34 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016
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PHARMACOLOGIE
Référence bibliographique
1. Labreche MJ, Graber CJ, Nguyen HM. Recent updates on the role of phar- macokinetics-pharmacodynamics in antimicrobial susceptibility testing as
applied to clinical practice. Clin Infect Dis 2015:61(9);1446-52. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Cet article indique comment une meilleure connaissance des rela tions PK/PD des antibiotiques a influencé la modification des CC ces dernières années. Une bonne connaissance des caractéristiques PK/PD permet de définir les posologies nécessaires pour atteindre les objectifs thérapeutiques, et de les augmenter si besoin. Ces outils doivent cependant être affinés pour optimiser le choix des antibiotiques, en
fonction de la bactérie impliquée, mais également de la pathologie. Malheureusement, il existe peu de données sur les modifications pharmacocinétiques des antibiotiques chez des patients à risque, en réanimation par exemple, ce qui est un obstacle à l’optimisation. Ces outils devraient également être une aide au développement de nouveaux antibiotiques.
Commentaire
PK/PD, tests de sensibilité aux antibiotiques et leur application en pratique clinique
Contexte
Dans leur revue, M.J. Labreche et al. (1) rappellent l’importance des caractéristiques pharmaco
cinétiques (PK) et pharmacodynamiques (PD) des antibiotiques pour optimiser leur efficacité clinique. En effet, l’augmentation du nombre de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques est une problématique mondiale, et l’infectiologue doit choisir le meilleur antibiotique, en prenant en compte la susceptibilité de la souche bactérienne, et les caractéristiques PK/PD de l’antibiotique. L’activité bactéricide d’un antibiotique dans une situation clinique doit prendre en compte non seulement la concentration minimale inhibitrice (CMI) mesurée in vitro, mais également la concentration au site de l’infection qui dépend des caractéristiques PK de l’antibiotique chez un patient donné. Avec ces paramètres, l’activité antibactérienne des antibio
tiques peut être classée en concentrationdépendante : la Cmax de l’anti
biotique doit être le plus possible supérieure à la CMI ; tempsdépendante, où c’est la proportion du temps (T) pendant lequel les concentrations sont supérieures à la CMI qui impacte l’efficacité ; et, enfin, les antibiotiques dont l’activité est à la fois temps et concentrationdépendante, le paramètre pertinent étant le rapport AUC/CMI (diapositive 1). Des modélisations permettent de proposer les posologies qui rendent possible l’atteinte de ces cibles. La difficulté est d’intégrer ces notions avec la susceptibilité de la souche bactérienne à l’antibiotique. La définition d’une concentration critique (CC, ou breakpoint) permet de fixer, pour un couple antibiotique/
bactérie, la valeur de la CMI qui différenciera les bactéries sensibles à cet antibiotique (si leur CMI est inférieure à cette CC) ou résistantes (si leur CMI est supérieure à la CC).
Méthode
Les valeurs de CC ont été revues ces dernières années en raison d’une augmentation des résistances bactériennes, de l’avancée des connaissances en microbiologie et en PK/PD. Les agences chargées de définir ces CC sont
le Clinical and Laboratory Standards Institute (CLSI) et la Food and Drug Administration (FDA) aux ÉtatsUnis, et l’European Committee on Anti
microbial Susceptibility Testing (EUCAST) en Europe (qui définit les CC pour l’European Medicines Agency [EMA]). Ces agences ont des philosophies et des CC différentes, ce qui rend l’utilisation de leurs recommandations complexe pour les cliniciens et les industriels. Cependant, dans un effort d’harmonisation, l’USCAST (National Antimicrobial Susceptibility Testing Committee for the USA, branche américaine de l’EUCAST) a été créé en 2013. La diapositive 2 montre un exemple de CC définies par ces différentes agences pour les céphalosporines injectables visàvis des entéro bactéries, montrant des similitudes mais également des divergences. Les CC sont donc appelées à évoluer en fonction des résultats d’études, qu’elles soient épidémiologiques, sur les relations PK/PD animales ou humaines (idéalement chez le malade). L’article fournit plusieurs exemples, nous en citerons 2.
Résultats
Vancomycine et Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM)
Jusqu’aux années 2000 et devant la crainte de toxicité, les concentrations résiduelles de vancomycine ciblées par les recommandations internationales étaient inférieures à 10 µg/ml. Des études ont montré que l’efficacité de la vancomycine chez des patients atteints de pneumonie à SARM était optimale avec AUC/CMI > 400, ce qui n’est possible qu’avec l’utilisation de poso
logies plus importantes, avec des cibles PK plus élevées (1520 mg/l pour les Américains, jusqu’à 30 mg/l dans les situations particulièrement à risque d’échec, pour certaines équipes françaises). Devant l’apparition de souches hétérorésistantes, le CLSI a diminué la CC pour éviter les échecs cliniques.
Céfépime et entérobactéries
Le CLSI a créé une nouvelle catégorie Susceptible Dose Dependent, pour favoriser l’utilisation de doses plus élevées de céfépime (2 g toutes les 12 heures ou 1 à 2 g toutes les 8 heures), permettant ainsi d’atteindre un T > CMI plus favorable à une bonne efficacité. Cette approche pourrait à l’avenir être appliquée à d’autres classes d’antibiotiques.
Caroline Humbert (Service de pharmacie clinique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre), Anne-Marie Taburet (Service de pharmacie clinique, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre ; Inserm/CEA/université Paris-Sud UMR-1184)
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