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Au temps de Lavoisier
WENGER, Paul Eugène Etienne
WENGER, Paul Eugène Etienne. Au temps de Lavoisier. Alma Mater: revue universitaire , 1944, no. 3, p. 143-157
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106549
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ALMA MATER
I
No 3 - FR. I,20
REVUE UNIVERSITATRE
DE LA SUISSE ROMANDE
DÉCEMBRE T944
M. et Mme Lavoisier, par David
AU TEMPS DE LAVOISIER'
P.-8. Wpxcnn
Prolesseur à l,'Uni'aersi'té d'e Genèao
Il n'est pas
dans nosintentions de parler
d.es sciences contempo-raines,
des cliverses tendances philosophiques actuelles.Nous
rappelle-rons
néanmoinsque les
spécialisationsà outrance, résultant
d'u déve-loppement
considérable des d,isciplines scientifiques,ont
créé une sorted.e cloisonnement d.ans lequel ehatlue chercheur
travaille
commeau
fondd'un puits,
nepouYânt
contempler qutunepetite portion
d-uciel' IIeu- reuseÀent,
ces cloisons commencentà clâquel
d,etoutes parts et lton
tencl versla
mêmefin, Punité,
quelle quesoit la
philosophieà
laquelleon
serattache, et
pour' nous autres chimistes, quelton soit
atomiste ou énergéliste.Guye, dans son remârquùblc ouvrage,
< I-r)ér'olution physic0-chi- mique >, évoque le mouvementqui
se manifeste,tendant
àitintroduction ae ptus en plus large d'un
déterminismestatisticlue dont la
précisiond.épend
de la loi
d.esgrands
nombreset
laisseprévoir les
cas excep- tionnels,soit
lesfluctuations. Ainsi, par
exemple, c'est grâce au principe thermo-dynamique d.ecarnot,
d.epuis lestravaux
d.eGibbs
el, cleBoltz-
mânn,et
grâce aussià la relativité,
quel'on peut trouver la
possibilité dtuntrait
d.,union entre des sciences qui semblent complètement séparéesr I sil,on
abordc sculement lesnotions qui
setrouvent
à Jelrr hase. Cepen- , d"ant,il serait puéril d'imaginer que les travaux et
d.écouvertes des savants d.u siècle passén'ont point contribué à cette évolution'
Nousirons
mêmeplus loin et
nousdirons qutil faut
seréjouir
que certaines théories,qui
nous paraissent actuellement vieillies ou entachées dterreur,aient
été prises comme rigoureuses àun
moment donné. I',e savantdoit
se servir d.u matériel
dont il
dispose pourmontel
d''un échelonet il doit
- à côté
d.,undon d'observation tïès
marqué,- prévoir,
c'est-à-dire se transformer en une sorte cle prophète. IJne hypothèse n'est pas justeou
fausse;
elle est fécond"esi
ellepermet
defaire
d-évelopperla
science que I'on étutlie ;il faut
la rejeter si elle nous amène d.ans d'es chemins sans issue. Peut-onnier le rôle positif
dela notion
deI'atome,
dela
nomen-I
'L" -ême sujet a été traité à Genève dans le cadre des grandes conlérences universitaires' lo 25 février 1944.
-t44-
clature
chimique, dela loi
d,esproportions
définies dansle
développe- ment de notre science ? Mendetéevaurait-il établi
son magniflque systèmepériodique,
basésur les poids
atomiquesrelatifs, s'il avait connu
les isotopes? Dt
réciproquement,aurait-on trouvé ces
d,ernierssans
le système périodique des éléments ?Au XVIII.
siècle, moment épique dela
science expérimentale, les encyclopédistes,tout en se partageant la
besogne,travaiilaient
en commun ; nous n'en voulons pour pïeuve que relotissemenl,
tle l'ancienne
acad.émied.tArcueil oir
r-.,avoisier, r-,aplace, Monge,Berthollet et
rltautresont
élaboréle statut
moclerne d.es sciences physiques.Parmi
ces savants, r-,avoisiera eté
passionnément discuté.Néanmoins,
cette grande figure,
disparueil y a cent
cincluante ans, onnnr#i^-l À Itl,,,*^.^:LA +^--L ^-r:!-^ ^r@yIJat urluu 4 r rrurrl4[ruU uuLttr tiLIUIUIU eU UU $gf i.tf L Vt'AIIIleltU e[l'OILeSSg
d'esprit
que d.e faire du nationalisme à son sujet.Reportons-nous à I'époque dans laquelle
il
évolue, voyons res maté-rjaux dont il
dispose,et pour
cela, faisons unerapide revue du
passé.Comparés aux physiciens, les chimistes semblent les véritafules inven-
teurs de I'expérimentation.
r-:'observation d,es phénomènes chimiques,l'art
de les coord.onner dans un certainbut et
de les reprod.uire à volonté,datent
des premiers âgesdu
monde.De
1àles difficultés pour
situer l'époque précise à laquelleil faut
placerla
naissance de ra chimie. Nous nôllvôns q,alTnafirp /nq,r asnriî Âo evnt-lrÀao\ nrrn lrnrl nl"i*i^',^ / Yuv r @ru uurrurYuv, wvuuç ^^++^ ^r.*'-wurJ-salide assez
informe
d.'oùsortit notre
science,a
puiséà trois
sourcesla
force de traverser d.e nombreux siècles puis de s'épanouir splendidementau XVIIIe
siècle sous Itinfluence d.,hommes remarquables.Nous concevons
pâ
1à I'influence prépond.érante des EgyTtti,ens, d.e Ia Grèceet
des Arabes.rl
n'est pasdouteux
d.'ailleurs que ces civilisationsont
elles-mêmes collaboréentre
elleset que l'orient, avec sa
culture, n'est pas étranger aux philosophies que nousont
téguées ces peuples.L'Egyqtte d'abord. Ses artisans étaient très avancés
d.ans les industries. cependantla
naturedu
sol d.eleur
pâys essenl,iellement agri- cole nous obiige à admettre que ces gens ont reçu des lumières cle certaines nations, enparticulier
de I'rnd.e, des chaldéensqui apprirent aux
habi-tants
dela
vallée duNil la
cuisson deI'argile et
des émaux.Il
nous reste comme souvenirsles
termes: alcool, borax, alcali,
tous d.'origine chal- déenne.Fait
surprenant: Ie fer ne servait qutà r'ornementation.
r.iepremier
utilisé provenait
de météoriteset
les Dgyptiens sefiguraient
le cieltel
une immense voûte enfer. on
nepeut
s,empêcher d.etrouver
une curieuse analogie entre cette conceptionet la signification
d,umot
grec sideroset
d.u termelatin
sidus. T')or,le cuivre étaient
employés dansdivers
domaines. lvralheureusementla chimie égyptienne était un art
sacré, réservéaux prêtres qui ont apporté un rare degré
d,e perfec-tion, mais qui par contre ont celé de précieux
renseignements. Les-145-
minerais
venaient bien
souvent d.eNubie et du
SinaÏet
leurs monnaies présentaientI'effigie
d.ebestiaux.
Serait-ce encoreI'origine de
pecus et d.e pecunia ?Puis vinrent' les
Grecs.Selon
Taine,
<un
peuplereçoit toujours l'empreinte du pays qu'il
habiter.
I-,a d.ouceurdu climat, l'harmonie
d.es beautés d'ela nature
ontfait
d.u Grecun
incomparableartiste, ayant
assez de bien-êtrepour qu'il aime
savie, et
pâs assezpour qutil
stamollisse.On peut
d'oncprévoir une culture
expérimentaleabsolument nulle, En effet, pour la
Grèce 'antique, appliquer la
science c'estla
dégrad.er.Illte
d.oitrester
dans le d.omaine ctei'icléal. A la
trase d.es systèmes philosophiques d.ela
Grèceon retrouve le principe
d.ela
conseïYation d.ela matière. Rien
nevient
d.erien. suivant un
témoignaged,'aristote, il cloit
,êtreattribué
non pasâux
Eléates maisà
Thalès cle IVliIet,I'un
desSept
Sages' On assiste encoïeà la
naissance dela notion
deltatome. Les
penseurs ad.mettent I'existence d.uvide et Ia d.ivisibilité
dela
matière. I-:eucippe en estI'ini- tiateur, Démocrite en
estle
d.isciplefervent, et il n'est
pasindifférent
de se souvenir de ses voyagesqui
démontreraient I'influence del'Orient'
Toutes les propriétés d.es corpsdoivent être
expliquéespar la
quantité,la
grandeur,la forme et la siluation
réciproque cles atomes. Démocritc cepend.ant déniela
pesanteur àl'atome,
mais Epicure, plustard, l'aurait
admise.
Il
est certain que cet atomisme grec est tïèsoriginal
comme système philosophique, maisil nta rien de
commun avecla notion
mod.erne del,atome, car à
celui-ciDaiton
déjày a
attachéla notion
d.e poids.La
science dela
Grèceenfin a
envisagéla notion
cl'élémentet
onpeut dire que c'est Aristote qui
concrétisecette notion en admettant quatre
éléments(env.
384av. J.-C.).
Ces corps simples,âu
nombl.e de qual,rc, se manilestentet
seforment lorsqu'on
combinc d.cuxà
deux ce qu'alorson
appelait les modes contrailes d.ela qualité,
ainsile
chaud- ettè
sec d.onnentle feu, le
chaud.et l'humide
d.onnentl)air, le froict et
le secdonnent la terre, Ie froid et
ithumid.e clonnentl'eau. Nous
voyons alors que ces éléments ne peuvent résister à I'expérienceret
si les philo- sophes d'alors avaient eu 1tidée de se servir d-tune balance ou s'ils avaientmoins
méprisél'expérimentation, ils
seraientarrivés
certainement trèsloin. Mais,
commele rapporte Taine,
<ils n'ont voulu cueillir que
lafleur
d.es choseset
c'estpour
celaqu'ils ont
été lesplus
grand.s artistes d.u mond.e r.L)Ecole
d)alenand,rie,plus tard,
développeles
sciences naturelleset
géographiques.on y rencontre une
pléiade d.e savantset
d.e philo- sophes, Euclide, Archimècle, Dratosthène, Théophraste. Maisil
nousfaut
*t46-
reconnaître que, dans
I'histoire
dela
chimie, cette écolefut
plus curieusequ'importante. une érudition dénuée d.'esprit critique s'efforce
derapprocher les
doctrines sans grand. succès.Au VIIIe
sièclede notre ère,
Ies Arabesenfin,
championsde
la science expérimentale,pratiquent ltindustrie,
fabriquenl, les faTences, la maroquinerie, et c'est enfin I'invention des chinois: le papier. Geber (Giavarou
Giaber)est le fondateur de
I'école des chimistes aratres,auteur
d.u<
summa
Perfectionisl, le plus
ancien ouvrage d.echimie qui
nous soitpâr\renu
I ctest un expérimcntatcur cxccllent, observateur
perspicace,il
décrit les métaux, trouve les acides minéraux. Ecoutons-le:
< r_.,'arsenicest
composé d.)unematière subtile et d'une
nal,ure analogueà
celle c1usoufre et on Ie reiire
cleia caicination
des minerais.u conrme
l'éclatmétallique lui sert de critère, il
incorporeâux métaux la
galèneet
lapyrite. or,
de ces corps, on retire Ie soufre, on lespurifie
d.onc et peut-êtrearrive-t-on
à latransmutation,
à la production deI'or,
bien clue lui-mêmereste
sceptique,la nature ayant
consacrédes millions
cl'annéesà
laformation
desmétaux. c'est
clecette
époqueque date l,alchimie,
la recherchede la pierre
philosophale, del'élixir philosophal,
1,<âme
du monde rlqui
clevait assurer richesseset
honneurs.rl
afallu pourtant
quinze sièclespour
que de cestrois
sources vives anrln l- ^Li*;^ +^II^ ^,-t^.- r- ^^- ^^:r ^^--- !^-^-^^ - -r - -lDvr uv r@ vuruuE uErru qu ull lal UUIrçUltr SUIIN IUI'IIIU (It] NUIeIlLie III0Oefne.
Ltinfluence des Ba,rbare,s,
les traditions et le
dogmatismeromains,
nepouvaient apporter
lesvraies
bases d.ela
science expérimentale,et
si nous voulons comprendrel'æuvre
cle lravoisier, c'est cle celle-Ià surtoutqu'il faut
parler.Nul
événement mieux que les Croisades,par
contre,n'était
capabled.e provoquer f
interpénétration
dei'orient et
del'occident ;
ce sont les croisésqui
nousvalurent I'alchimie
eû, pend.antla
longuepériode
du moyen âge,le feu était
regardé commeun
agentuniversel. Rien ne
sefaisait
sansIui.
Aveclui,
au contraire,tout était
possible. Les alchimistes concluaient que lefeu devait
amener lesmétaux à un état plus parfait.
De là,
I'idée cleleur
conversion enor ou
enargent. si lton fait un iour pour la
chimiedu
moyen âge, ce que les archéologuesont fait pour
les cathédrales,on apprendra à la regarder
commelogique mais
fausse,au lieu
d"ela
consid,érer comme absurde.on retrouvera la
source de toutes ses e reurs dansl'antiquité
clui prétenclait se pâsser des révéIations de la nature et fond,er la science d.'après I'harmonie étatrlie dans la pensée d,es philosophes.Betenons simplement
qu'au milieu
d.e leurs illusions, res alchimistesont
rend.u constamment service àla
chimie enpubtiant
sans détours les observations qui leur semblaient utiles aubut
constant de leurstravaux.
Ils
se réservaient, au contraire, â,vec un soin jaloux, les opérations relatives--
r47--
\
l
i I ti :
t
au
gra,nd cpuvïe, l,a pierye phi,tosophate.Ils s'appropria'ient les
icléesfausses
et les
cachaient: ils
semaient,par contre, les
icléesvraies
etnécessaires
au
progrès d'el'humanité.
cependant, avec
le
temps, d.es forces nouvelles sefont jour,
commeItUniversité, par
exemple, oul)apparition
des novateurs. Ce seraitsortir
d.u cad.re de
notre sulet
que cteIaire l'histoire
de cette périocleet
de celle clela
Renaissancequi
présententle plus vif intérêt.
Cepend-ant, c'est avec regret que nous ne pouyonsciter
qu'en passant les nomsd)tn
BogerBacon qui
lutte
contre ltautorit,é cttAristote et d.épense une somme énormepour
Ses recherches expérimentales,au XIIIe
siècle; d|ul
Paracel,se, cefameux méd.ecin d.u
XVe
siècle, né à Einsied,eln,qui pouvait
être regardé commela
d.ernière grandefigure
d.ela
périotlephilosophique; enfin
d-el'artiste et du
savant Bernard, Pal,i,ssy,au XVIe
siècle' Les personnalités d.evan
Eal,montof
de Boytemontrent
clueIe
XVTeet le xYIIe
sièclestenclent
à mettre
les préjugés philosophiques horsla
scienceet
queI'on
setrouve
cléjàen
présencede
novateurs.Dtautres
encore.''Au XVIIe siècle, nous arrivons à une
époqueoù
d.es vues plus saines commencentà
serépandre. On continue
cepend'antà
admettre les quaLre élémenbscl'Aristole, jusqu'à l'apparition
ctu célèbre inventeurtle
ta,théorie
cluphiogistique,
BtahZ d.'Anspachet
de son maître Becher'ce
dernier, précurseur d.estahl, introd.uit cette notion du
phlogi'sti'que; iI
est intéressant d.erapporter
I'icléequ'il
sefait
d.eIa
flamme. Pourlui,
1a flamme se compose d.,une
inflnité de
corpuscuiesqui pénètrent
d.anstous les corps opaques et compacts.
II
d.it aussiqu'il n'y
a rien d'étonnantà
ce quele feu liquéfie
les corps,étant
clonné quele feu
est lui-mêmerrn
liquide.stahl vouail, une
grand.e ad.mirationà
Becher.Il
possédaitce
quilmanquait à
ce d.ernieret,
reprenant ses id.ées,il flt
clu phlogistique unevéritable théorie qui
d.evaitjouir pendant un
siècle d-ela faveur
d.es savantset
d.upublic. ll établit une distinction entre Ia
rnaÛièreùu
feu.et Ie feu lui-même.
C'estla
basede
sathéorie. Trouvant les
élémentsd'Aristote
inapplicablesaux
phénomènes cleIa chimie, iI lei rejette
et chercheailleurs
d,es corps indécomposables.Il
connaissaitbien
les rap-ports qui lient
iesmétaux
à leurs oxycles.S'il eût pris
comme éléments lesmétaux et s'ileût
consid.éré les oxyd.es comme des composés d"érivésde
ces corps simples, sathéorie efrt été
conformeaux
principes fonda- mentaux dela
chimie mod.erne. l\[ais,hélas,il flt
I'inverse.(I:efeu, tlit-ilt
se présente sous d.eux formes, comme composé
et à ltétat libre. Le
feuà i,état libre,
c,estle feu ordinaire,
cluiapporte
chaleuret lumière.
Le feu àl'état
de combinaison ou phlogistique se trouYe contenu en quantitéplus ou
moins grand.e d.ans les substances combustibles.La
combustionest la transformation
cluphlogistique en feu libre.
>Il
reconnaît enfln-I48-
que
la
combustion est conditionnée par Ia présence cleI'air
ou de quelque chosede
semblable. r-,avariation
depoids, qui,
d.ansnos
conceptions, estprimordiale,
nolo frappait
pas,il n'avait
pas égardaux
indications dela
balance. r,.ranotion
d.e formeétait
son seul guide. Néanmoins,il
aconsommé d.ans les iclées cette
révolution qui a fait rejeter
ies élémentsd'Aristote et fut par là le
précurseur nécessaire d.e I_,avoisier.Nous voici arrivés à
l'époque (1779) où.parurent sur la
scène du mondetrois
hommesqui
d.evaientmodifler la face
d.es sciences. rrrun, La'uo'isier,riche,
elûuuré del'élite
d.es savants, domine toutes les gloires contemporaines.Le
d.euxièmo, Pri,estl,ey, ecclésiastiquesâns
fortune,mais
soutenupar
quelquesamis
d.es sciences,jette un vif éclat,
mais passager.Le
troisième, Bcheel,e, élève en pharmacie,pauvïe et
modeste,inférieur au premier, mais
supérieurau
second-,maîtrise Ia nature
àforce d.e patience
et
d.e génie,et lui
arrache ses secrets, s,assurant ainsiune
grande renommée.Entre eux stétablit une lutte animée et pourtant leurs
apports tendent au mêmebut;
aubout
d.e quelques années, leur tâche communeest
accomplie,une
destinéeimplacable vient s'apesantir sur eux,
Iesbrise, et la nature qutils ont
tant
tourmentée, semble en éprouver quelque repos.r\aheel,e,
Suédois, naquit à Stralsung le g
d.écembre 1242. Après quelques étud.es,il fut
placé comme étève pharmacien.Il n,a
presquerien
appris d.es hommes.La nature fut pour ainsi dire
son seul maître.au
début, rien ne d.écelait enlui
cequ'il
devait être unjour. Dt
cepend.ant,il
résoudles
problèmesles plus
obscursà l'aid.e
d.es moyens res plus simples.Fallait-il recueillir
des gaz,par
exemple,iI attachait
une vessieau col
d.ela fiole
où" s'effectuaitleur
dégagement;
puisla
vessie pleine, attachée avecune
ficelle,permettait
d"'utiliserson contenu à
volonté.Parmi
les corps simples,il
en est plusieurs que scheelea
isolés.c'est
àlui qu'appartjent la
d-écouverte d.u chlore; il
connaît I'oxygène presque en mêmetemps
que Priestley.son travail sur le fluorure
de calcium et I'acid.e fluorhyclriquele
cond"uità admettre un
corps,Ie fluor, qui
sera d.écouvert plustard. on lui doit la
connaissance d-'unemurtitude
d.,acidestant
organiquesque minéraux.
<on ne saurait trop l'admirer,
écrit< Dumas 1,
tant qu'il
se renferme d.ans lesfaits qu'il a
observéset
dans<< les conséquences prochaines
qui en
découlent; en un mot, toutes
les<
fois qu'il ne s'agit
que d.efaits,
scheele estinfaillible.
Maisil
n,en est< pius de même quand.
iI arrive
à poser des théories générares.Alors,
on<
voit
avecregret
que son imagination ltemporte, qutelleI'entraîne
à desI u Leçons sur la philosophie chimique ), par M. Durnas
--
149-
( écarts que
I'on était loin
d.'attend.red'un esprit
si d.roit,et I'on
ne peut< méconnàître
le
secoursque des
études mathématiques préparatoires<<
auraient fourni pour
ses recherches d.e philosophie naturelle.I
Priestley,
d-eson côté, en Angleterre,
selivrait à
d.estravaux
dumême genre. Priestley, d.ont le nom lappelle
la
découverte d'esprincipaux g^r,
"rt, né en
1733d'un père fatrricant de drap. Il était destiné
au"o*rrr"".",
mais,par vocation, il
sevoua à ia
carrière ecclésiastique'Il
eut à subir
des controverses, nevoulant
pasadmettre
certains d'ogmes,et il forma un
schisme.II
professa aussila littérature et les
langues anciennes. Ctest seulementvers 32 ans qutil
clébutadans l'étud'e
d'essciences.
Il fut
enrapport
avecFranklin
et eut f id-ée d.'étud'ier les phéno- mènes électriques.I1 conçut ainsi la
première penséede
son <Ilistoire
d.e
i,Electricité r. À
I-.ieetls,iI
logea près d.'une brasseric,ct
co voisinageItinvita à
s'amuser, commeil le dit, à faire
quelques expériences sur I'acid.e carbonique dégagépar la fermentation
d-ela trière' Plus tard, il
invente le
clispositifpour produire lui-même
ceg^z ainsi que
d-'autres.Ses
travaux
sont résumés d.ans les volumes < Expérienceset
Otrservationssur les
d.ifférentes espècesd'air
>.Quant Priestlcy
commençases ttâvauxr scheele stoccupait
cles mêmessujets et
l-]avoisier, d.eson côté, se livrait à de
semblablesrecherches. L,e phlogistique
était
admispaltout, et parmi
les gazon
enconnaissait
d.eux seulement,l'acid.e carbonique que l'on appelait air
fixe, et I'hydrogène,air
inflammatrle, découverts par Btacket
caaend'i'sh.Priesiley,
lui,
découvritYazoter lebioxytle
d)azote,le gaz chlorhydriquet Itammoniac,le
protoxyd.e d.'azote,etc., et enfin
ltoxygène,le
1er août7774. Ce
n'est
que I'année suivantequ'il lui
reconnutia propriété
d'en-tretenir la respiration et qu'il
constata sonaction sur le
sang veineux' Plus tard. encore,il
prépara Ie gaz oxyd.e cle carbone, I')hyd'rogène sulfuré et,le guzfluorhydrique. ce qui
est curieux chez Priestley, c'est l'obstina-tion
avec laquelle i1 prétencl que ses clécouvertes sont d-uesau
hasard otqu'il n'est
pas chimiste. Ileureusement, ses ploprestravaux
d'émententliaction
unique d.u hasard., cequi
seraitnavrant
d"ansltét'rle
des sciences expérimentales.Au
contrâiïe,il a parfaitement
bien raisonnéet surtout bien
observé.Par
contre,pour
coord.onnel lesfaits qu'il
observait, pour imaginerla
théorie générale à laquelleiI préparait
d'e si riches matériaux,it faitait
cette logique puissante quilui
a manqué,il fallait un vrai
génie'Et
ce génie, cefut
Laao,is,ier. c)est en 1770 que ce jeune savantfait
paraître son prem;er mémoire:
< I-,'eau possècle-t-elle ou nonla
propriétéd.e
se transforme en terre
?I
Quand.iI
entreprend.cette
expérience,Lavoisier
procède commeiI le fera toujours : il
seprépare
d.e longuemain.
<on voit qutil ne veut
consulterla nature en vain, qu'il
prencl<r ses dispositions d.e manière
que la vérité, quelle qu'elle
puiss'e être,_150_
(
soit
nécessairement miseà jour.
r 1rl fait
donc construire une balance-
et nous insistons sur cefait
-
d.'une parfaite précision,instrument
qui,avant lui, n'avait
jarnaisété
sérieusement employé dans les recherches chimiques.Pour lui, tous
les phénomènes deia chimie sont
d.usà
des d.éplacements de matière,à l'union ou
à ra séparation des corps. a Rien ne se perd.,rien
ne se crée >,telle
est sa devise.Et voici enfln la
grand.eloi
généralequi va permettre à la
chimie d.e se classerâux
côtés cle la physique. c'est en 1772 qlu'1il consigna, dans une note déposée à I'acactémie des sciences 2, lesfaits qui lui ont
servi dcpoint
dedepart pour la
for-mation de I'admirable théorie qui a rendu
sounom si
célèbre.Il
alit notamment:
<Depuis
cluelquesjours, j'ai découvert que le
soufre en<
brûlant
d.onne naissanceà un
acide en augmentant d.e poids,il
en est< d-e même
du
phosphore.cette augmentation de poids vient de
la<<
flxation d'une
prodigieusequantité d'air. si
resmétaux
calcinés aug-<r
mentent
également depoids, c'est qu'il y a
égalementfixation
d,air,<r
et par une vérification
certaine,je puis démontrer quril en est
ainsi.<
En effet,
sije
prends une chaux métalliqueet
sije la
calcine avec du< charbon, en vaisseaux clos,
au
momentoù elle
seréduit, au
momenl,<<
où la litharge
se changeen plomb, on voit reparaître I'air
clui s'était<i
fixé lors de la calcination et I'on peut recueillir un procluit
gâzeuxzr rlnnf Ja rrrilrrma act orr mnino '-il.l^ f^:^ *1..^ --^-l uruurD .ruruv rurù ljruj:, Ëri1)[|t qu(j U€fUl (lg ^,--^ ^^r--i -a - rIAJ f],Inafge n employée. >
Lavoisier admet d.onc
la fixation
d.e|air. Il établit
que les corps, enbrûlant,
augmententde
poiclspar suite d'une
combinaison,et
qu'onpeut ensuite faire reparaître celle-ci
sousla forme première.
<cette
<r d.écouverte,
dit
Lavoisier,me paraît une
d.esplus
intéressantes qu'on<
ait faites depuis stahl. r Jugement auquei la postérité donne
uneratification
éclatante.r-.,avoisier ét'ait né à Paris Ie 16
août
1743d'un père riche
commer-çant. rl
étucliaau
collège Muzarin,flt
son d"roit, puisil
se consacïa aux mathématiques, à I'astronomie,à Ia
botanique,puis à la
chimie, sous ladirection du maître
G.-F. Roueile (1703-1??0).Il
hésiteavant
d.e savoirla
voiequ'il doit
suivre.rl fait
encoïe dela
théologie. Mais onlui
confiê une étude de l'éclairage deParis et
c'est €n somme cequi le
ctécicle ducôté chimique.
(Après
quelques expériences,il
s'aper'çoit cluesa
r,ue ( manque dela
délicatesse nécessairepour
apprécier les intensités rela-<
tives
des d.iverses flammesqu'il voulait
comparer danscette
étude ile< itéclairage.
En
conséquence,il fait
tencrreune
chambreen noir et
sry< enferme
pendant six
semaines d,ansune
obscuritéparfaite. Au
boul,l Dumas loc. cit.
, Cette Compagnie I'accueillit en 1768 ; il en devint président cn 17gb
-r51-
( de ce temps, sa vue
avait
acquis une sensibiiité extrême et les moind.res< différences
ne lui
échappaientplus. Quel
clévouementà Ia
science ne<
faut-il
pâspour
se cond.amner,à 22
ans,à une
réclusion aussi longue<
et
aussi sévère ! > 1 L'Acad.émielui
d.écernaune
médaille d,'or (1776).vous
comprend.rez, grà,ceà ce trait de caractère, que
l-,avoisier n'hésite pasà
sacrifier savie à
refaireune
sciencequi ntexistait
encore .que de nom.Pour
atteind.re cebut, il lui fallait
unevie
arrêtéeet
calme,car il avait
tresoin d.etranquillité. Il lui fallait une
grand.efortune,
cariI avait trcsoin
d.e collaborateurs,de produits et d'appareils
coûteux.C'est
pourquoi il
cherche dans les fînances une place defermier
généralqui
ctoitlui procurer le
revenu nécessaire,et
semarie
avecla fille
d''unfermier
général.Il peut ainsi
consacrerà
sestravaux une
somme de Sixmille à dix mille francs,
commeon
a,pu
S'en âssurer aprèS samort
dans scs comptes d.elaboratoire, qui étaient tenus
a,vec a'utant dtexac-titucte que
ses comptes d,efermier général.
Ses habitucles d.'ord're seportaient sur
les moindres d.étails. Tousles matins et tous ies
soirs,il
clonnait quelques heures
à Ia chimie. Le milieu
d.ujour était
consacré aux affaires. Mais Ie d.imancheétait
pourlui
unjour
de bonheur complet.Il
1esorlail
pas c1e son laboratoireet
c'estlà
qutavaicntliou
ces réunions or)jl
receva,it tous les jeunes gensqui, par
leurs connaissances en chimie, pouvaientprofiter
de sa conversation.Ii attirait
ainsiautour
delui
tous les savants de son époque, français ou étrangers.Il sut
dtailleurs inspirer le respect d.e sa profqssionet il affirma
mêmeune
certainebonté.
ctestà tui
que lesJuifs
deMetz
d,urentI'abolition d'un impôt
od.ieux, vieux reste d.es temps debarbarie (voir
Dumas, loc. ci't).II
met aussi Ia scienceau
Service des humbles. Ctestainsi qu'il
selivre à un travail
d.ont peu d,e chimistes voud.raient se charger,ayant pour objet
de reconnaître lanature des gaz
prod,uitspar les
matières fécales corlompues,ce
quil'amena à découvrir quelque moyen de
secourspour les
malheureuxouvriers qui
périssaientsi souvent,
asphyxiésou brtlés par
suiLe cles explosions.Rien
n'égalel'activité
d.e l-lavoisier comme savant. Pendantquatorze
ânnées,les
mémoires académiquesn'ont jamais manqué
cle stenrichir de quelques-uns de ses écrits.<
En lisant
ces mémoires,on
éprouve quelque étonnementà voir
< alliée
à Ia plus
grande hard.iesse d.e pensée une extrême prudence, une( excessive réserve dans
le
d.iscours.Il
existeun tel
enchaînement entre<
les écrits de ce grand homme, que le premier mémoire conduit
au< second-, clue
le
second. est indispensable au troisièmeet
qu'ainsi d-e suite<
tous
sestlavaux
se command.ent, lesfaits
cond.uisantà
d-e nouvellesl Dumas, loc. cit.
-t52-
<r iclées
et
les idées nouvelles cond.uisant àleur tour
à étuclier avec atten-<
tion
desfaits
négligés jusqu'alors ouà
d.écouvrir desfaits
inconnus. D 1On
éprouveun rare plaisir à la lecture de ces
mémoires,en voyant
commentune
science sefait,
sefonde à I'aide
des expériences les plus simples,pourvu
qu'elles soient remplies avec précisionet
liéespar
un raisonnement sévère.Lavoisier
commencepar établir
quesi I'on
chauffe c1el,étain
dansull
vâsë .temré, uneportion
deI'air
sefixe sur ltétain qui
passeainsi
àl'éta,t
d'oxyr1e. Mais lorsclu'une certainequantité d'étain est
oxyd.ée, lereste
d.umétai
clemeureintact, quoique le
vaserenferme
encore unegrande quantité
d.egaz clui ne peut plus s,unir au métal. Ainsi,
une h^-+i^ /J^ It^:- À:^'^--^a+ +^.^i:^ ^,-^ 1^ -^lr^r ^----^^^-^a^ -r- -- -r f -Irdr urv uu I dll urùIrarlalu Uiauulù quu rrj IrIUùiiI arUgllrtjlltrU Ue pOfUS paf CAICI-
nation, et la fixation
de cetair
expliqueI'augmentation
observée.C'est en 1777 qlodil exécute son analyse de
I'air si
célèbre.profltant du fait que le
meroure possèdela facutté
d.e s'oxyd.erà une
certaine températureet
d.e perd.re son oxygèneà
une températureplus
haute,il
parvient à
enleverIa plus
grand.epartie de
son oxygèneà un
volume déterminéd'air. Âyant
isoléle
gaz azote,il
chauffeI'oxyde
de mercureproduit et recueille alols l'oxygène. En mêlant enfin
lesdeux gaz, il
reconstitue I'air
atmosphérique, d.ouéde toutes
sespropriétés et
en wrrltrrna doâ,I À, nalrri nrrtil q.rrq.ii amnlnrrdCette expérience
le conduisit à
s'occuper d.ela respiration
des ani- maux. Non seulement iI reconnut laformation
del'anhydride
carbonique, maisil
stâssura cluela quantité
d'oxygène absorbéeétait plus
grande que cellequi était
nécessaire pour formerI'anhydride
carbonique obtenu.A
cette époque,la
uature cle I'eaun'était
pas connue.Il
nepouvait
aller plus loin. Il
pressent néanmoinsque le
sangest
susceptible de stoxyd.er en passant dela
couleur bleueà la
couleur rorge.Nous ne pouvons
ici relater
toutes les expériences quefrt
Lavoisier.Mais elles
lui prouvent toutes que la quantité
dematière
employée seretrouve toujours dans les prod.uits, sous une autre forme, sâns d.oute, mais avec
le
même poicls.Il
congoitla
possibilitéd'étatrlir
une équation dans laquelle,en mettant
d.'un côtétoutes
les matièresdu
clébut, d.e 1,autre toutes les matières produites, onait toujours i'égalité
des poids.Et
non seulementil
conçoit cettevue
nouvelle, maisil
entire
immédiatementtout ie parti qu'on peut
enobtenir.
<En effet, dit-ii, je puis
consid.érer< les matières mises en présence et le résull,at obtenu comme une équation
< aigébrique
et en
supposant successivementchacun des
éléments d.e<
cette
équation inconnu,j'en puis tirer une valeur et rectifler
ltexpé-< rience
par le calcul et le
calculpar
ltexpérience >.r Dumas, loc. cit.
-
153--
<
J'ai
souventptofité rle cette
méthodepour corriger
les premiers<
résultats
d.e mes expérienceset pour me
guider dans les précautions< à prendre
pogr
les recommencer. DTel est le premier essai d.e ces équations atomiques que nous écrivons
si
communément aujourd.thui.La formation
de I'eau est si fréquente, sa décomposition se présentesi
souvent d.ans nos phénomènes,qu'il est clifficile de
comprendre queLavoisier put
pend.ant des annéestravailler au
d.éveloppementde
sa théorie sansconnaîtrela
nature d.e I'eau. Mais enfinparaît
Ie mémoire oùit établit la
composition d.e l'eâu, expérience céIèbrequ'il
exécuta conjoin-tement
âvec Meunier.Il put
serendre
compteainsi de
cequi
se pâ,sse clans la respiration, d.ansla
combustion,partout
enfin oùil y
aformation
d'eau. Ctestainsi qu'il
estconduit à établir
une méthod.e d'analyse élé- mentairequi
consiste àtransformer le
carboneet
l'hyd.rogène en eau eten anhydride carbonique en les brûlant
d.ansun courant
d.'oxygène, méthod.e d.ont le principe est resté Ie môme d.e nos jours. En J-783, I-,avoisier selivre à une
discussion approfond.ieet
décisive d.ela théorie tle
Stahlet
d.èsle
d.ébutil
caractérise les d.écouvertesdu
chimiste allemand. avec une nobleimpartialil,é.
< De ùe que cluelclues colpsblûlaient et
s'enflam-< maient,
dit-il,
Stahl en a, conchrqf il existait
en eux un principe inflam-<
mable. s'il s'était borné à cette
simple observation, son système ne<r
lui aurait
pas mérité sans doutela
gloire de devenirun
des patriarches<
de la chimie et
d.efaire une sorte
d.erévolution dans cette
science.<r Rien
n'était
plusnaturel,
eneffet,
que de dire que les corps combustibles( s'enflamment
parce qu)ils contiennent un principe inflammable.
Mais<
on doit à Staht deux
découvertes importantes, indépenclantes cletout
< système, d.e
toute
hypothèse,qui
seront d.esvérités
éternelles. I-,a pre-< mière, ctest que IeS métaux sont d.es corps combustibles, que
la
calcina-<
tion
est unevéritable
combustionet
qu'elle en présente tous les phéno-r mènes.
La
seconde, c,est quela
propriété de brîrler, d"'être inflammable,<r
peut
seretransmettre d,'un corps à un
autre. >Plus loin il
ajoute :< Toutes ces réflexions confirment ce que
j'ai
a'vàplcé,, ce que j)avais pour<
objet
d.eprouver,
ce queje vais
répéter encore, que les chimistes ont<
fait du
phlogistiqueun principe
vague,qui
n'estpoint
rigoureusement<
ctéfini et qui en
conséquence s'ad.apteà toutes les explications
dans< Iesquelles on
veut
le faire entrer.Tantôt
ce principe est pesant ettantôt
<
il
neI'est
pas; tantôt il
estle feu libre et tantôt iI
estle feu
combiné(( avec ltéIément terreux
; tantôt il
traverseles
pores d,es vaisseaux et<
tantôt ils
sont impénétrablespour lui. II
explique à 1a foisla
causticité<r et
la non-causticite,la
cliaphanéité et i'opacité, les couleurs et I'absence< d.e
couleur.
C'estun véritable protée qui
change d.eforme à
chaque<
instant.
>-t54-
Le
d,ernier mémoire de l-,avoisier estun
résuméplein
clevie
d.e ce vaste ensemble etil
offre unparfait
modèlecl'impartialité
et cte bon goût.Il
est impossible detriompher
avec plus de mod.estieet
desimplicité. Et pourtant le triomphe avait
cotrté de bien grand.s efforts cle génieet
pro-mettait à la
scienceun avenir dont I'imagination
d.eLavoisier
mieux qutaucune autrepouvait
se former un tableau aussi magnifique qutexact.Pour
sefaire
une idéejuste
destravaux
dellavoisier, il faut
encore envisager dtautres aspects d.e sa personnaiité. Après s'êtremontré
avectant
d,'dclat commc cxpérimentateur,il va
reparaître d'une manière non moins remarquable commeécrivain
dansla
réd.actionde
sontraité
de chimie, ouvrage dans lequel, en deux petits volumes,il établit
sans négligeraucun détaii les
basesde ia chimie
mo<ierne, clanslequel
ses idées se'formulent à itaide d'un styie si
pur qu'il
efface tous les ouvrarges quiltont
précécté.N'oublions
pasenfin
queLavoisier a établi, avec Guyton
deMorvan, un
essai d.e nomenclaturequi
estla
base de celle des chimistesactuels
(1787)et qu'il s'est illustré
dansle domaine de la
physique, notammentpar
sestravaux
sur 1a chaleur avecle
jeune lrapiace.Après avoir montré ce que Lavoisier était' comme savant, il
reste
à
vousexpose
commentcette vie fut
brusquement tranchée. Sa théorieétait
alors complète, maisil avait
besoin dela
résumer, d.'en pré-^^-!^.^ l^^ L^^^^ f^--l^-^^^-^r^l^^ \ l^ -^^^L!-^:Ll
^^ 1^^-^t-^ lL^:r J---,
IJtjllUUr lUs UatsUN IUlUinuIUIlUairUS ilJ li1J lruliUC-rrUe. L/e UeNUITI tjUAIU (leVgIfU pfUS
impérieux
que jamais, carà
cette époqueIa
théorie d.e Lavoisiern'était
plus celle de Lavoisier, mais celle cles chimistes français.Ainsi
Lavoisier, aprèsavoir vu
sadoctrine
contestée sousle rapport
d.eltinvention,
lavoyait
encore s'échapper de ses mains pa,r un partage auquel les chimistes de son temps étaient appelés. Ce nouveau coupluifut
très pénible. < Cette<
théorie n'est
pas, commeje
l'entend.s dire, celle d.es chimistes frangais,< elle est
la
mienner,
s)écrie-t-il dans une réclamation écrite presque aupied. de l'échafaud.. < C'est une
propriété
queje
réclame auprès de mes< contemporains
et
clela
postérité. riA cet
égard,tout
nuagea
disparu.Il
connut certes lepéril
qui Ie menaçait, mais d.ans Ie moment même orila mort planait
sur sâtête, il continuait
encore sestravâux, il
pour- suivait,iI hâtait
I'impression de ses æuvres.En
1794, le 2 mai, un membred.e
la
Convention, nomméDupin, vint porter
à l'assemblée dela
Conven-tion un acte
d.'accusationcontre tous les
fermiers-généraux. Lavoisiers'y trouva
d.onc compris. Peu dejours
après, Ierapport
est 1uet
changdrpar Fouquier-Tinville en un acte
d.'accusation prèsle tribunal
révolu-tionnaire.
Certainsamis l'ont
caché pend.antquelque temps,
notam-ment le vieux
Lucas, auJardin
d"es Plantes. Maislorsqutil
apprend que ses collègues sont arrêtés, que son beau-père est arrêté,iI
n'hésite plus,il
s'arrache à I'asile et va se constituer prisonnier. I-.,e 6 maiil
est cond.amnéà mort
el,le 8 mai iI monte à
I'échafaud.. I-.,etribunal n'hésite
pas un-lbb-
instant. Pour lui,
I_,avoisiern,est qu'un chiffre. ce n'est
pas L,avoisierquton a condamné, mais le fermier-général numéro cinq, sans
plusd'attention. Et
c'est peut-être cette indifférence, imprévue pourlui,
quia
causé sa perte.Il
sembleque pïesque toutes les
expérienceset
découvertes de I-,avoisieront
étéfaites avant lui et par dtautres
savantsr comme nous I,avons rapporté.Par
contre, dans son mémoire <Débat historiclue sur la cause d.eltaugmentation de poids,
etc. D,Lavoisier
revendique comme siennesla
théorie deI'oxydation et
celle dela
combustion, I'analyse et la d.écompositionde l,air par les métaux et les corps
combustibles, lathéorie
d.eI'acidification,
les premières idéessur les
substances végétales et animaleset
1athéorie
dela
respiration.Il
est intéressant de suivre les polémiquesqui
se sont élevées surl'æuvre
del,avoisier
el, tlombien nom-brcux furent
ses d,étracteurs.Jusqu'à l:avoisier, les Allemands et les
suécloisétaient
maîtres incontestés enl'une au
moins d.esparties
dela
chimie: la
métallurgie ;une
écolede
savants anglaiss'était
spécialisée d,ansla chimie
d.es gaz.Avec
l-,avoisieret
ses d.isciples,Ia primauté en matière
d.e chimie passeen Flance, lrais ce n'est point là une raison
Suffisantcpour
adopter, comme certains Savants clu d.ébut d.uXIXe
siècle, ltexpression d.e < chimie françaiser. si Ie
système l-.,avoisierI'a
emporté,il ne faut pas
oublier que, même à Ia frn cluXVIIIe
et dans les premières années duXIXe
siècletune quantité de faits
essentielsont été
découvertspar
des chercheursnon français. Il serait plus exact de parler d'une chimie
lavoisienne.D'ailleurs,
ces polémiques sont souvent stérileset il
semble quer dans le d.omaine scientifique, 1e nationalismedoit
donnerle
pasà Ia
recherche clela vérité ;
c'estbien mal à
propos que certains chimistes frangais et allemand.sont
créé une polémiquenationaliste
avec les opinions diver- gentes d.es d.éfenseursde llavoisier et
d-eleurs
aclversaires.Nous concluons en
rapportant ici I'opinion
d.tun chimiste allemantl, Lùebi,g, qui ne peut être suspecté departi-pris:
< I-le mérite de cet hommeimmortel
est dtavoir d.otéla
chimied'un
sens nouveau,d'avoir
rassemblé les membres épars du corps de la science et d.ten avoir trouvé lesjointures.l ce petit
âperçuhistorique
nousfait
penserà
une phrasedu
grand.chimiste Georges
Urbain :
<Il
serait illusoireet vain
deparler
de science absolue etparfaite.
L,a science est humaineet
d.oit être à notre mesure. DAu XIXe
siècle,les problèmes qui paraissaient
inaccessiblesfurent
résolus grâceaux
méthod.es scientifiquesintrocluites
dansi'industrie
et dansla vie
socialeet qui
proviennent, comme Yous venez dele voir,
del'action de Lavoisier et de
ses contemporains.Il est donc naturel
deconcevoir les savants tournés
Yersun positivisme
caractérisépar
la philosophied'Àuguste
Comte.Par réaction contre
I'id,éalisme utopique-156-
des
générations précéd,entes,on proclame alors et on
préconise une science orgueilleuseet
d.ominatrice etI'on
constate,par
contre,la faiilite
d.e
la métaphysique.
Cependantbientôt ce
scientisme engend.re des mécomptes,et
grâceà la subtilité flne
d.eleurs critiques,
les métaphy- siciens reprennentla
discussion,mettant
en d.oute Iavaleur
des éléments de cet id.éal scientiflqueoù tout
est absoluet
que caractériseun
déter- minismetoujours
accessible.Un tel pouvoir humain
sans bornes nousparait une utopie et
nous nous étonnonsque cette
sciencepositive
à l'extrême et qui rejette les causes premières et les causos finalcs dcs phéno- mènes sous prétexte d.e métaphysique puisse escompter sifort
sur I'avenir.Qu'on ne
stétonneplus alors du
changementqui
s,opère dans les philosophies. Nous allons lentement versune
oonception moins absolueet
versun
relativisme d.ont onparle fort
aujourd.'hui. Quand., depuis de longues années,on fait
d"ela
chimie expérimentale, l,enthousiasme d.espremiers jours, construit sur les illusions de
jeunesse,se
mod.ifle, la science devient alors moins ou plus qutonI'imaginait. Il faut
d.onc rappeler'aux
étudiants de nos écoles, pour éviter les incertitud.es, les doutes et les e reurs,qu'il
nousfaut
rester humainset
mod.estes.On
épargnera ainsi àla
science bien des mécompteset
d.es critiques.Elle n'en
sera pas pour cela moinsutile et
moins belle.ôL I n^,,ô +^n+ t.i^- ^,-r^- .^^,,+ 1,,.i -^-*^^r-^-.J^ -^--^
vu . uuuù ù@ v vuD rvr u urEu qu wu l,vuu rur rvIIUUuuI uu uuLtÈt }rruuurul
la
seuleamélioration du
bien-êtrematériel de I'homme et
d.ene
guère influencernotre
sensibilité. Nous ntignorons pasqu'elle
estparfois
nui- sible. I-,'époqueterrifiante
et amorale que nous vivons nous dispense d.,enfournir les
preuves.Mais elle est
aussibienfaisante dans nombre
de disciplineset nous
pensonsque si ceux qui
stentiennent aux
aspects extérieurs connaissaient mieuxle
domaine scientifique,ils
sauraient que le savantdoit
déployer, pourfaire
æuvrequi
d,ure,autant
d'imagination queltartiste. La
sciencea
sâ beauté,et pour
sepermettre
d.ela
juger,il
faut
stastreindreà
une longueet
dure préparation.-L57-
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Paracel 1493-1541
Bibliothèque Centrale, Zurich