.·.M.·. à l'âge de 22 ans, puis 10 ans d'affilée (!) mais dégoûté ipso facto de la facilité et de la frivolité régnant dans des "Tenues d'agapes" de "Loges de Bacchus", que Joseph de

Maistre, à l'itinéraire (commencé à Nice) assez parallèle, qualifie de "pure société de plaisir".

Le XVIIIème siècle, en effet est un mélange complexe de " lumières ", de raison cartésienne, d'illuminisme, voire d'obscurantismes; la religiosité est souvent sentimentale; un irrationnel souvent crédule va de pair avec le plus cynique matérialisme ; l’épicuriste confond souvent sa quête de l'occulte avec celle d'un pouvoir tangible. Les esprits se délectent d'alchimie et de magnétisme, de "supérieurs inconnus", thaumaturges ou mystiques.

Willermoz lui-même -éternel cherchant- , après avoir vainement tenté les passes théurgiques auprès de Martinez de Pasqually, se passionne pendant 5 ans pour les vertus thérapeutiques du fluide magnétique mesmérien, de même qu'il entretiendra une Demoiselle Rochette comme médium, puis –encore déçu-, tombe pendant 2 ans sous la coupe d'un "agent inconnu" qui lui fait organiser une "Loge Élue et Chérie de la Bienfaisance", lui souffle la substitution du mot

d'apprenti de "Tubalcaïn" en "Phaleg", avant de se révéler être Mlle de Valliéres, sœur de l'un de ses FF.·. qui y trouva sans doute son profit…

De même, s'entremêlent les légendes tour à tour écossaise, jacobite ou stuartiste, et le mythe templier, le tout dans un foisonnement de mouvements qui se disent d'autant plus facilement

"maçonniques" que chacun en a sa définition et son rite, et que, si des Landmarks existent -à partir de 1723-, ils sont édictés de Londres, dont l'autorité reste longtemps contestée, surtout en pays catholique.

A ce propos, n'oublions pas qu'au-delà des confessions, la Maçonnerie du XVIIIème, encore proche des constructeurs de Cathédrales ne peut être que Chrétienne; la question ne se pose même pas, sauf sous l'angle du conflit toujours larvé entre Catholiques et Réformés –la Maçonnerie "écossaise" étant, comme bientôt sa sœur irlandaise, par nature catholique.

Ce sera d'ailleurs la vraie raison de la première scission de la Grande Loge d'Angleterre entre

"Modernes et Anciens" en 1751, les "Anciens" majoritairement catholiques s'opposant aux

"Modernes" anglicans, qui les regardaient avec quelque mépris...

En France, c'est la transposition de la Maçonnerie "moderne" -donc anglaise- qui domine quand Willermoz décide de créer "la sienne", même si la première maçonnerie spéculative du continent était, dès 1688, celle des stuartistes écossais et catholiques réfugiés à St Germain en Laye, mais dont la pratique resta cantonnée à ces immigrés.

Mais la FM.·. anglaise également importée le fut par des aristocrates, commerçants et financiers londoniens, bien intégrés dans la société française, d'autant que les aspects les plus rigoureux de la pratique protestante laissèrent vite place -après la révocation de l'Edit de Nantes par Louis

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XIV- à une interprétation française ou plutôt parisienne peu compatible avec le rigorisme tout lyonnais de Willermoz : début des "assemblées" (le terme de "tenue" ne s'applique aux grades

"bleus" que depuis la fin XIXème) à midi bien sûr, mais aussi en temps profane, donc par un copieux "dîner", ouverture des travaux après la digestion, et fin d'iceux -quand il y avait réception- juste avant le "souper". Rien dans le rituel écrit ne le prohibant, les dames étaient forcément admises (dont par exemple la Princesse de Lamballe).

Inutile de parler du recrutement, dont étaient de facto exclu qui n'était ni noble, ni riche, ni ecclésiastique (pour qui existaient des dispenses particulières).

C'est donc cette "Maçonnerie" que Willermoz décida de "rectifier", au sens alchimique de

"retour à la pureté originelle" (voir le "V.I.T.R.I.O.L." cher à nos FF.·. du REAA). Son frère Pierre-Jacques -médecin- se toquait d'alchimie, l'une des rares spiritualités à la mode à laquelle Jean-Baptiste échappa.

En bref, les premières sources d'inspiration étaient multiples, foisonnantes et contradictoires, ce qui n'était pas pour rebuter un Willermoz doté d'un solide bon sens et d'un génie de synthèse qu'il confirmera par la suite. Il va exploiter ces sources dès que ses moyens lui en donnent le loisir.

Or ses moyens ne manquent pas, donc ses loisirs non plus: outre son héritage, il possède un vrai génie des affaires. Avec l'aide des mœurs du temps qui font qu'un ouvrier de filature –dès l'âge de 12 ans- travaille 16 heures par jour pour un quignon de pain et un grabat dans l'atelier, son talent lui permet de bâtir une petite fortune qu'il va engloutir en Maçonnerie, mais aussi en bienfaisance, notamment auprès des Hospices de Lyon alors en gestation.

Contradictions d'une époque où la traite des noirs ne choquait personne…mais qui fera que la tête de Willermoz soit mise à prix pendant la Terreur, où il préférera se faire oublier dans une retraite discrète (en Suisse ?).

Pourtant Willermoz était une sorte de révolutionnaire, dans la mesure où il acceptait mal que ses mérites et sa fortune ne lui donnent point accès à cette élite qu'était la noblesse de sang. Toute sa vie, il cherchera à côtoyer barons, comtes, ducs et princes, qui, de leur côté monnayaient

volontiers leur compagnie. Il faut répéter que la Franc-Maçonnerie naissante était un terreau fertile à ces rencontres, ne serait-ce que parce qu'il fallait y savoir lire, écrire et parler, toutes qualités peu répandues dans le menu peuple...

C'est ainsi qu'il fonde en 1756 la "Grande Loge des Maîtres Réguliers de Lyon", "à l'instar de celle de Paris" (distant de 3 jours de cheval, et dont l'autorité était dès lors toute relative).

Pourquoi "Réguliers" ? Parce qu'il s'agissait simplement de suivre une "règle", à l'instar des ordres monastiques, mais…celle qu'il allait tracer !

Il se plonge dès lors intensément dans l'étude afin de trouver "La vérité de la Maçonnerie", mais encore plus dans l'action où il excelle.

Ainsi avec son frère Pierre-Jacques, (l'alchimiste), il fonde en 1763 le "chapitre rosicrucien des Chevaliers de l'Aigle Noir", lointain ancêtre d’un rituel du Rite Ecossais Ancien & Accepté encore pratiqué de nos jours en Angleterre.

Il rencontre et devient l'ami de Bacon de La Chevalerie, nobliau parisien qui l'introduit dans l'"Ordre des Elus Cohens de l'Univers", lui fait rencontrer son Grand-Maître et créateur Martinez de Pasqually, et l'ordonne en 1768 "Réau-Croix", suprême grade de l'Ordre. Carrière rapide qui n'était pas rare à une époque où l'on pouvait être reçu Apprenti Franc-Maçon, Compagnon, Maître, voire V.·.M.·. dans la même journée, en fonction de ses"mérites" profanes (par exemple 4 quartiers de noblesse ou une fortune conséquente).

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Il existe peu d'informations sur l'origine de Martinez (ou Martines ?): sa date de naissance exacte est inconnue (1710, 1719, 1727 ?), on connaît très mal ses origines familiales, tout comme sa lignée initiatique, pour laquelle seules des hypothèses sont possibles. On sait au moins que son véritable nom était Jacques Delivon Joacin de la Case. Il n'est sans doute pas d'origine française (on est aujourd'hui à peu près sûr que son père était d'origine espagnole), il maîtrise mal notre langue, qui est celle qu'il utilise pourtant pour écrire son grand-oeuvre, le célèbre et doctrinal Traité de la Réintégration des Êtres.

Ce qui explique peut-être que le français qu'il utilise soit étrange, et que ses secrétaires- correcteurs s'épuisent vite dans des corrections finalement peu nombreuses, ce qui en rend l'accès peu facile. Mais ce langage hermétique allait bien avec un personnage que l'on qualifierait aujourd'hui de "gourou" -y compris dans ses moyens d'existence...

Martinez séduisit deux disciples principaux : Jean-Baptiste Willermoz et Louis-Claude de Saint- Martin, ami de Willermoz, futur "philosophe inconnu", qui rencontre les Elus Coëns alors qu'il est dans la carrière militaire, est initié aux premiers grades vers 1765, Réau-Croix en 1772 et restera quelque temps auprès de Martinez comme secrétaire, l’aidant dans la rédaction finale des rituels et du fameux Traité. Cette rencontre fut pour lui un véritable "coup de foudre" initiatique.

Tous deux restèrent toujours très élogieux à l'égard de leur maître.

Saint-Martin disait : "c'est le seul homme dont je n'ai jamais fait le tour", Et Willermoz : "je ne lui connais aucun second".

Martinez de Pasqually fait son entrée sur la scène maçonnique dans les années 1750, avec pour objectif de rénover la maçonnerie.

Il distingue en effet pour lui deux maçonneries :

- la maçonnerie "authentique", celle qu'il entend mettre en place - et la maçonnerie "apocryphe", celle qui existait à son époque.

Son projet se heurte aux difficultés que l'on imagine, et Martinez choisit alors de travailler en marge de la maçonnerie existante. Il constitue un ordre initiatique indépendant, qu'il nomme : Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers. Tous les mots ont ici leur importance : L'Ordre de Martinez est d'abord un Ordre de Chevalerie, qui, à ce titre, véhicule des valeurs morales et des valeurs de combat. C'est également un Ordre maçonnique : son ambition est de relever le Temple de Salomon, et l'Ordre s'inscrit dans une œuvre d'édification. Il se présente comme un système de hauts grades greffé sur la Maçonnerie des Loges bleues et dont la dernière étape est le grade de Réau-Croix, celui reçu directement par Willermoz.

Les membres en sont dits "Elus" : les Sœurs et les Frères admis dans l'Ordre sont choisis, et ce sont des prêtres initiés. Enfin, "L'Univers" fait référence à l'objet du culte célébré par les Elus Coëns.

Ainsi, l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers, ou Ordre des Elus Coëns, cumule trois fonctions :

- Construire le Temple de Salomon - Défendre le Temple

- Célébrer le culte dans le Temple

L'organisation va se répandre en France et à Saint-Domingue, où Martinez possédait des attaches familiales, mais peu au-delà, et la mort de Martines en 1774 interrompt son œuvre. L'Ordre a peut-être compté 200 membres pendant trente ans.

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De 1754 à sa mort, pendant 20 ans, Martinez travaille à la construction de son temple Cohen, utilisant la franc-maçonnerie afin de greffer sur elle son système.

Vraisemblablement Maranne, Martinez s'est toujours présenté comme Catholique Romain (après la révocation de l'Edit de Nantes ?) : il s'est marié à l'Eglise, et ses deux fils ont été baptisés dans cette confession. De plus, il prescrivait à ses disciples l'assistance à la messe et eut entre autres secrétaires l'abbé Fournier.

Cela dit, ce rattachement à l'Eglise Catholique Romaine est douteux : loin des dogmes en vigueur, il est plus spirituel que doctrinal, car sa doctrine est fort éloignée de cette dernière, et puise bien davantage dans le judéo-christianisme du 1er siècle après J.C.

Le Judéo-christianisme concerne plus spécifiquement les Juifs qui tout en continuant à suivre la Torah, sont devenus chrétiens, comme c'est le cas de l'Eglise de Jérusalem (l'Eglise de Jacques) Il existe un courant du judaïsme qui a été absorbé par l'Eglise, dont un exemple est l'Eglise Syriaque.

Le judéo-christianisme disparaitra au IV° siècle (suite à différents conciles dont celui de Nicée en 325) , et ne réapparaît qu'au XVIII° et avec l'œuvre de Martinez de Pasqually. A ce jour, on ne sait pas comment se sont transmises et ont été véhiculées la doctrine et la pratique, ce qui laisse libre cours à toutes les hypothèses.

Pasqually vise à réconcilier ancien et nouveau testament au travers de sa "théorie de la réintégration", doctrine résolument chrétienne, mais imprégnée de gnosticisme, voire de cabalisme chrétien (notion sur lesquelles nous reviendrons):

Dieu, Unité primordiale, donna une volonté propre à des êtres "émanés" de lui ; mais Lucifer, ayant voulu exercer lui-même la puissance créatrice, victime de sa faute, entraîna certains esprits dans sa chute ; ils se trouvèrent alors enfermés dans une matière destinée à leur servir de prison.

Puis Dieu envoya l'homme au "corps glorieux" (sans matière) et aux pouvoirs immenses, pour garder ces rebelles et travailler à leur repentir ; c'est même à cette fin qu'il fut créé.

Par sa prévarication, Adam à son tour entraîna la matière dans sa chute ; par ce péché originel il s'y trouve maintenant enfermé ; devenu mortel, il n'a plus qu'à tenter de sauver la matière et lui- même. Il peut y parvenir, avec l'aide du Christ, par la perfection intérieure.

Pour ce faire Martinez enseigne des opérations théurgiques aux "hommes de vrai désir" (concept qui imprègne le futur R.·.E.·.R.·.) dignes de recevoir son initiation; ces opérations sont fondées sur un rituel minutieux ("le culte primitif") ayant pour but des phénomènes lumineux (nommés

"la Chose") qui ouvrent la voie de la réintégration .

Cette doctrine, destinée à une élite réunie sous le nom d' "élus cohens" (prêtres élus), connaîtra un grand retentissement; mais les opérations théurgiques ne resteront réservées qu’à de rares initiés, dont Willermoz fut apparemment exclu. Non sans trace, puisqu'elle sous-tendra le premier corpus du futur R.·.E.·.R.·...

Martinez a été militaire un certain temps, et il a d'abord recruté dans les Loges maçonniques militaires (entre autres Louis-Claude de Saint-Martin, alors lieutenant). Il abandonne cette carrière pour se consacrer à son Ordre, qu'il développe, et qui possédera une dizaine de Temples (dans l'Ordre des Elus Coëns, on parle de Temple et non de Loge).

Martinez est véritablement le fondateur de l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’univers , quoi qu'il s'en soit toujours défendu - sans que cela soit forcément contradictoire. En effet, Martinez a donné à un courant spirituel une forme sociale, mais il n'a -prétend-il- rien inventé : tout ce qu'il a écrit existe ailleurs (mais où ?). Les ordinations qu'il transmet dans son Ordre, il les a lui-même reçues .

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Mais l'Ordre ne survivra pas à la mort de son maître. En 1772, Martinez de Pasqually partit pour Saint-Domingue afin de toucher un héritage ; il devait y mourir en 1774. L'Ordre des Elus Cohens se désagrégea rapidement ; son influence continuera cependant encore longtemps après la mort du Maître, grâce notamment à la pensée de Saint Martin et au système maçonnique finalement institué par Willermoz .

Saint-Martin choisit une voie qu'il appellera la voie interne ou voie cardiaque, voie aussi

méthodique, mais sans pratique rituelle, voie dans laquelle il engagera ses propres disciples : les

"Intimes".

Il récupérera l'enseignement oral du Maître, qui ne figure pas dans le Traité, et le consignera notamment dans l'ouvrage intitulé "Les Nombres", qui donne bon nombre des clés nécessaires pour comprendre la doctrine de Martinez de Pasqually.

Plus tard, il deviendra le "Philosophe Inconnu" (sauf du Tout-Paris), très à la mode dans les salons "littéraires" qui commencent à fleurir, le plus souvent autour de célèbres mondaines.

Jean-Baptiste Willermoz est avant tout un franc-maçon, c'est sa vocation, et il essaiera de

transmettre dans la maçonnerie ce qu'il a reçu de son maître Martinez de Pasqually qui lui-même n’a pu faire accepter son Rite à la G.L. de France .

C'est lui qui va, à partir de ce qu'il a assimilé de la théosophie martinézienne, en faire le fond de son système, futur R.·.E.·.R.·.:

Le Maçon Rectifié se doit en effet, et en toute liberté, de proclamer son identité de chrétien au- delà même des confessions religieuses , sujet qui ne peut et ne doit être soumis à aucune

discussion dans une Loge Régulière. S'il s'y conforme sur le plan de la conception théorique, il doit aussi réaliser son christianisme - base intangible du Régime - par le biais du rituel et du plus grand respect du rite qu'il a pour mission de transmette pur et sans tâche dans son

intégralité. Ceci depuis les origines, et encore de nos jours.

Relisons cet extrait de la "Règle maçonnique ":

Ton premier hommage appartient à la Divinité. Adore l' Être plein de majesté qui créa l'univers par un acte de sa volonté (...) Mais comment oserais-tu soutenir ses regards, être fragile qui transgresse à chaque instant ses lois et offenses sa sainteté, si sa bonté paternelle ne t'eût ménagé un Réparateur infini ? Abandonné aux égarements de ta raison, où trouverais-tu la certitude d'un avenir consolant ?Livré à la justice de ton Dieu, où serait ton refuge ?

Rends grâce à ton Rédempteur ; prosterne-toi devant le Verbe incarné, et bénis la Providence qui te fit naître parmi les chrétiens. Professe en tous lieux la divine religion de Christ, et ne rougis jamais de lui appartenir. L'Evangile est la base de nos obligations (...) Annonce dans toutes tes actions une piété éclairée et active, sans hypocrisie, sans fanatisme ;

le Christianisme ne se borne pas à des vérités de spéculation ; pratique tous les devoirs moraux qu'il enseigne, et tu seras heureux ; tes contemporains te béniront et tu paraîtras sans trouble devant le trône de l'Eternel.

La spécificité du Rite Ecossais Rectifié est de dispenser une doctrine . Ce mot fâche de nos jours, c'est vrai; cependant par "doctrine" il faut entendre enseignement transmis par des Maîtres.

Derrière ce mot, plutôt que rigidité, il faut comprendre droiture , rectitude donc rectification :

"Adhuc Stat".

L'enseignement que reçoit le Maçon Rectifié dès ses premiers pas dans l'Ordre ne porte pas seulement sur le comportement de l'Homme en général mais plus plutôt sur sa nature même.

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Willermoz écrit :

La Maçonnerie fondamentale a un but universel, que la morale seule ne pourrait remplir. La pratique de la saine morale et des devoirs de société sont à la vérité le but apparent des grades, mais ces vertus ne peuvent en être le but réel. Qu'aurait-elle alors besoin d'emblèmes (c'est-à- dire de symboles), de mystères et d'initiation ? Son but est d'éclairer l'homme sur sa nature, sur son origine et sur sa destination.

La vraie science maçonnique est d' apprendre à l'Homme qui il est, comme Joseph de Maistre affirmait au Duc de Brunswick en 1782 :

Le grand but de la Maçonnerie sera la science de l'homme.

Tel est donc, selon Willermoz et ses émules , le vrai but de l'Ordre, telle est la vraie science maçonnique : donner à l'homme un enseignement sur l'homme : apprendre à l'homme qui il est . Dans le passage cité plus haut, Willermoz a parlé de même du but universel de la Maçonnerie fondamentale, autrement dit de la Maçonnerie en soi.

En revanche, c'est bien là le but du Régime Rectifié. Celui-ci possède et enseigne effectivement la science de l'homme, ou plutôt il y prépare et y conduit . Willermoz a méthodiquement conçu et organisé ce système dans l'intention précise de dévoiler progressivement cette science au long d'un parcours à la fois pédagogique et initiatique .

Cette science, nous dit-il, est une "haute science", à distinguer des sciences générales. C'est ce qu'affirment sans ambiguïté les rituels rectifiés ; citons encore Willermoz :

La Franc-Maçonnerie bien méditée ( ... ) vous rappelle sans cesse et par toutes sortes de moyens, à votre propre nature essentielle. Elle cherche constamment à saisir les occasions de vous faire connaître l'origine de l'homme, sa destination primitive, sa chute, les maux qui en sont la suite, et les ressources que lui a ménagées la bonté divine pour en triompher.

Le Maçon Rectifié sait qu'il va devoir réaliser ce travail difficile qui consiste à exploiter efficacement cette haute science par le travail de l'Initiation.

Ce travail débute par une prise de conscience pessimiste , austère et rigoureuse mais qui génère d'espérance. Il doit toujours se souvenir que l'homme a été créé à l'image et à la ressemblance divine, donc dans un état primitif glorieux; que cet homme, par sa libre volonté, a chuté et qu'il a par conséquent perdu cette ressemblance ; en revanche même déformée pour le moment, il conserve en lui l'image divine.

Enfin , l'initiation est un des moyens procurés par la Providence à l'homme déchu pour restaurer la conformité à l'image originelle.

Cet enseignement est donc dispensé sans parcimonie dès le départ du parcours maçonnique.

Avant même d'être reçu apprenti, "cherchant" mis à l'épreuve on lui donne aussitôt la première maxime :

L'homme est l'image immortelle de Dieu ; mais qui pourra la reconnaître, s'il la défigure lui- même ?

A la fin de sa réception , la Règle Maçonnique lui enseigne une idée générale mais cependant précise des moyens à employer :

Si les leçons que l'Ordre t'adresse pour te faciliter le chemin de la vérité et du bonheur se gravent profondément dans ton âme ( ... ) ; si les maximes salutaires qui marqueront pour ainsi

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dire chaque pas que tu feras dans la carrière maçonnique, deviennent tes propres principes et la règle invariable de tes actions ; ô mon Frère ( ... ), tu accompliras ta sublime destinée, tu

recouvreras cette ressemblance divine qui fut le partage de l'homme dans son état d'innocence, qui est le but du christianisme et dont l'initiation maçonnique est son objet principal.

Tu redeviendras la créature chérie du Ciel et méritant le titre glorieux de sage, toujours libre, heureux et constant, tu marcheras sur cette terre l'égal des rois, le bienfaiteur des hommes et le modèle de tes Frères.

La représentation graphique du système de l'Ordre des Elus Coens de l'Univers était faite de cercles concentriques. C'est cette même géométrie que l'on retrouve dans l'architecture du Régime Ecossais & Rectifié. Lorsque J.B.W. réalisa sa synthèse, il y plaça implicitement au centre le système des Elus Coens, pour lui ultime stade de l'initiation, mais qui n'est plus de la Maçonnerie et qui n'est pas de son fait.

Autre trace d'importance, à partir de 1772, celle de la Stricte Observance, qui allait donner au R.·.E.·.R.·., maintenant doté d'un fond, la forme qui lui manquait.

En fait tout va reposer sur un quiproquo. A l'instar du Chevalier Ramsay dont le fameux discours de 1736 sous-entendait l'origine templière de la Franc-Maçonnerie, le Baron Von Hund,

fondateur de la Stricte Observance, prônait, dès 1743, une "rectification" dans un retour à la

"Règle fondatrice", celle des Templiers, remise au goût du jour (en l'absence de tout écrit) en mêlant dans un système plus ou moins cohérent les saga templière et écossaise :

- les Templiers sont les vrais fondateurs et Maîtres de la F.M.·.erie, qu'ils ont apportée à l'Ecosse en fuyant les persécutions. La F.M.·.erie est donc le noviciat du Temple, et la Stricte Observance est le Temple Rétabli. D'où un rituel très formel, une stricte hiérarchie, une organisation

territoriale et de gouvernement quasi-militaire (propre à séduire la noblesse d'épée).

- l'Ecossisme, pris à la fois en tant que système de hauts grades et au sens historique : les Stuart, protecteurs du Temple, en sont héréditairement les "Supérieurs Inconnus", et en investissent les Grands Maîtres. D'ailleurs, Von Hund, adoubé par un Chevalier inconnu, aurait reçu ses patentes du "prétendant" Charles-Edouard Stuart.

Mais pour Willermoz, le malentendu est fondamental, car la Maçonnerie est plus ancienne et plus essentielle que le Temple, et n'a fait que le traverser en s'en imprégnant ("comme le Rhône traverse le Léman" dit-il joliment).

Dès 1772, le convent de Kohlo, tout en avalisant l'alliance de la Stricte Observance à un obscur

"Cléricat des Templiers" établi en 1767 par Johann Starck, décide aussi

1) de changer l'appellation de Stricte Observance en "Régime Ecossais Rectifié", avec le rite du même nom,

2) de changer le titre de Chevalier Templier en celui de "Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte"

3) et de proclamer Ferdinand, Duc de Brunswick "magnus superior" de l'Ordre, relativisant ainsi toute référence aux "Supérieurs Inconnus".

Le système prit fin dès la mort de son fondateur Von Hund en 1776, où l'on apprit que le

"prétendant" Charles-Edouard Stuart qui, en tant que Supérieur Inconnu aurait délivré ses patentes à Von Hund, non seulement n'était pas au courant, mais en plus, n'était même pas Maçon (refusé semble-t-il par son propre Père…).

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Tout comme la doctrine de Martinez de Pasqually, disparue avec son fondateur dans son élitisme hermétique forcené, le formalisme du Baron de Hund disparaissait avec la révélation de sa mystification historique.

Le talent de Jean-Baptiste Willermoz est d'avoir su garder de ces rencontres ce qui pouvait servir à ses desseins : il extrait la pureté doctrinale du système martinézien et l’insuffle dans ce qu'il considère être le corps inerte -mais consistant- de la Stricte Observance.

Son talent d'organisateur, la liberté du mandat que lui donne le Convent, son zèle...et sa longévité lui permettent de structurer le Régime à sa guise en "Provinces", "Commanderies",

"Préfectures", correspondant aux différents grades et "classes".

L'architecture du régime subsiste encore, avec son "échelle de Jacob" labyrinthique puisqu'en cercles concentriques qui constitue toujours notre Règle :

Si au centre se trouve implicitement le système des Elus Coens, le Régime comprend trois classes : l'Ordre Maçonnique, l'Ordre Intérieur, la Classe "secrète".

La première des classes ostensibles repose sur un système de quatre grades symboliques qui a pour but d'instruire le néophyte dans les grades de la Loge de Saint- Jean (Apprenti –

Compagnon - Maître) et de terminer son Initiation dans la Loge de Maître Ecossais de Saint- André , grade à la fois final et charnière qui pourrait être assimilé à une Porte Étroite entre Saint Jean le Baptiste, le précurseur qui a tracé la première ligne de l’ Evangile et son successeur , Saint Jean l’Evangéliste qui termina, en l'exaltant au point qu'il ouvre nos travaux, ce que l’autre avait commencé par son zèle, traçant ainsi une ligne à la fois parallèle et convergente.

La deuxième classe comprend l'état préparatoire d’Ecuyer Novice en vue ensuite de l'armement dans l'Ordre Bienfaisant des Chevaliers Maçons de la Cité Sainte, véritable cérémonie

d'adoubement.

La troisième classe est composée de la Profession (Profès) et de la Grande Profession (Grands Profès)

Il n'y a donc, au R.·.E.·.R.·., ni "hauts grades", ni "side degrees", mais, comme le définit Willermoz, "une remontée du porche au sanctuaire" dont le Rite est la méthode.

Autrement dit, le système essentiellement créé par Willermoz est fondé sur une triple initiation : - de métier ("compagnonnique"), inspirée du fonds commun,

- chevaleresque, inspirée de la Stricte Observance et du mythe templier

- sacerdotale, inspirée du fonds martinézien, qui, couronnement de l'édifice, n'est plus de la Maçonnerie.

Cette réforme dite de Lyon, synthèse harmonieuse entre les rencontres de Willermoz, fut

approuvée par le Convent des Gaules en 1778, qui consacre l’"Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte" (C.B.C.S.) et sur le plan international au Convent de Wilhelmsbad de 1782, qui verra la naissance du R.·.E.·.R.·. au sens où nous le connaissons depuis

...mais avec une réserve : le Convent n'entérina pas l'existence de la classe secrète à laquelle l'illustre fondateur était particulièrement attaché.

Et même si cette classe continuera pourtant d' exister officieusement à son instigation -très discrètement il est vrai-, les Maçons Rectifiés ont donc hérité d'un édifice tronqué au sommet

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qu'illustre particulièrement bien la colonne brisée "adhuc stat" du grade d'apprenti, dont ce n'était pourtant pas l'allégorie originelle.

Après cette victoire à la Pyrrhus, Willermoz se détache de la Franc-Maçonnerie active. C'est cette date de 1782 qui marque une nouvelle étape, comme si Willermoz avait réalisé son grand œuvre et s'en sent fatigué. N'oublions pas qu'il avait reçu tous pouvoirs du convent pour finaliser l'écriture des rituels, seul aidé de Jean de Turkheim, à la tête de la Province de Bourgogne (Strasbourg).

Il va s'employer pendant 20 ans à ce faire, sans autre contrôle que sa conscience, puisqu'il survivra à tous ses mandants dans une organisation qui, quelle qu'en soit la pompe et le

retentissement, n'avait jamais dépassé la centaine d'adeptes -ce qui peut aussi expliquer la suite de son histoire...

Mais en même temps, éternel cherchant, il se fourvoie avec les mediums et autres agents inconnus et s'engage lui-même dans des chemins de traverse tels le mesmérisme déjà évoqué.

Il s'y trouve en bonne compagnie, ne serait-ce que celle de Louis-Claude de Saint-Martin, le

"philosophe inconnu" co-auteur du "Traité de la Réintégration des Êtres" lui-même, qui, en Février 1784, sera reçu dans "L'Harmonie de Mesmer" à Paris, où, comme les autres riches oisifs qui constituaient la clientèle de ce nouveau gourou, il cherchait la transe autour des "baquets magnétiques".

Mais cet épisode pendant lequel Willermoz s'était consacré au magnétisme fut préjudiciable à ses réalisations précédentes et contribua peut-être à fragiliser l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, tout juste sorti du creuset.

Un autre période de la vie de Jean-Baptiste Willermoz, la quatrième, s'ouvrait.

Elle fut précédée par les difficultés engendrées par la Révolution Française au cours de laquelle notre homme faillit perdre la vie, recherché qu'il était par les Comités de Salut Public, comme tout "tortionnaire du peuple", ce qu'il n'avait jamais réalisé, convaincu que la bienfaisance trouvait ses limites dans la "Loi naturelle" qui, en permettant que les apprentis -de ses ateliers de soierie- fussent enchaînés à leur métier à tisser, justifiait sa propre consécration au "métier" de la FM.

Cette nouvelle phase s'étend de 1796 à 1824, c'est-à-dire jusqu'à sa mort. Cette époque nous intéresse particulièrement, dans la mesure où c'est celle pendant laquelle il écrit l'essentiel de ses textes profondément chrétiens voire mystiques .

En 1796, Jean-Baptiste Willermoz, à soixante-six ans, met fin à sa vie de célibataire en épousant Jeanne-Marie Pascal, qui était depuis longtemps à son service. Sa jeune épouse lui donne en 1804 une fille, qui meurt en bas-âge.

L'année suivante est marquée par la naissance d'un fils en qui Jean-Baptiste place beaucoup d'espoir, comme tout père.

Dès l'aube du XIXème, il avait commencé à prendre du recul dans son activité d'organisateur et d'animateur, pour reprendre et terminer ses propres travaux. De 1802 à 1807, il dispense un

"Cours de véritable Maçonnerie à l'usage de la loge la Triple Union de Marseille", il achève la rédaction et la mise au point des rituels et des instructions, notamment du quatrième grade (transmis en 1809), et entreprend après la naissance de son fils la rédaction de cahiers d'instructions propres à lui transmettre les enseignements ésotériques qu'il a recueillis:

"Instruction particulière et secrète… pour lui être communiquée lorsqu'il aura atteint l'âge de parfaite virilité, si alors il se montre digne de la recevoir"

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Ces textes, qui occupent plusieurs cahiers, reprennent pour l'essentiel la doctrine de Martinez de Pasqually.

Son fils n'aura, hélas, pas le loisir d'étudier ces textes, car il mourra en 1812. Cependant, quelques années plus tard, en 1818, Jean-Baptiste Willermoz assemble en un recueil les divers cahiers d'instructions qu'il avait rédigés.

Il écrit notamment "Les leçons de Lyon aux Elus Coëns" en compagnie de Louis-Claude de Saint Martin, pour pérenniser l’enseignement de Martinez de Pasqually auprès des Elus Coëns .

A l'âge plus que canonique –surtout pour l'époque- de 94 ans, Jean-Baptiste Willermoz est enfin appelé à l'Orient Eternel, après sa femme, sa fille et son fils.

Curieusement, tout comme l'Ordre des Elus Coens n'avait pas longtemps survécu à Martinez de Pasqually, tout comme la SOT n'avait pas longtemps survécu à Karl Von Hund, le R.·.E.·.R.·.

rentre en sommeil avant même la disparition de Willermoz.

D'une part, et sans parler des difficultés matérielles, la Révolution à attisé les dissensions entre FF.·., d'autre part –et peut-être pour la même raison, le recul pris par Willermoz dans son activité d'organisateur et d'animateur dans laquelle il excellait refroidit l'assiduité des FF.·.. Lui-même écrit à Charles de Hesse que "depuis sept ou huit ans qu’ il ne s'est plus occupé de rien, il ne croit pas qu'il y ait encore quelqu'un de l'ancienne Province d'Auvergne pour s'intéresser aux secrets de la vraie maçonnerie".

Face à ce qu'il qualifie de "refroidissement général en France", il déclare amèrement que son

"ardeur s'éteint". Se sont déjà éteints les feux des Loges Rectifiées, dont la dernière, celle de Besançon, dès 1793.

Première éclipse qui va durer jusqu'en 1804, où la première L.·. à se réveiller est celle de

Marseille, précédant justement celle de Besançon, qui s'érige en Préfecture, suivie en 1807 par la Loge parisienne du "Centre des Amis" qui passe du Rite français au R.·.E.·.R.·., et se constitue en Préfecture de Neustrie, relevant faute d'autre choix du Grand Prieuré Indépendant d'Helvétie (alors basé à Zurich).

En 1811, Willermoz –et c'est son dernier acte d'organisateur- négocie un traité entre le

R.·.E.·.R.·. (en fait ce qu'il en subsiste à Lyon, Montpellier et Besançon) et le G.O.D.F., seule obédience française d'alors.

En 1828 (4 ans après la mort de Willermoz), le dernier Directoire R.·.E.·.R.·. (Besançon) remet ses archives à Zürich et se dissout. Il se réactivera en 1838, mais seul, et vivotera jusque vers 1850, et de telle façon qu'on ne possède aucun écrit sur cette période.

Il va s'ensuivre –en France- une parenthèse de plus de 60 ans.

Mais le Régime se maintient en Suisse, épargnée par la sécularisation de la M.·.erie, et

notamment au sein du G.O.D.F., qui depuis 1865, a commencé à remettre en cause sa filiation spirituelle et gommé progressivement toute référence déiste, abandonnant plus ou moins la pratique rituelle et le symbolisme traditionnel.

Cette évolution de la Franc-Maçonnerie est mal vécue par certains de ses membres.

Parmi eux, 3 hauts dignitaires du R.·.E.·.A.·.A.·. Edouard de Ribaucourt, Camille Savoire et Gustave Bastard, qui savent le rôle qu'a joué en France le R.·.E.·.R.·.. Il décident de le réveiller et, pour ce faire, sollicitent de devenir Chevaliers du Grand Prieuré d'Helvétie, légataire des patentes de Besançon. Celui-ci accepte de les accueillir, faisant jouer pour l’occasion une équivalence avec les hauts grades pratiqués au Grand Orient de France - la Suisse ayant alors

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des relations d’amitié avec ce dernier. Armés en Juin 1910 dans le Chapitre de la Préfecture de Genève et dûment nantis de lettres patentes, ils réveillent le "Centre des Amis" -première L:.

R.·.E.·.R.·. de Paris, et créent une Commanderie de Paris du Rite Rectifié.

Comme prévisible, Le Grand Orient de France, furieux, l’interdit aussitôt.

Vont s'ensuivre 2 ans d'escarmouches entre l'obédience et nos amis : réécriture de l'invocation au GADL'U, caviardage de son acronyme sur les rituels imprimés, retouches de ces derniers dans le sens laïque etc…

En Septembre 1913, c'est la rupture annoncée et la création autour du Centre des Amis et d'une autre Loge dissidente, l'Anglaise de Bordeaux, de la "Grande Loge Indépendante et Régulière Pour la France et les colonies françaises", immédiatement reconnue par la G.L.Unie

d'Angleterre…

Il faut dire que Ribaucourt avait depuis longtemps pris ses précautions (de même qu'auprès du Grand Prieuré Indépendant d'Helvétie) !

Ainsi, la première guerre mondiale allait être l’occasion de la création de loges pour les

militaires anglais se trouvant sur le sol français, suivant la Saint-George N°3 à la matricule de la nouvelle obédience.

La suite de l'Histoire du R.·.E.·.R.·. ne présente à mon sens qu'un intérêt relatif, l'essentiel étant justement que l'essentiel –soit la doctrine- soit préservé.

Pendant l'entre 2 guerres, les FF.·. se déchirèrent fraternellement, qui, à l'instar de 2 des principaux "refondateurs" - Edouard de Ribaucourt et Camille Savoire, l'un fondateur de la GLIRFCF et l'autre Grand Prieur et Grand Commandeur, Grand Maître National du Rite au sein du GODF- prétendaient tous 2 détenir la vérité.

Sur le plan de la communication, la GLIRFCF prit, après la 2ème guerre mondiale, le nom plus politiquement correct de GLNF.

Je ne mentionnerai que pour l'anecdote l'administration des grades au-delà du 3ème, qui fut depuis 1935 (avec une parenthèse pendant la 2ème guerre, mais prolongée jusqu'en 1958) longtemps gérée par le Grand Prieuré des Gaules dont Camille Savoire fut désigné le premier Grand Prieur, Grand Maître National.

En effet, nombre d'entre nous ici présents se souviennent encore de l'aventure de la dernière rupture d'avec la GLNF à l'aube de ce siècle, nouvelle brisure pas encore totalement cicatrisée.

Le Régime a vécu nombre de vicissitudes, comme un vaisseau dans la tempête des passions humaines, autre allégorie du Rite, jusqu'à aujourd'hui, où plusieurs sommets reposent sur une même base.

Mais sous l'égide du Phénix, cet oiseau mythique qui fut choisi comme emblème même du Régime, la Maçonnerie Rectifiée renaît toujours de ses cendres, à l'image de cette Rose Mystique qui, pour d'autres Rites, fleurit éternellement au centre de la Croix…

J'ai dit, VM

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LES FONDAMENTAUX DU R.·.E.·.R.·.

2- L'ESOTERISME CHRETIEN DU R.·.E.·.R.·.

V.·.M.·.,

Chacun d'entre nous a bien entendu gardé mémoire;-) de mon cycle de conférences;-))

concernant l'histoire du R.·.E.·.R.·.….Vous m'avez fait l'honneur de me demander, cette année, d'approfondir l'éducation de nos FF.·.AA.·. –et eux seuls;-))) - en leur rappelant -car ils ont tous passé leur été à apprendre par cœur le rituel ;-)- ce que j'appelle les fondamentaux du R.·.E.·.R.·.

Car à quoi sert-il de connaître l'histoire si l'on ne sait pas de quoi ? De plus, le fonds de notre rite est d'autant plus important à pénétrer qu'il est la plupart du temps méconnu, quand il est connu mal compris, quand il est compris, mal interprété, parfois contesté, voire dévoyé.

Enfin, plus de 20 ans après ma réception, il m'arrive encore d'entendre des caricatures de notre Rite -genre l'utilisation systématique du qualificatif néologique "christique" au lieu de

"chrétien"- y compris de la bouche de ceux-là mêmes qui le pratiquent.

A noter que nous avons la prétention d'être le seul Rite à connaître ces conflits plus ou moins feutrés.

Je n'aurai pas celle de détenir une quelconque vérité sur le sujet, ne serait-ce que parce que convaincu que l'humilité est –ou devrait- en être l'une des vertus essentielles, mais simplement d'avoir cherché, en compagnie d'autres cherchants, peut-être souffrants, mais en tous cas persévérants (cf bibliographie), dont quelques membres éminents de l'Ordre qui ont adoubé ma contribution en la publiant in extenso ("Cahiers Verts", "Renaissance Traditionnelle" etc...

Aussi ce qui suit doit être entendu comme étant perception purement personnelle, même si elle s'appuie sur de très saines lectures (j'y reviendrai)…

Puisque vous m'avez autorisé un rythme ternaire, je répartirai à votre bon vouloir une savante gradation du politiquement correct à l'essentiel.

Ce soir, je me contenterai donc d'aborder le politiquement correct, qui ne prête à aucune

contestation, même si je cours le risque de démythifier voire démystifier quelques idées reçues : l'ésotérisme chrétien propre au R.·.E.·.R.·., tout entier contenu dans sa doctrine.

En effet, la principale spécificité de notre Rite et peut-être plus encore de notre Régime, avec sa classe chevaleresque ("l'aubier de l'arbre dont la FM est l'écorce" dixit notre Père fondateur), est de s'appuyer sur une doctrine -même si le mot fâche certains maçons, alors

qu'étymologiquement, il n'a que le sens "d'enseignement". Or, toute la Maçonnerie est faite d'enseignements. Et singulièrement la Maçonnerie rectifiée, où cet enseignement est en quelque sorte le fil conducteur qui guide ses membres tout au long de leur parcours initiatique.

C'est que l'enseignement dispensé là est d'une nature particulière.

Le Régime présente en effet la particularité remarquable, et probablement unique, de posséder en propre une doctrine de l'initiation, explicitement formulée et méthodiquement enseignée, grade par grade. Ainsi, en même temps qu'il fait avancer ses membres dans la voie de l'initiation, il leur dispense un enseignement théorique en forme de discours pédagogique sur le sujet de même de cette initiation.

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Cet enseignement –issu de la cosmogonie de Martinez de Pasqually- peut se résumer en 4 points:

1°) L'homme a été créé à l'image et à la ressemblance divine, et dans "l'état primitif glorieux" qui était alors le sien, il jouissait de l'immortalité et de la béatitude parfaite, parce qu'il était en

"communication" directe et constante avec le Créateur, "en unité" avec lui, disent nos textes.

C'est ce qu'exprime l'adjectif "glorieux", qui est à prendre dans le sens plénier qu'il a dans l'Ecriture, où la "gloire" manifeste la présence immédiate et lumineuse de Dieu.

Pour mémoire, pour tout Maçon "régulier", travailler à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers, c'est travailler en présence de Dieu Créateur.

L'"homme premier", revêtu de la lumière divine, c'est-à-dire participant aux "vertus et puissances qui sont dans l'essence divine" – et y participant sans être lui-même d'essence divine - avait pour destinée d'être le roi de cet univers créé par Dieu.

2°) Cet homme, par une décision de sa libre volonté, s'est détourné et séparé de son Créateur, et a donc chuté. En conséquence, il a perdu la ressemblance divine.

Cependant l'image divine en lui subsiste inaltérée, parce que l'empreinte de Dieu est inaltérable.

Cette image est déformée, devenue difforme, et c'est ce que symbolise le passage de l'Orient à l'Occident, de la lumière aux ténèbres, de l'unité à la multiplicité : Adam chassé de ce lieu de lumière et de paix complète qu'était le Paradis terrestre - sachant que le Paradis terrestre n'est en réalité pas un lieu, mais un état d'être.

Cet homme coupé de son origine, de son "vrai Orient", c'est à dire Dieu, Willermoz, à la suite de Martinez, l'appelle l'homme "en privation". Et cette privation est absolue. Elle entraîne un double châtiment, châtiment exigé par la justice divine, mais auquel l'homme s'est condamné lui-même.

Le premier est que l'homme n'est plus "en unité" avec Dieu, en communication immédiate et constante avec lui. C'est ce que nos textes désignent par la "mort intellectuelle" - étant entendu que, dans la langue du temps, "intellectuel" veut dire "spirituel", incorporel : nous dirions maintenant que l'homme déchu est en état de "mort spirituelle".

Mais il a encouru encore un deuxième châtiment. La mutation ontologique radicale que la chute de l'homme a provoquée en lui se manifeste aussi par le fait que le corps glorieux dont il était initialement revêtu, corps de lumière, "corps spirituel" (Corbin), se changea en un "corps de matière sujet à la corruption et à la mort".

De sorte que, condamné à la mort spirituelle, il l'est de surcroît à la mort corporelle.

Dans cet état, il se trouve désormais pourvu d'une double nature : sa nature spirituelle, par laquelle il demeure image de Dieu, et qu'il a conservée ; et la nature "animale corporelle" que lui a valu sa chute, et qui l'assimile aux "animaux terrestres". Et il est en proie à d'affreux tourments.

Comme être spirituel, aspirant par toute sa nature à l'unité avec Dieu, il souffre indiciblement de sa rupture avec lui. Comme être animal, il est devenu l'esclave des sensations et besoins

physiques et le jouet des forces et des éléments matériels. Enfin, comme être double, à la fois spirituel et animal, il est déchiré et écartelé par l'antagonisme entre les aspirations et tendances contraires de ses deux natures.

Tragique est donc notre condition, mes FF.

3°) Cependant, nous avons la chance, au Régime Rectifié, que cette privation absolue qui eût dû, selon la justice divine, être définitive, ne le sera en réalité pas, grâce à l'entrée en jeu de la miséricorde ou clémence divine, laquelle se déploie aussitôt que l'homme se repent.

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Or, se repentir, c'est faire retour sur soi-même, c'est se retourner. C'est se détourner des ténèbres et faire de nouveau face à "l'Orient où se trouve la lumière". C'est se mettre en état de remonter à sa source, à son origine.

Alors, le travail de l'initiation devient possible.

Car l'initiation est un des moyens ménagés par la miséricorde divine - et cela dès après la chute - pour permettre à l'homme de recouvrer son état d'origine en rétablissant en lui la ressemblance à l'image divine, en restaurant en lui la conformité du type au prototype, de l'homme à Dieu.

Comme l'écrit J.B.W.:

"Si l'homme s'était conservé dans la pureté de sa première origine, l'initiation n'aurait jamais eu lieu pour lui, et la vérité s'offrirait encore sans voile à ses regards, puisqu'il était né pour la contempler, et pour lui rendre un continuel hommage."

C'est pourquoi, est-il dit ailleurs, le "vrai, le seul but des initiations" est de "préparer" les initiés à

"(découvrir) la seule route qui peut conduire l'homme dans son état primitif et le rétablir dans les droits qu'il a perdus". Texte à rapprocher de celui où Louis-Claude de Saint-Martin (co-disciple de Willermoz en martinézisme) expose que l'objet de l'initiation "est d'annuler la distance qui se trouve entre la lumière et l'homme, ou de le rapprocher de son principe en le rétablissant dans le même état où il était au commencement".

Voilà donc en quoi consiste cette liaison nécessaire entre chute de l'homme et initiation, réelle spécificité du R.·.E.·.R.·.. L'initiation est une conséquence de la chute : conséquence non pas fatale mais providentielle ; non pas obligée, mais voulue par la miséricorde divine pour

contrecarrer cette chute et en annuler les effets. C'est un secours de la Providence à l'homme qui ne lui a jamais fait défaut tout au long de son histoire, et c'est pourquoi les formes successives que prit l'initiation au cours des temps - et la Maçonnerie en est une - furent en correspondance avec les vicissitudes temporelles de l'homme, sans cesse ballotté entre rechute et repentir.

D'où la nécessité d'un enseignement connexe à l'initiation. Il est destiné à faire prendre conscience à l'homme d'une part de son état présent, et d'autre part de l'état qui était le sien à l'origine, et qui peut redevenir le sien au terme. Le but est évident : produire en l'homme - en l'initié - un changement d'état de conscience, de façon à rendre possible le changement d'état d'être que doit réaliser le travail initiatique. Les deux - état de conscience et état d'être - sont liés.

C'est le sens de cette formule de Joseph de Maistre dans son Mémoire au duc de Brunswick : "Le grand but de la Maçonnerie sera la science de l'homme".

D'étape en étape, de grade en grade, comme à l'intérieur de chaque grade, et cela dès celui d'apprenti, on constate ainsi que l'action rituelle se déroule à la fois simultanément et en

continuité sur trois plans en correspondance constante : le passé, le présent, l'avenir ; l'origine et la destination premières de l'homme, son état actuel, ses fins dernières ; l'homme primitif glorieux, l'homme présent déchu, l'homme futur restauré dans sa gloire.

C'est pourquoi le rituel s'appuie sur le thème de la construction du Temple, de sa destruction et de sa reconstruction, qui est la transposition en mode opératif du thème de la ressemblance à l'image, successivement perdue puis retrouvée - car, en dernière analyse, le Temple n'est autre chose que l'homme.

De même, étape après étape, selon une progression pédagogique parfaitement bien agencée, les instructions donnent un enseignement à chaque fois un peu plus poussé et, simultanément, rappellent en l'approfondissant l'enseignement dispensé antérieurement.

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De plus tout est indiqué dès le départ. Ainsi, à celui qui n'est pas encore un apprenti, mais un candidat que l'on soumet aux épreuves préalables à sa réception, on délivre la "première maxime de l'Ordre", maxime qu'il aura à méditer sa vie durant :

"L'homme est l'image immortelle de Dieu ; mais qui pourra la reconnaître, s'il la défigure lui- même ?"

D'autre part, la Règle maçonnique donnée à étudier à tous les apprentis les avertit :

"Si les leçons que l'Ordre t'adresse pour te faciliter le chemin de la vérité et du bonheur se gravent profondément dans ton âme (...) tu accompliras ta sublime destinée, tu recouvreras cette ressemblance divine qui fut le partage de l'homme dans son état d'innocence, qui est le but du christianisme et dont l'initiation maçonnique fait son objet principal."

4°) Le quatrième et dernier enseignement de la doctrine est aussi le plus essentiel. Ce rétablissement, cette réintégration dans son "état primitif" et dans "les droits qu'il a perdus", l'homme peut-il l'opérer par lui seul ? Absolument pas. Ce serait, de sa part, se rendre coupable d'une entreprise orgueilleuse similaire à celle qui provoqua sa chute originelle.

Cette réintégration, c'est-à-dire ce retour à l'intégrité première, exige la médiation d'un être qui, à l'instar de l'homme, soit doté d'une double nature, d'une part spirituelle, et d'autre part corporelle.

Toutefois, à la différence de l'homme actuel, dont les deux natures sont l'une et l'autre

"corrompues" par la chute, elles sont, chez cet être, toutes deux dans l'état de pureté, d'innocence et de perfection glorieuse où elles étaient initialement chez l'homme.

Tout le monde comprend de qui il s'agit et qui est ce que nos textes appellent le "divin

Médiateur". Ils sont, sur son identité, parfaitement explicites, mais je n'irai pas plus loin dans leur évocation, laissant à chacun le bonheur de les découvrir au cours de son chemin initiatique.

Voilà donc enfin en quoi "l'Ordre est chrétien", et en quoi consiste son ésotérisme !

…mais si cette "mise en équation" de la cosmogonie martinézienne par J.B. Willermoz constitue l'ossature du système Rectifié, rien n'interdit d'aller plus loin dans la réflexion herméneutique.

Ainsi, déjà un simple rappel:

La Maçonnerie a été originellement et est restée durablement chrétienne. Toutes les traces écrites depuis le manuscrit Regius, daté de la toute fin du XIVe siècle (env. 1390) le prouvent.

Au 18ème siècle, le christianisme est le fondement même de toute la Maçonnerie. Il n'est alors pas une exception mais la normalité. Lorsque le Pasteur Anderson rédige ses fameuses

"Constitutions" en 1723, ce qu'il a en vue, c'est ce christianisme primitif et universel dont saint Augustin avait -le premier avec autant de netteté- eu et formulé l'intuition, et qui se retrouvera chez les fondateurs du Régime Rectifié :

Ainsi Joseph de Maistre -pourtant catholique romain "papiste"- dans son Mémoire au duc de Brunswick : "La vraie religion a bien plus de dix-huit siècles. Elle naquit le jour que naquirent les jours."

De nos jours, la Franc-Maçonnerie est demeurée chrétienne dans les Grandes Loges de Suède, du Danemark, de Norvège, partiellement de Finlande, ainsi que d'Allemagne.

Chrétienne assumée, la Franc-Maçonnerie l'est aussi encore au sommet de la plupart des Systèmes anglo-saxons, parmi lesquels les grades chevaleresques des Knights Templars, des Chevaliers de Malte , des Ordres de La Croix rouge de Constantin , du Saint-Sépulcre et de Saint-Jean l'Evangéliste, de l'Ordre Royal d'Ecosse ; de même le Rite Ecossais Ancien et Accepté dans son 33ème degré en Angleterre, en Ecosse, en Irlande et au moins une G.L. États-Unienne ,

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où sont chrétiens également les trois grades de chevalerie qui couronnent le Rite d'York. Tout comme les références chevaleresques, le Christianisme ne semble donc aucunement poser problème pour nos FF anglo-saxons qui vantent l'universalisme et l'esprit d'ouverture –tout comme nous !

Le Christianisme constituerait plutôt le substrat d'une tradition culturelle occidentale que seul en France le R.·.E.·.R.·. assume encore intégralement, y compris dans son ésotérisme chrétien qui recoupe bien d'autres hermétismes, dans une démarche aux antipodes de toute forme

d'intégrisme…

Par ailleurs, chacun connaît l'apport personnel de Willermoz dans la rédaction des Rituels, mais on connaît moins les "retouches" discrètes que, profitant de son grand âge et de la disparition concomitante de toute contestation possible, il apporta à ceux issus de Wilhemsbad -en dehors de tout mandat : ajout de la religion chrétienne dans la première question d'Ordre, ajout de la

mention du nom de baptême –et de celui du père !- dans les questions aux impétrants, clause de

"fidélité à la Sainte Religion Chrétienne" de l'obligation, tout semble aller dans le même sens…

Est-ce le "philosophe inconnu", rare survivant, qui lui inspira cette ultime révision pendant son séjour concomitant à Lyon ? Des notes de Willermoz le suggèrent . En tout cas la dernière version des rituels "bleus" en 1802 témoigne d'une imprégnation Coën jamais atteinte jusque là.

Elle ne fut jamais soumise à l'approbation des supérieurs allemands de l'Ordre, ou des survivants.

Ce sont pourtant ces rituels qui auraient surpris bien des délégués au Convent, que nous utilisons de nos jours, d'autres Régimes Rectifiés francophones étant revenus à la V.O.…

Le 4ème grade achevé en 1809 par Willermoz -alors octogénaire et bien solitaire- constitue une introduction très complète à la doctrine de Martinez et un prélude aux enseignements de la (Grande) Profession, que n'avaient jamais, et pour cause, prévus les députés au Convent… Ces textes étaient l'occasion d'expliciter enfin la filiation spirituelle de l'ensemble de l'œuvre et permettaient à Willermoz d'affirmer "L'Ordre est chrétien, il doit l'être et ne peut admettre dans son sein que des chrétiens ou des hommes libres disposés à le devenir de bonne foi".

Willermoz était certes un chrétien dévot et un catholique "militant", ce que n'étaient ni Martinez ni Saint-Martin, chrétiens eux aussi mais bien peu "orthodoxes". Les rituels qu'il rédigea s'en ressentirent malgré le soin qu'il mît à les rendre acceptables aux luthériens de Strasbourg et d'ailleurs.

Vu le personnage, on ne peut s'étonner d'affirmations écrites sous l'Empire telles : "Les Juifs, les mahométans et tous ceux qui ne professent pas la religion chrétienne ne sont pas admissibles dans nos loges" (Instruction finale du quatrième grade) ou encore "L'institution maçonnique, tous les faits le démontrent, est religieuse et chrétienne" (lettre de 1814-1815 in Cahiers Verts, n°10-12, 1992 ).

Il était simplement un homme, un homme de son temps, où où la seule question réelle était celle de la réception des juifs, qui n'étaient alors que tolérés dans la société. Loin de le lui reprocher, je note plutôt qu'il fallut attendre 1809 pour que soit explicitée une exclusion jusque là tacite. Outre son grand âge, j'y verrais aussi la réaction à une situation nouvelle qui rendait plausible ce qui était autrefois impensable : la candidature d'un Juif à l'initiation maçonnique (grâce à notre F.

l'Abbé Grégoire, qui en 1791 avait permis au Juifs d'être des citoyens comme les autres).

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Or nos rituels symboliques, si on veut bien les lire naïvement sont d'abord des rituels

maçonniques entièrement basés sur la construction du temple de Salomon et sa réédification, sans contenu intrinsèquement chrétien. Ce que j'ai pudiquement qualifié de "retouches" sont des ajouts de surface qui ne changent rien ni au fond des rituels ni à leur "efficacité initiatique", ni même à l'économie générale du système, comme le démontre la vie de nos FF Rectifiés

"réguliers" d'autres pays francophones qui s'en passent fort bien.

La référence à l'évangile de Saint Jean est une constante de la maçonnerie continentale depuis son introduction en France et ailleurs. Quant aux invocations ("prières") qui encadrent la Tenue, elles ne présentent aucun caractère confessionnel et peuvent être dites par tout Maçon. Qu'en conclure sinon que les grades bleus rectifiés sont exclusivement "vétérotestamentaires" comme leurs homologues des autres Rites.

Ce qui bien sûr n'interdit à personne d'en faire une lecture chrétienne…

Willermoz lui-même l'admet dans une lettre à Bernard de Türckheim, frère cadet de Jean (8 juin 1784):

"Vous ne pouvez nier que les trois premiers grades ne peuvent présenter que des emblèmes et des symboles...tous fondés sur le temple de Jérusalem ou l'Ancien Testament qui lui-même est fondé sur la Loi écrite ou religion révélée qui a succédé à la Loi ou religion naturelle, lesquelles sont désignées dans nos loges par les deux colonnes du vestibule"

L'Instruction finale de 1809 ne dit rien d'autre :

"Tout ce que vous avez vu jusqu'à présent dans nos loges a eu pour base unique l'Ancien

Testament et pour type général le temple célèbre de Salomon à Jérusalem qui fut et sera toujours un emblème universel".

Mais si les grades bleus sont "vétérotestamentaires" et maçonniques, ce cycle est clos par le quatrième grade qui annonce ou plutôt ouvre le cycle chevaleresque chrétien. Les deux Ordres, maçonnique et équestre, articulés par un grade de transition, sont distincts comme le sont le Craft britannique ou l'Ordre des Knights Templar, articulés par le degré intermédiaire du Royal Arch.

Dans les faits, le Rite Rectifié s'aligne sur la maçonnerie anglo-saxonne qui offre une série de degrés non-confessionnels et d'autres, chrétiens, ouverts à tous ceux qui en acceptent la

spécificité. Rien n'empêcherait donc –en théorie- qu'un maçon reçoive les 4 premiers grades du Rite rectifié et s'abstienne de poursuivre si sa conscience lui fait hésiter à accepter le

Christianisme de l'Ordre Intérieur, d'autant qu'aucune autorité "suprême" ne permet de nos jours de définir, voire d'authentifier ce Christianisme, qui peut donc osciller du laxisme à l'intégrisme.

Willermoz écrivait en 1814: "La première des trois questions d'Ordre présentée à la méditation du candidat dans la chambre de préparation est ainsi formulée : quelle est votre croyance sur l'existence d'un Dieu créateur et Principe unique de toutes choses, sur la Providence et sur l'immortalité de l'âme humaine, et que pensez-vous de la religion chrétienne ?

A cette question le candidat répond librement tout ce qu'il veut et on ne le conteste nullement.

On lui présente les mêmes questions aux deuxième, troisième et quatrième grades et on ne le conteste point sur ses réponses.

Le candidat répond donc librement à la question "sans qu'on le conteste", il peut exprimer une conviction qui ne soit pas celle de son interlocuteur et néanmoins être reçu jusqu'au quatrième grade inclus. Qu'espérer de mieux ?

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Vous me permettrez, VM, de conclure –provisoirement- par ma vision encore une fois

humblement personnelle, mais que je partage avec de beaucoup plus illustres;-))) exégètes du

"Système R.·.E.·.R.·." : Résumons nous :

- le R.·.E.·.R.·. est un système maçonnique chrétien. Il n'est pas le premier, il n'est pas le seul.

- il se réclame d'un christianisme ésotérique, donc par définition hors de toute Église –donc de toute confession-, voire de tout dogme, donc ouvert et parfaitement compatible avec la tolérance maçonnique ("il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père" (Jean 14:2)…

- mais sa démarche initiatique lui permet aussi –et peut-être surtout- d'être un archétype de la Maçonnerie, au point que sans R.·.E.·.R.·., il n'y aurait historiquement peut-être pas de GLNF...ni a fortiori de GLTSO !

J'y reviendrai, si vous le permettez, tant il me semble important, non pas de proclamer une quelconque vérité, mais dans le cadre d'un "cycle" intitulé "les fondamentaux du Rite Ecossais rectifié" d'approfondir simplement ce pour quoi nous sommes LÀ –hic et nunc .

Pour moi, se dire chrétien, c’est d'abord affirmer sa référence à l’Evangile et à la personne du Christ. Jésus-Christ était un juif, mis à mort par les Romains, respectueux de l’enseignement des prophètes qui l’ont précédé, et qui s’est présenté en disant simplement : "mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur." (Matthieu 11, 29) Le suivre, c’est respecter son message et ses appels à la tolérance, à l’accueil de l’autre et au pardon. Le Dieu des juifs, des chrétiens et des musulmans, tous descendants d’Abraham, est un Dieu de bonté et de

miséricorde. Le rejet, la haine et le fanatisme religieux Lui sont totalement étrangers. C’est Le trahir et Le blasphémer que de L’invoquer à l’appui des intolérances et des exclusions...

Cet "esprit du Christianisme" contemporain d'Hegel, aussi évoqué par Camille Savoire (33éme REAA) lorsqu'il réveilla le R.·.E.·.R.·. en France en 1910, c’est bien celui du Convent de Wilhemsbad qui, avant les "retouches" de notre père fondateur, affirmait dans un recès du 16 Juillet I782 :

" La vraie tendance du Régime Rectifié est et doit rester une ardente aspiration à l’établissement de la cité des hommes spiritualistes, pratiquant la morale du Christianisme primitif, dégagée de tout dogmatisme et de toute liaison avec une Eglise quelle qu’elle soit "…

Bien évidemment, cette rédaction était de la plume de Willermoz, deus ex machina qui, comme déjà dit, chargé de la rédaction définitive des textes fondateurs par ses mandants que sa

monomanie arrangeait, profita en plus de son exceptionnelle longévité pour interpréter à sa guise son mandat après le décès desdits mandataires.

Il n’en demeure pas moins que cette notion de "Christianisme primitif" dans un Rite dont la particularité exotérique est de se proclamer chrétien dès la réception –seul parmi tous les autres rites tout aussi chrétiens mais qui exigent une initiation- , ce "Christianisme primitif" fondateur demande clarification, notamment par rapport à la gnose chrétienne.

C'est ce que nous essayerons, avec votre autorisation, VM.·., de faire lors d'une prochaine tenue Notez, VM, que je n'ai traité ce soir que de l'ésotérisme chrétien propre au R.·.E.·.R.·., alors que des Esséniens aux mystiques du XXéme s., cet ésotérisme recouvre des réalités multiples et foisonnantes, qui mériteraient bien d'autres réflexions...

J'ai dit, VM

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