A. Lesfari
Département de Mathématiques Faculté des Sciences
Université Chouaïb Doukkali B.P. 20, El-Jadida, Maroc.
E. mail : lesfariahmed@yahoo.fr
Dans ce travail, on étudie quelques notions sur les variétés symplectiques an d'introduire les champs de vecteurs hamiltoniens. Il sera tout d'abord consacré à l'étude des orbites adjointes et coadjointes d'un groupe de Lie avec une application dans le cas du groupe spécial orthogonal SO(n). On y déve- loppe le calcul explicite des structures symplectiques sur une variété diéren- tiable. Nous verrons comment dénir une structure symplectique sur l'orbite de la représentation coadjointe d'un groupe de Lie. Une attention particulière est donnée aux groupesSO(3) et SO(4). On étudie aussi quelques propriétés sur la dérivée de Lie et le produit intérieur. Une partie sera consacrée à l'étude d'un théorème central de la géométrie symplectique à savoir le théorème de Darboux : les variétés symplectiques(M, ω)de dimension 2m sont localement isomorphes à (R2m, ω). Plus précisément, si (M, ω) est une variété symplec- tique de dimension2m, alors au voisinage de chaque point deM, il existe des coordonnées locales (x1, ..., x2m) telles que : ω =Pm
k=1dxk∧dxm+k. En parti- culier, il n'y a aucun invariant local en géométrie symplectique, analogue à la courbure en géométrie riemannienne. La preuve classique donnée par Darboux du théorème qui porte son nom se fait par récurrence sur la dimension de la variété. Nous en donnerons un aperçu et nous verrons une autre démonstration due à Weinstein et se basant sur un résultat de Moser.
Table des matières
1 Orbites coadjointes d'un groupe de Lie 2
2 Application dans le cas du groupe SO(n) 6
3 Dérivée de Lie et produit intérieur 10
1
4 Structure symplectique sur une variété 22
5 Lemme de Moser et théorème de Darboux 30
6 Champs de vecteurs hamiltoniens, intégrales premières et théo-
rème de Noether 35
7 Exemples 44
8 Structure symplectique sur les orbites et application 50
1 Orbites coadjointes d'un groupe de Lie
Soit G un groupe de Lie et g un élément de G. Le groupe de Lie G opère sur lui-même par une translation à gauche :
Lg :G−→G, h7−→gh, et une translation à droite :
Rg :G−→G, h7−→hg.
En vertu de l'associativité de la loi du groupe, on a LgLh = Lgh, RgLh = Rhg, Lg−1 = L−1g , Rg−1 = R−1g .
En particulier, les applications Rg et Lg sont des diéomorphismes de G. En outre, toujours à cause de l'associativité,Rg etLg commutent. Soit
R−1g Lg :G−→G, h7−→ghg−1,
l'automorphisme intérieur du groupeG. Il laisse l'unité e du groupeG xe, R−1g Lg(e) = geg−1 =e.
On peut dénir la dérivée de R−1g Lg en l'unité e, i.e, l'application induite des espaces tangents comme suit
Adg :G −→ G, ξ7−→ d
dtR−1g Lg(etξ)
¯¯
¯¯
t=0
,
où G = TeG est l'algèbre de Lie du groupe G; c'est l'espace tangent à G en son unitée. Cette dénition a bien un sens car R−1g Lg(etξ)est une courbe dans Get passe par l'identité en t= 0. Dès lors gξg−1 ∈ G, plus précisément, on a
Proposition 1 Pour tout élément ξ∈ G, on a Adg(ξ) =gξg−1, g ∈G.
Démonstration : On a
Adg(ξ) = d
dtR−1g Lg(etξ)
¯¯
¯¯
t=0
,
= d
dtgetξg−1
¯¯
¯¯
t=0
,
= d dtg
ÃX∞
n=0
tnξn n!
! g−1
¯¯
¯¯
¯t=0
,
= d dt
X∞
n=0
tn
n!gξng−1
¯¯
¯¯
¯t=0
,
= d dt
X∞
n=0
tn
n!gξg| −1.gξg{z−1...gξg−1}
n−f ois
¯¯
¯¯
¯¯
t=0
,
= d dt
X∞
n=0
tn
n!(gξg−1)n
¯¯
¯¯
¯t=0
,
= d
dtet(gξg−1)
¯¯
¯¯
t=0
,
= gξg−1, ce qui achève la démonstration.¤
On vérie aisément que
Adgh =Adg.Adh. En eet, on a
Adgh(ξ) = ghξ(gh)−1,
= ghξh−1g−1, et
Adg.Adh(ξ) = Adg(hξh−1),
= ghξh−1g−1. Dénition 2 L'application
Adg :G −→ G, ξ7−→ d
dtR−1g Lg(etξ)
¯¯
¯¯
t=0
=gξg−1, g ∈G,
s'appelle représentation adjointe du groupeG. L'orbite adjointe de ξest dénie par
OG(ξ) = {Adg(ξ) :g ∈G} ⊂ G.
Proposition 3 L'application Adg est un homéomorphisme d'algèbre, Adg[ξ, η] = [Adgξ, Adgη], (ξ, η ∈ G).
Démonstration : On a
Adg[ξ, η] = Adg(ξη−ηξ),
= g(ξη−ηξ)g−1,
= gξηg−1−gηξg−1,
= gξg−1gηg−1 −gηg−1gξg−1,
= [gξg−1, gηg−1],
= [Adgξ, Adgη], la démonstration s'achève.¤
Considérons maintenant la fonction
Ad:G−→End(G), g 7−→Ad(g)≡Adg,
où End(G)est l'espace des opérateurs linéaires sur l'algèbreG. L'applicationAd est diérentiable et sa dérivéeAd∗e en l'unité du groupe G est une application linéaire de l'algèbre TeG = G dans l'espace vectoriel TIEnd(G) = End(G). Cette application sera notée
ad ≡Ad∗e :G −→End(G), ξ7−→adξ = d dtAdg(t)
¯¯
¯¯
t=0
, oùg(t) est un groupe à un paramètre avec dtdg(t)¯
¯t=0 =ξ et g(0) =e. Proposition 4 Soit ξ∈ G et η ∈End(G). En posantadξ ≡Ad∗e(ξ), alors
adξ(η) = [ξ, η].
Démonstration : On a
adξ(η) = Ad∗e(ξ)(η),
= d
dtAdg(t)(η)
¯¯
¯¯
t=0
,
= d
dt(g(t)ηg−1(t))
¯¯
¯¯
t=0
,
= g(t)ηg˙ −1(t)¯¯
t=0− g(t)ηg−1(t) ˙g(t)g−1(t)¯¯
t=0,
= ˙g(0)η−ηg(0),˙
= ξη−ηξ,
= [ξ, η],
ce qui achève la démonstration.¤
Soit Tg∗G l'espace cotangent au groupe G en g; c'est le dual de l'espace tangent TgG. Donc un élément ζ ∈ Tg∗G est une forme linéaire sur TgG et sa valeur surη∈TgGsera désignée par
ζ(η)≡ hζ, ηi.
Soit G∗ = Te∗G l'espace vectoriel dual de l'algèbre de Lie G; c'est l'espace cotangent au groupeG en son unité e.
Dénition 5 L'opérateur dual Ad∗g :G∗ −→ G∗, de Adg est déni par hAd∗g(ζ), ηi=hζ, Adgηi, ζ ∈ G∗, η ∈ G.
Ad∗g s'appelle représentation coadjointe du groupe de LieG. On dénit l'orbite coadjointe (appelée aussi orbite de Kostant-Kirillov) au point x∈ G∗ par
OG∗(x) ={Ad∗g(x) :g ∈G} ⊂ G∗. Proposition 6 On a
Ad∗gh =Ad∗h.Ad∗g. Démonstration : En eet, soit ζ ∈ G∗, η∈ G. On a
hAd∗gh(ζ), ηi = hζ, Adgh(η)i,
= hζ, Adh.Adg(η)i,
= hAd∗g(ζ), Adh(η)i,
= hAd∗h.Ad∗g(ζ), ηi, ce qui achève la démonstration.¤
Soit l'application
Ad∗ :G−→End(G∗), g 7−→Ad∗(g)≡Ad∗g, et considérons sa dérivée en l'unité du groupe
ad∗ ≡(Ad∗)∗e :G −→End(G∗), ξ 7−→ad∗ξ. Proposition 7 Soit ξ, η∈ G et ζ ∈ G∗. En posant
had∗ξ(ζ), ηi=hζ,[ξ, η]i=h{ξ, ζ}, ηi, où
{,}:G × G∗ −→ G∗, (ξ, ζ)7−→ {ξ, ζ}, est une forme linéaire, alors
ad∗ξ(ζ) = {ξ, ζ}.
Démonstration : On a
had∗ξ(ζ), ηi = h(Ad∗)∗e(ζ), ηi,
= h d
dtAd∗etξ(ζ)
¯¯
¯¯
t=0
, ηi, etξ¯
¯t=0 =e, d dtetξ
¯¯
¯¯
t=0
=ξ,
= d
dthAd∗etξ(ζ), ηi
¯¯
¯¯
t=0
,
= d
dthζ, Adetξ(η)i
¯¯
¯¯
t=0
,
= hζ, d
dtAdetξ(η)
¯¯
¯¯
t=0
i,
= hζ, adξηi,
= hζ,[ξ, η]i,
= h{ξ, ζ}, ηi, et achève la démonstration. ¤
2 Application dans le cas du groupe SO(n)
Nous allons montrer dans cette partie, comment trouver l'orbite adjointe et l'orbite coadjointe dans le cas du groupe SO(n). Rappelons queSO(n) est le groupe spécial orthogonal d'ordren, i.e., l'ensemble des matrices X de type n×n telles que : X>.X = I (ou X−1 = X>) et detX = 1. SO(n) est un goupe de Lie. L'espace tangent à l'identité du groupe SO(n), que l'on note so(n), est constitué par les matrices n×n antisymétriques, i.e., des matrices Atelles que : A>+A= 0. Le commutateur de deux matrices antisymétriques est encore une matrice antisymétrique,
A, B ∈so(n) =⇒[A, B] = AB−BA∈so(n).
Ce produit dénit une structure d'algèbre de Lie sur so(n); c'est l'algèbre de Lie du groupeSO(n). En eet, soit X, Y ∈SO(n). On a
(XY)−1 = Y−1.X−1,
= Y>.X>,
= (XY)>.
D'oùX.Y ∈SO(n). En outre, on aX˙ =AX avecA∈so(n)et par conséquent l'espace tangent à l'identité de SO(n)est TISO(n) = so(n).
Soit
R−1Y LY :SO(n)−→SO(n), X 7−→Y XY−1, Y ∈SO(n),
l'automorphisme intérieur du groupeSO(n). On vérie aisément queY XY ∈ SO(n). En eet, on a
(Y XY−1)−1 = Y X−1Y−1,
= Y X>Y>,
= (Y XY>)>,
= (Y XY−1)>.
Lors de la recherche de l'orbite coadjointe, nous aurons besoin du lemme évident suivant :
Lemme 8 L'algèbre de Lie so(n) munie du commutateur [,] des matrices est isomorphe à l'espace Rn(n−1)2 muni du produit vectoriel ∧. L'isomorphisme est donné par
a∧b 7−→[A, B] =AB −BA, où a, b∈Rn(n−1)2 et A, B ∈so(n).
Démonstration : Sans restreindre la généralité, nous allons donner la preuve dans le casn = 3. Soit a= (a1, a2, a3)∈R3 et
A=
0 −a3 a2
a3 0 −a1
−a2 a1 0
∈so(3).
Nous allons tout d'abord associer au produit scalaire deR3 la forme de Killing dans so(3),
(A, B) =−1
2tr(A.B).
En eet, on a
(A, B) =a1b1+a2b2+a3b3, et
A.B =
−a3b3−a2b2 a2b1 a3b1 a1b2 −a3b3−a1b1 a3b2
a1b3 a2b3 −a2b2−a1b1
∈so(3),
−1
2tr(A.B) = a1b1+a2b2+a3b3.
De même, au produit vectoriel deR3 est associé le commutateur des matrices, a∧b = [A, B].
En eet, on a
a∧b= (a2b3−a2b2, a3b1−a1b3, a1b2−a2b1), et
[A, B] = AB−BA,
=
0 a2b1−a1b2 a3b1−a1b3 a1b2−a2b1 0 a3b2−a2b3 a1b3−a3b1 a2b3−a3b2 0.
et achève la démonstration. ¤
Théorème 9 a) L'orbite de la représentation adjointe du groupe SO(n) est OSO(n)(A) ={Y AY−1 :Y ∈SO(n)}, A∈so(n).
b) SoitA∈so(n). L'orbite coadjointe du groupe SO(n) est O∗SO(n)(A) = {Y−1AY :Y ∈SO(n)}, ou encore
OSO(n)∗ (A) = {C∈so(n) :C =Y−1AY,spectre de C =spectre de A}.
c) Avec les notations de la proposition 7, on a
{A, B}= [B, A], (A, B ∈so(n)).
Démonstration : a) Soit Y ∈ SO(n), A∈so(n). Par dénition, la représenta- tion adjointe du groupeSO(n) est
AdY :so(n)−→so(n), A7−→Y AY−1. Il sut donc de bien s'assurer queY AY−1 ∈so(n). On a
(Y AY−1)> = (Y−1)>A>Y>,
= −Y AY>,
= −Y AY−1. b) Soit
Ad:SO(n)−→End(so(n)), Y 7−→AdY, avec
AdY(A) = Y AY−1, A ∈so(n),
et soit
ad:so(n)−→End(so(n)), Y˙(0) 7−→adY˙(0), avec
adY˙(0)•= [ ˙Y(0),•] :so(n)−→so(n), A7−→[ ˙Y(0), A],
où Y(t) est une courbe dans SO(n) avec Y(0) = I. Notons que puisque (Rn×n)∗ 'Rn×n, alors d'après le lemme précédent, on a aussi(so(n))∗ 'so(n). On peut donc dénir Ad∗ par
Ad∗Y :so(n)−→so(n), avec
hAd∗Y(A), Bi = hA, AdYBi, (A, B ∈so(n)),
= hA, Y BY−1i,
= −1
2tr(AY BY−1),
= −1
2tr(Y−1AY B),
= hY−1AY, Bi, d'où
Ad∗Y(A) = Y−1AY.
On vérie aisément que Y−1AY ∈so(n). En eet, on a (Y−1AY)> =Y>A>(Y−1)>=−Y−1AY, car Y ∈SO(n) etA∈so(n). Donc
O∗SO(n)(A) = {Y−1AY :Y ∈SO(n)}, ou ce qui revient au même
O∗SO(n)(A) ={C ∈so(n) :∃Y ∈SO(n), C =Y−1AY}.
Notons que
det(C−λI) = det(Y−1AY −Y−1λIY),
= det(Y−1(A−λI)Y),
= detY−1.det(A−λI).detY,
= det(A−λI).
Dès lors, les matrices C et A ont même polynôme caractéristique, donc elles ont même spectre. Par conséquent,
OSO(n)∗ (A) = {C∈so(n) :C =Y−1AY,spectre deC =spectre deA}.
c) Appliquons maintenant la proposition 7 au cas du groupeSO(n). Reprenons la forme linéaire tout en sachant que(so(n))∗ =so(n),
{,}:so(n)×so(n)−→so(n), (A, B)7−→ {A, B}, ainsi que les applications
Ad∗ :SO(n)−→End(so(n)), Y 7−→Ad∗Y(B) =Y−1BY, B ∈so(n), ad∗ :so(n)−→End(so(n)), A7−→ad∗A,
où
had∗A(B), Ci=hB,[A, C]i=h{A, B}, Ci.
On a
h{A, B}, Ci = hB,[A, C]i,
= −1
2tr(B.[A, C]),
= −1
2tr(BAC−BCA),
= −1
2tr([B, A].C),
= h[B, A], Ci.
Dès lors, {A, B}= [B, A], et le théorème est démontré. ¤
3 Dérivée de Lie et produit intérieur
SoitX un champ de vecteurs sur une variété diérentiableM. Etant donné un point x ∈ M, on note gtX(x) (ou tout simplement gt(x)) la position de x après un déplacement d'une duréet ∈R.On a ainsi une application
gtX :M −→M, t∈R,
qui est un diéomorphisme, en vertu de la théorie des équations diérentielles (voir théorème ci-dessous). Plus précisément, au champ de vecteurs X est lié un groupe à un paramètre de diéomorphismes gXt sur M c'est-à-dire une application diérentiable :M ×R−→M, vériant une loi de groupe :
i) ∀t ∈R, gXt :M −→M est un diéomorphisme deM surM.
ii) ∀t, s ∈R, gt+sX =gtX ◦gsX.
La conditionii) signie que la correspondance t7−→gXt , est un homomor- phisme du groupe additif R dans le groupe des diéomorphismes de M dans M.Elle implique que
gX−t=¡ gtX¢−1
,
carg0X =idM est la transformation identique qui laisse chaque point invariant.
Dénition 10 Le groupe à un paramètre de diéomorphismes gt surM, que l'on vient de décrire s'appelle ot et il admet le champ de vecteurs X pour champ de vitesses
d
dtgXt (x) = X¡
gtX(x)¢ , avec la condition initiale g0X(x) =x.
Evidemment
d dtgXt (x)
¯¯
¯¯
t=0
=X(x).
Donc par ces formules gtX(x) est la courbe sur la variété qui passe par x et telle que la tangente en chaque point est le vecteur X¡
gtX(x)¢ .
Nous allons maintenant voir comment construire le ot gtX sur toute la variété M.
Théorème 11 Le champ de vecteurs X est générateur d'un unique groupe à un paramètre de diéomorphismes de M.
Démonstration :a)Construction degtX pourtassez petit. Pour xxé, l'équa- tion diérentielle
d
dtgXt (x) = X¡
gtX(x)¢ ,
fonction det avec la condition initiale g0X(x) =x, admet une solution unique gtX dénie au voisinage du point x0 et dépendant de façon C∞ de la condition initiale. Donc gtX est localement un diéomorphisme. Dès lors pour chaque pointx0 ∈M,on peut trouver un voisinageU(x0)⊂M, un nombre réel positif ε ≡ ε(x0) tels que pour tout t ∈ ]−ε, ε[, l'équation diérentielle en question avec sa condition initiale admet une solution uniquegtX(x)diérentiable dénie dans U(x0) et vériant la relation de groupe
gXt+s(x) =gXt ◦gXs (x),
avec t, s, t+s ∈ ]−ε, ε[. En eet, posons x1 = gtX(x), t xé, et considérons la solution de l'équation diérentielle satisfaisant dans le voisinage du point x0 à la condition initiale gXs=0 = x1. Cette solution vérie la même équation diérentielle et coincide en un point gtX(x) =x1, avec la fonction gt+sX . Donc, par unicité de la solution de l'équation diérentielle, les deux fonctions sont localement égales. Par conséquent, l'application gtX est localement un diéo- morphisme. Rappelons que le champ de vecteurs X est supposé diérentiable (de classeC∞) et à support compactK.Du recouvrement de K formé par des ouvertsU(x),on peut extraire un sous-recouvrement ni(Ui),puisque K est compact. Désignons par εi les nombres ε correspondants aux Ui et posons
ε0 = inf (εi), gtX(x) = x /∈K.
Dès lors, l'équation en question admet une solution uniquegt surM×]−ε0, ε0[ vériant la relation du groupe
gt+sX =gtX ◦gsX,
l'inverse degtX étantgX−tet doncgtX est un diéomorphisme pourtsusamment petit.
b) Construction de gtX pour tout t ∈ R. D'après a), il sut de construire gtX pour t ∈ ]−∞,−ε0[∪]ε0,∞[. Nous allons voir que les applications gtX se dénissent d'après la loi de multiplication du groupe. Notons quetpeut s'écrire sous la forme t=kε20 +r, aveck ∈Z etr ∈£
0,ε20£
. Posons, pourt ∈R∗+, gtX =gXε0
2 ◦ · · · ◦gXε0
| {z 2}
k−fois
◦ grX,
et pourt ∈R∗−,
gtX =g−Xε0
2 ◦ · · · ◦g−Xε0
| {z 2}
k−fois
◦ gXr .
Les diéomorphismes gX±ε0
2 et grX ont été dénis dans a), et on en déduit que pour tout réelt, gXt est un diéomorphisme déni globalement sur M. ¤ Dénition 12 La dérivée de Lie d'une k-forme diérentielle ω par rapport à X est la k-forme diérentielle dénie par
LXω = d dtgt∗ω
¯¯
¯¯
t=0
,
= lim
t→0
g∗t(ω(gt(p)))−ω(p)
t , p∈M.
En général, pour t 6= 0, on a d
dtg∗tω = d dsg∗t+sω
¯¯
¯¯
s=0
,
= gt∗ d dsgs∗ω
¯¯
¯¯
s=0
,
= gt∗(LXω). (3.1)
On vérie aisément que pour la k-forme diérentielle ω(gt(p)) au point gt(p), l'expression gt∗ω(gt(p))est bien une k-forme diérentielle en p.
Pour toutt∈R, l'application gt:R−→Rétant un diéomorphisme alors dgt et dg−t sont des applications
dgt:TpM −→Tgt(p)M,
et
dg−t:Tgt(p) −→TpM.
Dénition 13 La dérivée de Lie d'un champ de vecteursY dans la direction X est déni par
LXY = d dtg−tY
¯¯
¯¯
t=0
,
= lim
t→0
g−t(Y(gt(p)))−Y(p)
t .
En général, pour t 6= 0, on a d
dtg−tY = d
dsg−t−sY
¯¯
¯¯
s=0
,
= g−t d dsg−sY
¯¯
¯¯
s=0
,
= g−t(LY).
Une opération intéressante sur les formes diérentielles est le produit inté- rieur que l'on dénit comme suit :
Dénition 14 Le produit intérieur d'unek-forme diérentielleωpar un champ de vecteurs X sur une variété diérentiable M est une (k−1)-forme diéren- tielle, notée iXω, dénie par
(iXω)(X1, ..., Xk−1) =ω(X, X1, ..., Xk−1), où X1, ..., Xk−1 sont des champs de vecteurs.
On montre aisément que si ω est une k-forme diérentielle, λ une forme diérentielle de degré quelconque, X et Y deux champs de vecteurs, f une application linéaire eta une constante, alors
iX+Yω = iXω+iYω, iaXω = aiXω, iXiYω = −iYiXω, iXiXω = 0,
iX(f ω) = f(iXω), iXf∗ω = f∗(if Xω),
iX(ω∧λ) = (iXω)∧λ+ (−1)kω∧(iXλ).
Remarque 15 En coordonnées locales, le produit intérieur s'écrit comme suit : Si
X = Xm
j=1
Xj(x) ∂
∂xj
,
est l'expression locale du champ de vecteurs sur la variété M de dimension m et
ω= X
i1<i2<...<ik
fi1...ik(x)dxi1 ∧...∧dxik, alors
iXω = ω(X,·),
= X
i2<i3<...<ik
Xm
j=1
fji2...ikXjdxi2 ∧...∧dxik
− X
i1<i3<...<ik
Xm
j=1
fi1j...ikXjdxi1 ∧dxi3 ∧...∧dxik
+· · ·+ (−1)k−1 X
i1<i2<...<ik−1
Xm
j=1
fi1i2...jXjdxi1 ∧dxi2 ∧...∧dxik−1,
= k X
i2<i3<...<ik
Xm
j=1
fji2...ikXjdxi2 ∧...∧dxik. D'où
i ∂
∂xjω = ∂
∂(dxj)ω, où on a mis dxj en première position dans ω.
Les propriétés suivantes interviennent souvent lors de la résolution de pro- blèmes pratiques utilisant les dérivées de Lie.
Proposition 16 a) Si f : M −→ R est une fonction diérentiable, alors la dérivée de Lie de f est l'image de X par la diérentielle de f,
LXf =df(X) =X.f.
b) LX et d commutent,
LX ◦d=d◦LX.
c) Soient X, X1, ..., Xk des champs de vecteurs surM et ω une k-forme dié- rentielle. Alors
(LXω)(X1, ..., Xk) = LX(ω(X1, ..., Xk))− Xk
j=1
ω(X1, ..., LXXj, ..., Xk).
d) Pour toutes formes diérentielles ω et λ, on a LX(ω∧λ) = LXω∧λ+ω∧LXλ.
Démonstration : a) En eet, on a LXf = d
dtg∗tf
¯¯
¯¯
t=0
,
= d dtf ◦gt
¯¯
¯¯
t=0
,
= df µdgt
dt
¶¯¯
¯¯
t=0
,
= df(X),
= iXdf, (voir proposition 18)
= X.f.
b) En eet, comme la diérentielle et l'image réciproque commutent, alors d◦LXω = d◦ d
dtg∗tω
¯¯
¯¯
t=0
,
= d
dtg∗t ◦dω
¯¯
¯¯
t=0
,
= LX ◦dω.
c) On a
(LXω)(X1, ..., Xk) = d
dtg∗tω(X1, ..., Xk)
¯¯
¯¯
t=0
,
= d
dtω(gt)(dgtX1, ..., dgtXk)
¯¯
¯¯
t=0
,
= LXω(gt)(dgtX1, ..., dgtXk)|t=0 +
Xk
j=1
ω(gt) µ
dgtX1, ..., d
dtdgtXj, ..., dgtXk
¶¯¯¯
¯¯
t=0
, et le résultat découle du fait que
d dtdgtXj
¯¯
¯¯
t=0
=− d
dtdg−tXj
¯¯
¯¯
t=0
=−LXXj. d) Il sut de considérerω etλ de la forme
ω = f dxi1 ∧...∧dxik, λ = gdxj1 ∧...∧dxjl.
On a
ω∧λ =f gdxi1 ∧...∧dxik ∧dxj1 ∧...∧dxjl, et
LX(ω∧λ)(X1, ..., Xk, Xk+1, ..., Xk+l)
= (LXf).gdxi1 ∧...∧dxik ∧dxj1 ∧...∧dxjl(X1, ..., Xk, Xk+1, ..., Xk+l) +f(LXg)dxi1 ∧...∧dxik∧dxj1 ∧...∧dxjl(X1, ..., Xk, Xk+1, ..., Xk+l),
= ((LXω)∧λ+ω∧(LXλ))(X1, ..., Xk, Xk+1, ..., Xk+l), et le résultat en découle. ¤
Proposition 17 Soient X et Y deux champs de vecteurs sur M. Alors, la dérivée de Lie LXY est le crochet de Lie [X, Y].
Démonstration : On a
LXY(f) = lim
t→0
dg−tY −Y t (f),
= lim
t→0dg−tY −dgtY t (f),
= lim
t→0
Y(f)−dgtY(f)
t ,
= lim
t→0
Y(f)−Y(f ◦gt)◦gt−1
t .
Posonsgt(x)≡ g(t, x), et appliquons à g(t, x) la formule de Taylor avec reste intégral. Il existe donc h(t, x)tel que :
f(g(t, x)) =f(x) +th(t, x), avec
h(0, x) = ∂
∂tf(g(t, x))(0, x).
D'après la dénition du vecteur tangent, on a X(f) = ∂
∂tf ◦gt(x)(0, x), d'où
h(0, x) = X(f)(x).
Dès lors,
LXY(f) = lim
t→0
µY(f)−Y(f)◦g−1t
t −Y(h(t, x))◦gt−1
¶ ,
= lim
t→0
µ(Y(f)◦gt−Y(f))◦gt−1
t −Y(h(t, x))◦gt−1
¶ .
Comme
limt→0g−1t (x) =g−10 (x) = id., on en déduit que
LXY(f) = lim
t→0
µY(f)◦gt−Y(f)
t −Y(h(0, x))
¶ ,
= ∂
∂tY(f)◦gt(x)−Y(X(f)),
= X(Y(f))−Y(X(f)),
= [X, Y], ce qui achève la démonstration.¤
Théorème 18 Soient X un champ de vecteurs sur M et ω une k-forme dif- férentielle. Alors
LXω=d(iXω) +iX(dω).
Autrement dit, on a la formule d'homotopie (de Cartan) LX =d◦iX +iX ◦d.
(Cette propriété peut d'ailleurs servir de dénition).
Démonstration : Nous allons raisonner par récurrence sur le degrékde la forme diérentielleω. Posons
DX ≡d◦iX +iX ◦d.
Pour une0-forme diérentielle, i.e., une fonction f, on a DXf =d(iXf) +iX(df).
Or iXf = 0, d'où
d(iXf) = 0, iXdf =df(X), et donc
DXf =df(X).
Par ailleurs, on sait (proposition 16, a)) que LXf =df(X) =X.f, donc
DXf =LXf.
Supposons que la formule en question est vraie pour une (k−1)-forme dié- rentielle et montrons qu'elle l'est pour une k-forme diérentielle. Soit λ une (k−1)-forme diérentielle et posons
ω=df ∧λ,
oùf est une fonction. On a LXω = LX(df∧λ),
= LXdf ∧λ+df ∧LXλ, (proposition 16, d)),
= dLXf∧λ+df ∧LXλ, (car LXdf =dLXf, proposition 16, b)),
= d(df(X))∧λ+df∧LXλ, (car LXf =df(X), proposition 16, a)). Par hypothèse de récurrence, on a
LXλ=d(iXλ) +iX(dλ), et puisqueiXdf =df(X), alors
LXω=d(iXdf)∧λ+df ∧d(iXλ) +df ∧iX(dλ). (3.2) Par ailleurs, on a
iXd(df∧λ) =−iX(df ∧dλ) = −(iXdf)∧dλ+df ∧iX(dλ), et
diX(df∧λ) = d(iXdf)∧λ−df∧iXλ),
= d(iXdf)∧λ+ (iXdf)∧dλ+df ∧d(iXλ), (car d(df) = 0), d'où
diX(df ∧λ) +iXd(df ∧λ) = d(iXdf)∧λ+df ∧d(iXλ) +df∧iX(dλ).
En comparant cette expression avec celle obtenue dans (3.2), on obtient na- lement
LXω=d(iXω) +iX(dω), et le théorème est démontré.¤
Exemple 19 Montrons que pour une forme diérentielle ω, on a iXLXω =LXiXω.
En eet, on a
iXLXω = iX(diXω) +iX(iXdω), (théorème 18)
= iX(diXω), (car iXiX = 0), et
LXiXω = (d◦iX +iX ◦d)iXω =iX(diXω), d'où le résultat.
Proposition 20 Soient X et Y deux champs de vecteurs sur M et ω une forme diérentielle. Alors,
LX+Yω =LXω+LYω, et
Lf Xω=f LXω+df ∧iXω, où f :M −→R est une fonction diérentiable.
Démonstration : En eet, il sut d'utiliser le théorème 18, LX+Yω = d(iX+Yω) +iX+Y(dω),
= d(iXω+iYω) +iX(dω) +iY(dω),
= d(iXω) +iX(dω) +d(iYω) +iY(dω),
= LXω+LYω.
De même, on a
Lf Xω = d(if Xω) +if X(dω),
= d(f iXω) +f iX(dω),
= df∧iXω+f d(iXω) +f iX(dω),
= df∧iXω+f LXω, ce qui achève la démonstration.¤
Remarque 21 En coordonnées locales, la dérivée de Lie de la forme diéren- tielle
ω= X
i1<...<ik
fi1...ikdxi1 ∧...∧dxik, s'écrit comme suit : Si
X = Xm
j=1
Xj(x) ∂
∂xj,
est l'expression locale du champ de vecteurs sur la variété M de dimension m, alors
LXω = Xm
j=1
LXj ∂
∂xjω,
= Xm
j=1
µ
dXj ∧i ∂
∂xjω+XjL ∂
∂xjω
¶ .
Or d'après la remarque 17, on sait que i ∂
∂xjω = ∂
∂(dxj)ω=k X
i2<i3<...<ik
fji2...ikdxi2 ∧dxi3 ∧...∧dxik, donc
dXj∧i ∂
∂xjω =k X
i1<i2<...<ik
fji2...ik∂Xj
∂xi1dxi1 ∧...∧dxik. De même, en utilisant la proposition 16, c), on obtient
L ∂
∂xjω = X
i1<...<ik
∂fi1...ik
∂xj dxi1∧...∧dxik. Comme h
∂
∂xj,∂x∂
l
i
= 0, on obtient nalement
LXω = X
i1<...<ik
Xm
j=1
µ∂fi1...ik
∂xj Xj+kfji2...ik∂Xj
∂xi1
¶
dxi1 ∧...∧dxik. Proposition 22 Si X et Y sont deux champs de vecteurs sur M, alors
a) [LX, iY] = i[X,Y]. b) [LX, LY] = L[X,Y].
Démonstration : La preuve consiste à montrer que pour unek-forme diéren- tielleω, on a
[LX, iY]ω =i[X,Y]ω, et
[LX, LY]ω =L[X,Y]ω.
a) On va utiliser un raisonnement par récurrence en supposant tout d'abord quek = 1, i.e., ω =df. On a
[LX, iY]df = LXiYdf−iYLXdf,
= LX(Y.f)−iYdLXf, (car LX ◦d=d◦LX)
= X.(Y.f)−iYd(X.f), (car LXf =X.f)
= X.(Y.f)−Y.(X.f),
= [X, Y].f,
= i[X,Y]df.