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Note à propos des ATF 127 III 318 et 127 III 444: l'interprétation d'un texte clair

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Note à propos des ATF 127 III 318 et 127 III 444: l'interprétation d'un texte clair

CHAPPUIS, Christine

CHAPPUIS, Christine. Note à propos des ATF 127 III 318 et 127 III 444: l'interprétation d'un texte clair. La Semaine judiciaire. I, Jurisprudence , 2002, p. 155-158

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42904

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NOTE À PROPOS DES ATF 127 III 318 ET 127 Ill 444:

L'INTERPRÉTATION D'UN TEXTE CLAIR

La première décision reproduite plus haut3 traite de l'interprétation du texte clair d'un contrat. La seconde4 indique que les dispositions normatives d'une convention collective de travail sont interprétées selon les règles applicables à la loi, alors que les dispositions obliga- tionnelles le sont selon les règles applicables au contrat. La juxtapo- sition de ces deux arrêts suscite la question de savoir s'il existe une différence entre l'interprétation de la loi et celle du contrat dans l'hypothèse où le texte de l'une ou de l'autre est clair. Autrement dit:

le texte clair constitue-t-il un obstacle à l'interprétation de la loi ou du contrat?

La jurisprudence du Tribunal fédéral mentionne fréquemment la limite à l'interprétation de la loi que constitue un texte clair5 . L'arrêt traduit ci-dessus6 rappelle toutefois qu'il est permis, qu'il s'impose même au juge, de s'écarter du sens littéral d'un texte clair lorsque des raisons objectives' permettent de penser que ce texte ne restitue pas le véritable sens de la disposition en cause. L'arrêt indique que ces raisons peuvent résulter des travaux préparatoires7, du rapport de la norme avec d'autres dispositions ou encore «du sens et du but de la norme»8. La mention du sens de la norme dans ce contexte confirme, si besoin était, que le sens littéral d'un texte n'est pas le seul qui doive être pris en considération, puisque le «sens)> de la norme est précisé- ment un motif pour le juge de s'écarter de la lettre de celle-ci. L'arrêt ajoute une raison supplémentaire. de ne pas s'en tenir au texte clair, soit lorsque l'interprétation du texte conduirait à un résultat que le législateLu-ne peut avoir voulu. Ces directives d'interprétation de la loi développées par la jurisprudence sont conformes à l'art. 1 al. l CC qui prescrit au juge d'appliquer «la lettre ou l'esprit de la loi». Le texte, clair ou. non, d'une nonne est le point de départ de l'interprétation, mais ne constitue pas une limite absolue au processus interprétatif.

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ATF 127111444, SJ 20021149.

ATF 127 111318, SJ 20021153.

Voir par exemple: ATF 126 {2000) Ill 49 c. 2d, SJ 2000 J 431 (rés.); ATF 126 (2000) V 57 c. 3; ATF 125 (1998) Ill 57 c. 2b, Jdî 1999 1 223; 121 {1995) Ill 31 c. 2c, Jdî 1997 Il 105; ATF 121 (1995) Ill 408 c. 4b, SJ 1996 235; ATF 120 (1994) Il 112 c. 3a, Jdî 1995 1 202, SJ 1994 569 (rés.).

ATF 127111318 c 2b, SJ 20021153.

Par exemple, A TF 127 IV 198 c. 3b, SJ 2002 1 107.

«Sinn und Zwecku: ATF 127111318 c. 2b, SJ 2002 1153.

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Les règles relatives à linterprétation des contrats sont centrées sur la différence entre interprétation subjective et objective du contrat9,

ainsi que cela ressort du premier arrêt10, mais ne se préoccupent que rarement de la question du texte clair. Si l'on en reste aux quelques décisions qui, dans le passé, s'y sont intéressées, on serait tenté de fermer d'emblée la voie de l'interprétation devant le texte clair d'un contrat. Ainsi, l'arrêt Negresco contre Socsil de 198511 affirme-t-il que «lorsque le texte d'un contrat est clair, il 11'y a pas lieu d'en dénaturer le sens par la recherche d'une i11terprétationfo11dée sur des éléments extrinsèques, sauf circonstances particulières».

Le premier arrêt sous revue, cependant, fait état de la jurisprudence actuelle en affirmant que ce principe a été «nuancé». Cette nuance, qui a pour effet de relativiser le refus d'interpréter le texte clair d'un contrat, est le fait d'une série de décisions12, pour la plupart non publiées, qui expliquent et justifient la tendance nouvelle. Selon un arrêt de 199813,

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«il convient, tout d'abord, de nuancer le principe qui a été posé dans les ATF Il 1 If 284 consid. 2 p. 287, 101 li 329 li consid. 2 p. 331 et 99 li 282 consid. Ill p. 285, selon lequel il y aurait lieu de recourir à des règles d'interprétation uniquement si les termes de l'accord passé entre parties Laissent planer wi doute ou sont peu clairs. On ne peut ériger en principe qu'en présence d'un. 'texte clair', on doit exclure d'emblée le recours à d'autres moyens d'interprétation (Wiegand, Komme11tar zum Schweizerische11 Privatrecht, Bâle, 2• éd., n. 25 ad art. 18 CO;

Kramer, Commentaire bemois, 11. 47 ad art. 18 CO; Jiiggi / Gauch, Commentaire zurichois, 11. 368 cul art. 18 CO). Il ressort de l'art. 18 al. 1 CO que le sens d'un texte, même clair, n'est pas forcément déterminant et que l'interprétation pure- ment littérale est au contraire prohibée (Wiegand, op. cil., n. 37 ad art. 18 CO; Jiiggi / Gauch, op. cit., n. 427 ss ad art. 18 CO).

Même si La teneur d'une clause contractuelle paraft claire à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le

Par exemple, ATF 121 (1995} Ill 118 c.4b/aa, JdT1995 1 274 (rés.); ATF 119 (1993) Il 449 c. 3.

ATF 127111444 c. lb, SJ 20021149.

ATF 111 Il 284 c. 2 p. 287, SJ 1986 183; dans le même sens, ATF 99 Il 282 c. 1 p. 285, SJ 1974 385.

ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.32511994; ATF du 2 mars 1998 dans l'affaire 4C.2411997; ATF du 9 juillet 1998 dans l'affaire 4C.436/1997 et ATF 125 Ill 305.

ATF du 2 mars 1998 dans l'affaire 4C.24/1997 c. le.

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Lexte de ladite clause ne restitue pas exactemelll le sens de l'accord conclu (cf ATF 101ll323 consid. 1 in i11itio, 99 li 282 consid. 111 p. 285)».

L'argumentaire convaincant tiré de cet arrêt peut être complété par une réflexion d'ordre herméneutique, reçue par la pensée juridique14,

et qui figure dans une décision de 199515: «Ut Lettre d'une clause contractuelle est sans comenu propre; elle gagne u11iq11e111e11t 1111 sens déterminé dans la mesure où elle se rapporte à un état de fait concret à régler».

La conception que révèlent les décis.ions citées correspond à une tendance tout à fait générale de la doctrine moderne16 et mérite d'être approuvée pour les raisons déjà mentionnées, auxquelles peuvent être ajoutés trois éléments. Premièrement, le simple fait de qualifier un texte de clair est déjà un acte d'interprétation17. En second lieu, il n'existe pas de texte en soi clair, du fait que le langage juridique, tout comme le langage ordinaire, est soumis à la règle de la polysémic18.

EL enfin, la limite tracée par la clarté du contrat (ou de la loi) repose sur la prémisse erronée qu'un texte ne souffre que d'une seule inter- prétation correcte19.

Il découle de ce qui précède que l'art. 18 al. l CO comme l'art. 1 al. 1 CC prohibent une interprétation purement littérale. Par consé- quent, Je juge peut s'écarter tant du texte clair du contrat que de celui de la loi lorsqu'il apparaît que Je texte ne restitue pas le véritable sens de la loi ou du contrat.

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CHARLES PERELMAN, Logique juridique, Nouvelle rllétorique, ~ éd., Paris (Dalloz) 1999, N° 25; ERNST A. KRAMER, Juristische Methodenlehre, Berne, Munich 1998, p. 62 n. 138, 219 ss: DAVID DûRR, in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetz- buch, «Einleitung .. (art. 1·7 CC), Zurich 1998, Vorbem. Art. 1 und 4 N. 154, 228, CC 1 N. 70s.

ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.325/1994 c. 4a (passage traduit).

FRANÇOIS OST, «Retour sur l'interprétation•, in Aux confins du droit, Essais en l'hon- neur du Professeur Chartes-Albert Morand, Genève 2001, p. 111 ss; PETER GAUCH,

•Auslegung, Ergânzung und Anpassung schuldrechtlicher Vertrâge•, in GAUCH / SCHMID, Die Rechtsentwicklung an der Schwelle zum 21. Jahrllundert, Zurich 2001, p. 209 ss, 215 s.; ERNST ZEU.ER, Auslegung von Gesetz und Vertrag, Zurich 1989, par. 8 N. 191 S.

KARL LARENZ, Methoden/ehre der Rechtswissenschaft, 6' éd., Berlin, etc. 1991, p. 343; MICHEL VAN DE KERCHove, «La doctrine du sens clair des textes el la juris- prudence de la Cour de cassation de Belgique•, in L'interprétation en droit, Approche pluridisciplinaire, Bruxelles 1978, p. 1 ss, 37 ss.

ZELLER, op. Cil. n. 16, par. 8 N. 75 ss; JEAN-FRANÇOIS PERRIN, «Pour une théorie de l'interprétation judiciaire des lois•, in Les règles d'interprétation, Fribourg 1989, p. 243 SS, 253; VAN DE KERCHOVE, op. cil. n. 17, p. 19 SS.

KRAMER, op. Cil. n. 14, p. 224 et n. 813; ZELLER, op. cil. n. 16, par. 8 N. 191 S. et n. 252. Cf. également, OST, op. cit. n. 16, p. 117.

(5)

Il n'y a pas lieu de craindre que celle relativisation du texte ne nuise à la sécurité juridique. La jurisprudence le démontre, qui ne s'écarte que 1rès rarement du texte dit clair20. On observe au ·contraire que le juge ne se contente pas du sens apparemment clair, mais qu'il le confirme au moyen d'une analyse plus approfondie fondée sur les autres éléments d · interprétation21 .

Le texte - pour autant qu'il existe en matière contractuelle22 - reste le point de départ de toute interprétation et, dans la majorité des cas, restitue de manière raisonnable le sens du contrat ou de la loi.

L'important pour le plaideur est de prendre connaissance du fait qu'il ne suffit pas d'invoquer la clarté d'un texte pour s'opposer à toute interprétation qui s'en écarterait. L'argument risquerait d'être un peu court.

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(C. C.)

Le seul arrêt récent qui, à ma connaissance, s'écarte du texte clair d'un contrat est l'ATF 125 Ill 305 (ffporte-fort• qualifié de cautionnement). Pour ce qui est de la loi, voir les précautions prises par l'ATF 127 IV 198 c. 3b, SJ 2002 1 107), pour s'écarter du lexte de l'art 189 al. 1 CP; et. également, ATF 123 (1997) Ill 292 c. 2, JdT 19981 586, SJ 1998 537; ATF 121(1995)111219 c 1d.aa, JdT 19971641.

Par exemple, ATF 125 Ill 57, JdT 1999 1 223 pour l'interprétation de l'art 264b al 2 CC: l'adoption par une personne seule est subordonnée à la cond1llon que la

«Séparation de corps [ait) été prononcée depuis plus de trois ans»; est visée la séparation de corps au sens de l'art. 147 CC, et non la simple suspension de la vie commune, même dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale. Pour l'interprétation du contrat, voir ATF du 2 mars 1998 dans l'aflaire 4C.24/1997 c. 1d (mention de ffl'ensemble des circonstances et du but de la clause contractuelle•):

dans le même sens, ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.325/1994.

La question ne se pose pas pour l'interprétahon d'une déclaration de volonté qui ne se traduit pas par un texte, en particulier s'agissant d'une manifestation par actes concluants (art. 1 al. 2 CO).

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