Probabilité qu’une matrice deMn(Fq)soit nilpotente
Soientn>1 etX ∈ Mn(Fq)une matrice uniformément aléatoire.
Théorème 1. P(X est nilpotente) =q−n.
Notonsan(q) :=|N(Fqn)|le nombre de matrices nilpotentes d’ordrensurFq.
Lemme 2. Soient kun corps, E unk-ev de dimension finien etu∈ L(E). Il existe un unique couple(V, W) de sous-espaces vectorielsu-stables tel que :
(i) E=V ⊕W, (ii) uV ∈N(V), (iii) uW ∈GL(W).
Définition 3. Les sous-espacesV etW sont respectivement appelésnilespaceetcœurdeu.
Preuve. Existence. Soitm∈Nla valuation deXdans le polynôme minimalπudeu∈ L(E): il existeQ∈k[X] tel que πu = XmQ avec Q(0) 6= 0. D’après le lemme des noyaux E = Kerum⊕KerQ(u). En particulier, dim KerQ(u) =n−dim Kerum = dim Imum grâce à la formule du rang. Orπu(u) =Q(u)◦um= 0, donc Imum⊆KerQ(u). FinalementKerQ(u) = Imum, d’où
(i) E= Kerum⊕Imum,
et il est clair que V := Kerum et W := Imum sont des sous-espacesu-stables. Soientϕ:=uV et ψ :=uW. Alors :
(ii) ϕ∈N(V): pour toutx∈V = Kerum,ϕm(x) =um(x) = 0doncϕ∈N(V), (iii) ψ∈GL(W):Kerψ= Keru∩Imum⊆Kerum∩Imum={0}.
Unicité. Soit(V, W)un couple satisfaisant (i), (ii) et (iii). Notons encoreϕ:=uV et ψ:=uW. Soitml’indice de nilpotence deϕ. Tout élément xdeE s’écrit de manière uniquex=v+woù(v, w)∈V ×W. Pour tout i∈N,
ui(x) =ϕi(v)
| {z }
∈V
+ψi(w)
| {z }
∈W
,
donc
x∈Kerui ⇐⇒ ϕi(v) = 0et ψi(w) = 0,
⇐⇒ ϕi(v) = 0et w= 0,
⇐⇒ x∈Kerϕi
et en particulierKerum= Kerϕm=V. Aussi,Imum= Imϕm⊕Imψm={0} ⊕W =W. Corollaire 4. NotonsT(E) :={(V, W, ϕ, ψ)|E=V ⊕W, ϕ∈N(V), ψ∈GL(W)}. L’application
L(E)−→ T(E)
u7−→(V, W, uV, uW)
est une bijection.
Lemme 5. Tout evV de dimensionj surFq admetbj(q) := (qj−1)(qj−q)· · ·(qj−qj−1)bases, et donc aussi bj(q)automorphismes.
Démonstration. Il y a |V \ {0}|=qj−1 choix pour le premier vecteur de base. Puisque tout vecteur de base ne doit pas être dans le sous-espace engendré par les précédents, il resteqj−qchoix pour le deuxième vecteur, qj−q2 choix pour le troisième, et ainsi de suite, jusqu’àqj−qj−1 choix pour le dernier vecteur. Enfin, si l’on fixe une base(v1, . . . , vj)deV, se donner un automorphisme deV revient à choisir la base-image de(v1, . . . , vj).
Le nombre de bases deV est donc|GL(V)|=bj(q).
Démonstration du théorème 1. Soit pour tout 06j6n, Tj(Fqn
) :={(V, W, ϕ, ψ)∈ T(Fqn
)|dimV =j},
de sorte que T(Fqn
) = Gn
j=0
Tj(Fqn
). (⋆)
benjamin.dadoun@ens-cachan.fr – v20140922 1/2
Probabilité qu’une matrice deMn(Fq)soit nilpotente
Calculons|Tj(Fqn)|. Se donner(V, W, ϕ, ψ)∈ Tj(Fqn), c’est choisir(V, W)en somme directe tel quej= dimV = n−dimW, un élément deN(V)et un élément deGL(W). Or l’application
{ bases deFqn
} −→ {(V, W)|Fqn
=V ⊕W, dimV =j}
(e1, . . . , en)7−→(Vect(b1, . . . , bj),Vect(bj+1, . . . , bn))
est surjective, et chaque image admetbj(q)bn−j(q)antécédents. D’où, d’après le lemme des bergers,
|Tj(Fqn)|= bn(q)
bj(q)bn−j(q)×aj(q)×bn−j(q),
= bn(q) bj(q)aj(q).
Finalement qn2 =|L(Fqn
)|
=|T(Fqn
)| (d’après lecorollaire 4)
= Xn
j=0
|Tj(Fqn
)| (d’après (⋆))
= Xn
j=0
bn(q) bj(q)aj(q),
et sin>1, P(X est nilpotente) =an(q)q−n2
= 1−q−n2 bn(q) bn−1(q)
n−1
X
j=0
bn−1(q) bj(q) aj(q)
= 1−q−n2 bn(q)
bn−1(q)q(n−1)2
= 1−q−n2qn−1(qn−1)q(n−1)2
=q−n.
Références. [Tos]
106 Groupe linéaire d’un espace vectoriel de dimension finieE, sous-groupes deGL(E). Applications.
123 Corps finis. Applications.
151 Dimension d’un espace vectoriel. Rang. Exemples et applications.
153 Polynômes d’endomorphisme en dimension finie. Réduction d’un endomorphisme en dimension finie. Ap- plications.
157 Endomorphismes trigonalisables. Endomorphismes nilpotents.
190 Méthodes combinatoires, problèmes de dénombrement.
264 Variables aléatoires discrètes. Exemples et applications.
[Tos] NicolasTosel: Quelques dénombrements dansMn(Fq). In Revue de la Filière Mathématiques, numéro 117–1.
benjamin.dadoun@ens-cachan.fr – v20140922 2/2