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Master spécialité Administration et finances publiques Parcours Administration Publique Spécialisée

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Academic year: 2021

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Université de Strasbourg École nationale d’administration

Juin 2018

Master spécialité Administration et finances publiques Parcours Administration Publique Spécialisée

soutenu par Paolo Casalino, élève CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

Sous la direction de René Kahn, maître de conférences HDR en économie,

Université de Strasbourg Titre du mémoire

LES EVOLUTIONS POSSIBLES DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL DE L’UNION EUROPEENNE ET LEURS CONSEQUENCES SUR LA POLITIQUE DE COHESION APRES

2020 : LEXEMPLE DE LA REGION DES POUILLES ET DE LA REGION GRAND EST

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REMERCIEMENTS

Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux et celles qui m’ont aidé dans la rédaction de ce mémoire, à l’occasion d’entretiens, échanges d’informations, consultation d’ouvrages académiques.

Je dois une marque de reconnaissance particulière à mon tuteur, M. René Kahn, maître de conférences HDR en économie à l’Université de Strasbourg, qui m’a guidé pendant tout mon travail et a grandement contribué à enrichir mes compétences de « praticien » en la matière.

J’ai choisi ce sujet parce que je le suis depuis la fin de l’année 2016, à partir du début de l’action de mobilisation en faveur de la politique de cohésion. En ma qualité de Directeur de la Délégation de Bruxelles de la Région des Pouilles, j’ai suivi les différentes étapes de la discussion et j’ai participé en première personne, en lien avec les collègues de la Région, aux efforts collectifs dédiés à la défense de cette politique, à la mise en valeur de ses bénéfices et à l’illustration du rôle primordial qu’elle joue sur les territoires. Les cours suivis à l’ENA, mon affectation en stage au Secrétariat général des affaires européennes du gouvernement français et ce travail académique m’ont donné l’occasion de continuer à suivre les derniers développements et d’enrichir mes connaissances dans la matière. Pendant ces mois, j’ai écouté plusieurs voix et lu un bon nombre de documents, j’ai couplé mon expérience de terrain à un travail à caractère académique auquel, je pense, on devrait faire recours plus souvent afin d’analyser les problématiques avec un autre regard. Je cite, comme exemple, l’intérêt avec lequel j’ai abordé l’étude du panorama des inégalités (économiques, sociales, territoriales) en Europe, de leurs causes probables, des leurs retombées politiques et sociales, du rôle majeur qui est confié à l’action publique afin de le redresser ou, au moins, de les atténuer. Pendant la lecture d’un rapport sur ce sujet, je suis tombé sur une citation célèbre, tirée de l’œuvre « Du contrat social ou des principes du droit politique » de J.J. Rousseau. Je la copie ci-dessous, car je la trouve pertinente par rapport au sujet de ce travail. Je souhaite aussi qu’elle continue à être le phare de mon action au sein de l’administration publique et de ma participation à la vie sociale en tant que citoyen.

Une dernière considération d’ordre personnel. Clôturer un parcours universitaire à l’étranger n’est jamais une opération simple et j’en suis très heureux, en particulier considérant que, au début de ce chemin, le français était ma deuxième langue étrangère après l’anglais : un grand merci alors à l’ENA et à l’Université de Strasbourg qui pendant huit mois ont fourni une formation de qualité et m’ont permis d’atteindre un tel objectif.

« À l’égard de l’égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes, mais que, quant à la puissance, elle soit au‐dessous de toute violence et ne s’exerce jamais qu’en vertu du rang et des lois, et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre, ce qui suppose, du côté des grands, modération de biens et de crédit, et du côté des petits, modération d’avarice et de convoitise.

Cette égalité, disent‐ils, est une chimère de spéculation qui ne peut exister dans la pratique. Mais si l’abus est inévitable, s’ensuit‐il qu’il ne faille pas au moins le régler ? C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir ».

JeanJacques Rousseau, Du contrat social ou des principes du droit politique, Livre II, chapitre XI « Des divers systèmes de législation »

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SOMMAIRE

Introduction ……… 1

1. Le cadre financier pluriannuel après 2020 entre enjeux politiques et questions budgétaires 1.1. Le volet politique : la réflexion sur l’avenir de l’Europe ………... 4

1.2. Le volet budgétaire: une négociation difficile entre Brexit et nouvelles priorités 7

1.3. Les enjeux pour la politique de cohésion et la politique agricole commune…… 16

2. Le débat sur la politique de cohésion après 2020 2.1. Outil décisif pour le développement socio-économique des territoires 2.1.1. Brève histoire et évolution de la politique régionale européenne ……… 19

2.1.2. L’exemple de la Région des Pouilles et de la Région Grand Est ………. 21

2.2. La réflexion en cours sur l’architecture de la politique de cohésion 2.2.1. La dotation financière et les bénéficiaires : trois scénarios envisagés ………. 27

2.2.2. Les autres points d’interrogation ………... 31

3. La nécessité de politiques territoriales pour les années à venir 3.1. La mobilisation en faveur de la politique de cohésion ……… 36

3.2. Défis et besoins des territoires européens ………. 41

3.3. Quelle politique de cohésion après 2020 : décrypter les premières informations disponibles ……… ………. 47

Conclusion ……… 55

Bibliographie ……….. 58

Annexes I. Les dépenses financées par le budget de l’UE 2014-2020 ………... 60

II. Contribution des États membres au budget de l’UE 2014-2020 ………. 61

III. L’Europe en termes comptables : solde annuel moyen, période 2014-2016 ………. 62

IV. La structure du budget pluriannuel proposé par la Commission européenne ……….. 63

V. Augmentation proposée des dotations des programmes européennes après 2020 pour répondre aux nouvelles priorités d’action de l’UE ………... 64

VI. La politique de cohésion au travail: les chiffres clés pour le 2014-2020 ……….. 65

VII. Carte de l’éligibilité des régions pour les fonds structurels 2014-2020 ………. 66

VIII. Tableau de comparaison entre la Région des Pouilles et la Région Grand Est ……… 67

IX. Les trois scénarios envisagés par la COM (2018) 98 final du 14.2.2018 ……….. 68

X. Tableaux annexes à l’étude «CPMR forecast of post-2020 Cohesion Policy eligibility» ………… 69

XI. Retombés positifs pour les pays EU-15 des fonds structurels dépensés dans les pays de Visegrad 70 XII. Distribution par pays EU-15 des bénéfices économiques engendrés de la mise en œuvre de la politique de cohésion dans les pays de Visegrad ……….. 71

XIII. Cartes annexes au 7e Rapport sur la cohésion et à son Staff working document a. Variation du PIB par habitant entre 2000 et 2015 ……….. 72

b. Performance régionale en matière d’innovation en 2017 ……….. 73

c. Taux de chômage en 2016 ……… 74

d. Les groupes de développement économique des régions européennes ……… 75

e. Facteurs de risque liés à la mondialisation et à l’évolution technologique ……… 76

XIV. Les instruments budgétaires pour une zone euro stable dans le cadre de l’Union ……… 77

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INTRODUCTION

La négociation sur le Cadre financier européen 2021-2027 ne sera pas comme les précédentes. Bien que la définition d’un budget pluriannuel soit toujours un exercice difficile, dans le cas présent on assiste en parallèle à un débat sur l’avenir de l’Europe qui arrêtera les grandes lignes directrices de l’Union de demain et influencera grandement tout choix budgétaire. Plusieurs éléments devront être pris en compte lors des négociations et une brève description des principaux d’entre eux s’impose pour pouvoir comprendre la complexité de la situation. La construction européenne vit depuis quelques années une période de crise évidente à cause de plusieurs facteurs, institutionnels, économiques, financiers, géopolitiques, sociaux. Il s’agit, d’un côté, d’une crise de confiance des citoyens qui, de plus en plus, perçoivent les « institutions de Bruxelles » loin de leurs besoins, enfermées dans de mécanismes décisionnels difficiles à comprendre, motivations qui ont pesé dans le résultat du referendum sur le Brexit. Une fracture qui risque de s’accroitre avec la montée en puissance des partis populistes et anti-européens à laquelle on assiste depuis certaines années dans plusieurs pays d’Europe. D’un autre côté, on peut constater l’émergence de tensions entre les États membres autour de dossiers sensibles, comme la gestion des migrants, l’application des règles de gouvernance macroéconomique, le respect des principes de l’État de droit. En troisième lieu, le volet économique et financier est encore source d’importantes préoccupations, même si les dernières données démontrent un début de reprise économique en Europe. En effet, il suffit de remonter seulement de quelques années en arrière pour revivre les bouleversements causés par la crise de 2008, qui a percuté profondément l’économie du vieux continent, provoqué une crise de liquidité, la chute de la production et une baisse sensible de l’emploi. De même, la souffrance des dettes souveraines en zone euro et l’application très stricte de mesures d’austérité ont conduit à une contraction des investissements publics, à l’augmentation des situations de pauvreté et à une forte réduction de la cohésion sociale. Pour continuer, on ne peut pas oublier le basculement de l’Europe face aux flux migratoires massifs, par la voie maritime et terrestre, qui ont posé des problèmes de gestion de l’urgence, de distribution des nouveaux arrivés et d’identification de solutions pour en arrêter le flux; en dernier lieu, la menace du terrorisme international qui a frappé fort dans plusieurs capitales européennes et a donné une nouvelle importance à la dimension sécuritaire dans les politiques de l’UE.

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Vu l’ampleur de ces enjeux, la Commission a lancé en mars 2017 une phase de réflexion tous azimuts sur l’avenir de l’Europe1 pour engager les gouvernements nationaux, les Parlements, les collectivités territoriales, les citoyens, les entreprises, les ONG et les autres parties prenantes et les inviter à donner leur vision de l’Europe à l’horizon de 2025.

Le nouveau Cadre financier pluriannuel (dorénavant, CFP) sera le résultat des décisions qui seront prises sur tous les points qu’on a mentionnés. Sa dotation globale, la répartition des ressources dans les différentes rubriques, les critères pour les transferts entres les programmes et les mécanismes de flexibilité seront éléments clés pour déchiffrer le futur des politiques sectorielles pour la période 2021-2027.

Le présent mémoire analyse en particulier les conséquences envisageables pour la politique de cohésion, qui compte aujourd’hui pour environ un tiers du budget européen et représente une source majeure de financement des projets pour la cohésion sociale, économique et territoriale dans les régions d’Europe.

La première partie est dédiée aux enjeux des négociations sur le prochain CFP, qui se sont ouvertes formellement le 2 mai dernier avec la présentation des propositions de la Commission européenne, mais pour lesquelles le débat a débuté depuis plusieurs mois. D’un côté, il faut faire face à une baisse importante de recettes à cause du Brexit et à la nécessité d’identifier des ressources supplémentaires pour financer les nouvelles priorités de l’action européenne ; de l’autre, on enregistre la tentative de reformer le système de ressources propres et la demande aux États membres d’augmenter leur contribution au bilan de l’Union.

En arrière-plan, les divisions demeurent fortes entre les pays membres, chacun en défense des intérêts nationaux et aussi sur des points de principe comme l’introduction d’une conditionnalité pour l’octroi des fonds européens basée sur le respect des principes de l’état de droit.

La deuxième partie du mémoire analyse le débat en cours sur la politique de cohésion d’après 2020. Tout d’abord, on souligne qu’elle est un outil essentiel pour le développement socio-économique des territoires, à l’aide de deux exemples concrets : la Région des Pouilles (sud d’Italie, classifiée « moins développée ») et la Région Grand Est (France, résultat de la fusion de trois régions, Alsace « plus développée », Champagne-Ardenne « plus développée », Lorraine «en transition »). On continue avec une réflexion portant sur les points d’interrogation relatifs à l’architecture de cette politique après l’année 2020 : la dimension financière, les catégories de bénéficiaires et les trois scénarios proposés par la Commission européenne, le lien avec les politiques macroéconomiques, le rôle du Fonds social européen, le rapport entre subventions et instruments financiers, la simplification et d’autres encore.

1 Commission européenne, Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, COM (2017) 2025, 1er mars 2017.

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Dans la troisième partie, on donne témoignage de la grande mobilisation des régions européennes et des autres parties prenantes en faveur du maintien de la politique de cohésion, car elle joue un rôle vital dans tous les territoires d’Europe. On illustre les raisons pour lesquelles la politique de cohésion est plus que jamais nécessaire dans les années à venir. Elle est instrument indispensable afin de réduire les disparités à l’échelle nationale, régionale et aussi infrarégionale ; elle est essentielle pour redresser les inégalités, économiques, sociales et territoriales, qui demeurent importantes en Europe; elle finance les investissements requis pour moderniser les économies locales, qualifier le capital humain, maitriser la mondialisation. On souligne aussi l’importance pour la politique régionale d’après 2020 de maintenir une forte approche territoriale, car la diversité des besoins exprimés et des défis à relever par les régions européennes demande la mise en œuvre d’actions ciblées, qui tiennent compte du point de départ et des opportunités de développement de chaque territoire. Dans le dernier paragraphe, on essaye de lire avec un esprit critique les nouvelles propositions dévoilées par la Commission européenne dans le mois de mai, afin d’en identifier les points saillants et raisonner des possibles retombées pour les régions et les autres bénéficiaires.

La conclusion se projette sur la suite des négociations. Nous exprimons le souhait que toutes les parties engagées dans ce processus partagent le sens de respect pour la valeur intrinsèque du projet européen et que les choix politiques comme les budgétaires qui seront pris ne se réduisent pas à un compromis au rabais, car l’Europe d’aujourd’hui ne peut pas se le permettre.

Le sujet est trop vaste pour être traité dans un seul mémoire : nous n’avons pas la possibilité, par exemple, de présenter de façon complète le cadre de la politique de cohésion 2014-2020 et les détails de sa mise en œuvre dans les deux régions choisies, ni tous les points en discussion autour de la sa configuration future ou, encore, le panorama complet des positions des acteurs intervenus dans ce débat passionnant. Nous avons donc sélectionné les sujets les plus actuels et ceux qui sont plus en lien avec la négociation sur le CFP. Les références aux enjeux politiques, qui apparaissent parfois dans le texte, sont nécessaires afin de comprendre la complexité du cadre devant lequel on se trouve. On est bien loin, en effet, d’un simple exercice de réforme d’une politique européenne, même s’agissant d’une politique qui compte pour un tiers du budget.

Au niveau méthodologique, il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’un exercice de perspective dans lequel, sur la base des informations disponibles, on essaye d’envisager les évolutions possibles de la politique de cohésion de demain. Pour cette raison, une grande partie des sources utilisées sont des documents officiels des différentes institutions européennes, toujours en évolution, ce qui engendre une production documentaire en continu à partir de fin

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2016. Les positions des autres parties prenantes sont aussi prises en compte. En deuxième lieu, on valorise dans le texte les informations de terrain, acquises pendant les entretiens avec des experts engagés dans les négociations ou des fonctionnaires en première ligne dans la mise en œuvre de la politique de cohésion2. Au niveau des ouvrages scientifiques, indiqués en bibliographie, la préférence a été donnée à des sources utiles à anticiper les tendances futures du cadre en voie de définition : à titre d’exemple, celles utiles à encadrer sur le plan théorique les différentes fonctions jouées par la politique régionale, à fournir une clé de lecture de l’augmentation des inégalités en Europe et du rôle primordial des politiques publiques afin de les atténuer.

La dernière remarque concerne l’étendue de l’analyse des nouvelles propositions, compte tenu des contraintes temporelles pour la rédaction de ce mémoire3 et du calendrier des négociations européennes. Ce mémoire prend en compte la proposition de la Commission sur le CFP post 2020, publiée le 2 mai dernier. Les textes relatifs aux politiques sectorielles, comme la politique de cohésion, ont été adoptés entre le 29 mai et le 14 juin derniers4 et pour cela ce travail se limitera à en mentionner seulement quelques éléments. Davantage d’analyse serait donc nécessaire pour pouvoir approfondir le contenu de ce grand nombre de documents, avec le regard croisé qui est indispensable pour comprendre les nombreuses et importantes interactions.

1. LE CADRE FINANCIER PLURIANNUEL APRES 2020 ENTRE ENJEUX POLITIQUES ET QUESTIONS BUDGETAIRES

1.1. LE VOLET POLITIQUE : LA REFLEXION SUR LAVENIR DE L’EUROPE

Nous avons eu occasion de mentionner dans l’introduction les défis majeurs auxquels la communauté des 28 a du faire face dans les dernières années. Une réponse globale était nécessaire, aux plus hauts niveaux, et en 2017 la Commission européenne a décidé d’avancer.

Au lieu de laisser l’initiative aux États membres, elle a lancé un grand débat sur l’avenir de l’Europe et, à l’aide d’un « Livre blanc» 5, a proposé différentes options pour l’Europe de demain. La publication en moins d’un semestre des cinq documents de réflexion associés au

2 De grande utilité ont été les entretiens avec les experts rencontrés pendant mon stage au Secrétariat général des affaires européennes français ou les échanges avec les fonctionnaires de la Région Grand Est.

3 Conclusion de la rédaction à la fin du mois de mai 2018.

4 Le 29 mai la proposition pour le FEDER et le Fonds de cohésion, le 30 mai celle sur le FSE, le 31 mai les textes sur l’Union économique et monétaire. Et encore: 1er juin (Politique agricole commune), 6 juin (investissements et espace), 7 juin (recherche et innovation), 8 juin (marché unique), 12 juin (migrations et gestion des frontières), 13 juin (défense et sécurité), 14 juin (voisinage et action externe de l’UE).

5 Commission européenne, Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, doc. cit.

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Livre blanc a permis de faire le point sur certains domaines prioritaires de discussion: le rôle du « vieux continent » dans un monde globalisé6, le bilan pluriannuel d’une Europe à 277, l’attention portée la dimension sociale8, les pistes pour renforcer l’Union économique et monétaire9, une nouvelle coopération dans le secteur de la défense10.

Nous commençons notre analyse par le « Livre blanc sur l’avenir de l’Europe ». Il est construit à horizon de l’année 2025 et propose cinq scénarios, utiles pour aider les choix politiques qui, à leur tour, auront de conséquences budgétaires. Le premier : « S’inscrire dans la continuité », décrit une Union qui poursuit sa trajectoire dans le business as usual, ce qui garantit une stabilité remarquable ; le budget est à moderniser pour faire face aux nouvelles exigences, mais il s’agit d’une situation dans laquelle tous les problèmes du passé restent identiques, avec un processus décisionnel difficile à comprendre et une incapacité à fournir des résultats qui correspondent aux attentes. Le deuxième : « Rien d’autre que le marché unique », s’inscrit dans une perspective pour laquelle l’Union européenne se limite à renforcer la circulation des biens et des capitaux et a pour conséquence une forte réduction du budget, recentré pour financier seulement les fonctions essentielles du marché intérieur. Son grand désavantage est de laisser à côté les autres politiques avec toutes les questions d’intérêt commun qui devront être résolues dorénavant de manière bilatérale. Le troisième scénario :

« Ceux qui veulent font plus », généralise l’idée de la coopération renforcée à tout domaine d’action de l’UE, en permettant aux États membres qui le souhaitent d’avancer en petits groupes dans des domaines spécifiques; il n’y a pas de grandes différences par rapport au premier scénario, mais le panorama décisionnel et d’action de l’UE devient fragmentaire. Le quatrième : « Faire moins, mais de manière plus efficace », évoque les positions de tous les États membres qui sont intéressés à réduire la dotation budgétaire de l’UE et à concentrer l’attention sur un petit nombre d’activités sélectionnées. Pour ce qui regarde la politique de cohésion, en particulier, ce scénario représente un risque important, car le Livre blanc prévoit que l’UE « cesse d’agir ou intervient moins dans des domaines où son action est perçue comme ayant une valeur ajoutée plus limitée ou n’étant pas à même d’apporter les résultats promis. Il s’agit notamment des domaines du développement régional […]»11. Pour terminer,

6 Commission européenne, Document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation, COM (2017) 240 final, 10 mai 2017.

7 Commission européenne, Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE, COM (2017) 358 final, 28 juin 2017.

8 Commission européenne, Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe, COM (2017) 206 final, 26 avril 2017.

9 Commission européenne, Document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, COM (2017) 291 final, 31 mai 2017.

10 Commission européenne, Document de réflexion sur l’avenir de la défense européenne, COM (2017) 315 final, 7 juin 2017.

11 Commission européenne, Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, doc. cit., p. 22.

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il reste la cinquième option, « Faire beaucoup plus ensemble », qui permettrait à l’Union de relever pleinement les différents défis, mais elle demande une dotation budgétaire supplémentaire. Cette dernière est l’option qui a été choisie par la Commission européenne le 2 mai dernier, en proposant un budget franchissant la frontière (parfois idéologique) de 1% du RNB, mais il reste à vérifier si cet élan sera partagé par tous les 27 États membres qui siègent au Conseil.

Des cinq documents de réflexion mentionnés ci-dessous, deux traitent de la politique de cohésion. Le document majeur, sur l’avenir des finances UE, sera examiné dans le paragraphe 1.3. L’autre est « Maitriser la mondialisation » qui analyse le rôle de l’Union européenne dans le nouveau scénario international, ses relations avec les nouvelles puissances mondiales, les effets de la globalisation, la transformation de la société suite à la diffusion du numérique, les tendances démographiques défavorables. Il indique les défis liés à la mondialisation, en mentionne les tendances par secteur économique et nous fournit des projections pour lesquelles le poids spécifique de l’Europe dans le monde se réduira de manière importante d’ici au 2050. Dans ce cadre, les fonds structurels sont indiqués comme une source importante pour le financement des investissements, la promotion de la recherche et innovation, le développement du capital humain.

Une deuxième étape dans les réflexions politiques de la Commission est le discours du Président Juncker sur l’État de l’Union de septembre 2017 et, plus récemment, la Communication « Une Europe qui tient ses engagements : options institutionnelles pour renforcer l’efficience de l’action de l’Union européenne »12. En rappelant les principes-cadres établis dans la déclaration de Bratislava de 201613 et de Rome de 201714, cette communication lance plusieurs idées concrètes pour un meilleur fonctionnement de la « machine » communautaire et pour faire regagner aux citoyens européens la confiance dans le projet commun débuté en 1951. Pour des raisons de format et de cohérence, ce travail ne peut pas décrire toutes les idées avancées dans le document, qui – en synthèse – vise à rebâtir la confiance des citoyens dans les institutions de l’UE15 et à engager pleinement la société civile

12 Commission européenne, Une Europe qui tient ses engagements: options institutionnelles pour renforcer l’efficience de l’action de l’Union européenne, COM (2018) 95 final, 14 février 2018.

13 Premier Sommet européen à 27 États membres.

14 À l’occasion du 60e anniversaire des Traités de Rome de 1957.

15 Parmi les plusieurs propositions avancées: l’importance de suivre avec le système du Spitzenkandidat pour la désignation du Président de la Commission européenne ; l’introduction des listes transnationales pour les élections du Parlement européen ; une réflexion sur la révision du nombre de membres de la prochaine Commission, tenant compte qu’un collège à 27 garantit une représentativité élevée des territoires, mais ce n’est pas la solution à préférer pour une action efficace ; la fusion des présidences du Conseil et de la Commission, qui serait possible sans modification des Traités.

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dans le débat sur l’avenir de l’Europe, par exemple par l’organisation d’environ 500 débats publics dans tous les États membres16 avant les élections du Parlement européen en mai 2019.

Bien avant cette échéance, le Conseil et le Parlement européens seront appelés à discuter de la formation du budget européen pour la période 2021-2027, une discussion qui se présente pleine d’incertitudes comme nous indiquons dans le paragraphe suivant.

1.2. LE VOLET BUDGETAIRE : UNE NEGOCIATION DIFFICILE ENTRE BREXIT ET NOUVELLES PRIORITES

Les chiffres clés du CFP 2014-2020

Avec une dotation de 960 milliards d’euros en crédits d’engagement17, le cadre financier pluriannuel courant représente autour de 1% du RNB des 28 pays membres. Certains programmes de l’UE se trouvent « hors budget »18, comme le Fonds européen pour le développement, les « instruments spéciaux », la réserve pour aides d’urgence, les fonds européens d’ajustement à la mondialisation, le fonds de solidarité de l’Union européenne et l’instrument de flexibilité.

Conformément au principe de spécialité budgétaire, les dépenses sont reparties en six rubriques, qui reflètent les grands secteurs d’action de l’Union: croissance intelligente et inclusive (450 Md€19), croissance durable / ressources naturelles (373 Md€), sécurité et citoyenneté (15 Md€), l’Europe dans le monde (58 Md€), administration (61 Md€), compensations (27 M€). Pour ce qui intéresse ce mémoire, la politique de cohésion est insérée dans la rubrique 1 (croissance intelligente et inclusive), en particulier dans la sous-rubrique 1b, « Cohésion économique, sociale et territoriale » qui dispose d’une dotation de 325 Md€20. L’annexe I illustre la répartition, côté dépenses, du CFP 2014-2020 avec les engagements ajustés pour 2018. Une comparaison avec le CFP 2007-2013 nous démontre que, en euros constants, le CFP reste stable par rapport à la période précédente ; en revanche, il y a une augmentation significative en valeur nominale (en euros courants), car les plafonds de crédits d’engagement et de paiement croissent de 11% au cours de la période, en passant de 976Md€

à 1.083Md€, soit +107Md€ sur sept ans pour les premiers, et de 926Md€ à 1.024 Md€, soit

16 L’organisation de ces débats publics sur l’avenir de l’Europe sera faite sur le modèle des citizen dialogues, déjà positivement expérimentés 478 fois depuis 2015, dans 160 différents endroits en Europe.

17 Plus en détail: pour ce qui regarde les crédits d’engagement, 960 Md€ (en prix 2011, qui signifie 1.083 Md€

en prix courants); en crédits de paiements, 908 Md€ (en prix 2011 et 1.024 Md€ en prix courants). Source : Gouvernement français, Relation financière avec l’Union européenne, annexe au PLF 2018, Jaune budgétaire, Paris, 2017, p. 9

18 La critique principale aux instruments hors budget est qu’ils échappent au vote du Parlement européen, qui se limite au budget de l’UE, et ainsi au contrôle démocratique des dépenses de l’UE.

19 En euros constants, prix 2011, comme prévu dans le règlement sur le Cadre financier pluriannuel 2014-2020.

20 Si on convertit ce montant en euros courants en appliquant le déflateur du PIB en vigueur (qui repose sur une prévision d’inflation au 2%), le montant total de la rubrique 1b passe de 325 Md€ à 370 Md€ environ.

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+98 Md€ pour les seconds. En particulier, la rubrique 1 registre une croissance remarquable, +16%, et la sous-rubrique 1b une augmentation de 5%21.

Côté recettes, le bilan de l’UE repose sur quatre types de ressources : les ressources propres traditionnelles, constituées surtout des droits de douane; la ressource basée sur la TVA22; la ressource fondée sur le RNB (revenu national brut), versée par les États membres ; les recettes diverses23. Il faut rappeler que les trois premières ressources représentent 99% des recettes européennes et que la contribution des États membres basée sur le RNB constitue leur principale composante et, en même temps, « […] la ressource d’équilibre du budget, en ce qu’elle permet de financer l’intégralité des besoins en paiement sans recours à l’endettement, après prise en compte de toutes les autres ressources »24. La description ne serait pas complète si on ne mentionnait pas les mécanismes de compensation ou rabais. Il s’agit d’une limitation de la contribution au bilan de l’UE accordée à certains États membres à cause de l’existence de déséquilibres entre le montant des contributions versées par l’État et son taux de retour sur les politiques européennes. Le plus connu est celui dont bénéfice le Royaume-Uni, qui voit sa contribution nette au bilan européen réduite de 66%, mais aussi l’Allemagne, la Suède, l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas en bénéficient, dans différentes formes (réduction de leur partie de financement au rabais anglais, réduction brute de leur contribution RNB ou de celle fondée sur la TVA). Toutes ces formes de corrections financières sont en effet payées par les autres États membres, avec France et Italie en première ligne quant à la contribution fournie. France, Finlande et Italie sont aussi les seuls pays contributeurs nets à ne pas bénéficier d’un rabais25. L’Annexe II contient un tableau de récapitulation des contributions nationales au bilan de l’UE et l’annexe III une description du solde annuel moyen pour chaque pays sur la période 2014-2016.

Ce cadre financier sera l’objet de grands changements après l’année 2020, à cause de plusieurs facteurs, dont on peut retenir les deux principaux : la sortie du Royaume-Uni de l’UE qui impliquera une baisse importante côté recettes ; l’émergence de nouvelles priorités pour l’action européenne avec la nécessité d’identifier les moyens pour les financer.

Le bilan de Union européenne à 27 États membres

Pour ce qui concerne le Brexit, le présent mémoire aborde principalement ses implications

21 Gouvernement Français, Relations financières avec l’Union européenne, Annexe au PLF 2018, Jaune budgétaire, Paris, 2017, p. 9 et 10

22 Calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,30%) à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres.

23 Idem, p. 22

24 Ibidem, p. 22

25 Ibidem, p. 28

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budgétaires pour la période après 2020, tout en tenant compte que ce dossier engage le Royaume-Uni et l’Union sur plusieurs volets: l’accord de retrait et pour la période transitoire, l’accord sur les relations futures, la coopération commerciale, la sécurité et la défense, le statut des citoyens britanniques en Europe et des européens en Grande-Bretagne, la frontière entre les deux Irlandes, pour mentionner les plus connus. En effet, plusieurs secteurs d’activité seront impactés par cette sortie, car ce n’est pas immédiat ni automatique de réviser tous les engagements bâtis pendant 50 ans d’histoire commune.

Une première étape vers une sortie ordonnée et règlementée a été déjà franchie. C’est le préaccord sur la transition, annoncé en début mars, qui couvre la période 30 mars 2019 - 31 décembre 2020. Il prévoit que le Royaume-Uni assure le paiement de tous ses engagements sur le CFP courant, des « restes à liquider »26 et le partage de la charge des pensions des anciens fonctionnaires britanniques27. Le Royaume-Uni, dans cette période, restera dans le marché unique et dans l’union douanière, outre à garantir le respect des quatre libertés fondamentales. Grâce à cet accord, un front de préoccupations importantes s’achève, car tous les programmes européens en cours ont été conçus sur la base d’un budget qui prévoyait la participation financière de tous les 28 États membres jusqu’en 2020 et il va de soi que le retrait d’un d’entre eux pouvait impliquer des problèmes de gestion importants. L’accord de transition prendra la forme d’un chapitre de l’accord de retrait qu’on attend pour l’automne 2018 et pour lequel la situation des deux Irlandes et la gouvernance des différends futurs restent les deux points majeurs à résoudre28. La spécialité de la procédure de l’art. 50 du Traité, qui est d’application dans ce cas, fait que l’accord de retrait et l’accord sur la période de transition seront soumis à la seule approbation du Conseil et du Parlement européen, sans nécessiter de ratification par les parlements nationaux29. Dans un deuxième temps, une fois la Grande-Bretagne devenue « pays tiers », il sera possible de définir les rapports futurs, avec effet le 1er janvier 2021. Sur ce sujet, le Conseil européen du 22-23 mars 2018 a adopté un projet d'orientations qui serviront de mandat au négociateur de l'UE pour entamer ce nouveau chapitre de négociation.

Au niveau de l’impact budgétaire sur le prochain CFP, le Royaume-Uni est le quatrième contributeur net de l’Union européenne avec une contribution annuelle moyenne au bilan de

26 C’est-à-dire les paiements qui découlent des engagements pris dans le cadre du CFP actuel et des CFP précédents.

27 Entretien avec Boris Melmoux-Eude, Conseiller financier, Chef du service Questions économiques et financières au Secrétariat général des Affaires Européennes (France), Paris, 30 mars 2018. Le montant total des

“restes à liquider” pour les 28 Etats membres est, aujourd’hui, d’environ 180 Md€ dont le 12-13% est la partie de compétence du Royaume-Uni.

28 Entretien avec M. Vincent Falcoz, Conseiller spécial pour les négociations sur le Brexit, Secrétariat général des Affaires Européennes (France), Paris, 20 février 2018.

29 Entretien avec M. Vincent Falcoz, cité ci-dessus.

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l’UE de 14 Md€ d’euros entre 2014 et 201630 et son absence fera sentir ses effets dans la préparation du budget 2021-2027: un manque compris entre 70 et 85 Md€ est à prévoir31. Le Brexit donne aussi l’occasion aux pays membres de réfléchir à la possibilité d’éliminer ou réviser profondément les différentes corrections financières présentes dans le budget européen. C’est aussi la position de la France qui, comme l’Italie, gagnerait à une telle démarche qui entrainerait une diminution de sa contribution globale au budget européen. Il faudra voir les équilibres finaux en Conseil sur ce sujet, car - en cas d’élimination de tout rabais - la contribution des pays qui actuellement en bénéficient augmenterait32. De son côté, le « Rapport Monti »33, sur la révision du système des ressources propres, plaide pour l’annulation de toute forme de réduction, décompte ou correction aux pays membres. Dans ce rapport, une telle proposition est l’inévitable conséquence de la demande formulée aux États membres d’abandonner le principe du « juste retour » (solde net) et d’utiliser le budget européen pour financer des biens publics communs de valeur européenne34. En effet, le calcul du solde net réalisé par un État35 est souvent utilisé comme paramètre de l’utilité de sa participation à l’UE. En revanche, une autre lecture est aussi possible, car un solde négatif de la part d’un État contributeur net est synonyme de redistribution vers les pays moins riches (bénéficiaires nets) et il devient ainsi l’expression de la solidarité budgétaire, un des principes à la base du projet européen3637.

30 Contribution du Royaume-Uni en moyenne années 2014-2015-2016: avant rabais € 20.120 M€, rabais 6.006 M€, réelle 14.103 M€. Source: Nicolas-Jean Brehon, « Les conséquences budgétaires du Brexit pour l’Union européenne », Questions d’Europe, no 454, 4 décembre 2017, p. 2.

31 Entretien avec Boris Melmoux-Eude, cité à la page précédente. M. Melmoux-Eude a indiqué en environ 12 milliards d’euros par an la contribution nette du Royaume-Uni. Il souligne comme le volume d’un CFP d’après 2020 auquel on retirait seulement la contribution du Royaume-Uni serait presque égale à l’actuel (environ 1.000 Md€), en appliquant le déflateur du PIB décidé en 2012 (inflations à 2%). L’identification du déflateur du PIB le plus approprié est une question majeure, compte tenu que le taux d’inflation qu’on applique est prévisionnel et ne correspond pas forcement à l’inflation réelle. Cet écart peut entrainer de dépenses supplémentaires importantes pour les Etats membres, spécialement quand les crédits de paiement se réfèrent à de crédits d’engagements pris plusieurs années avant (comme, par exemple, dans le cas de la politique de cohésion où les paiements suivent les engagements avec retard et sont souvent concentrés dans les trois ou quatre dernières années du septennat).

32 Entretien avec Boris Melmoux-Eude, cité ci-dessus.

33 Commission européenne, Groupe de haut niveau sur les ressources propres, Future financing of the EU: final report and recommendation of the High level group on own resources, Bruxelles, décembre 2016, disponible sur http://ec.europa.eu/budget/mff/hlgor/index_en.cfm.

34 Après 2020 ne seront financés par le budget européen que les politiques qui aident l’Union à réaliser les objectifs fixés dans les traités et qui visent à produire de biens communs de dimension européenne. Dans ce cadre, il faut ajouter qu’il n’existe pas une définition officielle de « valeur ajoutée européenne » d’une politique et que, pour cette raison, les différents institutions et parties prenantes engagées dans le débat sur le CFP se sont efforcées d’en donner une déclinaison, chacune selon sa perspective et ses propres intérêts.

35 Égal à la différence entre les retours (montants dépenses par l’UE dans le pays) et la contribution de ce pays au budget de l’UE.

36 Nicolas-Jean Brehon, op. cit., p. 23

37 De surcroit, comme indiqué par la Commission européenne dans la Communication « Un cadre financier pluriannuel nouveau et moderne pour une Union européenne qui met en œuvre ses priorités avec efficience au- delà de 2020, COM (2018) 98 final, 14 février 2018, page 5 : « Les dépenses de l’UE créent également des biens publics européens qui profitent à tous. Les avantages liés à la stabilité, à la paix, à l’existence de valeurs

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Les nouvelles priorités

La deuxième source de difficultés pour les décideurs européens est l’émergence de nouvelles priorités dans l’action de l’Union, par exemple en matière de sécurité, défense, migration, numérique, comme nous avons eu l’occasion de dire dans l’introduction de ce mémoire. C’est vrai qu’il faut d’abord être d’accord sur la définition des « nouvelles priorités », car on court le risque d’associer à cette expression les nouveaux domaines de compétence de l’UE et aussi une demande d’accroissement de la dotation budgétaire des programmes déjà en place, comme Erasmus+ ou le PCR938. Au cours de son audition à l’Assemblée nationale le 1er février 201839, le Commissaire européen au budget, Guenter Oettinger, avait rappelé que, étant donné que l’Union n’a pas la capacité de s’endetter pour financer ses dépenses, le prochain CFP verra apparaître un manque sur les recettes à cause du Brexit d’environs 12 à 14 Md€ par an et un besoin annuel de ressources d’autour 10 Md€ pour satisfaire les nouvelles priorités. L’idée de la Commission – disait Oettinger – est de combler les pertes Brexit pour 50% avec des économies sur les programmes existantes et de demander une contribution supplémentaire aux États membres pour l’autre 50% ; au contraire, pour le financement des nouvelles missions, 20% relèveraient d’économies ou d’effets de redistribution des crédits dans le budget européen et 80% d’une contribution supplémentaire de la part des États membres. La proposition officielle présentée par la Commission européenne le 2 mai dernier confirme l’appel aux États membres à accroitre leur contribution au bilan de l’UE, qui passerait du 1% du RNB au 1,114%40.

De plusieurs parties s’élève, aussi, une demande de saisir ce moment historique pour repenser le budget européen pas seulement en utilisant de critères budgétaires, mais pour l’élever à la hauteur d’instrument financier au service de choix politiques, en respectant les principes fondamentaux d’unité, universalité, sincérité, dans un budget qui puisse inclure tous

communes, à des conditions de concurrence équitables dans le marché unique européen ou à une capacité de négociation qui ne cède en rien à celle des plus grandes puissances mondiales n’apparaissent pas dans les calculs du solde net».

38 Entretien avec Boris Melmoux-Eude, précité. M. Melmoux-Eude signale que – selon les calculs faits par la France - le nouveau besoin financier engendré par les nouvelles priorités est de 12 Md€ par an (10 Md€ par an, selon les calculs de la Commission européenne. Source : voir la note suivante).

39 Audition de M. Gunther Oettinger, Commissaire européen au Budget et aux ressources humanitaires, devant la Commissions des finances et la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, Paris, 1 février 2018. Vidéo disponible sur http://videos.assemblee-nationale.fr/.5495077_5a72ddabbb9a2.commission-des- finances-et-commission-des-affaires-europeennes--m-gunther-oettinger-commissaire-e-1-fevrier-2018

40 M. Melmoux-Eude (idem) clarifie un point décisif pour comprendre à fond les enjeux des négociations futures sur le CFP: la Commission européenne formule toujours ses propositions “en euros constants” et en “crédit d’engagements”; par contre les États membres raisonnent “en euros courants” et “en crédits de paiement”. Pour faire un exemple lié à la proposition du 2 mai 2018 [l’entretien est du 30 mars 2018], la Commission devrait proposer un CFP autour du 1,11% du RNB (plus le F.E.D.) qui, en euros constants (prix 2018), signifie presque 1.108 Md€, mais en euros courants est bien supérieur, environ 1.225 Md€. Autres éléments décisifs pour les États membres sont la connaissance du déflateur du PIB que sera proposé et des « clés de décaissement » qui leur permettent de connaître précisément les montants à payer au bilan européen et à inscrire dans leurs comptabilités nationales.

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les instruments dispersés ailleurs afin d’en faciliter la lisibilité par les citoyens-contributeurs.

Le nouveau budget devra correspondre à la vision de l’Europe qu’on veut d’ici 2025: il faut pour cela se demander quelles compétences doivent être exercées par l’Union européenne, quels sont les biens communs que nous voulons voir financés par le prochain CFP. Comme le Président de la Commission Juncker l’a rappelé, «Les budgets ne sont pas des exercices comptables ; ils reflètent nos priorités et notre ambition. Commençons donc par débattre de l’Europe que nous voulons […]. Je suis opposé au vieux débat entre prétendus bénéficiaires nets et contributeurs nets […], car lorsqu’il est question de l’UE, nous sommes tous des bénéficiaires nets »41. Suite à cette intervention, la Commission européenne a publié le 14 février 2018 une Communication42 qui visait à préparer la réunion informelle des chefs d’État et gouvernement du 23 février. Elle représente l’évolution, sous l’aspect financier, des idées contenues dans le Livre blanc sur l’avenir de l’Europe et dans les documents de réflexion. Les options formulées dans ce texte sont à la base des propositions formelles sur le CFP, dévoilées le 2 mai dernier.

La proposition de la Commission européenne pour le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 La Communication « Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend : Cadre financier pluriannuel 2021-2017 »43 formalise ces propositions longtemps attendues44. Le document propose un budget fortement renouvelé,

« […] axé sur les priorités politiques de l’Union à 27 […] plus simple, plus souple45 et plus ciblé. Un budget guidé par les principes de prospérité, durabilité, solidarité, sécurité»46, qui contribue à atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU et de l’accord de Paris sur le climat. Un budget basé sur le concept de la « valeur ajoutée européenne » de chaque

41 Intervention du Président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, lors de la Conférence de haut niveau sur le budget de l’UE, Bruxelles, 8 janvier 2018, disponible sur https://ec.europa.eu/commission/news/european-unions-long-term-budget-2018-jan-08_fr .

42 Commission Européenne, Un cadre financier pluriannuel nouveau et moderne pour une Union européenne qui met en œuvre ses priorités avec efficience au-delà de 2020, COM (2018) 98 final, 14 février 2018.

43 Commission européenne, Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend : Cadre financier pluriannuel 2021-2027, COM (2018) 321 final, 2 mai 2018.

44 Le même jour, la Commission européenne a publié tous les autres documents qui sont liés aux propositions budgétaires: une Annexe décrivant chaque programme, la proposition de règlement fixant le Cadre financier pluriannuel, la proposition d’Accord interinstitutionnel (sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière), la proposition de règlement relatif à l'exécution du budget dans le respect de l'état de droit, les propositions de règlements pour l’institution des nouvelles ressources propres et la reforme de la TVA. Pour le panorama complet, consulter le lien : https://ec.europa.eu/commission/publications/factsheets-long-term-budget-proposals_en .

45 Différentes propositions sont sur la table afin de garantir au budget européen la flexibilité nécessaire à faire face aux situations imprévues: la création d’une nouvelle réserve de l’Union, l’augmentation de la dotation de l’Instrument de flexibilité jusqu’à 1 Md€ par an, des règles plus simples pour le transfert des crédits entre les rubriques, d’un programme à l’autre de la même rubrique ou, encore, à l’intérieur des programmes.

46 Commission européenne, Un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend…, doc. cit., p. 2

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euro dépensé : l’Union interviendra dans les secteurs dans lesquels la mise en commun de ressources permet d’aboutir à des résultats que l’action d’un seul État membre ne permettrait pas d’atteindre47.

La dotation financière proposée par la Commission est d’environ 1.135 Md€ en crédits d’engagement et autour de 1.105 Md€ en crédits de paiements, les deux en prix constants (2018) ; ce qui signifie un bilan égal au 1,114% du RNB des 27 Etats membres48.

La structure des nouvelles rubriques, illustrée à l’Annexe IV, témoigne de la volonté de l’exécutif de Bruxelles de s’écarter d’une approche de business as usual et de remodeler en profondeur les chapitres du budget, qui devient le résultat de l’examen approfondi des dépenses, annoncé plusieurs fois49, et de l’écoute des États membres et des autres parties prenantes. Le poids des nouvelles priorités est évident : comme on peut voir dans le tableau de l’Annexe V, une augmentation substantielle est prévue pour la dotation des programmes qui agissent dans les domaines de la recherche, innovation et numérique50, de la jeunesse51, du climat et environnement52, de la sécurité et de la défense, de la gestion des migrations et des frontières 53 et de l’action extérieure. Les options budgétaires identifiées dans la Communication du 14 février sont ici traduites en réalité et les tendances y indiquées sont

47 Pour des exemples concrets de projets ou d’actions à haute valeur ajoutée européenne, financés dans la période 2007-2013 et 2014-2020, voir: Commission européenne, Staff working document « Spending review », SWD(2018) 171 final, 2 mai 2018, qui accompagne la COM(2018) 321 final, pp. 7-10

48 Plus en détail: en prix constants 2018, la dotation du budget est de 1.134.583 M€ en crédits d’engagement et de 1.104.803 M€ en crédits de paiement; ces montants, traduits en prix courants, deviennent 1.279.408 M€ pour les crédits d’engagement et 1.245.844 M€ pour les crédits de paiement. Pour la première fois, le budget intègre le Fonds européen de développement (FED), dans le cadre du nouvel Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale, avec une dotation de 89,5.

Source: Commission européenne, Annexe à la COM (2018) 321 final, 2 mai 2018. Ce document est aussi la source des notes n. 50, 51, 52, 53, 54, 55, 57.

49 La Commission européenne a lancé en 2017 un exercice de révision profonde de tous ses programmes, demandé par le Conseil, par le Parlement et aussi par la Cour des comptes de l’UE. Trois les mots clés de ce processus : valeur ajoutée européenne, performance, résultats. L’objectif était d’identifier ce qui a bien marché dans le passé et les programmes qui pourraient être reformés après 2020. Voir à ce propos : Commission européenne, Staff working document « Spending review », SWD (2018) 171 final, 2 mai 2018, doc. cit.

50 Comme largement prévu, les programmes qui investissent « dans l’avenir », pour utiliser les mots de la Commission, et qui ont clairement démontré leur valeur ajoutée européenne sont parmi les gagnants du remaniement budgétaire. La dotation actuelle du programme Horizon 2020 (77 Md€) atteindra après 2020 le 100Md€ dans le nouvel Horizon Europe, sans pourtant arriver aux 160 Md€ invoqués par le Rapport Lamy de 2017 (Rapport Lab, fab, app : disponible sur http://ec.europa.eu/research/evaluations/index.cfm?pg=hlg). Le nouveau Programme pour une Europe numérique aura à disposition un peu plus de 9 Md€.

51 Un autre exemple marquant est le programme Erasmus+, qui passe de l’actuelle dotation de 14,7 Md€ à 30Md€ afin de doubler le nombre de participants au programme. Trop ambitieuse, par contre, la seconde option énoncée dans la Communication du 14 février 2018 (COM 98 final), qui visait à donner à 1 jeune sur 3 la possibilité de participer, mais demandait une allocation de 90 Md€.

52 Les questions climatiques sont élevées à priorités transversales et elles doivent être présentes dans l’ensemble des programmes de l’UE. La Commission s’engage « […] à porter à 25 % la part des dépenses de l’UE contribuant à la réalisation des objectifs en matière de climat […] » (p. 16).

53 Il s’agit d’un secteur dans lequel plusieurs innovations sont introduites : la Commission propose le renforcement de Frontex, la création d’un Fonds pour la gestion intégrée des frontières (9,3 Md€), l’augmentation des dotations pour le Fond asile et migrations (10,4 Md€) et pour le Fond pour la sécurité intérieure (2,5 Md€).

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