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Maternité de substitution à l'étranger - reconnaissance et effets en Suisse : analyse de deux arrêts récents du Tribunal fédéral (ATF 141 III 312 et ATF 141 III 328)

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Maternité de substitution à l'étranger - reconnaissance et effets en Suisse : analyse de deux arrêts récents du Tribunal fédéral (ATF 141

III 312 et ATF 141 III 328)

SPAHNI, Elodie

Abstract

Maternité de substitution effectuée aux Etats-Unis, retour des parents d'intention en Suisse avec les enfants, demande de reconnaissance des certificats de naissances américain, reconnaissance partiellement acceptée

SPAHNI, Elodie. Maternité de substitution à l'étranger - reconnaissance et effets en Suisse : analyse de deux arrêts récents du Tribunal fédéral (ATF 141 III 312 et ATF 141 III 328). Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88910

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(2)

Université de Genève – Faculté de droit

Maternité de substitution à l’étranger Reconnaissance et effets en Suisse Analyse de deux arrêts récents du Tribunal fédéral

(ATF 141 lll 312 et ATF 141 III 328)

Travail effectué sous la direction du Professeur R OMANO dans le cadre du séminaire de master

« La protection internationale de l’enfant »

Elodie S

PAHNI

- Juin 2016

(3)

Table des matières

I. INTRODUCTION ... 4

II. PRESENTATION DES FAITS ... 5

A. ATF 141 III 312 ... 5

B. ATF 141 III 328 ... 6

III. RECONNAISSANCE EN SUISSE DES DECISIONS ETRANGERES ... 7

A. Conditions de reconnaissance ... 7

a. Sources pertinentes ... 7

b. Article 32 LDIP : reconnaissance en matière d’état civil ... 8

c. Article 25 LDIP : principe de la reconnaissance ... 8

d. Article 26 LDIP : compétence indirecte des autorités étrangères ... 9

e. Article 27 LDIP : motifs de refus ... 11

B. Raisonnement du Tribunal fédéral en l’espèce ... 12

C. Excursus : reconnaissance en l’absence de fraude à la loi ? ... 15

IV. PRINCIPES DE DROIT INTERNATIONAL ... 15

A. Droit applicable ... 16

B. CourEDH : droit au respect de la vie privée et familiale ... 16

a. Notion de « vie privée et familiale » ... 17

b. Existence d’une ingérence ... 17

c. Prévue par la loi ... 17

d. Poursuite d’un but légitime au sens de l’article 8 § 2 CEDH ... 18

e. Nécessité dans une société démocratique ... 19

C. Droits de l'enfant ... 21

V. SOLUTIONS PROPOSEES PAR LE TRIBUNAL FEDERAL ... 22

A. ATF 141 III 312 ... 22

a. Adoption de l’enfant du partenaire enregistré ... 22

b. Droit aux relations personnelles ... 23

B. ATF 141 III 328 : adoption de l’enfant par les parents d’intention ... 24

VI. CONSEQUENCES PRATIQUES DE CETTE JURISPRUDENCE ... 27

A. En cas de reconnaissance partielle de la filiation établie à l’étranger ... 27

a. Représentation de l’enfant ... 27

b. Droit à l’entretien ... 28

c. Droit de succéder en cas de décès du parent avec lequel le lien de filiation n’est pas reconnu ... 30

B. En cas de non-reconnaissance de la filiation établie à l’étranger ... 31

a. Nationalité et droit de séjour de l’enfant ... 31

b. Renvoi de l’enfant dans son pays d’origine ... 32

c. Parents d’intention nommés parents nourriciers de l’enfant ... 33

d. Parents d’intention nommés tuteurs de l’enfant ... 34

e. Autres solutions de lege ferenda ... 35

VII. CONCLUSION ... 37

(4)

BIBLIOGRAPHIE ... 38

TEXTES OFFICIELS ... 40

JURISPRUDENCE ... 41

LEGISLATION ... 43

ANNEXE : LEGISLATIONS SUR LA GESTATION POUR AUTRUI ... 44

(5)

I. INTRODUCTION

Lors d’une maternité de substitution, la mère de substitution, aussi appelée mère porteuse, accepte de porter un enfant conçu au moyen d’une méthode de procréation médicalement assistée et de le remettre définitivement après l’accouchement aux tiers qui l’ont

« commandé », soit aux parents d’intention1. Les parents d’intention sont en général inscrits directement comme parents légaux de l’enfant sur le certificat de naissance délivré par les autorités du pays de naissance. Ce sont eux qui vivront avec lui et l’élèveront2.

Il faut préciser d’emblée que la maternité de substitution est totalement interdite en Suisse3. Le but de cette interdiction, comme nous le verrons plus en détail par la suite4, est de protéger la mère porteuse mais aussi l’enfant à naître5.

Les statistiques suisses concernant la maternité de substitution sont quasiment inexistantes, mais on estime que plusieurs centaines de parents d’intention suisses ont eu recours à ce procédé à l’étranger6. En général, les parents d’intention demandent la reconnaissance des certificats de naissance étrangers après l’arrivée en Suisse avec l’enfant7. Dans la plupart des cas, les autorités compétentes ne remarquent pas que l’enfant a été conçu par le biais d’une maternité de substitution, et reconnaissent sans autre les certificats étrangers8.

En 2015, le Tribunal fédéral a dû rendre deux décisions concernant des liens de filiation résultant de décisions américaines attribuant la filiation aux parents d’intention. Dans les cas d’espèce, les autorités compétentes suisses ont vu que les enfants avaient été conçus par le biais de maternité de substitution. Elles ont alors refusé de reconnaître les certificats de naissance étrangers en invoquant la contrariété à l’ordre public suisse. C’est la première fois que le Tribunal fédéral doit juger de telles situations ; cette jurisprudence est donc toute nouvelle.

La question qui se posait était la suivante : sachant que la gestation pour autrui est interdite en Suisse, est-ce qu’une décision étrangère établissant des liens de filiation à la suite d’une maternité de substitution entre un enfant et ses parents d’intention doit être reconnue en Suisse ou au contraire est-elle contraire à l’ordre public suisse ? Dans quelle mesure le bien de l’enfant peut-il imposer la reconnaissance ?

Cette question divise la doctrine9. La jurisprudence étrangère n’est pas non plus unanime10. Le Tribunal fédéral est finalement arrivé à la conclusion que les certificats de naissance étrangers établissant des liens de filiation grâce à une maternité de substitution ne pouvaient être reconnus en Suisse en raison de leur contrariété à l’ordre public suisse, et que les droits des parents d’intention, mais surtout des enfants, étaient suffisamment protégés malgré l’absence de reconnaissance juridique des liens de filiation.

1 CONSEIL FEDERAL, Rapport sur la maternité de substitution, Aperçu et N 1.3.2.

2 CHRISTENSEN, par. B.2.

3 Article 119 al. 2 let. D de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) ; article 4 de la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée du 18 décembre 1998 (LPMA ; RS 810.11).

4 ATF 141 III 328, consid. 5.2

5 Voir ch. III.B.

6 CONSEIL FEDERAL, Rapport sur la maternité de substitution, N 2.2.1.

7 CONSEIL FEDERAL, Rapport sur la maternité de substitution, N 1.3.2.

8 CONSEIL FEDERAL, Rapport sur la maternité de substitution, N 2.2.1.

9 ATF 141 III 312, consid. 4.3.

10 ATF 141 III 312, consid. 4.4.

(6)

Nous commencerons par une présentation des faits ayant conduit à ces deux décisions (II).

Dans un deuxième temps, nous examinerons le raisonnement suivi par le Tribunal fédéral, en commençant par examiner les conditions du droit suisse permettant de reconnaître une décision étrangère (III) puis en continuant avec les principes de droit international applicables en l’espèce (IV). Ensuite, nous verrons quelles solutions le Tribunal fédéral propose, et dans quelle mesure et à quelles conditions elles peuvent être mises en place (V). Nous terminerons par l’examen des conséquences pratiques de cette jurisprudence (VI).

II. PRESENTATION DES FAITS

A. ATF 141 III 312

Monsieur A.B. et Monsieur C.E., tous deux de nationalité suisse, sont des partenaires enregistrés ayant leur domicile en Suisse. Ils concluent le 6 juillet 2010 un contrat de maternité de substitution avec les époux G. qui vivent en Californie. Madame F.G sera la mère porteuse, et A.B et C.E. seront les parents d’intention de l’enfant à naître.

Le 31 juillet 2010, un embryon est implanté dans le ventre de F.G. Cet embryon a été conçu grâce à une donneuse d’ovule anonyme, et au sperme d’A.B. Il n’a aucun lien biologique ni avec C.E., ni avec les époux G.

Le 24 février 2011, le tribunal de Californie rend un « judgment of paternity » dans lequel le juge constate que A.B. est le père génétique de l’enfant à naître, que C.E. est le deuxième père de l’enfant, tandis que F.G. n’est pas la mère génétique de l’enfant et que H.G. n’a aucun lien avec cet enfant à naître. De plus, les époux G. renoncent à tout droit sur cet enfant à naître, et la garde et l’autorité parentale sont attribué aux partenaires A.B et C.E. Cette décision de renonciation sera ensuite confirmée par les époux G. le 9 avril 2012, soit presqu’un an après la naissance de l’enfant.

Le 11 avril 2011, l’enfant D naît en Californie. Il acquiert la nationalité américaine de par sa naissance sur le sol américain, et la nationalité suisse de par son lien de filiation avec les partenaires A.B. et C.E. Depuis sa naissance, il vit avec ses parents d’intention en Suisse.

Le 13 avril 2011, un certificat de naissance est délivré par les autorités californiennes dans lequel il est indiqué qu’A.B. et C.E. sont ses parents. Les parents demandent alors la transcription du certificat de naissance américain aux autorités suisses. Le 21 mars 2012, la demande est rejetée par l’Office de surveillance de l’état civil du canton de Saint-Gall.

Statuant sur le recours d’A.B. et C.E., le Département intérieur du canton de Saint-Gall ordonne le 10 juillet 2013 à l’Office d’état civil de transcrire ce certificat de naissance au registre d’état civil.

L’Office fédéral de la justice se saisit alors de l’affaire et dépose un recours auprès du Tribunal administratif du canton de Saint-Gall, qui le rejette le 10 août 2014. Le Tribunal administratif motive sa décision ainsi : il a procédé à une pesée des intérêts entre l’interdiction de la gestation pour autrui et le bien de l’enfant, et est arrivé à la conclusion que l’enfant ne devait pas subir les conséquences du choix – juridiquement reprochable - de ses parents.

L’Office fédéral dépose alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui a rendu sa décision le 21 mai 2015. Le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que seul le lien de filiation établi avec le père génétique de l’enfant pouvait être reconnu en Suisse.

(7)

B. ATF 141 III 328

Dans ce deuxième cas, les époux A, de nationalité suisse, respectivement allemande, et domiciliés dans le canton d’Argovie, ont conclu un contrat de maternité de substitution avec une mère porteuse aux Etats-Unis, en Californie. Au moment des faits, Madame A. a déjà plus de cinquante ans.

Le 17 mai 2012, la mère porteuse a donné naissance à deux jumeaux. Sur leurs certificats de naissance du 31 mai 2012, B.A est inscrite comme étant la mère des enfants, et A.A. en est le père. Les enfants n’ont aucun lien génétique avec les époux A. ; ils ont été conçus grâce à un don de sperme et d’ovule.

Les époux A. demandent la transcription de ces certificats de naissance dans le registre d’état civil en Suisse. L’autorité compétente a des doutes sur la parentalité réelle des époux A. en raison de l’âge élevé de Madame A., de la naissance aux Etats-Unis dans un Etat très libéral en matière de gestation pour autrui, de l’arrivée aux Etats-Unis de Monsieur A. un jour seulement avant la naissance, Madame A. n’y étant pour sa part jamais allée selon les indications figurant dans son passeport (aucun tampon d’entrée ou de sortie des Etats-Unis n’y figurant). Elle leur pose alors différentes questions et requiert des documents supplémentaires.

En raison de l’augmentation des soupçons concernant une gestation pour autrui effectuée aux Etats-Unis et du manque de coopération des époux A. pour déterminer leurs liens de filiation génétiques avec les enfants, l’autorité rejette la demande de transcription le 15 octobre 2013.

Elle motive sa décision en indiquant que la maternité de substitution est interdite en Suisse, et que la reconnaissance d’une telle maternité effectuée à l’étranger serait contraire à l’ordre public suisse.

Les époux A. déposent un recours auprès de l’« Obergericht » du canton d’Argovie, qui le rejette le 3 mars 2014, en motivant également le rejet en raison de la contrariété à l’ordre public de la demande de reconnaissance.

Le 26 mai 2014, les époux A. déposent alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui a rendu sa décision le 14 septembre 2015. Le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que les liens de filiation établis à l’étranger ne pouvaient pas du tout être reconnus en Suisse, faute de liens génétiques entre les parents d’intention et les enfants.

(8)

III. RECONNAISSANCE EN SUISSE DES DECISIONS ETRANGERES

A. Conditions de reconnaissance

a. Sources pertinentes

Chaque Etat doit déterminer dans son droit interne les conditions auxquelles il accepte ou non de reconnaître une décision étrangère11. L’Etat appelé à reconnaître une décision étrangère est « l’Etat requis »12. La reconnaissance d’une décision étrangère signifie que le jugement étranger produit dans l’Etat requis les mêmes effets que dans l’Etat dans lequel cette décision a été rendue13.

La Suisse a prévu les conditions de reconnaissance des décisions étrangères dans la Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP)14. Cependant, les traités internationaux et leurs dispositions spécifiques sont réservés15.

La Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (CL)16 fixe un régime simplifié de reconnaissance des décisions des autres Etats parties à la Convention17. Cette Convention s’applique entre le Danemark, l’Islande, la Norvège, la Suisse et les pays de l’Union Européenne. Dans les cas jugés par le Tribunal fédéral, qui concernent la Suisse et les Etats-Unis, la question de son application ne se pose donc pas. Cette question pourrait cependant se poser si un Etat partie à la Convention était impliqué. Mais comme l’établissement et la dissolution des rapports de famille, tels que le mariage, le divorce et la filiation, ne font pas partie du champ d’application de la Convention de Lugano18, elle ne sera jamais applicable dans les affaires comme celles jugées par le Tribunal fédéral en l’espèce.

Enfin, la Suisse a également conclu plusieurs traités bilatéraux en matière de reconnaissance de décisions étrangères, mais aucun avec les Etats-Unis19.

Ainsi, comme ni la Convention de Lugano ni un traité bilatéral conclu entre la Suisse et les Etats-Unis ne peuvent s’appliquer, les conditions de reconnaissance des décisions étrangères en matière de filiation sont fixées dans la LDIP uniquement, et aux articles 25 à 32 LDIP plus spécifiquement20.

11 BUCHER/BONOMI, N 240.

12 Idem.

13 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25-32 N 1.

14 RS 291 ; article 1 al. 1 let. c LDIP.

15 Article 1 al. 2 LDIP.

16 RS 0.275.12.

17 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25-32 N 2.

18 BUCHER/BONOMI, N 68.

19 Recueil systématique [en ligne], https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/droit-federal/recueil- systematique.html (19.04.16).

20 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25-32 N 1.

(9)

b. Article 32 LDIP : reconnaissance en matière d’état civil

Les conditions générales de reconnaissance des décisions ou actes étrangers en matière d’état civil sont fixées à l’article 32 LDIP. Cet article n’est applicable qu’aux personnes ayant leur état civil enregistré en Suisse21. Une personne a son état civil enregistré en Suisse parce qu’elle possède la nationalité suisse ou parce qu’elle est de nationalité étrangère mais a un lien d’état civil avec la Suisse en raison d’un lien de famille avec un citoyen suisse22 (comme par exemple le ressortissant allemand marié à un ressortissant suisse).

La reconnaissance a lieu par transcription dans les registres d’état civil suisse. La transcription est ordonnée à l’office d’état civil compétent par une décision de l’autorité cantonale de surveillance en matière d’état civil si les conditions des articles 25 à 27 LDIP sont toutes remplies23.

Les autorités compétentes sont les suivantes : si la personne est de nationalité suisse, les autorités de son canton d’origine sont compétentes. Par contre, si la personne est ressortissante d’un autre Etat, elle doit s’adresser aux autorités de son canton de domicile24.

c. Article 25 LDIP : principe de la reconnaissance

L’article 25 LDIP énonce les trois conditions cumulatives devant être remplies pour qu’une décision étrangère puisse être reconnue en Suisse : la décision étrangère doit être définitive ou plus susceptible de recours, avoir été rendue par une autorité compétente, et ne pas contrevenir à un des motifs de refus prévu dans la loi25. Les deux dernières conditions renvoient aux articles 26 et 27 LDIP et seront examinées séparément par la suite.

Premièrement, cette décision doit avoir été rendue par une autorité étrangère, soit par une autorité d’un autre Etat26. Cette qualité ne sera pas donnée si la décision a été rendue par une autorité d’un autre canton par exemple27.

Deuxièmement, la décision doit avoir un caractère étatique, ce qui signifie qu’elle doit avoir été rendue par une autorité dont les pouvoirs sont reconnus par l’Etat étranger dans lequel elle a été rendue28. Ainsi, un simple contrat entre particuliers par exemple n’aura pas ce caractère étatique29. Le caractère judiciaire, administratif ou religieux de l’autorité en question n’est par contre pas déterminant30.

21 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 32 N 1.

22 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 32 N 1.

23 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 32 N 3 ; Article 2 al. 2 let. a de l’Ordonnance sur l’état civil du 28 avril 2004 (OEC ; RS 211.112.2) ; Article 32 al. 1 LDIP.

24 Article 23 al. 1 et 2 OEC.

25 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 1.

26 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 3.

27 Idem.

28 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25 N 4 ; Bucher/Bonomi, N 245.

29 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25 N 9.

30 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 25 N 4 ; BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 6.

(10)

Enfin, la décision ne doit plus être susceptible d’un recours ou être définitive31. Cela signifie que le délai pour faire un recours est échu et que la décision est entrée en force32, ou que la décision rendue a mis fin à la procédure et produit ses effets entre les parties33. Cette distinction n’a pas de portée propre34. Savoir si la décision étrangère n’est plus susceptible de recours ou est définitive se détermine selon le droit de l’Etat dans lequel la décision a été rendue35.

d. Article 26 LDIP : compétence indirecte des autorités étrangères

- Principe

Selon l’article 26 LDIP, l’autorité suisse chargée de déterminer si l’autorité étrangère était compétente pour rendre la décision en question ne peut que vérifier la compétence indirecte de cette autorité étrangère36.

Cela signifie que l’autorité suisse chargée de reconnaître une décision étrangère doit contrôler si le droit suisse désigne cette autorité étrangère comme compétente dans le cas d’espèce pour rendre ce type de décisions37. L’autorité suisse requise ne peut par contre pas vérifier que l’autorité étrangère était bien compétente pour rendre ce type de décisions selon le droit de l’Etat en question38. Il s’agirait dans ce cas d’un contrôle de la compétence directe39, ce que l’autorité suisse ne peut pas faire.

Cet article prévoit plusieurs rattachements possibles pour fonder la compétence indirecte d’une autorité étrangère. Selon l’article 26 let. a LDIP, cette compétence indirecte sera ainsi reconnue si elle résulte d’une disposition spécifique de la LDIP. Il s’agit d’un renvoi aux dispositions de fins de chapitres ou sections de la LDIP et notamment à l’article 70 LDIP40,41.

- Pour les décisions étrangères en matière de filiation

Le champ d’application de l’article 70 LDIP se limite à la compétence indirecte des autorités étrangères en matière de décisions étrangères relatives à la constatation ou à la contestation du lien de filiation42. Il complète ainsi les articles 25 let. a et 26 let. a LDIP43.

Il appréhende toutes les décisions étrangères rendues en matière de filiation, même si le contenu ou la solution de ces décisions sont inconnus en droit interne44. Les décisions étrangères attribuant les liens de filiation dans le cadre d’une maternité de substitution sont donc aussi comprises dans le champ d’application de l’article 70 LDIP45.

31 Article 25 let. b LDIP.

32 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 35.

33 BUCHER/BONOMI, N 247.

34 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 38.

35 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 25 N 32.

36 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 26 N 1.

37 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 26 N 1.

38 BUCHER/BONOMI, N 33.

39 Idem.

40 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 26 N 4.

41 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 26 N 4.

42 BK IPR-SCHWANDER, LDIP 70 N 1.

43 Idem.

44 ZK IPRG-SIEHR, LDIP 70 N 13.

45 ATF 141 III 312, consid. 3.2 ; ATF 141 III 328, consid. 4.3.

(11)

Les critères de rattachement permettant de fonder la compétence des autorités étrangères sont les suivants : sont compétentes les autorités de l’Etat national ou de la résidence habituelle de l’enfant, ou les autorités de l’Etat national ou du domicile de l’un des parents46. Ces critères de rattachement s’appliquent de manière alternative47. Il suffit que l’un de ces critères soit rempli pour que les autorités étrangères soient compétentes48.

La date à laquelle le critère de rattachement doit être rempli doit être celle de la litispendance, ou au plus tard celle à laquelle la décision étrangère est rendue49. En général, les décisions étrangères établissant les liens de filiation avec les parents d’intention sont rendues avant la naissance de l’enfant, qui n’a donc pas encore acquis de nationalité50. Dans ce cas, s’il est prévu, au moment où la décision étrangère est rendue, que l’enfant acquerra la nationalité de l’Etat ayant rendu la décision lors de sa naissance, la compétence des autorités de cet Etat est malgré tout donnée51. Cette acquisition postérieure mais déjà prévue de la nationalité permet de guérir la compétence indirecte qui manque de prime abord52.

Si l’enfant ou l’un des parents a plusieurs nationalités, l’article 23 al. 3 LDIP s’applique53. La prise en compte de l’une des nationalités suffit à fonder la compétence indirecte de l’Etat étranger54, sans qu’un lien effectif entre la personne et son Etat national ne soit requis55. Si l’enfant naît dans un pays qui n’accorde pas la nationalité de par la naissance sur son sol, comme l’Inde par exemple56, il n’est pas possible de rattacher la compétence des autorités de ce pays à la nationalité de l’enfant. Dans ce cas, une autre possibilité de rattachement par rapport à l’enfant est de rattacher la compétence des autorités étrangères au lieu de sa résidence habituelle57.

Si la décision étrangère à reconnaître est rendue avant la naissance de l’enfant, il n’est pas possible de fonder la compétence indirecte sur la résidence habituelle de l’enfant car l’enfant à naître n’a pas de résidence habituelle58. Une partie de la doctrine suggère dans ce cas de remplacer le critère de la résidence habituelle par celui du lieu de la résidence temporaire actuelle, qui serait alors celui de la femme qui le porte, soit de la mère de substitution59. Si la décision à reconnaître est rendue après la naissance de l’enfant, le critère de la résidence habituelle est applicable. Il faut encore déterminer cette résidence habituelle. Selon la jurisprudence, le nouveau-né n’a en règle générale pas de résidence habituelle propre. C’est le centre de vie de sa mère dans un pays, soit la résidence habituelle propre de sa mère, qui détermine la résidence habituelle du nouveau-né60.

46 Article 70 LDIP.

47 ATF 120 II 87, consid. 5.

48 BK IPR-SCHWANDER, LDIP 70 N 14-15.

49 BK IPR-SCHWANDER, LDIP 70 N 16.

50 BERTSCHI, p. 74.

51 Idem.

52 Idem ; ATF 141 III 312, consid. 3.3 ; ATF 141 III 328, consid. 4.3 ; voir aussi ATF 116 II 202, consid. 2.e) pour une telle interprétation dans le cadre du droit du nom.

53 BK IPR-SCHWANDER, LDIP 70 N 14.

54 Article 23 al. 3 LDIP.

55 ATF 130 III 327, consid. 3.3.3.

56 BERTSCHI, p. 74.

57 Article 70 LDIP.

58 TF, 5A_346/2012, consid. 4.4.

59 BERTSCHI, p. 74 et les références citées.

60 ATF 129 III 288, consid. 4.1.

(12)

Dans un cas de maternité de substitution se pose alors encore la question de savoir qui est considérée comme la mère de l’enfant : la mère biologique, qui l’a mis au monde, ou la mère d’intention, qui s’en occupera ensuite, dans certains cas seulement quelques semaines après la naissance de l’enfant – mais que les autorités suisses ne reconnaissent pas juridiquement ? Est-ce que le lieu où il vit ses premières semaines peut être considéré comme sa résidence habituelle, avant qu’il n’en change lorsque les parents d’intention le ramènent en Suisse ? Le Tribunal fédéral n’a pas encore eu à trancher les questions du rattachement au simple lieu de séjour de l’enfant à naître ou de la détermination de la résidence habituelle de l’enfant lors d’une maternité de substitution.

e. Article 27 LDIP : motifs de refus

L’article 27 LDIP empêche la reconnaissance de décisions étrangères pour deux motifs : la violation de l’ordre public matériel ou procédural suisse61. Comme nous le verrons ensuite, seule la question de l’ordre public matériel posait problème dans nos affaires jugées par le Tribunal fédéral62.

L’autorité cantonale de surveillance en matière d’état civil doit vérifier d’office que l’ordre public matériel n’est pas violé63. L’examen de la conformité à l’ordre public suisse ne peut pas avoir lieu de manière abstraite64, car il porte sur les effets que la décision étrangère en cause pourraient produire en cas de reconnaissance, et non pas sur la décision étrangère en tant que telle65.

Cependant, en faisant cet examen, l’autorité requise ne doit procéder à aucune révision au fond de la décision étrangère66. Elle ne peut ni vérifier l’établissement des faits effectués par l’autorité étrangère, ni contrôler si l’autorité étrangère a correctement interprété le droit applicable67.

Trois critères cumulatifs doivent être remplis pour que la violation de l’ordre public matériel puisse être invoquée.

Premièrement, la réserve d’ordre public ne peut intervenir que s’il existe des liens très étroits entre la situation créée à l’étranger et la Suisse (principe de la Binnenbeziehung)68. Si au contraire les liens avec la Suisse sont plutôt lâches mais les liens avec l’Etat ayant rendu la décision sont très étroits, les autorités suisses ne pourront pas invoquer une violation de l’ordre public suisse pour refuser la reconnaissance, quand bien même l’ordre public suisse serait effectivement violé.

Deuxièmement, il ne doit pas s’être écoulé une période très importante entre le moment où la décision a été rendue à l’étranger et celui où la reconnaissance en Suisse est demandée69.

61 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 1.

62 ATF 141 III 312, consid. 4 ; ATF 141 III 328, consid. 4.4.

63 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 27 N 1.

64 ATF 141 III 312, consid. 4.1.

65 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 15.

66 Article 27 al. 3 LDIP.

67 TF, 5A_267/2011, consid. 1.4.

68 GUILLOD/HELLE, p. 443.

69 ATF 141 III 312, consid. 4.1.

(13)

Troisièmement, les valeurs heurtées en cas de reconnaissance de la décision étrangères doivent avoir un caractère fondamental70. La violation de l’ordre public ne doit être admise qu’avec restriction et constituer une exception71. Une simple dérogation au sens de la justice, aux conceptions du droit suisse ou au droit impératif suisse ne suffit pas à refuser la reconnaissance de la décision étrangère72 ; de même, une solution différente de celle prévue par le droit suisse ou inconnue en droit suisse ne heurte pas encore forcément l’ordre public suisse73,74. Il faut au contraire que les effets de la reconnaissance et de l’exécution en Suisse de la décision étrangère « heurte de manière intolérable les conceptions suisses de la justice »75 et contrevienne aux principes fondamentaux de l’ordre juridique suisse avec lequel elle se révèle totalement incompatible76.

En cas de doute, l’autorité compétente doit privilégier une interprétation de la décision étrangère qui soit conforme au principe de l’ordre public matériel (principe de la favor recognitionis)77. De même, l’autorité compétente ne pourra pas refuser toute reconnaissance et exécution de la décision étrangère au motif qu’une partie de cette décision étrangère est contraire à l’ordre public suisse. Elle devra admettre la reconnaissance et l’exécution partielles de la décision étrangère78.

Le but est d’éviter de créer des relations juridiques boiteuses en ne reconnaissant pas la décision étrangère79. En effet, lors de l’examen des conditions de reconnaissance en Suisse, les rapports juridiques en cause sont définitivement acquis à l’étranger80. L’autorité suisse doit donc tenir compte des effets que la décision étrangère a produits ou est encore susceptible de produire à l’étranger81. Dans le cadre spécifique de la reconnaissance des décisions étrangères, l’ordre public ne peut ainsi intervenir que de manière « atténuée »82.

B. Raisonnement du Tribunal fédéral en l’espèce

Le Tribunal fédéral est arrivé aux mêmes conclusions dans les deux cas. Nous pouvons donc les examiner ensemble. Nous ferons quelques remarques sur certains points spécifiques que le Tribunal fédéral n’a examinés que dans un cas ou dans l’autre.

L’indication des parents d’intention dans les certificats de naissance des enfants se fonde sur les jugements des autorités californiennes précédant la naissance des enfants83. Les jugements établissant la filiation juridique des enfants de même que les certificats de naissance doivent être considérés comme des décisions ou actes en matière d’état civil au sens de l’article 32 LDIP.

70 GUILLOD/HELLE, p. 443.

71 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 3 ; ATF 126 III 101, consid. 3b).

72 ATF 141 III 312, consid. 4.1.

73 ATF 126 III 101, consid. 4b.

74 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 27 N 5.

75 ATF 126 III 327, consid. 2b.

76 ATF 126 III 101, consid. 4b.

77 BK IPR-DÄPPEN/MABILLARD, LDIP 27 N 29.

78 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 15.

79 ATF 126 III 101, consid. 4b) ; ATF 126 III 327, consid. 2b.

80 ATF 126 III 101, consid. 3b).

81 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 3.

82 CR LDIP/CL-BUCHER, LDIP 27 N 3.

83 ATF 141 III 328, consid. 4.3.

(14)

Il ne fait aucun doute qu’ils ont été rendus par une autorité étrangère ayant un pouvoir étatique aux Etats-Unis, pays dans lequel ils ont été rendus, et qu’ils sont définitifs84. Selon le Tribunal fédéral, les autorités californiennes étaient compétentes au sens de l’article 70 LDIP aussi bien pour les décisions établissant les liens de filiation que pour les certificats de naissance. Bien qu’au moment où les premières décisions ont été rendues, les enfants n’avaient pas encore la nationalité américaine (n’étant pas encore nés), il était déjà prévisible qu’ils l’acquerraient à la naissance, ce qui s’est effectivement produit. La compétence des autorités américaines est donc validée « a posteriori » pour les premières décisions. Elle existe sans aucun doute pour les secondes décisions, soit pour les certificats de naissance85.

La seule question qu’il reste à examiner est celle de la comptabilité de la reconnaissance des liens de filiation avec l’ordre public matériel suisse.

Rien n’empêche dans les cas d’espèce les autorités suisses de refuser de reconnaître ces actes et décisions pour contrariété à l’ordre public86. En effet, les relations avec l’Etat étranger, ici les Etats-Unis, sont très lâches. Les parents d’intention n’ont pas la nationalité américaine et n’y ont jamais vécu ; les enfants ont la nationalité américaine mais ont vécu pratiquement toute leur vie en Suisse. De plus, il ne s’est pas écoulé une longue période entre le moment où ces actes et décisions ont été rendus (entre 2011 et 2012) et le moment où l’examen des différentes conditions de reconnaissance a été fait (au plus tard en 2015 devant le Tribunal fédéral).

Il convient tout d’abord de relever que le simple fait que ces décisions étrangères dérogent au principe suisse « mater semper certa est »87, selon lequel la mère biologique ne peut pas renoncer à la filiation maternelle88, ne constitue pas encore une contrariété à l’ordre public suisse. Il s’agit dans ce cas uniquement d’une solution différente de ce que prévoit le droit suisse.

De même, dans le cas des partenaires enregistrés, une éventuelle contrariété à l’ordre public suisse ne peut pas provenir du simple fait que deux hommes aient été reconnus comme parents d’un enfant89.

Le droit suisse interdit formellement toute maternité de substitution dans la Constitution fédérale90 et dans la LPMA91. Le but de cette interdiction est de protéger l’enfant, qui risque alors d’être réduit au statut de marchandise que l’on peut commander, mais aussi de protéger la femme contre le risque de commercialisation de son corps92. Elle vaut indépendamment de l’état civil93. En 2014 encore, le législateur fédéral a refusé d’entrer en matière sur une éventuelle modification de cette interdiction, en faisant valoir que les motifs ayant conduit à son adoption étaient toujours d’actualité94. Cette interdiction et les buts qu’elle poursuit font partie des valeurs essentielles du droit suisse95.

84 ATF 141 III 312, consid 3.4 ; ATF 141 III 328, consid. 4.3.

85 ATF 141 III 312, consid. 3.3 ; ATF 141 III 328, consid. 4.3.

86 ATF 141 III 312, consid. 5.3.2 ; ATF 141 III 328, consid. 6.4.

87 CR CC I-GUILLOD, CC 252 N 5.

88 CR CC I-GUILLOD, CC 252 N 7.

89 ATF 141 III 312, consid. 5.2.

90 Art. 119 al. 2 let. d Cst.

91 Art. 4 LPMA.

92 ATF 141 III 328, consid. 5.2.

93 ATF 141 III 312, consid. 4.2.2.

94 ATF 141 III 328, consid. 5.3.

95 ATF 141 III 328, consid. 6.2.

(15)

Les parents d’intention ont recouru à l’étranger à une méthode de procréation prohibée en Suisse. Comme nous l’avons vu, les liens avec les Etats-Unis sont très faibles. Les liens avec la Suisse, Etat requis, sont au contraire très forts. Les parents d’intention sont pour la plupart de nationalité suisse et ils ont tous leur domicile en Suisse. De même, un des enfants a la nationalité suisse, et tous vivent pratiquement depuis leur naissance en Suisse. Les parents d’intention se sont rendus aux Etats-Unis uniquement dans le but de contourner l’interdiction connue en droit suisse. Ils ont commis en cela une fraude à la loi96.

Selon le Tribunal fédéral, reconnaître les liens de filiation établis grâce à cette méthode aura l’effet suivant : obliger les autorités suisses à accepter comme un fait accompli les liens de filiation établis par une fraude à la loi. Cela aurait comme conséquence d’encourager le tourisme procréatif dans des pays ne connaissant pas la même interdiction que la Suisse et de réduire à néant l’interdiction de la maternité de substitution, supprimant ainsi la protection voulue par le législateur97. Vu les effets qu’elle aurait, la reconnaissance de ces décisions et actes étrangers n’est donc pas possible à cause de la contrariété à l’ordre public suisse98. Pour le cas des parents d’intention qui n’ont pas de liens génétiques avec les enfants, le Tribunal fédéral considère qu’il y a une proximité fonctionnelle entre la maternité de substitution sans liens génétiques et l’adoption. Dans les deux cas, des liens de filiation sont créés en l’absence de toute relation génétique avec les futurs parents99. Une adoption prononcée à l’étranger ne pourra pas être reconnue en Suisse si les autorités étrangères qui l’ont prononcée ont omis de s’assurer que l’adoption par cette famille respectait le bien de l’enfant100. Il s’agit d’un motif d’ordre public101. En l’espèce, les autorités californiennes n’ont jamais analysé la question du bien de l’enfant dans le cadre d’une maternité de substitution.

Dans ce cas, la reconnaissance du lien de filiation se heurte à nouveau à l’ordre public suisse102.

Le fait que l’on ne doive pas reprocher à l’enfant les actes illicites de ses parents n’a pas d’incidence. Le Tribunal fédéral reconnaît qu’il est possible que la reconnaissance de ces liens de filiation soit dans l’intérêt de l’enfant. Mais il est aussi envisageable que lorsqu’il sera en âge de comprendre, l’enfant se sente victime de ce procédé sensé être interdit103. Si les autorités suisses valident ce contournement de la loi par une simple reconnaissance, l’enfant ne pourra jamais se plaindre de son statut de victime104. Comme l’intérêt de l’enfant n’a jamais été examiné par les autorités, il n’est pas possible de l’invoquer pour justifier de manière générale une reconnaissance qui serait dans l’intérêt de l’enfant105.

96 ATF 141 III 328, consid. 6.4.

97 ATF 141 III 328, consid. 6.6.

98 ATF 141 III 328, consid. 8.

99 ATF 141 III 328, consid. 6.6.

100 Idem.

101 Idem.

102 Idem.

103 FABRE-MAGNAN, p. 226.

104 ATF 141 III 328, consid. 6.6.

105 ATF 141 III 328, consid. 6.7.

(16)

C.

Excursus

: reconnaissance en l’absence de fraude à la loi ?

Comme nous l’avons vu, tout le raisonnement du Tribunal fédéral tourne autour du respect de l’ordre public suisse, et de la fraude à la loi. Quelle serait alors la décision des autorités suisses s’il n’y avait pas de fraude à la loi ?

Dans les arrêts rendus en 2015, le Tribunal fédéral a expressément laissé cette question ouverte106. De même, la doctrine considère que les jugements rendus par le Tribunal auraient pu être différents sans cette fraude à la loi107.

Prenons l’exemple suivant : deux parents d’intention, de nationalité suisse, sont domiciliés depuis plusieurs années en Californie, aux Etats-Unis, et vont continuer à y vivre encore de nombreuses années. Ils n’ont en tout cas aucune intention de revenir vivre en Suisse. Ils décident d’avoir un enfant par le biais d’une maternité de substitution, en respectant les conditions légales prévues par le droit de l’Etat de leur domicile. Après la naissance de l’enfant, les autorités californiennes délivrent un certificat de naissance, sur lequel il est indiqué que les parents d’intention sont les parents légaux de l’enfant. Etant de nationalité suisse, les parents d’intention doivent annoncer à l’état civil suisse ce lien de filiation créé à l’étranger. Est-ce que, dans un cas pareil, les autorités suisses pourront refuser la reconnaissance du certificat de naissance américain, en invoquant une violation de l’ordre public suisse ?

Dans l’exemple présenté, on ne peut pas dire qu’il y ait de fraude à la loi, ou de volonté de contourner le droit suisse : les liens avec la Suisse sont très lâches et ne reposent que sur la nationalité des parents d’intention, qui n’ont pas de domicile en Suisse depuis de nombreuses années et n’ont pas l’intention d’y revenir prochainement. Dans ce cas, il semble extrêmement compliqué de leur opposer la violation de l’ordre public suisse pour refuser de reconnaître le certificat de naissance américain. Le même raisonnement s’appliquera le cas échéant au motif d’ordre public du respect du bien de l’enfant, qui n’aurait pas été examiné par les autorités étrangères.

Comme les autorités suisses ne disposent que de ce motif – la violation de l’ordre public suisse – pour refuser de reconnaître un certificat de naissance étranger, et que la non- reconnaissance ne doit intervenir que de manière exceptionnelle, les autorités suisses seront probablement obligées de reconnaître les liens de filiation créés à l’étranger par le biais d’une maternité de substitution en l’absence de toute fraude à la loi.

IV. PRINCIPES DE DROIT INTERNATIONAL

Dans une deuxième étape de son raisonnement, le Tribunal fédéral a examiné si les conventions internationales auxquelles la Suisse est partie et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) imposent une reconnaissance de ces décisions étrangères en Suisse. Nous allons donc maintenant examiner le droit international applicable, puis la jurisprudence de la CourEDH, en nous penchant plus particulièrement sur certaines décisions de la CourEDH. Nous verrons alors comment il faut appliquer les principes établis par la CourEDH à nos cas d’espèce.

106 ATF 141 III 312, consid. 7 ; ATF 141 III 328, consid. 8.

107DUTOIT, article 68 N 11.

(17)

A. Droit applicable

La Suisse a ratifié la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)108. Cette Convention est en vigueur pour la Suisse depuis le 28 novembre 1974. Le droit d’obtenir la transcription d’un certificat de naissance étranger dans le registre d’Etat civil national ne figure pas directement dans les droits garantis par la CEDH109.

La Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (CV)110, à laquelle la Suisse est également partie, fixe certaines règles en matière d’interprétation des traités. Selon l’article 31 ch. 3 let. c, il faut tenir compte « de toute règle de droit international pertinente qui est applicable dans la relation entre les parties ». Ainsi, la CEDH « ne doit pas être interprétée isolément mais de manière à se concilier avec les principes généraux du droit international »111.

Il faut donc examiner s’il n’est pas possible de dégager un droit à la reconnaissance des certificats de naissance étrangers en interprétant la CEDH dans le contexte des autres traités internationaux pertinents112.

Parmi les autres traités internationaux pertinents en l’espèce figure la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (CDE)113.

B. CourEDH : droit au respect de la vie privée et familiale

Le Tribunal fédéral s’est inspiré de trois décisions récentes rendues par la CourEDH pour statuer sur ses recours. Dans les affaires Labassée contre France114 et Mennesson contre France115, il s’agit de couples français hétérosexuels dont le père d’intention est le père génétique des enfants conçus. Dans l’affaire Paradiso et Campanelli contre Italie116 par contre, il s’agit d’un couple italien hétérosexuel et marié, mais aucun des parents d’intention n’est le parent génétique de l’enfant conçu. La CourEDH examine la situation par rapport à l’article 8 CEDH, soit le droit au respect de la vie privée et familiale. Nous allons examiner quels sont les principes développés par la CourEDH et de quelle manière le Tribunal fédéral les a appliqués aux cas d’espèce.

108 RS 0.101.

109 Arrêt Paradiso et Campanelli contre Italie, par. 53.

110 RS 0.111.

111 Arrêt Nada contre Suisse, par. 169.

112 Arrêt Paradiso et Campanelli contre Italie, par. 53.

113 RS 0.107.

114 Arrêt Labassée contre France, par. 7.

115 Arrêt Mennesson contre France, par. 8.

116 Arrêt Paradiso et Campanelli contre Italie, par. 6 et 19.

(18)

a. Notion de « vie privée et familiale »

La vie privée protégée par l’article 8 CEDH protège des aspects de l’identité physique, mais aussi sociale117, dont le droit à l’identité118. Les liens de filiation font partie de cette identité sociale protégée119. Ils en sont même un élément essentiel120. Comme il y a un lien direct dans les cas d’espèce entre la vie privée des enfants et la détermination juridique de leurs liens de filiation, l’article 8 CEDH s’applique dans son volet « vie privée ».

Pour être protégée, la vie familiale présuppose l’existence d’une famille121. Le point déterminant est la réalité concrète de la relation entre les personnes qui estiment former une famille122. La famille « légitime » tout comme la famille « naturelle » peuvent être protégées123, de même que la famille qui existe de facto124. Dans les cas d’espèce, les parents d’intention s’occupent depuis la naissance des enfants comme si les liens de filiation avaient été reconnus, et mènent une vie familiale « normale » de facto. Cette vie familiale doit donc être protégée par l’article 8 CEDH qui s’applique ici également dans son volet « vie familiale »125.

b. Existence d’une ingérence

Selon la CourEDH, le refus des autorités étatiques de reconnaître juridiquement un lien familial entre les enfants et leurs parents de fait constituent une ingérence dans la vie privée et familiale des parents d’intention de même que dans celle des enfants.

Cette ingérence ne peut être justifiée que si trois conditions cumulatives sont remplies : la mesure incriminée doit être prévue par la loi, poursuivre un des buts légitimes prévus à l’article 8 § 2 CEDH et être nécessaire dans une société démocratique126.

c. Prévue par la loi

La mesure incriminée, soit ici la non-reconnaissance des liens de filiation valablement établis à l’étranger, doit être prévue dans une base légale en droit interne127. Cette base légale doit être prévisible, c’est-à-dire énoncer avec suffisamment de précision les conditions dans lesquelles une mesure peut être appliquée, afin de permettre aux personnes concernées de régler leur conduite en s’entourant au besoin de conseils éclairés128. Cette base légale doit aussi être accessible129. La CourEDH a par exemple considéré que cette condition était remplie si la base légale était publiée dans un journal officiel auquel les particuliers pouvaient avoir accès130.

117 Arrêt Mikulić contre Croatie, par. 53.

118 Arrêt Jäggi contre Suisse, par. 37.

119 Arrêt Mikulić contre Croatie, par. 54-55.

120 Arrêt Mennesson contre France, par. 46.

121 Arrêt Wagner contre Luxembourg, par. 117.

122 Arrêt Labassée contre France, par. 37.

123 Arrêt Marckx contre Belgique, par. 31.

124 Arrêt X, Y, Z contre Royaume-Uni, par. 36.

125 Arrêt Mennesson contre France, par. 45.

126 Arrêt Wagner contre Luxembourg, par. 124.

127 Arrêt Rotaru contre Roumanie, par. 52.

128 Arrêt Rotaru contre Roumanie, par. 54-55.

129 Arrêt Rotaru contre Roumanie, par. 52.

130 Idem.

(19)

Comme nous l’avons vu précédemment, le droit suisse interdit expressément toute forme de maternité de substitution dans la Constitution et la LPMA131, et un changement de législation n’est pas du tout à l’ordre du jour132.

Ces bases légales n’empêchent pas expressément la reconnaissance de liens de filiation établis légalement à l’étranger par le biais d’une maternité de substitution. La CourEDH considère néanmoins que la condition de prévisibilité est donnée. Dans ces conditions, les parents d’intention ne peuvent en effet pas ignorer sans autre les risques sérieux que le juge refuse de reconnaître les certificats de naissance établissant des liens de filiation entre les enfants et leurs parents d’intention, et ce d’autant plus s’il n’y a pas de pratique antérieure plus souple ou libérale en la matière133.

Ces deux lois sont aussi accessibles aux particuliers. Elles se trouvent très facilement en ligne, et la Constitution est disponible gratuitement dans de nombreux magasins.

La condition de la base légale est donc remplie ici.

d. Poursuite d’un but légitime au sens de l’article 8 § 2 CEDH

Les buts légitimes que peut poursuivre l’Etat dans le cadre d’une ingérence sont les suivants : assurer la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, et la protection des droits et libertés d’autrui134. Cette liste de buts légitimes est exhaustive135. En interdisant la maternité de substitution, la législation suisse poursuit deux buts : la protection de la femme contre l’instrumentalisation, et la protection de l’enfant. La femme ne doit pas être exposée à un conflit entre le lien psychologique qu’elle a formé avec l’enfant qu’elle a porté durant neuf mois et le contrat passé avec les parents d’intention, tandis que l’enfant ne doit pas être considéré comme une simple chose que l’on peut commander à autrui136. Le refus de reconnaissance des liens de filiation établis à l’étranger par le biais d’une maternité de substitution se justifie, selon les autorités suisses, pour le motif suivant : décourager les ressortissants suisses à recourir à l’étranger à une méthode prohibée sur le territoire suisse, afin de ne pas vider de leurs substances les interdictions consacrées dans la loi137.

Selon la CourEDH, cette interdiction et ce refus de reconnaissance poursuivent trois des buts légitimes consacrés par l’article 8 § 2 CEDH : la « protection de la santé », la « protection des droits et libertés d’autrui », et la « défense de l’ordre »138.

131 Article 119 al. 2 let. d Cst. ; article 4 LPMA.

132 CONSEIL FEDERAL,Réponse.

133 Arrêt Mennesson contre France, par. 58.

134 Article 8 § 2 CEDH.

135 IK EMRK-WILDHABER/BREITENMOSER, N 11.

136 ATF 141 III 312, consid. 4.2.1.

137 ATF 141 III 328, consid. 6.7.

138 Arrêt Mennesson contre France, par. 62 ; arrêt Labassée contre France, par. 54 ; arrêt Paradiso et Campanelli contre Italie, par. 73.

(20)

e. Nécessité dans une société démocratique

Pour être « nécessaire dans une société démocratique », la mesure incriminée doit être fondée sur un besoin social impérieux139. De plus, la proportionnalité doit être respectée entre l’atteinte à la vie privée et familiale causée par la mesure incriminée et le but recherché par cette mesure140.

La marge d’appréciation des Etats pour décider de ce qui est « nécessaire », « dans une société démocratique », dépend de plusieurs facteurs141. Ainsi, s’il n’y a pas de consensus entre les Etats parties à la Convention sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, l’Etat dispose normalement d’une large marge d’appréciation, d’autant plus si l’affaire suscite des questions éthiques difficiles142. La marge d’appréciation des Etats sera au contraire fortement réduite si un aspect particulièrement important de l’identité d’un individu se trouve en jeu143.

Il convient premièrement de constater qu’il n’existe pas de consensus en Europe : les législations sont très différentes aussi bien sur la question de la légalité de la gestation pour autrui que sur celle de la reconnaissance des liens de filiation légalement établis à l’étranger grâce à une maternité de substitution144. L’Etat dispose donc d’une large marge d’appréciation, et n’est en principe pas obligé ni d’autoriser cette forme de procréation sur son territoire, ni de reconnaître les liens de filiation valablement établis à l’étranger par cette méthode145.

Deuxièmement, la filiation - et son établissement juridique - touche un aspect essentiel de l’identité de tout individu146. La marge d’appréciation à disposition des Etats concernant la reconnaissance ou non de ces liens de filiation doit donc être restreinte147.

Enfin, même lorsque l’Etat dispose d’une marge d’appréciation plutôt large, il doit s’assurer de rechercher un juste équilibre entre ses propres intérêts et ceux des individus directement touchés par la solution choisie148. Il devra également respecter un principe essentiel : chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, c’est l’intérêt de l’enfant qui doit primer sur tous les autres149. La nécessité de la mesure doit donc s’analyser différemment selon si ce sont les parents ou les enfants qui sont touchés150.

- Par rapport aux parents d’intention

Pour déterminer si la proportionnalité a été respectée, il faut examiner quelles sont les difficultés concrètes que les parents d’intention doivent surmonter en l’absence de reconnaissance des liens de filiation151.

139 Arrêt Wagner contre Luxembourg, par. 124.

140 Idem.

141 Arrêt Negrepontis-Giannisis contre Grèce, par. 69.

142 Arrêt S.H. contre Autriche, par. 94.

143 Idem.

144 Arrêt Mennesson contre France, par. 78.

145 Arrêt Mennesson contre France, par. 79

146 Arrêt Mennesson contre France, par. 80.

147 Idem.

148 Arrêt S.H. contre Autriche, par. 97.

149 Arrêt Gnahoré contre France, par. 59.

150 Arrêt Labassée contre France, par. 65.

151 Arrêt Mennesson contre France, par. 92.

(21)

Ces difficultés concrètes doivent être insurmontables et empêcher les parents d’intention de vivre leur vie familiale pour que la proportionnalité ne soit pas respectée152. De simples risques potentiels pesant sur la vie familiale des parents ne suffisent pas, même s’ils sont sérieux153. Dans les cas jugés par le Tribunal fédéral, les parents d’intention ont pu s’établir en Suisse avec leurs enfants dès que les documents de voyage ont été établis. Ils vivent toujours en Suisse dans des conditions de vie comparables à celles des autres familles, malgré l’absence de liens de filiation juridiquement reconnus par les autorités suisses. Même si elles ont nommé un tuteur aux enfants dans un cas, les autorités suisses n’ont jamais laissé craindre une séparation des enfants de leurs parents d’intention.

Dans ces circonstances, selon la CourEDH, l’Etat respecte le principe de proportionnalité entre les intérêts de parents à faire reconnaître juridiquement les liens de filiation sociaux et les intérêts de l’Etat à ne pas reconnaître ces liens de filiation créés par une maternité de substitution à l’étranger154. L’Etat ne dépasse pas les limites de sa marge d’appréciation en refusant de reconnaître la décision étrangère155.

Cette ingérence dans la vie privée et familiale des parents peut donc être considérée comme

« nécessaire », « dans une société démocratique », et est ainsi justifiée156. - Par rapport aux enfants nés de la maternité de substitution

Le droit au respect de la vie privée et familiale implique que chacun doit pouvoir établir son identité, y compris sa filiation157. La filiation biologique est un élément essentiel de l’identité de chacun158. Priver l’enfant de la reconnaissance juridique de sa filiation biologique n’est pas conforme à son intérêt, d’autant plus si la réalité de cette filiation biologique est établie et que l’enfant de même que ses parents biologiques en revendiquent la reconnaissance juridique159. Comme l’intérêt de l’enfant doit primer dans toutes les décisions le concernant, l’Etat dépasse les limites de sa marge d’appréciation en refusant de reconnaître les liens de filiation entre un enfant et son parent biologique160.

Par contre, si les parents d’intention n’ont pas de liens génétiques avec l’enfant, la CourEDH a considéré que la décision de l’Etat de ne pas reconnaître les liens de filiation n’était pas

« déraisonnable » (mais sans examiner la question en détail)161.

C’est ainsi que le Tribunal fédéral a estimé que les liens de filiation entre A.B et l’enfant D.B devaient être reconnus puisque A.B. est le père génétique de l’enfant. Dans ce cas, le bien de l’enfant impose cette reconnaissance, malgré la contrariété à l’ordre public suisse162. Il a par contre estimé ne pas devoir reconnaître les autres liens de filiation établis à l’étranger, soit entre C.E. et D.B et entre les époux A. et leurs enfants D.A et E.A, en l’absence de liens génétiques entre les parents d’intention et les enfants163.

152 Arrêt Mennesson contre France, par. 92.

153 Idem.

154 Arrêt Mennesson contre France, par. 95.

155 Arrêt Mennesson contre France, par. 94.

156 Arrêt Mennesson contre France, par. 102.

157 Arrêt Labassée contre France, par. 99.

158 Arrêt Mennesson contre France, par. 46.

159 Arrêt Labassée contre France, par. 100.

160 Idem.

161 Arrêt Paradiso et Campanelli contre Italie, par. 77.

162 ATF 141 III 312, consid. 6.2.

163 ATF 141 III 328, consid. 7.2.

(22)

C. Droits de l'enfant

Le Tribunal fédéral a examiné le respect des droits de l’enfant sous l’angle des articles 2, 3 et 7 CDE. Selon lui, les décisions de reconnaissance partielle et de non-reconnaissance respectent malgré tout les droits des enfants concernés164.

L’article 2 CDE indique que l’enfant ne doit pas être victime de discrimination (fondée notamment sur son origine nationale ou sa naissance). Selon le Tribunal fédéral, le fait de ne pas reconnaître des liens de filiation établis par le biais d’une maternité de substitution en l’absence de liens génétiques entre le parent d’intention et l’enfant n’est pas constitutif d’une discrimination165.

L’article 3 CDE consacre le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être respecté dans toute décision le concernant et son bien-être protégé. Le Tribunal fédéral considère, dans le premier cas, que le statut juridique de l’enfant dont le lien de filiation a été reconnu avec son père biologique est suffisamment protégé, d’autant plus que l’enfant ne serait pas sans relation juridique avec son deuxième père d’intention. Dans le deuxième cas avec les enfants dont les liens de filiation n’ont pas du tout été reconnus par les autorités suisses, le Tribunal fédéral estime que le respect de l’intérêt supérieur des enfants devra être examiné dans le cadre de la procédure d’adoption166.

Enfin, selon l’article 7 CDE, l’enfant doit être enregistré dès sa naissance et il a droit à un nom, à une nationalité, et à connaître et à être élevé par ses parents dans la mesure du possible.

L’enfant a le droit d’acquérir une nationalité afin de ne pas être apatride167. Cependant, les Etats restent libres de décider les conditions et modalités permettant d’obtenir la nationalité168. Dans le premier cas, l’enfant a été enregistré aux Etats-Unis et en Suisse, grâce à la reconnaissance de son lien de filiation avec son père biologique. Il a aussi acquis la nationalité des deux pays : celle des Etats-Unis en naissant sur sol américain, et celle de la Suisse par la reconnaissance du lien de filiation avec son père biologique. Enfin, l’enfant porte le nom de famille de son père biologique et peut vivre avec son père biologique. Dans le deuxième cas, les enfants ont été enregistré aux Etats-Unis, et ont acquis la nationalité américaine ; un nom leur a également été attribué de par leur enregistrement aux Etats-Unis. Enfin, dans les deux cas, les enfants vivent avec leurs parents de fait et les autorités ne manifestent pas d’intention de les séparer.

D’après le Tribunal fédéral, les exigences posées par la CDE sont donc respectées dans les deux cas d’espèce169.

164 ATF 141 III 312, consid. 6.4.3 ; ATF 141 III 328, consid. 7.4.

165 ATF 141 III 328, consid. 7.4

166 ATF 141 III 312, consid. 6.4.3 ; ATF 141 III 328, consid. 7.4.

167 SCHMAHL, Article 7/8, N 4.

168 Idem.

169 ATF 141 III 312, consid. 6.4.3 ; ATF 141 III 328, consid. 7.4.

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